La Lettre du Rhumatologue - n° 242 - mai 1998
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semblent avoir également, au vu des enquêtes épidémiologiques, une
parenté avec les troubles thymiques.
L’hypothèse psychiatrique n’est pas incompatible avec certaines des
hypothèses précédentes. On sait que la dépression s’accompagne
d’un bouleversement du sommeil, avec précisément des réveils pré-
coces comme pour la fibromyalgie, et il n’est pas impossible que ces
modifications du sommeil soient en relation avec un dysfonctionne-
ment du système sérotoninergique. De façon plus générale, on peut
imaginer que des dérèglements communs de certains systèmes neu-
romodulateurs puissent intervenir dans la douleur morale, dépres-
sive, comme dans la douleur physique, fibromyalgique.
LA PRISE EN CHARGE DE LA FIBROMYALGIE : PAR LE RHU-
MATOLOGUE OU PAR LE PSYCHIATRE ?
La prise en charge de ces patients est en général difficile d’emblée,
dans la mesure où ceux-ci sont souvent excédés de s’entendre dire
qu’ils n’ont rien ou pas grand chose, et déçus de se voir prescrire des
traitements qu’ils trouvent inadaptés à l’intensité de leurs douleurs
et de leur gêne fonctionnelle.
Après avoir éliminé d’éventuelles pathologies responsables de ce
syndrome, il est souhaitable d’expliquer au patient ce qu’est la fibro-
myalgie, qu’un soulagement important est possible, même si l’évo-
lution peut comporter des rechutes, mais qu’en aucun cas le pro-
nostic à long terme ne se traduira par une invalidité ou ne nécessi-
tera une intervention chirurgicale.
L’approche psychologique
Une fois la confiance établie, les différents facteurs physiques et psy-
chologiques de déclenchement, d’entretien ou de majoration du syn-
drome seront recherchés au cours des consultations ultérieures pour
optimiser l’efficacité des traitements prescrits. Cela pourra être l’oc-
casion d’aborder, avec prudence, la question de la prise en charge
conjointe par un psychiatre. Dans certains cas, l’intensité des troubles
anxieux ou dépressifs l’exige d’emblée, et tout l’effort consistera à
faire comprendre à un patient douloureux et révolté que ses douleurs
sont prises au sérieux, mais que les soins ne pourront être pleine-
ment efficaces que lorsqu’une meilleure stabilisation de l’état émo-
tionnel aura été obtenue avec une aide spécialisée. Dans d’autres cas,
les manifestations n’ont aucun caractère spectaculaire, et c’est la
prise de conscience progressive par le patient des relations qui exis-
tent entre ses douleurs et des contrariétés ou des conflits variés qui
conduira à suggérer un accompagnement complémentaire par un psy-
chiatre formé à ce genre de pathologie, et respectueux de l’expres-
sion somatique de ces patients.
L’approche antalgique
Les antalgiques périphériques (paracétamol, aspirine) ou les asso-
ciations paracétamol-codéine ou dextropropoxyphène-codéine peu-
vent induire un soulagement partiel, à la différence des anti-inflam-
matoires non stéroïdiens ou des corticoïdes, qui se révèlent sans effet.
Les décontracturants, les tranquillisants, de type benzodiazépinique,
modifient rarement le tableau algique mais aggravent souvent l’as-
thénie et la fatigabilité musculaire déjà ressenties. Peut-être par suite
de leurs effets antalgiques centraux et aussi de leur rôle régulateur
sur le sommeil, les antidépresseurs tricycliques, et notamment l’ami-
triptyline prescrite à faible dose (25 à 50 mg le soir), constituent
actuellement la seule médication ayant fait preuve d’une efficacité
dès la deuxième semaine de traitement (5), mais qui semble s’épui-
ser dans le temps. La durée de prescription des antidépresseurs doit
être au moins égale à 3 mois ; elle est souvent, en fait, continue pen-
dant plusieurs années, mais à des doses variables tournant autour de
la dose moyenne de 50 mg par jour. L’indication de ce traitement
doit être bien précisée pour une meilleure acceptance, en dissociant
l’effet antalgique de l’effet antidépresseur. En cas de syndrome
dépressif patent, la posologie d’amitriptyline proposée peut être aug-
mentée jusqu’à 150 mg, voire 200 mg par jour, conformément à ce
qui est habituellement donné dans les dépressions majeures. Il est
alors préférable, compte tenu de la fragilité “névrotique” du terrain,
qui rend la tolérance au traitement problématique, de confier la pres-
cription et la surveillance du traitement au psychiatre consultant.
L’approche physique
La mise au repos absolu lors des poussées algiques n’améliore guère
ces patients, qui désespèrent alors de ne plus rien pouvoir faire. Plu-
tôt que de prescrire des séances de rééducation standard, qui souvent
réactivent les douleurs du patient par suite de l’effort trop prolongé,
il vaut mieux préconiser une activation physique très fractionnée,
déterminée de façon à ne pas accroître la douleur. L’application inter-
mittente de chaleur au niveau des zones douloureuses se révèle sou-
vent utile pour diminuer la douleur. Un aménagement du poste de
travail avec l’apprentissage d’une bonne hygiène posturale à ce poste
peut être nécessaire pour les patients souffrant des régions cervico-
Occiput : bilatéral 2
Trapèze : bilatéral 2
Jonction chondrosternale : bilatérale 2
Épicondyle : bilatéral 2
Sus-épineux : bilatéral 2
Rachis cervical bas (de C4 à C6) 1
Rachis lombaire bas (interépineux L4 à S1) 1
Moyen fessier : bilatéral 2
Fémoral bas : bilatéral 2
Patte d’oie : bilatérale 2
Total 18
Critères ACR de fibromyalgie (1990)
❏ Douleurs diffuses depuis plus de trois mois
❏ Présence de 11 points douloureux à la pression
sur 18 points spécifiques.
Les 18 points douloureux