Publicité pour le grand magasin japonais Parko Photo de mode po
ur Vogue français
Pochette de disque pour Faria
,
Chope]
UNE CHRONIQUE DE
Ce nom de photographe :
Dominique Issermann
la porte de Dominique Issermann, un
samedi à 13h 30 tapantes, sincère-
ment j'étais contente. Mais là, au
moment de sonner dans cette allée
trempée des fonds de Paris avec oi-
seaux, le doute m'a attrapée : nos lecteurs connais-
sent-ils seulement son nom ? Les fous de photo
sûrement, les enragés de mode aussi. Les autres,
je n'en jurerais pas. Depuis qu'Aline Issermann
s'est mise à signer coup sur coup trois longs
métrages, « on confond souvent l'une avec l'au-
tre »,
dit-elle. Ce n'est pas grave. Les deux
Issermann sont soeurs ; elles s'aiment beaucoup ;
et aucune des deux n'a de souci à se faire sur son
talent. Dominique Issermann est celle qui a
décroché, aux Oscars de la mode 88, l'oscar de la
photographie de mode. Le pompon : le choix était
vaste, surtout pour inaugurer un nouveau grand
prix (bisannuel : le prochain cette année). Dix-
huit millions de téléspectateurs l'avaient vue ce
soir-là, avec sa grosse natte blonde qui pendouil-
lait sur son épaule gauche, une chemise blanche
comme une meringue et un curieux falzar noir à
bretelles. «
J'avais bien une veste de smoking que
Sonia Rykiel m'avais fabriquée en vitesse, mais
quand j'ai entendu mon nom je l'ai oubliée dans
mon fauteuil. »
On aurait dit une gamine qui
s'était sauvée du collège pour rejoindre Jack Lang
sur la scène de l'Opéra : jolie comme un coeur.
Son nom: sans qu'on lui ait rien demandé, tout
de suite, à la troisième minute Ou à la quatrième,
152 LE
NOUVEL OBSERVATEUR/MYTHOLOGIES
elle en parle. «
Ma famille, sauf mon père qui est
venu dans la région parisienne, a toujours vécu en
Alsace depuis le xue siècle. Jusqu'à trois généra-
dons d'ici, elle était juive. Quand mon grand-
père, devenu veuf, s'est remarié, il s'est converti
au catholicisme pour faire plaisir à sa femme et il
a fait baptiser mon père en même temps; "tant
qu'à faire", avait-il dit. »
C'était «
un laïque », à
une époque où la laïcité tenait lieu de religion,
dans une région encrassée et indurée d'antisémi-
tisme où ce « tant qu'a faire>) avait tout pour
faciliter la vie. N'empêche : «
Ce qu'on a pu nous
embêter, à l'école, ma soeur et moi, avec notre
nom : "C'est un nom juif. Dites-le que vous êtes
juives, dites-le." On n'était rien, juste baptisées
catholiques. On ne savait même pas ce que juif
voulait dire, au début. »
Elle est née en 1947, sa
soeur un peu plus tôt. La guerre n'était pas loin. Le
silence du père recouvrait leur histoire.
Deux jours plus tard, ce propos la trouble
encore. Appel : «
Je ne sais pas pourquoi je vous ai
déballé tout ça. » Mais
si : certains prennent tôt
conscience de leur nom parce qu'ils sont aristos,
d'autres parce qu'ils sont si riches, d'autres parce
qu'ils sont si pauvres. Elle, ce fut de cette façon
détestable, entre l'interdit et l'accusation. Plus
tard, ajoute-t-elle, lorsqu'il s'est agi de transfor-
mer son nom en signature, elle en a fait «
tout un
plat» :
par exemple, ses photos publicitaires ont
toujours été signées. Même au début, quand elle
était raide comme un passe, elle n'a jamais marché
dans le chantage ordinaire des agences aux jeunes
photographes : ou tu travailles gratis et tu signes,
ça te servira ; ou tu .acceptes que l'agence signe
pour toi et tu seras payée. Comme photographe de
mode ou de portrait, Dominique Issermann
publie depuis dix ans dans « Elle », « Vogue »
français, « Vogue » américain et son nouveau
concurrent « Mirabella », « Esquire ». En France,
elle fait les photos de pub de Sonia Rykiel, Dior,
Nina Ricci ; au Japon, où les grands photographes
ne manquent pas, elle réalise les campagnes
d'Isetan et de Parko (grands magasins). Elle filme
aussi : des clips télé pour Leonard Cohen, Le
Bourget, Nina, le parfum de Ricci (avant Noël).
« Je ne fais aucune différence entre mon travail de
commande et ce qu'on appelle d'habitude le
travail personnel : c'est une photo, point. »
Le
reporter Cartier-Bresson a-t-il jamais fait autre
chose ? Le photographe travaille d'abord pour
lui : pour le soixantième ou le millième de seconde
d'éternité où il ne fait plus qu'un avec son appareil
et son image, ébloui d'un vertige transmutatoire,
corps à corps avec sa solitude. Dominique Isser-
mann ne sait même plus qu'elle fait une photo de
pub à cet instant-là, de plaisir fou, elle ne pense
qu'a sa photo.
Ça se voit. Lorsqu'on se souvient de photos
d'elle, on ne sait plus si c!était une publicité ou pas.
« On pense toujours que c'est du noir et blanc,
même si je fais 70 % de couleur. »
Toujours
comme on pense en couleurs, il faut en déduire
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