
Comité de rédaction : E. Molva, J. Planès (DIR), P. Dalmas de Réotier (SPSMS), Th. Douki (SCIB),
G. Prenat (SPINTEC), S. Lyonnard (SPrAM), R. Vallcorba (SBT), P. Warin (SP2M) - Mise en page : M. Benini (DIR) tél. 04 38 78 36 33
Les semi-conducteurs organiques sont  au 
cœur de l’électronique souple. Ils permettent 
de fabriquer des transistors à effet de champ 
organiques (OFET, voir encart) bon marchés 
et concurrentiels. Le  matériau  organique qui 
constitue  la  couche  active  est  généralement 
désordonné, particulièrement dans le cas des 
couches  minces  de  polymères  pi-conjugués. 
Cependant, il existe également des transistors 
à  base  de  monocristaux,  appelés  SCOFETs 
(SC="single  crystal").  Ceux-ci  présentent  un 
avantage décisif : la perfection du monocris-
tal  permet  de  s’affranchir  au  maximum  du 
désordre structural, ce qui se traduit par une 
mobilité des charges accrue d’un facteur 10. 
Les monocristaux moléculaires sont ainsi des 
systèmes modèles pour évaluer les performan-
ces  ultimes  des  dispositifs  organiques  hors 
effet de désordre.
La  caractérisation  du  transport  électroni-
que  dans  le  canal  organique  d’un  SCOFET 
est  compliquée  :  en  effet,  les  charges  sont 
localisées à l’interface 
organique diélectrique
. 
Comme  un  monocristal  est  épais  de  quel-
ques centaines de  microns  typiquement,  ces  
charges  sont  donc  profondément  enterrées. 
Pas  question,  à  priori,  d’aller  sonder  leur 
mobilité locale avec une technique de champ 
proche,  qui  explore  la  surface  du  matériau. 
Comment faire ?
Phase n°1 :  
Synthèse du monocristal ultra-mince et 
fabrication du SCOFET
Les chimistes du laboratoire sont parvenus 
à synthétiser un monocristal de rubrène « ultra-
mince », c’est-à-dire d’une centaine de nano-
mètres d’épaisseur et cent microns de long ! 
Puis, en collaboration étroite avec le SPSMS, 
le  SCOFET  a  été  fabriqué.  Le  monocristal, 
trapèze  violet  sur  la  figure,  est  déposé  sur 
le diélectrique. En état de fonctionnement, le 
dopage électrostatique se produit à l’interface
.
Phase n°2 :  
La microscopie en champ proche
Le  transistor  fonctionne  :  tensions  de  grille, 
de  drain  et  de  source  sont  appliquées.  Les  
charges sont localisées à l’interface. Le microscope 
en  mode  sonde  de  Kelvin  vient  « imager »  le 
potentiel électrique local dans le canal organique. 
Pourquoi ?  Parce  que  la  technique  mesure  les 
forces électrostatiques,  qui  sont  à  longue  portée, 
et  traversent  donc  cent  nanomètres  de  mono-
cristal  organique  isolant  sans  être  écrantées… 
Imaginons  qu’en  passant  la  main  à  la  surface 
de la  mer on ressente le  relief d’un  fond marin !
Phase n°3 :  
Une cartographie du transport
Les lignes équipotentielles dans le canal, 
entre source et drain, ont pu  être mesurées. 
Feuille Rouge
 La
  électronique organique
PETITE POINTE SUR MONOCRISTAL : QUEL BEAU TRANSPORT !
Dans un transistor à effet de champ fabriqué avec un monocristal organique, les charges sont enterrées à une profondeur de quelques centaines 
de microns. Elles sont en effet localisées à l’interface organique diélectrique. Comment étudier le transport électronique local dans ces conditions ? 
A priori, il paraît impensable d’utiliser une technique de champ proche, comme la microscopie à force atomique, qui caractérise les propriétés de 
surface. Pourtant, nous avons prouvé que c’est possible ! A l’origine de ce travail, une prouesse de synthèse chimique : la fabrication d’un mono-
cristal ultra-mince. Le résultat : une caractérisation des propriétés intrinsèques de transport électronique dans un transistor à effet de champ réalisé 
avec un semi-conducteur organique parfait.
Un OFET,  
c’est quoi au fait ?
Le  principe  du  transistor  à  effet  de 
champ organique est très simple: on réalise 
une capacité en isolant le semi-conducteur 
organique  d’une  électrode  conductrice  (la 
grille) par  une  barrière  isolante (le  diélec-
trique de grille). En appliquant une tension 
électrique  VG  sur  l’électrode  de  grille,  on 
va alors pouvoir ajouter des charges (élec-
trons  ou  trous)  dans  le  semi-conducteur 
organique,  qui  sont  confinées  à  proximité 
de l’interface avec l’isolant diélectrique. Le 
transport  de  courant  électrique  peut  alors 
s’établir  dans  le  matériau  ainsi  «électros-
tatiquement»  dopé,  entre  deux    électrodes   
communément appelées source et drain.
Visiblement, ces  lignes  sont  tordues,  ce 
qui signifie qu’il existe des perturbations 
dans le transistor. Comme le monocristal 
est parfait, ces perturbations ne peuvent 
être dues qu’au collage avec le diélectri-
que et aux hétérogénéités de l’interface. 
Le  gradient  de  potentiel  montre  l’exis-
tence  de  zones  de  plus  forte  résistan-
ce.  Améliorer  le  SCOFET  passera  donc 
par  des  collages  encore  plus  propres.
Ce  travail  ouvre  de  larges  perspec-
tives  pour  une  compréhension  appro-
fondie  des  phénomènes  de  transport 
de charges et  d’effets interfaciaux dans 
les  monocristaux  semi-conducteurs. 
La  prochaine  étape  sera  de  réaliser 
le  même  type  de  mesures  sous  ultra-
vide.  A  terme,  nous  voulons  «cartogra-
phier» le  transport  entre  la  température 
ambiante  et  les  basses  températures.