L`économie Japonaise : de Charybde en Scylla Xerfi

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L'économie Japonaise : de Charybde en Scylla
Xerfi-Previsis
Alexandre Mirlicourtois, Directeur des études Xerfi
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«L’économie
Japonaise : de
Charybde en
Scylla »
La catastrophe au Japon arrive à un moment où la reprise s’essoufflait
déjà. Certes, l’économie japonaise est sortie de sa pire récession postseconde guerre mondiale en 2010 et a affiché 4% de croissance l’année
dernière. Ce rebond ne peut cependant s’apprécier qu’à la lumière de la
chute historique du PIB de 6,3% en 2009. En fait, cela fait maintenant
près de 20 ans que l’économie japonaise ne parvient pas à renouer
avec une croissance solide : entre 1992 et 2011, le PIB a progressé sur
un rythme inférieur à 1% l’an.
Très dépendant, de son commerce extérieur, l’Archipel commençait à
souffrir du ralentissement du commerce mondial, notamment de la
demande en provenance des pays d’Asie, en particulier de Chine
devenu le second client du pays derrière les Etats-Unis. Or la demande
chinoise a perdu de sa fermeté au fur et à mesure que les effets de
l’imposant plan de relance se sont estompés. En outre, les industriels
nippons ont dû composer avec une devise qui a eu tendance à
s’apprécier par rapport aux autres principales monnaies, notamment
celle de la Corée du Sud devenu au fil du temps l’un des principaux
concurrents de l’Archipel. Or, les exportations sont essentielles à la
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bonne marche des affaires au Japon qui est le 4 ème exportateur mondial.
Comme vous pouvez le voir, la balance commerciale est
structurellement excédentaire. Le solde est même resté positif de près
de 30 milliards de dollars en 2009, année pourtant marquée par
l’effondrement de la demande mondiale. Au-delà de la destruction d’une
partie du tissu économique, les régions directement touchées
représentant environ 4% du PIB, le pays va devoir gérer des pénuries
d’électricité qui vont désordonner l’activité économique et entamer la
capacité du pays à exporter. Le principal moteur de l’économie va
forcément s’affaiblir.
En outre, le Japon ne peut pas s’appuyer sur la force de la
consommation des ménages. Certes, les dépenses des Japonais ont
progressé de près de 2% en 2010, ce qui constitue la meilleure
performance depuis 2000. Des chiffres très positifs enregistrés grâce à
d’importantes mesures de soutien à la consommation, à l’achat de
véhicules peu polluants et d’appareils d’électronique grand public.
Cependant, la multiplication des stimuli budgétaires ne peut avoir qu’un
effet ponctuel. Une fois leurs effets passés, ce sont les fondamentaux
qui reprennent le dessus. Des fondamentaux qui sont pour la plus par t
mal orientés : d’abord, le Japon est un pays qui vieillit et dont la
population diminue. Cela a des effets mécaniques sur le niveau des
dépenses ainsi que sur l’investissement résidentiel. Ensuite, la déflation,
en d’autres termes la baisse des prix, est un mal endémique. Cela
traduit notamment la faiblesse des salaires, donc la capacité à dépenser
plus, et provoque des effets de report de la consommation : pourquoi
acheter aujourd’hui ce que je peux acheter demain à un prix plus bas. A
cela s’ajoute un marché du travail qui a profondément changé et s’est
précarisé. L’emploi à vie est terminé. Autant d’éléments qui conduisaient
déjà à anticiper un affaiblissement de la demande des ménages. Nul
doute que les évènements en cours vont renforcer la tendance qui se
dessinait : la consommation va diminuer et le taux d’épargne va
progresser au moins pendant quelques mois.
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Quel avenir pour l’économie japonaise ? A court terme, le recul de la
production et la faiblesse de la consommation vont conduire à une
baisse du PIB au deuxième et au troisième trimestre. Le retour
d’expérience du séisme de Kobé du 17 janvier 1995 montre que le PIB
avait d’abord reculé sous l’impact notamment du repli de la
consommation avant de croitre de nouveau avec l’effort de
reconstruction. Cela nous amène donc à revoir notre scénario 2011 à la
baisse. Nos prévisions de croissance passent ainsi de 1,3% à 0,3%
seulement sur l’ensemble de l’année.
A plus long terme, l’interrogation porte sur la capacité du pays à financer
l’effort de reconstruction. Et là nous sommes plus optimistes. Certes, le
Japon fait partie des pays les plus endettés au monde avec une dette
publique qui représente plus de 175% du PIB. Toutefois, malgré cet
endettement, le Japon ne devrait pas avoir trop de difficultés à financer
l’effort de reconstruction. Car si le Japon est très endetté, ce sont les
Japonais qui détiennent l’écrasante majorité de cette dette. Il ne faut pas
oublier non plus que l’accumulation des excédents commerciaux permet
au Japon d’occuper la troisième place au palmarès des exportateurs
mondiaux de capitaux, derrière la Chine et l’Allemagne. La Banque
centrale japonaise détient 1 000 milliards de dollars de réserve de
change, soit 20 points de PIB, notamment sous la forme de bons du
Trésor américain. La reconstruction semble donc pouvoir être financée
en réorientant l’épargne nationale des placements étrangers vers les
projets domestiques. Cela va poser d’autres problèmes, mais à d’autres
pays.
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