Prieuré de Moutiers - terres et seigneurs en Donziais | Un site

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MONASTÈRES
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Prieuré bénédictin de
Moutiers
(Saint-germain d’auxerre)
(Moutiers-en-puisaye)
Extrait de la notice de R. et S. Pélissier
(Actes du Congrès ABSS de Villeneuve-sur-Yonne, 1986)
fiefs, châteaux, seigneurs
abbayes en donziais
Le texte qui suit est extrait de l’étude de René et Suzanne Pélissier,
mentionnée ci-dessus.
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Les bâtiments agricoles, proches de la mairie de Moutiers, et dans les murs
desquels on voir encore quelques arcs en ogive, sont toujours appelés « l’abbaye »
par les habitants de Moutiers.
C’est qu’à l’époque des premiers carolingiens, vers l’an 700, mais à une date qui
reste imprécise, un abbaye a effectivement été fondée à Moutiers. Certains
historiens estiment que c’était quelques années avant 700, mais l’abbé Lebeuf1
précise la date de 701 sans cependant indiquer sur quel document il s’appuie.
Une chapelle dédiée à Notre-Dame existait antérieurement en ce lieu, appelé alors
Melered, que des historiens s’accordent à identifier à la « Cella Mauri » citée en 578
dans le règlement de Saint Aunaire ; ce règlement, dans l’espoir de faire cesser la
guerre acharnée entre Austriens et Neustriens, ordonne que des prières soient dites
successivement dans les trente-sept paroisses que compte alors le diocèse
d’Auxerre, citées dans l’ordre d’un trajet bien défini, cette Cella Mauri se situe
entre Saint Sauveur et « Laoderus » (sans doute Saint-Martin-des-Champs).
Le site, entouré de forêts, était-il auparavant celui d’un temple druidique ? C’est
bien possible si l’on pense aux nombreuses sources, mais la tradition locale, tenace
à ce sujet, ne peut s’appuyer sur aucun document convaincant.
Le plus ancien document concernant cette abbaye provient de la copie sur
parchemin, en minuscules gothiques très pures, par Frodon, Chanoine de la
cathédrale d’Auxerre, d’un texte écrit vers 890 par les moines Alagus et Rainola, et
qui constitue un chapitre de la « Gesta pontificum autissiodoresium »2 (ou Histoire
des évêques d’Auxerre). Cet extrait concerne la vie de Quintilien qui, selon l’abbé
Lebeuf, fut évêque d’Auxerre de 716 à 728. On y lit (en latin) : « l’évêque Quintilien
était de noble lignée ; son père Quintilien édifia le monastère de Medeleretum et le
dota des biens appropriés ; il établit au même endroit un hospices pour les Bretons
qui se rendaient à Rome ».
D’autres textes anciens apportaient sans doute des informations plus complètes sur
ce monastère, car Dom Viole3, moine mauriste de Saint germain d’Auxerre au
milieu du XVIIème siècle, y fait allusion dans ses manuscrits sur les abbayes de
Saint Germain et de Moutiers. En effet il précise à propos de cette dernière : « Cette
abbaye, fondée par Quintilien, seigneur de la Puisaye, pour vingt-six religieux sous un
abbé, ainsi que je lai lu dans quelques anciens mémoires, qui faisaient loffice divin
de jour et de nuit en deux églises, l’une de Notre-Dame et l’autre de Saint Germain,
jointes par ensemble » .
1 Abbé Lebeuf : « Mémoires concernant l’histoire civile et écclésiastique d’Auxerre et
de son ancien diocèse », édition annotée par Challe et Quantin (Auxerre, 1855)
2 « Gesta Pontificum Autissiodorensium », première partie (BM, Auxerre ; voir
aussi édition Guillaume Budé, Paris)
3 Dom Georges Viole : « Mémoire sur l’histoire du diocèse d’Auxerre », manuscrits
156-158 (BM, Auxerre)
Il faut souligner dans cette description l’importance du monastère dès sa création,
avec ses deux églises (qui n’étaient peut-être que deux chapelles réunies dans un
même édifice) et avec ses vingt-six religieux auxquels il faut ajouter de nombreux
serviteurs de tous ordres qui faisaient vivre les couvents au Moyen-Âge. Cela
suppose des installations agricoles annexées fort importantes pour l’époque.
Les « Bretons », surtout ceux venus d’Irlande, continuèrent pendant plusieurs
siècles à faire halte à Melered. Pour cela il leur fallait quitter la route directe vers
Rome un peu au sud d’Auxerre, au lieu dit « Vauboye » il y avait une chapelle
aujourd’hui disparue, mais qui figure sur la carte de Cassini (Sainte Vaubouée).
Ces liens privilégiés du monastère de Melered avec l’Irlande ont intrigué les
historiens du XIXème qui n’en donnèrent pas d’explications convaincantes. En
1961, des journées franco-irlandaises furent organisées à Auxerre pour
commémorer le 1500ème anniversaire du séjour de Saint Patrick dans cette ville.
Elles se terminèrent par une visite à Moutiers, au cours de laquelle le professeur
René Louis propode voir dans le fondateur de l’abbaye un irlandais du nom de
Killian, dont le fils, abbé de Saint Germain puis évêque d’Auxerre, aurait latinisé
son nom. D’ailleurs l’abbé Lebeuf avait montré que les deux évêques successifs
nommés Quintilien et Cillien ou Chilien étaient en fait le même homme. Il ne
faudrait pas s’étonner de la présence d’Irlandais dans notre région à la fin du
VIIème siècle. En effet, avec Saint Colomban et par la suite, de nombreux moines
irlandais et gallois ont participé sous l’impulsion du Pape à la ré-évangélisation de
la Gaule et des pays rhénans, vastés par les invasions barbares et en proie aux
luttes entre les chefs francs.
Par ailleurs, l’abbé Pierre David a publié en 1937 une étude critique d’un recueil de
conférences monastiques du VIIIème siècle, qu’il conclut ainsi ; » le compilateur de
nos conférences et le scribe qui les a transcrites…appartiennent à un groupe
irlandais établi en France au VIIIème siècle » et il retient comme probable que ce
soit au monastère de Moutiers en évoquant : « l’influence exercée sur le continent et
particulièrement en Gaule par le monachisme Celte depuis Saint Colomban/ Même
après l’introduction de la règle de Saint Benoit, les monastères francs vivent selon
une règle mixte dans laquelle se combinent à doses diverses les préceptes
colombaniens et les préceptes bénédictins » .
Les pèlerins irlandais cessèrent au Xème siècle leurs voyages à Rome, rendus trop
dangereux dans la traversée des Alpes à cause des massacres perpétrés par les
Sarrasins. Cependant le monastère de Moutiers resta longtemps un lieu de
pèlerinage à cause des nombreuses reliques qu’il possédait et malgré tous les
avatars qu’il dut subir.
Dès 732, les vicissitudes commencent lorsque Charles Martel récompense ses
compagnons de leur bravoure à la bataille de Poitiers en leur distribuant
généreusement les terres des abbayes. Le domaine de Moutiers, sans doute déjà
riche, échoit au comte d’Auxerre qui l’exploite à son seul profit, ainsi que ses
successeurs pendant plus d’un siècle. Selon Dom Viole, les moines de Moutiers
alors réduits à un état misérable, cherchent un protecteur puissant et présentent
une requête aux religieux de Saint Germain d’Auxerre, signée de leurs propres
noms, les priant de « les recevoir, eux et leur monastère, dans leur congrégation »
(Gesta).
Le tombeau de Saint Germain
(crypte de l’abbaye Saint Germain d’Auxerre)
Le monastère de Moutiers devient donc un prieuré, le plus ancien et sans
doute le plus important de ceux dépendant de l’abbaye de Saint Germain
(ndlr : en Donziais voir également Cessy-les-Bois). Jusqu’en 1414 un prieur
l’administre ; il est nom par l’abbé de Saint Germain, mais jouit d’une certaine
autonomie : il exerce en effet les droits seigneuriaux en particulier de haute,
moyenne et basse justice sur les domaines du prieuré, domaines dont on ne
connaît pas bien l’importance primitive. Au cours des temps, les possessions du
prieuré, bien au-delà des terres entourant le monastère et des étangs de Moutiers,
de Charmoy et du Bourdon (dont l’ancienne digue marquait la frontière avec la
seigneurie de Saint-Fargeau), s’étendirent sur les paroisses de Saint-Amand,
Annay, Sainte-Colombe, Saints et Thury, en une mosaïque difficile à reconstituer.
Après le décret du concile de Pîtres, il faut encore attendre pour que la prospérité
revienne à Moutiers, que soient passées les invasions normandes et hongroises, et
les guerres seigneuriales du Xème siècle. L’abbaye de Saint germain elle-même en a
souffert ; à la fin de ce siècle, elle vit dans le désordre et, selon l’abbé Lebeuf :
« …est si dérangée que depuis longtemps elle n’était gouvernée que par des prévôts,
sans abbé ». Vers 986, Henri, duc de Bourgogne, et son frère Héribert, évêque
d’Auxerre, décident d’y mettre bon ordre et font appel à Mayeul, abbé de Cluny.
Celui-ci « ayant corrigé tout ce qu’il trouva contraire à la règle » y établit un nouvel
abbé nommé Heldric. La réforme, étendue aux possessions de l’abbaye, est
appliquée au prieuré de Moutiers Heldric en 996 nomme prieur l’un des moines
de Saint Germain, Théalde, homme entreprenant qui, après avoir ramené la
prospérité à Moutiers, deviendra à son tous abbé de Saint Germain en 1020.
D’après Dom Viole, en quatre ans Théalde « fit reconstruire les timents avec
magnificence et en ajouta de nouveaux ». On lit par ailleurs dans la Gesta qu’il
agrandit aussi les domaines du prieuré. En particulier il prend possession de
l’église paroissiale du bourg de Moutiers lorsqu’en 990 l’évêque Héribert donne à
l’abbaye de Saint Germain onze églises de son diocèse dont « Saint Pierre de
Monasterio ». C’est la première mention de cette église dans un document
historique.
Le prieur Théalde enrichit l’église Notre-Dame (du prieuré) de vases d’or et d’argent
et il en fait faire la dédicace par l’évêque Hugues de Chalon dès le début de son
pontificat, donc vers 999 (sur ce personnage voir l’histoire de la baronnie de
Donzy). Pour attirer les pèlerins, source de revenus pour le prieuré, des reliques y
sont rassemblées. En particulier, après de longs pourparlers, Théalde obtient de
l’évêque que soit transféré à Moutiers le corps de Saint Didier, ancien évêque
d’Auxerre. L’abbé Lebeuf, dans la vie de Hugues de Chalon, relate ce transfert qui a
lieu vers l’an 1010 : « le corps du saint fut levé et renfer dans le monastère de
Val-Pentane, dit autrement Melleraye, qu’on appelle simplement aujourd’hui
Moutiers, et il y fut placé en l’église Notre-Dame, il éclata en miracles ». Le
biographe d’Hugues de Chalon raconte l’un de ces miracles quotidiens : lorsque les
pèlerins s’approchaient à vingt pas de l’église Notre-Dame, ils voyaient leurs
chandelles s’allumer spontanément. Il s’agit là d’une phénomène suscité dans
divers lieux saints grâce à l’utilisation d’artifices chimiques tels que l’incorporation
de phosphore dans les mèches…
C’est donc un prieuré important que connaît, quelques années plus tard, sans
doute vers 1030 ou 1040, Raoul Glaber (le Chauve), moine fort savant, formé à
Cluny par Odilon, mais trop peu respectueux des règles monastiques pour pouvoir
demeurer longtemps dans la même abbaye. On l’appelle souvent « le chroniquer de
l’an mil », car il nous a laissé le seul récit historique sur cette époque. Dans les
monastères où il séjourne, et en particulier à Saint Germain d’Auxerre, il est
souvent chargé de « rétablir les inscriptions et les épitaphes anciennes ; il compose
des vers à la mémoire des plus illustres personnes qui y sont inhumées ». A
Moutiers, Raoul Glaber a pour tâche des travaux analogues. Il crit l’église du
prieuré comme englobant les deux précédentes (Notre-Dame et Saint-Germain) et
renfermant treize autels ou chapelles, mais ne nous donne aucune autre précision
sur la vie et les bâtiments conventuels. C’est là aussi qu’il rencontre pour la
troisième fois le diable dont il a donné une description imagée, traduite ainsi par
Challe : « d’une stature médiocre, le cou grêle, la face amaigrie, les yeux très noirs, le
front ridé et étroit, une barbe de bouc, les oreilles droites et aigües, les cheveux raides
et mal peignés, des dents de chien, l’occiput allongé, la poitrine bombée, le dos
gibbeux, la croupe frétillante, les vêtements malpropres, le corps en sueur et tourmenté
d’une agitation convulsive… ».
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Moine bourguignon, Raoul (Radulphus) Glaber (fin Xème siècle-1049), ou
« le Glabre », appartint à de nombreux monastères (Saint-Léger de Champeaux,
Moutiers, Saint-Germain d'Auxerre, Bèze, Saint-Bénigne de Dijon, Cluny enfin).
Après avoir rencontré au début quelques difficultés en raison de son inconduite, il
sut se faire apprécier pour sa culture classique et ses qualités d'écrivain. C'est
ainsi que l'abbé Guillaume (de Volpiano) d'Auxerre lui confia la restauration et la
rédaction des épitaphes latines et l'emmena en Italie (1028).
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