Les récepteurs nicotiniques sont essentiellement localisés dans
plusieurs aires corticales, la substance grise périaqueducale, les
noyaux gris centraux, le thalamus, l’hippocampe, le cervelet,
la rétine (4). Le cortex contient les sous-unités α3, α4, β2 et
β4, qui sont inégalement distribuées parmi les différentes
couches. L’hippocampe contient les sous-unités α3, α4, α5,
α7, β2, β3 et β4. Le cortex auditif contient les sous-unités α7.
La rétine contient les sous-unités α2, α5, α6, α7, et β2. Le cor-
tex occipital contient les sous-unités α2, α3, α4, α6, α7, α8,
β3, β4 et β2. L’ensemble de ces travaux ont été effectués par
Jones et al. (5) et Vailati et al. (6).
Les sous-types de récepteurs ont une localisation pré- et post-
synaptique dans le système nerveux (7). Il est possible que
les récepteurs nicotiniques, dans les mêmes régions céré-
brales, puissent être localisés sur différents domaines du neu-
rone. Les connaissances actuelles de la distribution régionale
des sous-types de neurones, qui sont essentiellement fondées
sur les études d’hybridation in situ, sont encore insuffisantes
pour définir les circuits neuronaux dans lesquels les récep-
teurs nicotiniques sont impliqués, et une immunolocalisation
plus précise des différentes sous-unités est nécessaire. Il
convient aussi d’étudier la localisation des sous-unités d’une
manière plus critique, parce qu’il devient évident qu’elle varie
dans le cerveau de différentes espèces animales ; par exemple,
il n’y a pas de sous-unité α8 dans le cerveau humain, et
les sous unités α3 et α5 sont différemment exprimées et
localisées dans le cerveau des rongeurs et dans le cerveau
humain (8).
Une autre source de perplexité est la distribution non neuro-
nale des récepteurs nicotiniques qui ont été trouvés dans
les kératinocytes, les cellules musculaires, les tissus
lymphoïdes et les cellules neurosécrétoires. Leur rôle dans
ces tissus n’a pas été élucidé, mais un grand nombre d’hypo-
thèses sont avancées quant à leur implication dans les
conditions pathologiques.
LES FONCTIONS DU RÉCEPTEUR NICOTINIQUE
Depuis les tout débuts de la pharmacologie, on sait que les
récepteurs nicotiniques jouent un rôle important dans la trans-
mission ganglionnaire et contrôlent les fonctions du système
nerveux autonome (9), mais leur rôle au niveau cérébral reste
encore mal connu. On sait que les récepteurs nicotiniques sont
impliqués dans des fonctions cognitives complexes et variées
telles que l’attention, l’apprentissage, la consolidation de la
mémoire, l’éveil, la perception sensorielle, mais aussi le
contrôle de l’activité locomotrice, celui de la perception de la
douleur ainsi que celui de la température corporelle (4).
La plupart des données obtenues proviennent d’études com-
portementales réalisées en utilisant la nicotine et des antago-
nistes des récepteurs nicotiniques aussi bien chez l’homme que
chez l’animal, mais aussi des modèles pathologiques mettant
en évidence une “dénervation” nicotinique, c’est-à-dire les
pathologies dégénératives.
On pense généralement que la majorité de ces effets sont dus aux
récepteurs nicotiniques présynaptiques, qui modulent la libéra-
tion d’un grand nombre de neurotransmetteurs (voir ci-dessus).
Cependant, les récepteurs postsynaptiques jouent aussi des rôles
importants, celui le plus clairement démontré étant le contrôle
de la transmission ganglionnaire et de la transmission choliner-
gique rapide dans l’hippocampe et le cortex sensitif.
Les données expérimentales indiquent que différents sous-types de
récepteurs nicotiniques sont impliqués dans les diverses fonctions
précédemment décrites. La transmission ganglionnaire est essen-
tiellement régulée par le sous-type α3 (α5) - β4, et la délétion
génique de α3 et β2 induit un phénotype corrélé à une diminution
de la transmission ganglionnaire. Le contrôle de la douleur est essen-
tiellement exercé grâce aux sous-types α4-β2 (10). La libération
de la dopamine, à partir des neurones dopaminergiques, est par-
tiellement contrôlée par un sous-type qui contient la sous-unité α4
(mais possiblement aussi la sous-unité α6) (7), alors que la libéra-
tion de glutamate est sous la dépendance du sous-type α7 (11).
Le sous-type β2 chez les souris est important quant au contrôle
de la libération présynaptique du GABA (12) et la réponse à la
nicotine des neurones dopaminergiques mésencéphaliques. Le
sous-type β3 peut contrôler l’activité motrice par le biais de la
libération de dopamine dans le striatum et dans d’autres aires
du système nerveux central (SNC) dans lesquelles les récep-
teurs contenant la sous-unité β3 sont exprimés aux niveaux pré-
synaptiques ou préterminaux des neurones.
Les récepteurs nicotiniques semblent être aussi impliqués dans
la survie neuronale. Ainsi, des souris âgées dont on a enlevé par
sélection génétique les sous-unités β2 (souris knocked out β2)
montrent une hypotrophie du néocortex, une perte des neurones
de l’hippocampe et une astro- et microgliose (cela ressemble à
une maladie neurodégénérative). Le corrélat fonctionnel de ces
altérations histopathologiques est le fait que les animaux perdent
l’apprentissage spatial. Ces observations semblent bien corrélées
aux données épidémiologiques montrant que la stimulation chro-
nique des récepteurs nicotiniques par l’utilisation du tabac
entraîne une protection dans le développement de la maladie de
Parkinson (13). D’autre part, des études in vitro ont montré que
l’exposition à la nicotine protège les neurones en culture de la
neurotoxicité induite par différents agents. Une participation plus
générale des récepteurs nicotiniques dans le développement céré-
bral est probable, parce qu’ils sont exprimés très tôt lors de la vie
fœtale (14), et leur implication dans la pousse axonale (15) sug-
gère qu’ils pourraient être impliqués dans la mise en forme et la
maintenance de l’intégrité du circuit neuronal. La confirmation
du rôle central des récepteurs nicotiniques dans la physiologie
cérébrale est due au fait que l’expression des différentes sous-
unités est régulée pendant le développement (figure 2).
RÉCEPTEURS NICOTINIQUES ET PATHOLOGIE
Il existe désormais beaucoup d’études, aussi bien autoradio-
graphiques que histochimiques dans des tissus d’autopsie (16),
ainsi que des images radiographiques de patients, qui montrent
que la perte des récepteurs nicotiniques est corrélée à la sévé-
La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n
os
4-5 - juillet-octobre 2002
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PHARMACOLOGIE