Prévention des évènements vasculaires chez les patients à risque

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Prévention des événements
vasculaires chez les patients à
risque élevé : Utilisation
optimale des antiplaquettaires
en première ligne
Par Alan D. Bell, M.D.
Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes atteintes
d’athérosclérose (maladie coronarienne [MC], maladie vasculaire cérébrale
[MVC] et maladie artérielle périphérique [MAP]) ira sans cesse croissant durant
les 20 à 25 prochaines années. Parmi celles-ci, on verra de plus en plus de survivants d’événements vasculaires thrombotiques majeurs (infarctus du
myocarde [IM], accident vasculaire cérébral [AVC]). Le système de santé ayant
déjà du mal à suffire à la demande, il deviendra essentiel d’optimiser les mesures
de prévention chez les patients atteints d’athérosclérose, qui sont à risque élevé
d’événements primaires et de rechutes, non seulement afin de prolonger la vie
de ces patients, mais également afin de réduire le fardeau résultant pour le système de santé.
FIGURE 1 Étude REACH – Taux d’événements sur 3 ans : atteinte d’un seul réseau
vasculaire vs atteinte vasculaire diffuse4
Taux d’événement (%)
Alan D. Bell, M.D.
Service de médecine
familiale et communautaire,
Université de Toronto
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Un seul réseau vasculaire atteint
Atteinte vasculaire diffuse
40,5 %
p < 0,0001
25,5 %
17,9 %
10,5 %
IM/AVC/MV*
* MV = mortalité
** Hospitalisation
p < 0,0001
IM/AVC/MV*/hospitalisation**
vasculaire
pour autre type d’événement vasculaire ou pour intervention vasculaire
le clinicien octobre 2010
13
FIGURE 2
Prévalence d’atteinte vasculaire multiple dans le registre REACH5
Maladie
coronarienne
(MC)
25 % d’atteinte
vasculaire multiple
Maladie vasculaire
cérébrale (MVC)
40 % d’atteinte
vasculaire multiple
Maladie artérielle
périphérique (MAP)
61 % d’atteinte
vasculaire multiple
La médecine fondée sur des preuves a fourni aux
médecins un ensemble de médicaments ayant un effet
préventif démontré sur les événements vasculaires dans
l’athérosclérose établie. Selon le type d’événement visé,
ces médicaments comprennent les bêtabloquants, les
inhibiteurs du système rénine-angiotensine (IECA et
ARA), les hypolipémiants et finalement les antiplaquettaires, lesquels constituent le sujet de la présente mise à
jour. Les antiplaquettaires sont indiqués chez tous les
patients atteints d’athérosclérose, quel qu’en soit le site
(coronarien, cérébral ou périphérique). Le traitement
(p. ex. : aspirine, clopidogrel) sera souvent instauré par
un spécialiste à l’hôpital mais, par la suite, les patients
seront généralement suivis à long terme par leur médecin
C’est donc lui [le médecin de première
ligne] qui devra s’assurer que ses patients
reçoivent un traitement antiplaquettaire
optimal; il aura la responsabilité d’améliorer
le traitement si nécessaire et de s’assurer
de la fidélité à long terme du patient.
de première ligne. C’est donc lui qui devra s’assurer que
ses patients reçoivent un traitement antiplaquettaire
optimal; il aura la responsabilité d’améliorer le traitement si nécessaire et de s’assurer de la fidélité à long
terme du patient. Le REACH Registry et d’autres études
ont démontré que, si la plupart des Canadiens atteints
d’athérosclérose reçoivent déjà des antiplaquettaires, un
certain nombre de patients ne prennent toujours pas ces
médicaments qui pourraient leur sauver la vie.
La présente mise à jour décrit l’ampleur du problème
de la prévention des événements vasculaires thrombotiques, à partir des données récentes de l’étude REACH
14
le clinicien octobre 2010
(Reduction of Atherothrombosis for Continued Health),
qui a révélé la fréquence élevée de ces événements chez
les patients à haut risque. Elle comprend également une
discussion des données disponibles sur les antiplaquettaires en général et sur le clopidogrel en particulier, en
tant que composante importante du traitement antiplaquettaire optimal de nombreux patients à risque élevé.
AMPLEUR DU PROBLÈME : LE RISQUE ÉLEVÉ
D’ÉVÉNEMENTS CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS
D’ATHÉROSCLÉROSE (DONNÉES DU REGISTRE
REACH)
Les données épidémiologiques les plus récentes sur les
événements vasculaires thrombotiques, au Canada et
ailleurs dans le monde, proviennent du registre REACH.
L’objectif de ce registre est de compiler un ensemble de
données internationales afin de mieux connaître les facteurs de risque d’athérosclérose et d’événements
ischémiques chez les patients non hospitalisés3. Le registre
comprend des données provenant de 67 888 patients
recrutés dans 5 587 sites de pratique clinique, dans 44
pays de six grandes régions du monde (Amérique Latine,
Amérique du Nord, Europe, Asie, Moyen-Orient et
Australie)4. Les critères d’inclusion étaient les suivants :
• athérosclérose symptomatique démontrée au niveau
cérébral, coronarien ou périphérique OU
• au moins trois des facteurs de risque d’athérosclérose
suivants :
– diabète sous hypoglycémiants;
– atteinte rénale diabétique démontrée;
– index bras-cheville (IBC) ≤ 0,9;
– au moins une plaque athéromateuse carotidienne
(critère : épaisseur intima-média [EIM] du double
de la région environnante);
– sténose carotidienne asymptomatique ≥ 70 %;
– TA systolique ≥ 150 mm Hg malgré au moins
trois mois de traitement;
Utilisation optimale des antiplaquettaires en première ligne
Considérations cliniques
■ Les patients atteints de maladie vasculaire « stable » sont
moins stables qu’on ne le croit
• Après 3 ans, le taux annuel d’événement vasculaire majeur
chez les patients symptomatiques de l’étude REACH
(antécédent d’événement vasculaire coronarien, cérébral ou
périphérique, même lointain) était de 4 %. Reporté sur
10 ans, ce niveau de risque représente le double du risque de
20 % considéré comme élevé dans l’échelle de Framingham.
■ Les patients ayant des antécédents vasculaires
thrombotiques devraient être sous « trithérapie »
• Les statines, les ISRA (IECA ou ARA) et les antiplaquettaires
réduisent chacun le risque d’événement vasculaire majeur de
25 %. À moins de contre-indication manifeste, tout patient en
prévention secondaire devrait recevoir cette « trithérapie » qui
pourrait lui sauver la vie.
■ L’atteinte d’un réseau vasculaire s’accompagne souvent
de l’atteinte d’un autre réseau
• 25 %, 40 % et 61 % des patients de l’étude REACH atteints,
respectivement, de maladie vasculaire coronarienne,
cérébrale ou périphérique étaient également atteints dans
un autre réseau vasculaire.
• L’atteinte vasculaire disséminée double le risque d’événement
à venir. Certaines données suggèrent que le traitement
antiplaquettaire devrait être plus vigoureux en pareil contexte.
■ Les patients atteints de maladie artérielle périphérique
• Les médecins doivent multiplier les interventions
(pharmacologiques ou non) visant à atteindre les valeurs
cibles. Dans le contexte canadien, cette responsabilité
échoit avant tout au médecin de première ligne.
■ Les changements au mode de vie sont importants,
eux aussi
• Les mesures suivantes de réduction du risque ont fait leurs
preuves :
- diminuer la consommation de sodium à ≤ 1 500 mg/jour
- faire 60 minutes/jour d’exercice modéré
- maîtriser le poids : viser un IMC compris entre 18,5 et 25
- cesser de fumer
- réduire la consommation d’alcool :
hommes < 14 consommations/semaine;
femmes < 9 consommations/semaine.
■ Les avantages de l’association de deux
antiplaquettaires, l’aspirine et le clopidogrel, dépendent
du contexte
• Les avantages sont évidents après un syndrome coronarien
aigu, quel qu’en soit le type et quel que soit le traitement
reçu (médical ou chirurgical).
• Il n’existe pas d’avantages dans la prévention secondaire à
long terme de l’AVC.
• Il n’existe pas d’avantages en l’absence de thrombose
artérielle claire.
symptomatique sont à risque très élevé de crise
cardiaque et d’AVC
• La MAP est sous-diagnostiquée et sous-traitée. Les
cliniciens doivent rechercher systématiquement les
symptômes de claudication intermittente.
• Devant une douleur à la jambe, le médecin devrait effectuer
une évaluation soigneuse comprenant anamnèse, examen et
mesure de l’index bras-cheville (IBC).
■ L’aspirine à faible dose est un bon exemple
■ Malgré les hypolipémiants, les antihypertenseurs et les
mauvaises raisons
• La tendance aux ecchymoses, l’hémorragie conjonctivale,
l’épistaxis et la plupart des interventions chirurgicales ou
dentaires ne constituent pas des indications de cesser les
antiplaquettaires.
hypoglycémiants, de nombreux patients en prévention
secondaire n’atteignent pas les valeurs cibles
• L’atteinte des valeurs cibles diminue l’incidence
d’événement vasculaire majeur et de maladie des vaisseaux
de petit calibre.
– dyslipidémie sous hypolipémiant;
– tabagisme actif;
– âge : ≥ 65 ans (hommes) ou ≥ 70 ans (femmes).
Les données recueillies à l’inscription comprenaient les
antécédents médicaux, les facteurs de risque, des informations démographiques et les données sur le traitement en
cours. Durant les quatre années suivantes, tous les événements cliniques étaient notés. L’étude REACH se limitait à
l’observation et ne testait ni médicament ni intervention.
d’intervention minimaliste efficace
• La monothérapie par aspirine à faible dose (81 mg) donne
les mêmes résultats que l’aspirine à dose plus forte (325
mg), tout en réduisant le risque d’hémorragie.
• Si votre patient prend > 81 mg/jour d’aspirine en prévention
vasculaire, il faudrait envisager d’abaisser la dose.
■ Il ne faut pas cesser les antiplaquettaires pour de
Données à l’inscription. Environ 40 % des médecins
participant à l’étude REACH travaillaient en première
ligne; 30 % étaient internistes et les autres étaient cardiologues, neurologues, angiologues, chirurgiens vasculaires, endocrinologues et autres3.
L’analyse des données à l’inscription des 67 888
patients du registre REACH illustre la nature disséminée
de l’athérosclérose : un pourcentage important des patients présentait l’atteinte de plus d’un réseau vasculaire.
le clinicien octobre 2010
15
Incidence d’événements cliniques majeurs à
1 et 3 ans – Patients symptomatiques de REACH4
FIGURE 3
Taux d’événements (%)
30
25
À 1 an (n = 53 211)
À 3 ans (n = 39 675)
28,4 %
20
15
14,4 %
12 %
10
5
4,7 %
0
MI/AVC/MV*
MI/AVC/MV*/hospitalisation**
* MV = mortalité
** Hospitalisation
vasculaire
pour autre type d’événement vasculaire ou pour
intervention vasculaire
Médicaments au départ et à 3 ans –
Patients symptomatiques de REACH4
TABLEAU 1
Médicamenta (%)
Départ
3 ans
≥ 1 antihypertenseur
90,9
91,1
≥ 1 antithrombotique
92,4
92,1
Aspirine seule
56,6
56,9
Aspirine + autre antiplaquettaire
14,5
12,8
Autre antiplaquettaire seul
13,6
14,2
Anticoagulant oral
12,9
13,5
≥ 1 hypolipémiant
72,9
75,9
Statine
68,3
71,9
≥ 1 hypoglycémiantb
(diabétiques)
87,3
84,6
a Le dénominateur peut varier par manque de données
b Pourcentage établi à partir de 14 282 diabétiques au
départ et
10 628 à 3 ans.
En effet, si les deux tiers environ présentaient une
atteinte limitée à un seul réseau vasculaire, 16 % présentaient une atteinte vasculaire multiple ou disséminée;
18 % ne présentaient que des facteurs de risque (Figure
2)5. Il est fort probable que la prévalence de l’atteinte
vasculaire disséminée ait été plus élevée encore puisque
les patients atteints d’athérosclérose localisée ou porteurs de facteurs de risque n’avaient pas nécessairement
subi d’évaluation de l’ensemble des réseaux vasculaires.
… la proportion de patients inscrits par
des médecins de première ligne était plus
élevée (74,7 %) dans la cohorte
canadienne que dans le reste de la
population de l’étude REACH. Par
conséquent, les sujets de l’étude REACH
devraient représenter le type de patients
rencontrés au jour le jour par les
médecins de première ligne canadiens.
La cohorte canadienne de l’étude REACH. Parmi les
patients inscrits au registre REACH, 1 976 sont des
Canadiens. Les caractéristiques démographiques et cliniques de ce sous-groupe de patients ont été publiées séparément, en 2009, dans le Canadian Journal of Cardiology1.
Les caractéristiques de la cohorte seraient similaires à celles
des patients d’autres volumineux registres de patients canadiens; la proportion de patients inscrits par des médecins de
première ligne était plus élevée (74,7 %) dans la cohorte
canadienne que dans le reste de la population de l’étude
16
le clinicien octobre 2010
REACH. Par conséquent, les sujets de l’étude REACH
devraient représenter le type de patients rencontrés au jour
le jour par les médecins de première ligne canadiens.
DONNÉES MONDIALES DE L’ÉTUDE REACH
Risque d’événements sur trois ans. Trois ans après la fin
de l’inscription de la cohorte REACH, les chercheurs
ont examiné les données recueillies auprès des patients
de l’important sous-groupe déjà atteint d’athérosclérose
au départ, et pour lesquels les données étaient disponibles (n = 32 247). Le paramètre principal d’évaluation
était un paramètre mixte, composé de : IM, AVC et mortalité vasculaire (MV). Les autres paramètres évalués
comprenaient le taux d’hospitalisation pour événement
vasculaire autre que ceux du paramètre mixte. Les
chercheurs ont également noté la prise de médicaments
durant cette période. Les évaluations ont été faites pour
le groupe en entier, et également par sous-groupes établis en fonction des caractéristiques cliniques de départ.
Fréquence des événements cliniques sur trois ans.
L’incidence du paramètre principal mixte, qui était de
4,7 % à un an, avait augmenté à 12,0 % après trois ans
(Figure 3). Lorsqu’on ajoutait les hospitalisations au
paramètre mixte, le taux atteignait 14,4 % à un an et
28,4 % à trois ans (Figure 3).
Le risque d’événement était significativement plus élevé
dans le sous-groupe atteint de maladie vasculaire disséminée
que chez les patients à l’atteinte localisée. L’incidence du
paramètre principal mixte à trois ans était de 10,5 % chez
les patients à atteinte vasculaire localisée et de 17,9 % chez
les patients à atteinte vasculaire disséminée (augmentation
absolue du risque = 7,3 %, p < 0,0001; Figure 1). L’incidence du paramètre mixte IM/AVC/MV/hospitalisation à
trois ans était de 25,5 % chez les patients avec une atteinte
Utilisation optimale des antiplaquettaires en première ligne
Effets des antiplaquettaires sur les événements vasculaires dans 5 catégories de patients à risque
élevé : Antithrombotic Trialists’ Collaboration6
FIGURE 4
Catégorie
d’essai
Nombre
d’essais
avec données
Nbre (%) d’événements vasculaires
Sous antiplaObservé–
quettaire
Témoins
prédit
Variance
Rapport de cotes (%)
antiplaquettaire : témoin
% réduction
du risque
(ET)
IM antérieur
12
1 345/9 984
(13,5)
1 708/10 022 -159,8
(17,0)
567,6
25 (4)
IM aigu
15
10 07/9 658
(10,4)
1 370/9 644
(14,2)
-181,5
519,2
30 (4)
AVC ou ICT antérieur
21
2 045/11 493 2 464/11 527 -152,1
(17,8)
(21,4)
625,8
22 (4)
AVC aigu
7
1 670/20 418 1 858/20 403 -94,6
(8,2)
(9,1)
795,3
11 (3)
Autre risque élevé
140
1 638/20 359 2 101/20 543 -222,3
(8,0)
(10,2)
737,0
26 (3)
Tout sauf AVC aigu
188
6 035/51 494 7 644/51 736 -715,7
(11,7)
(14,8)
2 449,6
25 (2)
Tous les essais
195
7 705/71 912 9 502/72 139 -810,3
(10,7)
(13,2)
3 244,9
22 (2)
Hétérogénéité de la réduction du risque entre :
Les 5 catégories d’essai : x2 = 21,4; dl = 4; p = 0,0003
AVC aigu vs les autres : x2 = 18,0; dl = 1; p = 0,00002
vasculaire localisée et de 40,5 % chez les patients avec une
atteinte vasculaire disséminée (p < 0,0001; Figure 3).
L’analyse des données à trois ans de la cohorte canadienne de REACH est en cours.
LE RISQUE CARDIOVASCULAIRE DEMEURE
SOUS-TRAITÉ CHEZ LES PATIENTS À RISQUE
ÉLEVÉ
Le taux d’événement observé à trois ans, chez les
patients déjà symptomatiques lors de leur inscription au
registre REACH (12 % pour IM/AVC/MV et 28,4 %
pour IM/AVC/MV/hospitalisation), illustre à quel point
le risque est élevé chez ces patients, malgré l’utilisation
d’un ensemble de stratégies de réduction du risque, à
l’inscription et après trois ans (Tableau 1).
Ce risque pourrait diminuer en partie si on généralisait l’utilisation des interventions ayant fait leurs
preuves. Par exemple, 14,4 % des patients atteints de
maladie vasculaire établie fumaient encore. L’arrêt du
tabac, dans ce groupe de patients, pourrait réduire le
risque de façon importante. En matière de médicaments, on note que 69,4 % seulement de l’ensemble
des patients de REACH prenaient une statine 5.
L’utilisation des antiplaquettaires était également sousoptimale puisque 15 % environ des patients n’en prenaient ni au départ, ni après trois ans (Tableau 1). La
0
0,5
1,0
1,5
2,0
Antiplaquettaire
Antiplaquettaire
mieux
pire
Effet du traitement
p < 0,0001
plupart des patients sous antiplaquettaire prenaient de
l’aspirine en monothérapie.
De plus, même chez les patients traités, on constatait des lacunes thérapeutiques. Ainsi, même si plus
de 90 % des hypertendus de l’étude prenaient des antihypertenseurs, la moitié présentait une TA élevée à
l’inscription5.
Il est intéressant de noter que les données de départ de
la cohorte canadienne de REACH étaient légèrement
meilleures que celles de l’ensemble des patients (certaines lacunes demeurent néanmoins à corriger). Dans la
cohorte canadienne, l’utilisation d’antihypertenseurs,
d’antiplaquettaires et d’hypolipémiants était nettement
plus répandue que chez l’ensemble des patients. Les facteurs de risque étaient également mieux maîtrisés : le
pourcentage des patients canadiens atteignant, au
départ, les valeurs cibles de cholestérol et de TA était
plus élevé que chez l’ensemble des patients de REACH1.
PREUVES DE L’EFFET PROTECTEUR DES
ANTIPLAQUETTAIRES
L’une des lacunes thérapeutiques identifiées dans le
registre REACH était un usage insuffisant des antiplaquettaires. Parmi les patients symptomatiques au
départ, 56,6 % ne prenaient que de l’aspirine, 13,6 %
ne recevaient qu’un antiplaquettaire autre que
le clinicien octobre 2010
17
Clopidogrel vs aspirine (CAPRIE) :
Incidence annuelle d’IM/AVC ischémique/mortalité
vasculaire7
FIGURE 5
Clopidogrel vs aspirine (CAPRIE) : Incidence
annuelle d’IM/AVC ischémique/mortalité vasculaire –
Sous-groupe à atteinte vasculaire diffuse7
FIGURE 6
RRR 8,7 %, p = 0,043
RRR 22,7 %, 95 % CI 4,9-37,2
5
12
5,68 %
5,32 %
4
3
2
1
0
Aspirine
Clopidogrel
l’aspirine et 14,5 % prenaient de l’aspirine + un autre
antiplaquettaire. Par conséquent, 15,3 % ne recevaient
aucun antiplaquettaire. Même si certains de ces patients
présentaient des contre-indications, cela suggère tout de
même une lacune thérapeutique importante.
Le rapport du Antithrombotic Trialists’ Collaboration. Il faut reconnaître que l’absence de traitement
antiplaquettaire chez 15 % des patients de REACH
atteints de maladie vasculaire établie représente une lacune thérapeutique. Les données démontrent clairement
la protection vasculaire conférée par ces médicaments.
Les auteurs du Antithrombotic Trialists’ Collaboration
ont publié une revue systématique des études ayant comparé un antiplaquettaire à un placebo (n = 135 000) ou
à un autre antiplaquettaire (n = 77 000) chez des
Les chercheurs de l’étude CAPRIE
ont rapporté que le taux annuel
d’événement chez les patients atteints
de maladie vasculaire diffuse (IM + MAP
ou AVC) était de 8,35 % sous aspirine et
de 10,74 % sous clopidogrel (réduction
relative du risque statistiquement
significative de 22,7 %).
patients à risque élevé (antécédent ou épisode aigu de
maladie vasculaire, ou autre affection prédisposante)6.
La prise d’antiplaquettaire réduisait d’environ 25 % le
paramètre principal mixte (infarctus du myocarde non
mortel ou AVC non mortel ou mortalité vasculaire) par
rapport au placebo. Séparément, la réduction était d’environ 33 % pour l’infarctus non mortel, d’environ 25 %
pour l’AVC non mortel et d’environ 17 % pour la mor-
18
le clinicien octobre 2010
Taux d’événements sur 1 an (%)
Taux d’événements sur 1 an (%)
6
10
10,74 %
8
8,35 %
6
4
2
0
Aspirine
Clopidogrel
talité vasculaire. On observait des avantages du traitement antiplaquettaire quel que soit le diagnostic responsable du risque élevé ayant justifié la prise de l’antiplaquettaire (Figure 4).
Étude CAPRIE. L’utilisation persistante de
l’aspirine comme antiplaquettaire de base reflète la
présence d’obstacles à franchir dans le système de
santé, alors que les données suggèrent que le clopidogrel pourrait être considéré comme le traitement de
choix en première ligne chez la plupart des patients
atteints de maladie vasculaire établie. L’étude CAPRIE
(Clopidogrel Versus Aspirin in Patients at Risk of
Ischemic Events7) a été conçue pour comparer le
clopidogrel à l’aspirine, dans la réduction d’incidence
d’un paramètre mixte (AVC ischémique, IM ou MV).
L’essai regroupait 19 185 patients atteints de maladie
vasculaire établie (AVC récent, IM récent ou MAP
symptomatique, en trois groupes de taille équivalente). Les patients ont été suivis de un à trois ans
(moyenne de 1,9 an).
Les chercheurs ont rapporté un taux annuel d’événement de 5,32 % avec le clopidogrel, contre 5,83 % avec
l’aspirine (réduction relative du risque de 8,7 % avec le
clopidogrel; p = 0,043; Figure 5). On n’observait aucune
différence importante entre les groupes au plan de l’innocuité. De plus, les chercheurs de l’étude CAPRIE ont
rapporté que le taux annuel d’événement chez les
patients atteints de maladie vasculaire diffuse (IM +
MAP ou AVC) était de 8,35 % avec l’aspirine et de
10,74 % avec le clopidogrel (réduction relative du risque statistiquement significative de 22,7 %; Figure 6)7.
Une analyse subséquente de la cohorte de l’étude
CAPRIE a révélé que chez les patients ayant présenté un
événement dans le passé, la réduction relative du risque
(prévention secondaire) était plus marquée avec le clopidogrel et demeurait statistiquement significative (réduction relative du risque de 14,9 %; p = 0,04)8.
Utilisation optimale des antiplaquettaires en première ligne
Association d’antiplaquettaires. La supériorité de
l’association du clopidogrel à l’aspirine, par rapport à
l’aspirine seule dans la prévention d’événements vasculaires, a été démontrée dans diverses populations de
patients atteints de maladie vasculaire établie. Les données les plus concluantes portaient sur des patients ayant
présenté un syndrome coronarien aigu (SCA : IM aigu
ou angine instable), avec ou sans intervention coronarienne percutanée (ICP). Plusieurs études (CURE9, PCICURE10, PCI-CLARITY11, COMMIT12) ont montré
une réduction statistiquement plus marquée du taux
d’événements subséquents, chez ces patients à risque
élevé, sous aspirine + clopidogrel par rapport au traitement par aspirine seule. Il faut toutefois reconnaître que
ces études ont été menées auprès de patients atteints
principalement de coronaropathie.
Les patients atteints de maladie vasculaire établie
présentent un risque très élevé d’événement vasculaire,
comme l’ont illustré les données à trois ans du registre
REACH. Un niveau de risque encore plus élevé a été
identifié chez certains sous-groupes, le cas le plus frappant étant celui des patients atteints de maladie vasculaire diffuse (atteinte de plus d’un réseau artériel). Le
risque d’événement majeur est deux fois plus élevé chez
ces patients que chez ceux dont l’atteinte ne touche
qu’un seul réseau vasculaire.
Bien que les médecins canadiens utilisent très largement les stratégies démontrées de réduction du risque, il
y a encore place à beaucoup d’amélioration. L’arrêt du
tabagisme, d’importance primordiale dans cette population, doit faire l’objet d’efforts constants. La pharmacothérapie doit être optimisée, afin notamment d’atteindre les valeurs cibles nationalement établies dans l’hypertension, la dyslipidémie et le diabète.
Les données de REACH indiquent également que l’utilisation des antiplaquettaires est sous-optimale. Le traitement
antiplaquettaire le plus prescrit demeure l’aspirine en
monothérapie, bien que les données indiquent que le clopidogrel puisse offrir une protection supérieure, particulièrement chez les patients atteints de maladie vasculaire diffuse.
Lors d’essais cliniques réalisés dans les dix dernières années,
l’association du clopidogrel à l’aspirine s’est avérée systématiquement supérieure à l’aspirine seule dans la prévention
des événements vasculaires l’année suivant un SCA, dont les
IM avec sus-décalage du segment ST (STEMI) ou sans susdécalage du segment ST (NSTEMI), avec ou sans ICP.
La thrombose artérielle est une cause importante de
morbidité et de mortalité au Canada et partout au
monde. Afin de réduire le fardeau des événements vasculaires thrombotiques pour les patients et le système de
santé, les médecins canadiens doivent continuer d’utiliser des stratégies optimales de réduction du risque, et
notamment d’utiliser de manière efficace les meilleurs
traitements antiplaquettaires.
Références :
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CONCLUSIONS
le clinicien octobre 2010
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