DOSSIER THÉMATIQUE
La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. IV - juin 2001
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H. pylori négatif est très faible. Ainsi, chez un sujet jeune sans
signe d’alarme l’American Gastroenterological Association (1),
comme d’autres sociétés savantes, propose une stratégie test and
treat ou “tester et traiter” qui consiste en un traitement d’éradi-
cation en cas de sérologie positive pour H. pylori. En cas de patho-
logie ulcéreuse liée à H. pylori, les symptômes doivent dispa-
raître. En l’absence d’efficacité du traitement ou si la sérologie
de H. pylori est négative, une endoscopie est recommandée. En
France, la stratégie “tester et traiter” n’est pour l’instant pas
recommandée par la conférence de consensus consacrée à
H. pylori.
Physiopathologie
La physiopathologie de la dyspepsie fonctionnelle peut faire inter-
venir de très nombreux facteurs, parfois associés. Longtemps au
premier plan, le rôle de la sécrétion acide gastrique est proba-
blement limité car il n’y a pas d’anomalie significative de la sécré-
tion gastrique chez les patients dyspeptiques. Toutefois, les anti-
sécrétoires sont parfois efficaces, comme l’a montré une étude
récente avec l’oméprazole, mais le bénéfice symptomatique est
modeste et on ne peut exclure que certains patients aient en réa-
lité des symptômes liés à un RGO (5). Les troubles moteurs
gastroduodénaux au cours de la dyspepsie fonctionnelle sont
essentiellement représentés par la gastroparésie, mise en évidence
chez environ 50 % des patients dyspeptiques, sans corrélation
étroite avec la présentation symptomatique. Plus récemment, les
troubles de l’accommodation de l’estomac proximal ont été carac-
térisés (3) à l’aide d’outils comme le barostat électronique ou
l’échographie. Ce trouble moteur pourrait représenter une nou-
velle cible thérapeutique comme l’ont montré les études utilisant
les agonistes des récepteurs de la sérotonine de type 5-HT1 tels
que le sumatriptan (3).
Incontestablement, ce sont les troubles de la perception viscérale
et la controverse à propos de H. pylori qui ont le plus mobilisé
les efforts de recherche clinique et préclinique à travers le monde.
L’hypersensibilité à la distension gastrique et duodénale est
mise en évidence chez environ la moitié des patients présentant
des symptômes de dyspepsie fonctionnelle (7). Cette hypersen-
sibilité viscérale peut d’ailleurs être révélée à d’autres niveaux
du tube digestif (rectum, œsophage), alors que la sensibilité soma-
tique de ces patients est normale. Les anomalies de perception
viscérale peuvent être associées à des troubles moteurs, mais ne
sont pas liées à un trouble de la compliance de la paroi gastrique.
Les mécanismes impliqués dans l’hypersensibilité viscérale sont
encore largement méconnus ; ils peuvent intervenir à tous les
niveaux d’intégration du message afférent (récepteurs pariétaux,
système nerveux intrinsèque, système nerveux central, etc.). Le
rôle des neuropeptides et d’hormones peptidiques comme la séro-
tonine ou la cholécystokinine dans le contrôle des sensations post-
prandiales a été mis en évidence dans plusieurs études physiolo-
giques et pharmacologiques (8), ce qui peut laisser entrevoir à
terme des applications en thérapeutique. Toutefois, à l’heure
actuelle, si les connaissances dans le domaine de la sensibilité
viscérale s’accumulent, nous ne disposons d’aucun traitement
capable d’agir spécifiquement sur la sensibilité viscérale au cours
des troubles fonctionnels digestifs.
Le rôle de la gastrite associée à H. pylori dans la pathogénie de
la dyspepsie fonctionnelle est encore largement débattu. Sur le
plan physiopathologique, l’infection par H. pylori n’a été asso-
ciée ni à une hypersensibilité viscérale, ni à un trouble moteur
gastro-duodénal particulier. Sur le plan clinique, si l’infection
aiguë par H. pylori peut être à l’origine de symptômes, aucun pro-
fil symptomatique n’a été associé à l’infection par H. pylori. Enfin,
sur le plan thérapeutique, la plupart des essais cliniques rando-
misés n’ont pas mis en évidence d’effet bénéfique de l’éradica-
tion de H. pylori sur l’évolution des symptômes de dyspepsie
fonctionnelle (9, 10). On estime que 10 à 20 % des patients seu-
lement pourraient tirer bénéfice d’un traitement éradicateur com-
paré au placebo (11), mais aucun facteur prédictif de réponse au
traitement n’a encore été identifié.
Traitement
Le nombre important des traitements proposés dans la dyspepsie
fonctionnelle témoigne de l’absence de traitement réellement
satisfaisant. L’analyse des essais cliniques publiés dans la litté-
rature montre que l’effet placebo est très important dans cette
pathologie.
Les mesures hygiéno-diététiques peuvent être utiles en parti-
culier en cas de symptômes postprandiaux dans les dyspepsies
motrices. Si la restriction concernant les aliments riches en
graisses est fréquemment suggérée, le fractionnement des repas
peut aussi s’avérer efficace pour soulager des symptômes parfois
très invalidants qui peuvent dans certains cas retentir sur l’état
nutritionnel du patient. La suppression du tabac, de l’alcool et des
AINS est souvent proposée sans pour autant que l’efficacité de
ces mesures ait réellement été démontrée.
Les antiacides et les anti-H2 n’ont pas fait la preuve formelle
de leur efficacité dans des études contrôlées. Le rôle des inhibi-
teurs de la pompe à protons est discuté. En effet, deux études
randomisés ont montré un effet modeste mais significatif du trai-
tement par oméprazole sur les symptômes de dyspepsie fonc-
tionnelle (5, 12). Ces effets seraient plus marqués chez les patients
infectés par H. pylori en raison d’une inhibition plus importante
de la sécrétion acide (12).
L’utilisation des prokinétiquespeut se concevoir chez les patients
présentant des symptômes de dyspepsie motrice, car ces compo-
sés sont supposés accélérer la vidange gastrique. Néanmoins, nous
avons rappelé qu’il n’y avait pas de corrélation étroite entre les
troubles moteurs mis en évidence et la présentation symptoma-
tique des patients. Le métoclopramide et le dompéridone sem-
blent supérieurs au placebo dans le traitement de la dyspepsie
fonctionnelle, mais les études sont relativement anciennes et peu