Prise en charge du sujet âgé en radiothérapie : mythes et perspectives

Journal Identification = PNV Article Identification = 0485 Date: September 5, 2014 Time: 9:28 am
Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (3) : 261-6
Prise en charge du sujet âgé en
radiothérapie : mythes et perspectives
The elderly in radiotherapy: myths and prospects
Aurore Goineau1
LoÏc Campion2
Marc-AndrÉMahÉ1
1Département de radiothérapie,
Institut de cancérologie de l’Ouest
René Gauducheau, St Herblain, France
2Biostatistiques, Institut
de cancérologie de l’Ouest René
Gauducheau, St Herblain, France
Tir´
es `
a part :
A. Goineau
Résumé. Il s’agit d’une étude cas témoins rétrospective monocentrique sur 62 patients
répartis en deux tranches d’âge (80 ans et plus versus 65 ans et moins) traités par radio-
thérapie externe au cours d’une même période. L’objectif principal était de rechercher des
différences de prise en charge entre ces deux populations. Deux paramètres apparaissent
statistiquement différents entre les deux groupes : l’indication du poids du patient (rensei-
gné pour 39 % des patients âgés versus 71 % des patients plus jeunes, p = 0,039)et le
fait d’hypofractionner la radiothérapie (pour 61 % et 23 % des patients respectivement,
p = 0,002). Aucune différence significative n’a été mise en évidence pour le but de cette
radiothérapie (curative ou palliative), les modalités de ce traitement, le lieu de vie du patient
et le suivi réalisé. L’oncogériatrie est née du partenariat entre oncologues médicaux et
gériatres, il serait à présent souhaitable de développer davantage la collaboration avec les
radiothérapeutes.
Mots clés : sujet âgé, radiothérapie, oncogériatrie
Abstract. In this single-center retrospective case-control study, 62 patients were divided
into two age groups (80 years and older versus less than 65 years) treated with external
beam radiation during the same period. The main objective was to investigate differences in
care between these two populations. Two parameters appear statistically different between
the two groups: the indication of patient weight (reported for 39% of elderly patients versus
71% of younger patients, p = 0.039) and hypofractioned radiotherapy (61% and 23% of
patients respectively, p = 0.002). No significant difference was found for the purpose of
this radiotherapy (curative or palliative), the terms of this treatment, place the patient’s life
and monitoring. The oncogeriatrics was born of a partnership between medical oncologists
and geriatricians, it would be now useful to further develop collaboration with radiation
oncologists.
Key words: elderly, radiotherapy
La radiothérapie externe est, avec la chirurgie et
la chimiothérapie, l’un des 3 piliers du traitement
du cancer. Elle est proposée à 2/3 des patients
souffrant de cancer au cours de l’évolution de leur mala-
die, à visée curative ou palliative. La radiothérapie externe
consiste en l’utilisation de radiations ionisantes ayant pour
but de détruire l’ADN tumoral.
Le cancer est une maladie touchant majoritairement le
sujet âgé et, dans la pratique, le radiothérapeute prend quo-
tidiennement en charge des personnes âgées [1]. À titre
d’exemple, environ 10 % de la population d’un centre de
radiothérapie a plus de 80 ans. Mais le questionnement sur
les spécificités de cette prise en charge par rapport à celle
de sujets plus jeunes est récent. Les premières études de
radiothérapie du sujet âgé se sont développées dans les
années 1990 et se sont attachées à démontrer sa faisabilité
[2, 3]. La seconde interrogation a concerné l’intérêt et la tolé-
rance de l’hypofractionnement (diminution du nombre de
séances) [4-6]. Puis, avec le développement des nouvelles
techniques de radiothérapie, la question de leur place chez
les patients âgés s’est posée [7]. Cependant, les études
prospectives, spécifiques des sujets âgés, sur une vaste
population, restent faibles.
L’hétérogénéité de la population âgée et les difficul-
tés à apprécier le concept de fragilité [8, 9] ont amené
les gériatres à développer des outils d’évaluation spéci-
fiques depuis plus de 10 ans [10-13]. Et plusieurs études
ont démontré l’intérêt de ces évaluations gériatriques
standardisées pour prédire la toxicité des traitements
[14, 15] voire modifier la décision thérapeutique [16, 17].
Ainsi, l’oncogériatrie s’est jusqu’à présent développée
essentiellement à travers le partenariat entre les onco-
logues médicaux et les gériatres. En effet, la chimiothérapie
était jusqu’à récemment souvent contre-indiquée chez les
doi:10.1684/pnv.2014.0485
Pour citer cet article : Goineau A, Campion L, Mahé MA. Prise en charge du sujet âgé en radiothérapie : mythes et perspectives. Geriatr Psychol
Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(3) :261-6 doi:10.1684/pnv.2014.0485 261
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A. Goineau, et al.
sujets jugés «trop âgés ». Avec le développement des
soins de supports améliorant la tolérance des traitements,
l’arrivée des thérapies ciblées et le vieillissement de la popu-
lation, les oncologues médicaux ont pu mesurer le caractère
très insuffisant de l’évaluation unique de l’âge et l’intérêt
de la collaboration avec le gériatre. Les radiothérapeutes
ont été jusqu’à maintenant plutôt en retrait de ces partena-
riats car considérés (par eux-mêmes et par les gériatres)
comme plus habitués à traiter des sujets âgés, avec un
traitement «moins toxique ». Pourtant, le gériatre et le
radiothérapeute sont des médecins habitués à travailler en
équipe et généralement convaincus des apports fournis par
les collaborations pluridisciplinaires.
Patients et méthodes
L’objectif principal était de déterminer si la prise en
charge en radiothérapie des patients de 80 ans et plus diffé-
rait de celle des plus jeunes, et si oui, en quoi. Pour ce faire,
nous avons recherché de fac¸on exhaustive et rétrospective
tous les patients de 80 ans et plus traités par radiothéra-
pie externe à l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO) site
René Gauducheau au cours d’une période donnée (mois de
septembre 2013). Trente-et-un patients ont ainsi été identi-
fiés. Nous les avons ensuite appariés avec des patients plus
jeunes (âge inférieur ou égal à 65 ans également traités par
radiothérapie sur le même site entre mars et octobre 2013),
selon deux critères : la localisation tumorale traitée et le
radiothérapeute en charge du patient. Il s’agissait donc
d’une étude cas-témoin avec appariement 1 pour 1. Les
paramètres étudiés étaient l’âge, la distance entre le lieu de
vie et le centre de traitement, le type de lieu de vie (domi-
cile, soins de suite, service de médecine aiguë), l’indication
du mode de vie du patient et de son poids initial, le type
de traitement effectué (radiothérapie externe conformation-
nelle ou technique spéciale, inclusion du patient dans un
essai thérapeutique), le but du traitement (curatif ou pallia-
tif), les modalités de la radiothérapie (nombre de fractions,
prescription type hypofractionnée, réalisation complète du
traitement), le suivi du patient (réalisé à l’ICO ou délégué,
décès du patient).
Analyse statistique
On a effectué entre les deux groupes des comparaisons
de moyennes. Les variables qualitatives ont été analysées
par le test du Khi2(ou éventuellement le test de Fisher en
cas de faible nombre). Les variables quantitatives ont été
analysées grâce au test de Mann-Whitney.
Résultats
Description de la population âgée étudiée
Trente-et-un patients de 80 ans et plus ont été identi-
fiés. L’âge moyen était de 84 ans avec 21 patients entre 80
et 85 ans, 7 patients entre 85 et 90 ans et 3 patients de
plus de 90 ans. Il s’agissait de 18 hommes et 13 femmes.
Ces patients ont été traités par radiothérapie externe pour
les tumeurs suivantes : 8 métastases osseuses (27 %), 6
tumeurs digestives (20 %), 5 cancers cutanés (16 %), 4
tumeurs mammaires (13 %), 2 cancers pulmonaires (6 %),
2 tumeurs ORL (6 %), 2 hémopathies (6 %), 1 cancer de
prostate (3 %), 1 cancer de l’endomètre (3 %).
Une évaluation gériatrique standardisée (EGS) a été
réalisée chez 6 patients sur 31 (19 %). Cette EGS a été réa-
lisée dans 3 cas au cours d’une hospitalisation en gériatrie,
dans 2 cas à la demande de l’oncologue médical et dans
1 cas à la demande du service de médecine polyvalente
d’urgence.
Étude cas-témoins
Trente-et-un patients de moins de 65 ans ont été appa-
riés au groupe des sujets âgés en fonction de la localisation
tumorale traitée et du médecin radiothérapeute en charge
du traitement. Pour chaque sujet âgé, le sujet jeune retenu
était celui traité pour la même localisation tumorale, par le
même médecin, à la date la plus proche (antérieurement ou
postérieurement). L’âge moyen était de 53 ans [25-64 ans]
avec 17 hommes et 14 femmes. Les localisations tumorales
traitées étaient similaires à celles décrites dans la popula-
tion âgée (appariement sur ce critère).
Deux paramètres apparaissent statistiquement diffé-
rents entre les deux groupes : l’indication du poids du
patient et le fait d’hypofractionner la radiothérapie. En effet,
le poids est renseigné lors de la consultation initiale du radio-
thérapeute pour 22 patients de moins de 65 ans (71 %)
contre seulement 12 patients âgés (39 %), p = 0,039. Et
l’hypofractionnement a été choisi pour 19 patients âgés
(61 %) et 7 patients plus jeunes (23 %), p = 0,002.
Deux paramètres n’atteignent pas le seuil de la signifi-
cativité mais s’en approchent : la distance entre le domicile
et le lieu de traitement (p = 0,068) et la notification du mode
de vie du patient (p = 0,075). En effet, une large majorité
de patients âgés demeuraient à moins de 30 km du centre
de radiothérapie, tandis que la répartition des distances est
plus homogène chez les plus jeunes. Et on constate que le
mode de vie des plus jeunes est plus fréquemment rensei-
gné dans la consultation avec le radiothérapeute que celui
des plus âgés (65 % versus 42 % respectivement).
262 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n 3, septembre 2014
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Prise en charge du sujet âgé en radiothérapie
Pour les autres paramètres (lieu de vie pendant la radio-
thérapie, type de traitement, but curatif ou palliatif du
traitement, réalisation complète du traitement, suivi en
Centre de lutte contre le cancer ou délégué, décès), aucune
différence statistiquement significative n’a été mise en évi-
dence.
Les résultats de cette étude sont consignés dans le
tableau 1.
Discussion
La sélection des populations de patients comparées a
été faite selon différents critères pour tenter d’éclairer au
mieux les différences et diminuer au maximum les biais
de sélection. L’âge de 80 ans et plus pour la population
«âgée »a paru pertinent à la fois pour garantir une certaine
homogénéité de population (différences importantes entre
différents individus en termes d’état général et d’autonomie
notamment pour la tranche d’âge 70-80 ans) tout en garan-
tissant une activité «de routine »en radiothérapie. L’âge
de 65 ans et moins pour la population «jeune »a paru per-
tinent pour garantir une différence notable entre les deux
populations en termes d’état général et d’image renvoyée
au médecin. On a choisi d‘inclure dans cette étude tous
les patients âgés de 80 ans et plus traités dans un centre
de radiothérapie donné (exhaustivité pour éviter le biais
de recrutement), au court d’une période courte (1 mois,
pour garantir l’homogénéité des pratiques de radiothéra-
pie) et avant le début d’une réflexion plus approfondie sur
le développement de la collaboration entre oncogériatres
et radiothérapeutes. Le choix du mode d’appariement a
été réfléchi de la fac¸on suivante : appariement sur le type
tumoral (qui dicte le type de radiothérapie prescrite), sur le
radiothérapeute en charge du patient (pour éviter l’écueil
du recueil de données différent d’un médecin à l’autre
lors de la consultation initiale notamment concernant le
poids ou le mode de vie) et à date de traitement la plus
proche (pour éviter le biais de sélection dans la population
«jeune »).
Tableau 1. Différences entre population «jeune »et population «âgée »traitées par radiothérapie sur une même période.
Table 1. Differences between young population and elderly one treated by radiotherapy on the same period.
Patients 80 ans
N (%) Patients 65 ans
N (%) p
Distance domicile/centre de RT 0,068
<30 km 22 (71 %) 13 (42 %)
30à60km 5(16%) 11(35%)
>60 km 4 (13 %) 7 (23 %)
Mode de vie renseigné 13 (42 %) 20 (65 %) 0,075
Lieu de vie 0,363
Domicile 22 (71 %) 26 (84 %)
Soins de suite 4 (13 %) 1 (3 %)
Médecine aiguë 5 (16 %) 4 (13 %)
Poids renseigné 12 (39 %) 22 (71 %) 0,039
Type de traitement 0,27
Radiothérapie conformationnelle 30 (97 %) 27 (87 %)
Technique spéciale 1 (3 %) 4 (13 %)
+ Essai thérapeutique 1 (3 %) 3 (10 %)
But du traitement 0,288
Curatif 18 (58 %) 22 (71 %)
Palliatif 13 (42 %) 9 (29 %)
Modalités de traitement
Nombre de fractions 16 [1 – 38] 19 [3 – 35]
Hypofractionnement 19 (61 %) 7 (23 %) 0,002
Traitement complet 29 (94 %) 31 (100 %) 0,492
Suivi 0,119
Suivi ICO 20 (65 %) 26 (84 %)
Décès 6 (20 %) 2 (6 %)
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n 3, septembre 2014 263
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A. Goineau, et al.
Cette étude confirme la faisabilité de la radiothérapie
chez des patients âgés, voire très âgés (traitement inter-
rompu précocement pour seulement 2 patients sur les 31
de cette étude), donnée bien connue et retrouvée par de
nombreux auteurs [2, 18-21]. Notre étude confirme éga-
lement le faible accès des patients âgés aux techniques
innovantes de radiothérapie et aux essais thérapeutiques
(un patient seulement dans notre étude). En effet, les essais
thérapeutiques évaluant l’intérêt des techniques innovantes
de radiothérapie spécifiquement chez le sujet âgé sont rares
[7, 22] et la part des sujets âgés inclus dans des études sans
limite d’âge est souvent faible (par exemple seuls 17 % des
patients avaient plus de 75 ans dans ce grand essai récent
de radiothérapie par modulation d’intensité dans le cancer
de prostate [23]). L’hypofractionnement (fait de diminuer le
nombre de séances de radiothérapie) est, de fac¸on statis-
tiquement significative, plus utilisé chez les patients âgés
(61 %) que chez les patients plus jeunes (23 %) dans cette
étude (p = 0,002), élément retrouvé également fréquem-
ment dans la littérature [4-6, 24, 25]. La distance entre le
domicile et le centre de radiothérapie est également un
facteur important, bien que les différences ne soient pas
statistiquement significatives entre les deux populations de
notre étude. En effet, dans la population âgée, 71 % des
patients vivent à moins de 30 km du centre de radiothé-
rapie et 13 % seulement à plus de 60 km contre 42 %
et 23 % respectivement dans la population plus jeune (p
= 0,068). Et ce temps de transport est sans doute un
élément de décision important, pour les radiothérapeutes
comme pour les gériatres, pourtant cet élément est peu
fréquemment étudié. Ainsi, les études prenant en compte
les disparités de traitement en fonction de la distance par
rapport au centre de radiothérapie sont plutôt réalisées aux
États-Unis, et non spécifiques aux patients âgés, vraisem-
blablement en raison du type de protection sociale et des
distances importantes. Ces études retrouvent un plus faible
taux d’irradiation pour les zones éloignées des centres de
radiothérapie [26, 27].
En revanche, contrairement à d’autres données ou à
certaines idées rec¸ues, notre étude ne met en évidence
aucune différence statistiquement significative entre les
populations âgées et plus jeune en termes de stratégie thé-
rapeutique (traitement curatif versus palliatif), de modalités
de suivi (au centre anti-cancer ou délégué), ou de lieu de
vie pendant la durée de la radiothérapie (domicile, soins de
suite, service de médecine aiguë). Ainsi, dans notre étude,
il semble qu’à pathologie et comorbidités égales, les sujets
âgés aient été traités de la même manière que les sujets
plus jeunes, ce qui est un progrès majeur par rapport aux
fréquents cas de sous traitements par méconnaissance de
l’oncogériatrie décrits dans la littérature récente [28-31].
Points clés
L’oncogériatrie s’est développée jusqu’à présent par le
partenariat entre gériatres et oncologues médicaux.
Cette réflexion sur la spécificité du sujet âgé s’amorce
en radiothérapie.
Pourtant, malgré une prise en charge quotidienne de
patients de plus de 80 ans, cette étude montre une
moins bonne évaluation nutritionnelle du sujet âgé par
rapport au sujet plus jeune.
Les radiothérapeutes considèrent encore trop fré-
quemment que l’hypofractionnement est le seul levier
d’adaptation aux personnes âgées.
Mais il est également possible qu’une différence réelle ne
soit pas significative dans notre étude compte tenu du faible
effectif (traitement palliatif réalisé chez 42 % des sujets
âgés contre 29 % des sujets jeunes, p = 0,288). Et il existe
fréquemment en pratique quotidienne un diagnostic plus
tardif de la maladie cancéreuse chez le sujet âgé, avec des
maladies d’emblée plus évoluées [32]. De plus, l’évaluation
de l’état nutritionnel, considérée comme un des piliers de
l’évaluation gériatrique standardisée [33], est paradoxale-
ment moins bien réalisée par le radiothérapeute pour les
sujets âgés que pour les sujets plus jeunes (poids indiqué
respectivement pour 29 % des sujets âgés versus 71 %
des sujets jeunes, p = 0,039). Pourtant, plusieurs études
ont montré la forte prévalence de la dénutrition et l’impact
pronostique de cet état nutritionnel en oncologie [34-38],
comme en gériatrie [39-42]. Ceci pourrait être expliqué par
la nécessité d’un interrogatoire plus long du patient âgé
(hypoacousie, troubles de la compréhension) ou des diffi-
cultés de mobilisation rendant la pesée en consultation plus
compliquée.
De la même manière, le mode de vie est paradoxale-
ment mieux renseigné chez les patients jeunes (65 %) que
chez les patients âgés (42 %), bien que la différence ne
soit pas significative (p = 0,075). Pourtant l’évaluation de ce
mode de vie paraît primordiale chez le sujet âgé, comme le
démontre cette vaste étude américaine récente décrivant
l’impact de l’isolement social sur le diagnostic, mais égale-
ment le traitement et la survie des cancers [43]. De même
que pour l’évaluation nutritionnelle, ceci pourrait être expli-
qué par le recueil des données jugé plus long chez le sujet
âgé.
Enfin, il semble important de rappeler que la plupart des
gériatres intervenant pour des évaluations d’oncogériatrie
ont suivi une formation spécifique alors que le radiothéra-
peute, voyant en pratique quotidienne un grand nombre de
sujets âgés et prescrivant un traitement dont la faisabilité
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Prise en charge du sujet âgé en radiothérapie
à un âge avancé a largement été démontrée, se laisse
volontiers guider par une approche «intuitive »pour
évaluer la faisabilité et la tolérance du traitement chez le
sujet âgé. Ces éléments expliquent à mon sens le retard pris
par les radiothérapeutes par rapport aux oncologues médi-
caux dans le développement de l’oncogériatrie. Cependant,
de fac¸on récente, l’intérêt pour une approche plus rigou-
reuse et standardisée par l’évaluation gériatrique émerge
de plus en plus en radiothérapie.
Conclusion
L’oncogériatrie est une collaboration en plein essor et
son impact positif est de plus en plus reconnu [16, 17].
L’intérêt de cette approche a d’abord été mis en évidence
par la collaboration avec les oncologues médicaux. Témoins
de cette reconnaissance par les pouvoirs publics : les uni-
tés de coordination en oncogériatrie mises en œuvre avec le
plan cancer 2009/2013, l’intégration des gériatres dans les
centres anti-cancer, la création de réunions de concertation
pluridisciplinaires d’oncogériatrie...Tous ces dispositifs ont
pour but de mieux personnaliser le traitement des sujets
âgés, en réduisant l’importante part de sous traitement
[30, 44], sans grever le pronostic par la toxicité du traitement
et en tenant compte des conditions de fin de vie [14, 45, 46].
Il reste néanmoins d’importants éléments à développer,
notamment dans la collaboration entre radiothérapeutes et
gériatres. En effet, de nombreux sujets âgés atteints de can-
cer sont d’emblée récusés pour la chimiothérapie et sont
traités par radiothérapie exclusive. La sensibilisation des
radiothérapeutes aux spécificités de prise en charge de ces
patients et à l’intérêt de la collaboration avec les gériatres
est donc primordiale. Jusqu’à présent, les freins à cette
collaboration ont pu être : la méconnaissance des apports
de l’oncogériatrie et les a priori tenaces (radiothérapeute
habitué à la prise en charge du sujet âgé, irradiation bien
tolérée, rendant inutile le recours au gériatre) du point de
vue du radiothérapeute mais également, dans une moindre
mesure, de celui du gériatre. Pourtant gériatres comme
radiothérapeutes sont habitués et convaincus de l’intérêt du
travail multidisciplinaire en routine. La formation d’un ou plu-
sieurs radiothérapeutes d’un même centre à l’oncogériatrie
peut être un élément majeur de relais de l’information et de
la communication pour le développement de l’oncogériatrie
en radiothérapie.
Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien
d’intérêt en rapport avec cet article.
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