Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 4 - avril 2010
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dossier thématique
Hormones
et relations humaines
syndrome. Néanmoins, chez la souris, il est très dicile
de savoir si ce phénotype est dû à l’absence de l’AR ou
aux faibles taux circulants de testostérone.
An d’évaluer précisément le rôle de l’AR dans la régu-
lation du comportement sexuel, nous avons généré
une lignée de souris pour lesquelles le gène codant
ce récepteur a été invalidé uniquement dans le sys-
tème nerveux (gure 4, p. 111). La caractérisation des
souris portant cette délétion montre l’absence de la
protéine AR dans l’ensemble des régions cérébrales
et notamment dans le circuit neuronal impliqué dans
l’expression du comportement sexuel. L’expression
périphérique de l’AR n’est pas aectée, comme l’atteste
la présence de ce récepteur dans les cellules gonado-
tropes hypophysaires et dans les testicules (17). Les
individus de génotype XY dépourvus d’AR dans le sys-
tème nerveux sont de phénotype mâle et ont un trac-
tus génital normalement développé. L’analyse de leur
statut hormonal indique des niveaux de testostérone
et de LH très élevés, ce qui témoigne de l’implication
de l’AR dans le rétrocontrôle inhibiteur exercé par la
testostérone chez le mâle. Malgré des taux élevés de
testostérone, ils présentent une altération de la motiva-
tion et de la performance sexuelles (17). La préférence
normale des mâles mutants pour des odeurs issues de
femelles réceptives indique que l’altération du com-
portement sexuel se situe en aval du bulbe olfactif.
Il apparaît donc que la testostérone active plusieurs
types de récepteurs (ERα, ERβ et AR) pour réguler
l’expression du comportement sexuel mâle chez la
souris. Chez l’homme, c’est l’AR qui semble jouer un
rôle prépondérant, puisque la décience en aromatase
ou en ERα n’aecte ni l’identité du genre ni l’orienta-
tion sexuelle (18).
L’inuence précoce des hormones sexuelles sur le cer-
veau et sur le comportement sexuel humain est d’ac-
tualité. Nous sommes loin du concept de la neutralité
sexuelle à la naissance, défendu dans les années 1950.
Néanmoins, il reste encore des voies à explorer dans
ce domaine et plus particulièrement celle des méca-
nismes d’action de la testostérone. La très grande
complexité de ces mécanismes est bien illustrée par
le fait qu’aucun des neurotransmetteurs (dopamine,
sérotonine, noradrénaline, acétylcholine) mis en cause
dans l’expression du comportement sexuel n’a été
capable à lui seul de le restaurer chez l’animal gona-
dectomisé. Il est donc important d’identier la nature
des voies de signalisation activées par les récepteurs
AR et/ou ER, et par conséquent leurs gènes cibles,
dans l’organisation et l’activation des circuits neuro-
naux impliqués dans l’expression du comportement
sexuel. Les modèles animaux d’invalidation de gènes
restreinte au système nerveux entier ou à certaines
populations neuronales orent une bonne opportu-
nité de relever ce dé, même si une grande prudence
doit être de mise dans l’extrapolation des résultats de
la souris à l’homme.
Testostérone et agressivité
L’agression est un comportement déni par l’intention
d’iniger des dommages physiques à autrui. Elle est
déclenchée par une multitude de conditions sociales
ou de facteurs environnementaux. On distingue ainsi
l’agression contrôlée ou oensive (prédation, terri-
torialité) et l’agression réactive ou défensive (induite
par la peur, l’irritabilité…). Les études, initiées sur le
jeune coq et étendues par la suite à d’autres espèces
dont les rongeurs, sont en faveur du rôle de la tes-
tostérone dans les comportements mâles d’agression
de congénères. La délétion des gènes codant pour
l’ERα et l’AR altère ce comportement chez la souris
(14, 17). Cependant, chez les animaux à reproduction
saisonnière, on observe aussi des comportements
agressifs en dehors de la saison de reproduction alors
que les niveaux de testostérone sont très bas (19).
Les statistiques issues d’études criminologiques
indiquent que les hommes sont davantage impli-
qués dans des délits et des crimes d’agression que
les femmes. Néanmoins, alors que des recherches
suggèrent une corrélation positive entre testostérone
et agression (20), d’autres concluent au contraire à
une très faible association (21). Un article très récent
montre même que l’administration préalable d’une
dose de testostérone à des femmes réduit les conits
et augmente l’ecacité d’interactions sociales dans
le jeu de la négociation sous ultimatum (22). Le lien
entre testostérone et agression est donc loin d’être
aussi évident que pour le comportement sexuel. L’idée
émergente est que le contrôle du comportement
agressif chez l’animal et chez l’homme impliquerait
une myriade de régulateurs (déhydroépiandrostérone,
glucocorticoïdes, vasopressine, sérotonine, mélato-
nine…) agissant de concert avec la testostérone ou
indépendamment de celle-ci. Des travaux menés chez
les rongeurs et les primates montrent que l’altération
de certains de ces systèmes par des traumatismes
subis pendant le jeune âge induit une agressivité
exacerbée ou inappropriée à l’âge adulte (23). Le dé
des prochaines années est de dénir la nature des
mécanismes neuroendocrines, neurobiologiques et
épigénétiques impliqués dans chaque type de com-
portement agressif.
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