OBJECTIF CONSEILLER
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CONFORMITÉ
JEAN-SÉBASTIEN PROULX
MÉCANISME DE TRAITEMENT DES PLAINTES
La deuxième version
est-elle améliorée?
Autorité des marchés financiers
(AMF) vient d’annoncer un
nouveau mécanisme de traite-
ment des plaintes, résultat de ses
réflexions à la suite de la lecture des
mémoires déposés par les interve-
nants sur son projet initial. Les com-
mentaires des intervenants semblent
avoir porté fruit pour de nombreux
éléments. Il est intéressant de consta-
ter qu’il y a de l’écoute à l’intérieur de
la nouvelle organisation. Précisons
d’emblée que la «mécanique» est plus
raffinée et que le processus est mieux
articulé. Pensons notamment au délai
d’envoi de l’accusé de réception qui a
été prolongé, à la catégorisation des
plaintes (1er et 2eniveau) et à l’aban-
don de la notion de plainte verbale.
Cependant, certains éléments
apparaissent encore difficilement
compatibles avec une saine gestion
du traitement des plaintes.
Poursuites judiciaires et plaintes
Notre inquiétude est centrée sur le fait
que le cabinet doit traiter toute pour-
suite judiciaire comme une plainte,
alors qu’une plainte et une poursuite
judiciaire demeurent, à notre avis,
deux choses distinctes. Si le client choi-
sit de poursuivre le représentant et son
cabinet, nous ne voyons pas comment
ce dernier pourra, sans préjudice, arri-
ver à orchestrer le tout et demeurer
cohérent dans le processus. Il est illo-
gique de procéder ainsi. Les deux pro-
cessus devraient être «étanches».
Si le cabinet est convaincu de
n’avoir rien à se reprocher et le client,
lui, de ses prétentions, l’examen du
dossier pourrait s’étendre sur une
longue période avant qu’un dénoue-
ment ne soit observé. Comment alors
un cabinet pourrait-il traiter en même
temps le dossier comme une plainte?
De surcroît, comment l’assureur du
cabinet réagirait dans les traitements
en parallèle du dossier? Est-ce que
«traiter» une plainte pourrait signifier
au client que le cabinet accuse récep-
tion de sa plainte et préfère attendre la
fin du processus judiciaire? Serait-ce
acceptable comme réponse par
l’AMF? Traiter une poursuite parallè-
lement à une plainte pourrait par
contre inciter les deux parties à négo-
cier et à régler le tout rapidement,
mais, si tel était le but de cette exi-
gence, ce n’était pas la meilleure et la
plus cohérente façon d’y arriver.
Toutefois, rien n’empêche le plai-
gnant de déposer une demande d’en-
quête à l’organisme d’autoréglementa-
tion concerné (Chambre de la sécurité
financière ou Chambre de l’assurance
de dommages) si des fautes profes-
sionnelles sont invoquées, et ce,
concurremment à une plainte à l’AMF
ou encore à une poursuite. Il est très
stratégique pour le client d’agir ainsi.
Médiation
Même si la médiation, dans le projet
initial, était sous la responsabilité de la
même direction qui traitait les plaintes
à l’AMF, nous demeurons convaincus
de l’inutilité d’une telle offre de ser-
vices à l’externe dans le contexte
actuel. Présentement, suivant la disci-
pline touchée par la plainte, d’autres
organismes peuvent offrir différents
services à cet effet. D’autres recours
sont aussi possibles.
L’Ombudsman des services ban-
caires et d’investissement (OSBI);
Le Service de conciliation des assu-
rances de personnes du Canada;
Le Service de conciliation en assu-
rance de dommages;
Une demande d’enquête à
l’ACCOVAM pour les cabinets et
représentants en valeurs mobilières;
Une demande d’arbitrage à
l’ACCOVAM;
La Chambre de la sécurité finan-
cière pour toute question déontolo-
gique concernant les représentants;
Une poursuite au civil par le client.
On constate donc qu’il est impen-
sable de faire de l’AMF un guichet
unique sans ajouter à la confusion du
consommateur et sans ajouter
inutilement au fardeau financier
de l’industrie.
Bien qu’il soit logique que le légis-
lateur, dans un souci d’aide au consom-
mateur, ait pensé à introduire cette for-
mule de règlement qui s’articule bien
autour de la création d’un nouvel orga-
nisme de contrôle grâce auquel le
consommateur bénéficie justement
d’une protection accrue, ce n’est pas
parce qu’on crée un nouvel organisme
qu’il faut créer des recours supplé-
mentaires. Entendons-nous bien : nous
ne rejetons pas la notion de médiation,
nous croyons plutôt qu’il y a présente-
ment d’autres recours identiques
offerts par l’industrie et que multiplier
les recours ne fera qu’accroître le
degré de confusion du consommateur
et ultimement qu’amener des déci-
sions contradictoires pour un même
dossier. Ainsi, pour une plainte contre
un professionnel de plein exercice en
valeurs mobilières, un consommateur
pourrait aller en médiation à l’AMF,
déposer une plainte à l’OSBI, une
L
demande d’enquête à l’ACCOVAM,
une demande d’arbitrage à
l’ACCOVAM, en plus de poursuivre
au civil le cabinet et le représentant.
L’avantage d’un «organisme»
affecté seulement à la conciliation ou
à la médiation (comme les autres
organismes mentionnés plus haut)
est qu’il serait probablement plus
cohérent dans le traitement des dos-
siers (établissant ainsi une façon de
faire). Cela se refléterait également
sur le plan des connaissances et des
concepts reliés à l’industrie finan-
cière, puisque l’organisme en ques-
tion ne ferait que cela. De plus,
lorsque le dossier est «confié» à un
médiateur à l’externe, parle-t-on de
déléguer, d’impartir ou encore de
confier un mandat, puisque la média-
tion semble toujours relever de l’Au-
torité? L’article 189,1 de la Loi 188
sur la distribution des produits et ser-
vices financiers ne trouverait donc
pas son application. À cet effet, étant
donné le caractère nébuleux de la
relation entre l’Autorité et le média-
teur, est-ce que les articles 103,2,
103,3 et 103,4 trouveraient leur
application? Ensuite, qu’est-ce que
l’Autorité pourra faire avec le rap-
port? Pourra-t-elle s’en servir pour
aller à la «pêche à l’infraction»? Si le
cabinet refuse d’adopter les conclu-
sions du médiateur, qu’arrivera-t-il?
ASSISTANCE AUPRÈS DU
CONSOMMATEUR POUR LA
RÉDACTION DE LA PLAINTE
Dans la première version du méca-
nisme de traitement des plaintes, celle
de juillet 2003, aider ou assister le
client dans la rédaction de sa plainte
était une obligation du cabinet.
Maintenant, l’AMF offrira ce
service aux consommateurs par le
biais de son centre de renseigne-
ment et de référence. L’AMF
semble avoir réalisé qu’elle ne pou-
vait mettre les cabinets en situation
de conflit d’intérêts et aider en
même temps le consommateur.
Or on a potentiellement remplacé
un conflit d’intérêts par un autre.
L’AMF devra démontrer, à notre avis,
qu’elle ne fera qu’aider le consomma-
teur à comprendre les concepts et le
fonctionnement de l’industrie reliés
aux services financiers et non à l’aider
à formuler sa plainte en lui donnant
des conseils sur ce qu’il faut faire et évi-
ter. Lorsqu’on indique que l’AMF peut
procurer de l’aide à la rédaction dans
certains cas, cela doit être conscien-
cieusement dosé et balisé pour éviter
la partialité et tout biais de sa part en
faveur du consommateur. En effet, il
n’est pas du rôle de l’AMF de
«conseiller» un client sur ce qu’il faut
écrire ou non dans la plainte et com-
ment l’écrire pour «avoir plus de suc-
cès» auprès du cabinet. Le système
mis en place pourrait susciter dans cer-
taines situations un doute et potentiel-
lement rendre les décisions qu’elle
pourrait rendre par la suite attaquables.
Nous pouvons donc constater une
amélioration notable par rapport au
premier document déposé en
juillet 2003. Globalement, le
consommateur est celui qui bénéfi-
ciera le plus de l’ajout de ces
mesures. Nous ne pouvons alors
qu’applaudir le caractère vertueux de
ces nouvelles orientations.
Toutefois, ces nouvelles façons de
faire sont si nombreuses, relativement
à celles qui étaient en vigueur aupara-
vant, que nous devons nous demander
si la situation était à ce point
défaillante et critique ou encore si
c’était une motivation pour créer une
structure et un guichet unique pour
assurer une superprotection du
consommateur, dans un superorga-
nisme, sur le dos du représentant qui
se retrouve «marginalisé» au sein
d’une dynamique qui l’a plutôt exclu
qu’intégré. On constate aisément un
«décalage» entre les nouvelles
mesures et la réalité quotidienne des
gens de l’industrie. Nous verrons à
l’usage l’efficacité et la justesse de ces
nouvelles mesures.
Jean-Sébastien Proulx, LL. B., B.A.
OC
MARS 2004
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«Ce n’est pas parce qu’on crée un nouvel organisme
qu’il faut créer des recours supplémentaires.»
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