Noël Amenc,
Professeur à l’EDHEC Business School, Directeur du Centre de Recherche
EDHEC Risk & Asset Management et
membre du conseil scientifique de l’AMF
Felix Goltz
Ingénieur de Recherche sénior,
Centre de Recherche EDHEC Risk & Asset Management
Août 2007
Les indices de Hedge Funds
sont-ils ou non des indices
financiers au sens de UCITS ?
Une réponse
Les Cahiers scientifiques - n°5
Département des Études
Les Cahiers scientifiques - n°5 - Août 2007 Autorité des marchés financiers Page 2
Introduction
Les indices de hedge funds ont connu une croissance importante au cours des années passés, reflétant à la
fois la croissance générale de l’industrie des hedge funds et le renforcement de la position des indices par
rapport à d’autres véhicules d’investissement, tels que les fonds de fonds. Cet intérêt envers les indices est
dû pour l’essentiel aux investisseurs institutionnels, ceux-ci affichant une forte préférence envers les inves-
tissements caractérisés par des frais faibles, de la transparence et un niveau de risque bien contrôlé. Des
produits dérivés basés sur des indices de hedge funds, tels que les certificats négociés, étant disponibles
sur le marché, les fonds d’investissement européens pourraient, en principe, inclure de tels instruments
dans leurs portefeuilles d’investissement. Pour que cela puisse réellement être le cas, il faudrait cependant
que ces instruments soient rendus éligibles par le régulateur. Un article1 récemment publié par François
Serge Lhabitant s’est penché sur la question de savoir si les indices de hedge funds pouvaient ou non être
déclarés conformes à la directive UCITS. Nous avons décidé d’apporter une réponse à cet article pour un
certain nombre de raisons. Tout d’abord, l’article de Lhabitant (2006) est tout à fait exhaustif en ce qui
concerne les arguments qui ont été mis en avant contre l’éligibilité des indices de hedge funds à UCITS. En
second lieu, les opinions présentées dans le document ont été mises en avant par le régulateur français
qu’est l’Autorité des marchés financiers, lequel a publié cet article dans sa série d’articles de recherche et en
a fait la promotion auprès du Comité des régulateurs des marchés européens de valeurs mobilières
(Committee of European Securities Regulators, CESR). En retour, le CESR a adopté quelques unes de ces
vues dans son Issues paper 06-530 d’octobre 20062 exposant la problématique des indices de hedge funds,
document dans lequel il s’efforce de collecter, auprès des intervenants du marché, des éléments permettant
de nourrir le contexte, avant de potentielles clarifications réglementaires du statut des indices de hedge
funds. Pour toutes ces raisons, il nous semble intéressant d’utiliser un article d’une telle qualité comme base
de discussion des problèmes relatifs à l’éligibilité UCITS des indices de hedge funds.
Dans le présent document, nous allons examiner les arguments mis en avant par Lhabitant (2006). Nous
allons en particulier vérifier si les problèmes qui y sont soulignés, concernant les indices de hedge funds,
existent aussi pour d’autres indices, qui semblent quant à eux largement acceptés. Nous arrivons à la
conclusion que les limites des indices de hedge funds que signalent Lhabitant (2006) existent en effet. Ce-
pendant, nous montrons également qu’il existe des solutions à ces problèmes, à savoir que des indices de
hedge funds de qualité sont actuellement disponibles, alors que Lhabitant (2006) ne les voit encore que
comme une possibilité à venir. De plus, il semble qu’il existe une confusion entre indices investissables et
indices non investissables, puisque beaucoup des problèmes soulignés pour les indices non investissables
(et tout particulièrement les biais sur les données) sont moins graves pour les indices investissables. Aussi
est-il surprenant que Lhabitant (2006) insiste autant sur les problèmes de biais sur les données, alors que la
seule catégorie d’indices pertinents pour la directive UCITS est la catégorie des indices investissables, qui
sont les seuls à pouvoir faire l’objet de dérivés facilement « couvrables ».
1 Voir Lhabitant (2006).
2 Voir CESR (2006).
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Nous affirmons de plus que la plupart des problèmes évoqués ne sont pas spécifiques aux indices de hedge
funds, mais existe aussi pour des instruments qui sont bien acceptés, tels que les indices de marché. Aussi,
il semble contradictoire de rejeter les indices de hedge funds, comparativement au traitement qui est fait des
indices portant sur les autres classes d’actifs, confrontés eux aussi aux mêmes types de problèmes. Pour
toutes ces raisons, il serait regrettable de rejeter tous les indices de hedge funds, sans faire la distinction
entre ceux qui constituent des indices de qualité et ceux qui se prévalent du terme « indice » uniquement
pour des raisons marketing, sans remplir les qualités requises.
Notons également qu’il existe plusieurs types d’indices de hedge funds et que l’on peut classer ces indices
en deux groupes. Une première distinction se fait entre indices investissables et indices non investissables.
Nous montrerons dans ce document que la plupart des critiques formulées par Lhabitant (2006) s’applique
aux indices non investissables. Nous montrerons aussi que les indices investissables peuvent contourner
les biais de données, propres aux indices non investissables, et qu’il existe des méthodes qui permettent de
rendre les indices investissables réellement représentatifs. Une deuxième distinction se fait entre les indices
de stratégie, qui se rapportent à un style ou une stratégie de hedge funds donné, et les indices de hedge
funds globaux, qui sont obtenus par l’agrégation des fonds appartenant à tous les styles d’investissement.
La construction d’indices représentatifs est, de loin, un objectif beaucoup plus réalisable en ce qui concerne
les indices de stratégie, pour lesquels il est possible de parvenir à la représentativité d’un style donné, qu’il
ne l’est pour les indices globaux qui ne peuvent prétendre être réellement représentatifs de l’univers entier
de hedge funds.
Le reste de ce document est organisé de la façon suivante. Nous ferons tout d’abord le revue des critiques
faites aux indices de hedge funds et resituerons cette critique dans le contexte du problème de l’éligibilité de
ces indices pour UCITS. Nous regarderons ensuite si les problèmes liés aux indices de hedge funds leurs
sont vraiment spécifiques. Pour cela, nous évaluerons si les indices de marché remplissent eux-mêmes bien
les critères de qualité requis pour les indices de hedge funds. Une dernière section fournira les principales
conclusions.
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1.1. La question de l’éligibilité UCITS
Le Comité des régulateurs des marchés européens de valeurs mobilières (Committee of European Securi-
ties Regulators, CESR)3 a récemment émis un avis, destiné à la Commission Européenne, dans lequel il
clarifie la définition de titres éligibles, en y incluant un avis sur les indices de hedge funds. L’éligibilité des
indices de hedge funds a été suspendue pour une période de 12 mois et une consultation est en cours
concernant le statut qui devrait être donné à ces indices.
Pour être éligibles, les indices de hedge funds doivent être des « indices financiers » au sens où les définit
le CESR. Il existe un ensemble de critères qui permettent à un indice d’être classé comme « indice finan-
cier ». Ces critères sont exposés dans le deuxième article de consultation publique, Niveau 2, Encadré 14,
Paragraphe 1, et la liste ci-dessous en fournit un aperçu.
Transparence. Toutes les règles utiles, incluant les méthodes de construction de l’indice (c’est-à-
dire, la méthode de calcul, la méthode de pondération, la méthode de rebalancement, etc.) et le
principe de sélection des composantes, doivent être publiées de façon claire. Toute modification
ultérieure, affectant l’une ou l’autre de ces règles, doit être annoncée avant d’être faite, et toutes
les difficultés opérationnelles, qui pourraient conduire à une information inexacte, doivent être révé-
lées. Il est de plus requis qu’un indice soit publié rapidement, afin de se conformer aux standards
de transparence.
Diversification. L’indice doit être suffisamment diversifié; en d’autres termes, le portefeuille sous-
jacent à l’indice ne doit pas être concentré sur un seul groupe d’actifs, de sorte que l’indice ne soit
pas influencé par les changements touchant l’une ou l’autre de ses petites composantes. C’est le
choix de la méthode de construction de l’indice, et tout particulièrement des règles de pondération,
qui permet d’obtenir cette diversification. La Directive établit, dans l’Article 25, des limites sur les
poids des fonds d’investissement, limites qui doivent aussi être utilisées pour les indices.
Représentativité. En tant que benchmark d’un marché particulier, l’indice doit fournir à ses utilisateurs
des informations significatives et utiles sur ce marché. La fluctuation de l’indice doit décrire les chan-
gements réels du marché qu’il représente. Maintenir la représentativité d’un indice est un travail
continuel, qui suppose des révisions et des rebalancements périodiques.
1. La critique des indices de hedge funds
3 CESR’s Advice to the European Commission on Clarification of Definitions concerning Eligible Assets for Investments of UCITS,
THE COMMITTEE OF EUROPEAN SECURITIES REGULATORS, Ref: CESR/06-005, January 2006
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Lhabitant (2006) soutient que, « en conséquence de leurs nombreux biais, de leur manque de représentati-
vité et/ou de leur construction, […] les indices de hedge funds existants ne remplissent pas les trois critères
de base requis pour être éligibles UCITS III […] ». L’article « suggère ainsi de les exclure de la liste des ac-
tifs éligibles UCITS III. Cette position pourra bien sûr être revue dans le futur dès que des indices de hedge
funds de qualité seront disponibles […]. »
1.2. Les limites des indices de hedge funds
Les biais liés aux bases de données de hedge funds (biais d’auto-sélection (self reporting bias), biais de
sélection d’une base de données (database selection bias), biais du survivant (survivorship bias) et biais
d’historique (backfill bias)) sont un problème bien connu de la recherche sur les hedge funds. Nous sommes
tout à fait d’accord avec la position mise en avant par Lhabitant (2006), à savoir que ces biais sont impor-
tants lorsque l’on utilise les informations sur les rentabilités de hedge funds et que l’on évalue leur perfor-
mance. Cependant, nous pensons que le fait d’exagérer le problème de ces biais provient d’une confusion
entre indices investissables et non investissables.
Afin de préciser les biais les plus importants, nous allons brièvement décrire le biais de sélection et le biais
du survivant. Le biais de sélection provient du choix des fonds qui sont intégrés dans la base de données.
L’aspect spécifique de la construction des indices de hedge funds concerne le fait que les hedge funds peu-
vent décider s’ils veulent ou non être inclus dans un indice. En manque de standards de sélection subjectifs,
les hedge funds sont susceptibles de prendre cette décision en fonction de ce qui leur est bénéfique – ils
pourront décider de ne pas être inclus dans un indice pour éviter de divulguer leurs performances lorsqu’el-
les ne sont pas satisfaisantes, ou au contraire pour cacher des performances extrêmement bonnes. Les
fournisseurs d’indices ne peuvent par conséquent pas mesurer ce biais ni même estimer sa direction.
Le biais du survivant résulte de l’inclusion exclusive dans l’indice des fonds ayant survécu. Les fonds qui
cessent de reporter à la base de données sont souvent exclus du calcul de l’indice a posteriori. Comme il
est fort probable que la majorité des fonds qui cessent de reporter leurs rentabilités le fasse suite à une fer-
meture consécutive à de mauvaises performances, ceci conduit typiquement à un biais déformant vers le
haut les rentabilités constatées. Les estimations faites par Fung et Hsieh (2000) et Brown, Goetzmann et
Ibbotson (1999), qui sont respectivement de 3% et de 2,75%, sont les estimations les plus fréquemment
utilisées dans les études sur la performance des hedge funds. Cependant, le biais du survivant peut aussi
être négatif, puisque des fonds peuvent cesser de reporter à la base de données simplement parce qu’ils ne
cherchent plus de manière active de nouveaux investissements et préfèrent éviter la publication d’informa-
tions. De tels fonds sont typiquement ceux qui ont rencontré le plus de succès dans la période passée, ce
qui conduit à un biais du survivant vers le bas. Géhin et Vaissié (2004) mentionnent des biais du survivant
allant de -1,32% à 6.67%, selon la période d’observation, l’échantillon ou la définition utilisé pour calculer le
biais du survivant.
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