Le prieur Théalde enrichit l’église Notre-Dame (du prieuré) de vases d’or et d’argent
et il en fait faire la dédicace par l’évêque Hugues de Chalon dès le début de son
pontificat, donc vers 999 (sur ce personnage voir l’histoire de la baronnie de
Donzy). Pour attirer les pèlerins, source de revenus pour le prieuré, des reliques y
sont rassemblées. En particulier, après de longs pourparlers, Théalde obtient de
l’évêque que soit transféré à Moutiers le corps de Saint Didier, ancien évêque
d’Auxerre. L’abbé Lebeuf, dans la vie de Hugues de Chalon, relate ce transfert qui a
lieu vers l’an 1010 : « le corps du saint fut levé et renfermé dans le monastère de
Val-Pentane, dit autrement Melleraye, qu’on appelle simplement aujourd’hui
Moutiers, et il y fut placé en l’église Notre-Dame, où il éclata en miracles ». Le
biographe d’Hugues de Chalon raconte l’un de ces miracles quotidiens : lorsque les
pèlerins s’approchaient à vingt pas de l’église Notre-Dame, ils voyaient leurs
chandelles s’allumer spontanément. Il s’agit là d’une phénomène suscité dans
divers lieux saints grâce à l’utilisation d’artifices chimiques tels que l’incorporation
de phosphore dans les mèches…
C’est donc un prieuré important que connaît, quelques années plus tard, sans
doute vers 1030 ou 1040, Raoul Glaber (le Chauve), moine fort savant, formé à
Cluny par Odilon, mais trop peu respectueux des règles monastiques pour pouvoir
demeurer longtemps dans la même abbaye. On l’appelle souvent « le chroniquer de
l’an mil », car il nous a laissé le seul récit historique sur cette époque. Dans les
monastères où il séjourne, et en particulier à Saint Germain d’Auxerre, il est
souvent chargé de « rétablir les inscriptions et les épitaphes anciennes ; il compose
des vers à la mémoire des plus illustres personnes qui y sont inhumées ». A
Moutiers, Raoul Glaber a pour tâche des travaux analogues. Il décrit l’église du
prieuré comme englobant les deux précédentes (Notre-Dame et Saint-Germain) et
renfermant treize autels ou chapelles, mais ne nous donne aucune autre précision
sur la vie et les bâtiments conventuels. C’est là aussi qu’il rencontre pour la
troisième fois le diable dont il a donné une description imagée, traduite ainsi par
Challe : « d’une stature médiocre, le cou grêle, la face amaigrie, les yeux très noirs, le
front ridé et étroit, une barbe de bouc, les oreilles droites et aigües, les cheveux raides
et mal peignés, des dents de chien, l’occiput allongé, la poitrine bombée, le dos
gibbeux, la croupe frétillante, les vêtements malpropres, le corps en sueur et tourmenté
d’une agitation convulsive… ».
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Moine bourguignon, Raoul (Radulphus) Glaber (fin Xème siècle-1049), ou
« le Glabre », appartint à de nombreux monastères (Saint-Léger de Champeaux,
Moutiers, Saint-Germain d'Auxerre, Bèze, Saint-Bénigne de Dijon, Cluny enfin).
Après avoir rencontré au début quelques difficultés en raison de son inconduite, il
sut se faire apprécier pour sa culture classique et ses qualités d'écrivain. C'est
ainsi que l'abbé Guillaume (de Volpiano) d'Auxerre lui confia la restauration et la
rédaction des épitaphes latines et l'emmena en Italie (1028).