OBJECTIF CONSEILLER
34
CONFORMITÉ
JEAN-SÉBASTIEN PROULX
MÉCANISME DE TRAITEMENT DES PLAINTES
La deuxième version
est-elle améliorée?
Autorité des marchés financiers
(AMF) vient d’annoncer un
nouveau mécanisme de traite-
ment des plaintes, résultat de ses
réflexions à la suite de la lecture des
mémoires déposés par les interve-
nants sur son projet initial. Les com-
mentaires des intervenants semblent
avoir porté fruit pour de nombreux
éléments. Il est intéressant de consta-
ter qu’il y a de l’écoute à l’intérieur de
la nouvelle organisation. Précisons
d’emblée que la «mécanique» est plus
raffinée et que le processus est mieux
articulé. Pensons notamment au délai
d’envoi de l’accusé de réception qui a
été prolongé, à la catégorisation des
plaintes (1er et 2eniveau) et à l’aban-
don de la notion de plainte verbale.
Cependant, certains éléments
apparaissent encore difficilement
compatibles avec une saine gestion
du traitement des plaintes.
Poursuites judiciaires et plaintes
Notre inquiétude est centrée sur le fait
que le cabinet doit traiter toute pour-
suite judiciaire comme une plainte,
alors qu’une plainte et une poursuite
judiciaire demeurent, à notre avis,
deux choses distinctes. Si le client choi-
sit de poursuivre le représentant et son
cabinet, nous ne voyons pas comment
ce dernier pourra, sans préjudice, arri-
ver à orchestrer le tout et demeurer
cohérent dans le processus. Il est illo-
gique de procéder ainsi. Les deux pro-
cessus devraient être «étanches».
Si le cabinet est convaincu de
n’avoir rien à se reprocher et le client,
lui, de ses prétentions, l’examen du
dossier pourrait s’étendre sur une
longue période avant qu’un dénoue-
ment ne soit observé. Comment alors
un cabinet pourrait-il traiter en même
temps le dossier comme une plainte?
De surcroît, comment l’assureur du
cabinet réagirait dans les traitements
en parallèle du dossier? Est-ce que
«traiter» une plainte pourrait signifier
au client que le cabinet accuse récep-
tion de sa plainte et préfère attendre la
fin du processus judiciaire? Serait-ce
acceptable comme réponse par
l’AMF? Traiter une poursuite parallè-
lement à une plainte pourrait par
contre inciter les deux parties à négo-
cier et à régler le tout rapidement,
mais, si tel était le but de cette exi-
gence, ce n’était pas la meilleure et la
plus cohérente façon d’y arriver.
Toutefois, rien n’empêche le plai-
gnant de déposer une demande d’en-
quête à l’organisme d’autoréglementa-
tion concerné (Chambre de la sécurité
financière ou Chambre de l’assurance
de dommages) si des fautes profes-
sionnelles sont invoquées, et ce,
concurremment à une plainte à l’AMF
ou encore à une poursuite. Il est très
stratégique pour le client d’agir ainsi.
Médiation
Même si la médiation, dans le projet
initial, était sous la responsabilité de la
même direction qui traitait les plaintes
à l’AMF, nous demeurons convaincus
de l’inutilité d’une telle offre de ser-
vices à l’externe dans le contexte
actuel. Présentement, suivant la disci-
pline touchée par la plainte, d’autres
organismes peuvent offrir différents
services à cet effet. D’autres recours
sont aussi possibles.
■L’Ombudsman des services ban-
caires et d’investissement (OSBI);
■Le Service de conciliation des assu-
rances de personnes du Canada;
■Le Service de conciliation en assu-
rance de dommages;
■Une demande d’enquête à
l’ACCOVAM pour les cabinets et
représentants en valeurs mobilières;
■Une demande d’arbitrage à
l’ACCOVAM;
■La Chambre de la sécurité finan-
cière pour toute question déontolo-
gique concernant les représentants;
■Une poursuite au civil par le client.
On constate donc qu’il est impen-
sable de faire de l’AMF un guichet
unique sans ajouter à la confusion du
consommateur et sans ajouter
inutilement au fardeau financier
de l’industrie.
Bien qu’il soit logique que le légis-
lateur, dans un souci d’aide au consom-
mateur, ait pensé à introduire cette for-
mule de règlement qui s’articule bien
autour de la création d’un nouvel orga-
nisme de contrôle grâce auquel le
consommateur bénéficie justement
d’une protection accrue, ce n’est pas
parce qu’on crée un nouvel organisme
qu’il faut créer des recours supplé-
mentaires. Entendons-nous bien : nous
ne rejetons pas la notion de médiation,
nous croyons plutôt qu’il y a présente-
ment d’autres recours identiques
offerts par l’industrie et que multiplier
les recours ne fera qu’accroître le
degré de confusion du consommateur
et ultimement qu’amener des déci-
sions contradictoires pour un même
dossier. Ainsi, pour une plainte contre
un professionnel de plein exercice en
valeurs mobilières, un consommateur
pourrait aller en médiation à l’AMF,
déposer une plainte à l’OSBI, une
L’