Avec les méthodes d`imagerie, les ultrasons s`offrent une

publicité
051_053_SOLUTION
28/06/05
15:35
Page 51
Solutions
CONTRÔLE PAR ULTRASONS
Avec les méthodes d’imagerie,
les ultrasons s’offrent
une nouvelle jeunesse
Le contrôle de défauts par ultrasons fait une fois de plus parler de lui... Après
l’émergence des méthodes d’inspection sans contact et sans milieu couplant, c’est
l’avènement de techniques d’imagerie qui vient bouleverser ce petit monde.
Utilisées seules ou en complément d’autres méthodes, ces techniques permettent
d’obtenir des images de la géographie interne des matériaux, et de localiser rapidement les éventuels défauts. Sous le nom de C-scan, de TOFD ou de Phased
Array, elles diffèrent entre elles par leur champ d’applications et par les moyens
nécessaires à leur mise en œuvre. Petit tour d’horizon de méthodes encore souvent méconnues, mais en plein devenir…
A
près Reims en 2001, c’est à Beaune, au cœur de la Bourgogne,
qu’auront lieu du 24 au 26 mai
les prochaines Journées de la
Cofrend (Confédération Française pour les Essais Non
Destructifs). Un rendez-vous désormais incontournable pour tous les acteurs de la profession, qui en profitent pour faire connaître
leurs travaux, partager leurs retours d’expérience et faire le point sur leurs avancées respectives.
Comme tous les congrès organisés par la profession des END, celui de Beaune accordera
une très large place aux méthodes ultrasonores. Il faut dire qu’elles connaissent, depuis
quelques années, de nombreuses avancées.
Les progrès réalisés dans les domaines de
l’électronique et de l’informatique ont favorisé l’apparition de nouvelles méthodes, et
le développement de nombreux outils d’investigation et d’analyse des données.
Pour en comprendre l’intérêt, il faut retourner quelques années en arrière... en 1822,
précisément, lorsque le physicien suisse
Daniel Colladen utilise une cloche sous-marine dans les eaux du lac de Genève pour
mesurer la vitesse du son dans l’eau. L’expérience aurait pu passer inaperçue dans l’histoire des sciences, sauf que le résultat trouvé
est bien celui que l’on connaît aujourd’hui
(1 480 m/s), et surtout qu’elle a conduit à
MESURES 775 - MAI 2005
un complet bouleversement des méthodes
d’investigation de l’époque… C’est en effet
la première fois que l’on se penche sur les
modes de propagation des ondes sonores, et
que l’on comprend leur potentiel dans la
mesure de distances. La première application
qui naît de cette expérience, c’est le sonar.
Suite au naufrage du Titanic en 1912, puis
lors de la première guerre mondiale, ce système de détection sous-marin se généralise.
Son principe est simple : utiliser la propagation des ondes ultrasonores pour déterminer la distance à laquelle se trouve le fond
ou tout obstacle en suspension, en mesurant
le temps entre l’émission et la réception des
ondes sur l’objet…
Près d’un siècle plus tard, c’est toujours le
même principe qui est utilisé. Le contrôle
par ultrasons est basé sur des traducteurs piézoélectriques que l’on applique d’un côté de
la pièce ou de part et d’autre de celle-ci (suivant que l’on travaille en transmission directe ou en émission/réception). Ils génèrent
des ondes ultrasonores à l’intérieur du matériau. En analysant leur propagation, on en
déduit la présence d’un éventuel défaut, et
même sa profondeur (lorsqu’on travaille en
émission/réception), en mesurant le temps
entre l’émission et la réception des ondes
réfléchies par les défauts…
La méthode a largement fait ses preuves dans
Euro Physical Acoustics
▼
Les méthodes d'imagerie ultrasonore sont souvent utilisées dans le contrôle des appareils
à pression.Elles permettent d'obtenir une cartographie des zones inspectées,et de dimensionner les éventuels défauts.Le contrôle est simple et rapide à mettre en œuvre.
le domaine militaire, médical, puis dans l’industrie, pour des applications qualifiées de
“santé matière”. Il faut dire qu’elle présente
de nombreux avantages. Elle permet de réaliser un examen volumique (dans toute
l’épaisseur d’un matériau), elle est utilisable
sur des appareils en service (puisqu’elle ne
nécessite pas forcément d’avoir accès aux
deux faces de la pièce contrôlée) et elle s’applique à une large variété de matériaux
(aciers, matériaux composites, aluminium,
etc.).
En revanche, la forte atténuation des ondes
ultrasonores dans l’air pénalise le couplage
entre le traducteur et la
En bref…
pièce. Il faut alors trouver une astuce pour pal- Le contrôle non destructif
lier cette limitation :
par ultrasons a connu ces
dernières années de nomfocaliser l’onde ultrasobreuses avancées.
nore, par exemple, ou
travailler à basse fré- L’avènement des
méthodes d’imagerie ultraquence (inférieure au
sonore a permis de remplaMHz), ou bien encore
cer les traditionnels échoutiliser un milieu cougrammes par des
plant entre les deux
cartographies en 2D et en
3D des pièces contrôlées.
interfaces… Mais chacune d’entre elles a ses Sur certaines applications,
elles offrent désormais une
contraintes. La focalisabonne complémentarité
tion implique de mainavec d’autres méthodes de
tenir les traducteurs à
contrôle non destructif.
distance fixe de la pièce,
51
051_053_SOLUTION
28/06/05
15:35
Page 52
Solutions
Euro Physical Acoustics
Le contrôle par ultrasons est une
méthode ponctuelle.Si l'on veut
contrôler une pièce dans son ensemble,
il faut déplacer les traducteurs à la
surface de la pièce et corréler l'information ultrasonore obtenue avec la
position du traducteur.C'est l'objet des
méthodes d'imagerie ultrasonore…
la restriction aux basses fréquences réduit le
champ d’applications de la méthode, et l’emploi d’un milieu couplant nécessite d’appliquer un gel sur la pièce, voire de la plonger
dans un bassin d’eau… Conscients de ces
contraintes, certains fabricants (tels que Fogale Nanotech, QMI ou Secondwave, pour ne citer
qu’eux) ont récemment développé des systèmes de contrôle ultrasonore sans contact
et sans milieu couplant. C’est ainsi que l’on
trouve des systèmes basés sur des lasers,
d’autres sur une excitation électromagnétique (EMAT), d’autres encore sur un mélange des deux…
Reste que la méthode n’offre qu’un examen
ponctuel… Si l’on veut contrôler une pièce
dans son ensemble, il faut déplacer les traducteurs à la surface de la pièce, prendre toute une série de mesures, et corréler l’information ultrasonore obtenue avec la position
du traducteur. C’est tout l’objet de l’imagerie ultrasonore…
Une “photographie” des défauts
internes
Sous le nom générique d’“imagerie ultrasonore” se cache en réalité tout un panel de
techniques plus ou moins bien connues.
Toutes n’ont pas le même principe, ni par
conséquent le même champ d’applications,
mais elles offrent le même intérêt : « obtenir une
visualisation en 2D ou en 3D de la pièce contrôlée,autrement dit établir la géographie interne du matériau, tout
en localisant et en quantifiant ses éventuels défauts »,
résume Jean-Claude Lenain, p.-d.g. d’Euro Physical Acoustics.
La représentation la plus courante est la
visualisation de type C (ou C-scan). Rappelons qu’un A-scan fournit l’amplitude des
échos provenant des défauts en fonction de
la distance parcourue par l’onde sous le tra-
52
ducteur. C’est donc une représentation unidimensionnelle. Le B-scan, en revanche, permet de représenter les différents A-scan les
uns à côté des autres en fonction du déplacement du traducteur à la surface de la pièce.
On visualise ainsi les échos d’une “tranche”
de matériau perpendiculaire à la surface, et
dont la largeur est celle du faisceau ultrasonore. Par rapport à ces deux modes de visualisation, la représentation de type C permet
d’aller plus loin. Elle consiste en effet à représenter sous forme d’images les échos provenant d’une tranche d’épaisseur du matériau.
Elle fournit donc une vue en plan et une vue
de dessus de la pièce contrôlée.
Initialement destinées à l’industrie aéronautique, les cartographies C-scan, et par extension D, F et P-scan, ont conquis aujourd’hui
de nombreuses applications industrielles
(notamment dans le contrôle de la corrosion) à tel point qu’elles sont désormais pratiquement banalisées…
Moins courante mais néanmoins intéressante, la méthode TOFD (pour Time Of Flight Diffraction) est venue récemment relancer l’intérêt porté à l’imagerie ultrasonore. Comme
son nom l’indique, le principe de la méthode repose sur la diffraction des ondes ultrasonores sur le bord des défauts, et par la
mesure du temps de vol entre l’émetteur et
le récepteur (pour localiser le défaut et en
connaître les dimensions).
La méthode commence à être utilisée dans la
détection et le suivi de la corrosion, de l’érosion, de fissures de fatigues sur des pièces
forgées ou laminées… mais aussi et surtout
dans le contrôle des soudures de réservoirs
sous pression. « Elle permet d’obtenir une cartographie des soudures et de dimensionner les défauts (en longueur et en hauteur), ce qui est difficilement réalisable
avec un balayage manuel de la soudure », indique
M. Lenain. La méthode est également peu
sensible à l’orientation des défauts, et elle
utilise un faisceau très divergent afin de
contrôler toute l’épaisseur du matériau en
un seul balayage. Du coup, la prise de mesure est extrêmement rapide : il faut compter
à peine une poignée de secondes pour inspecter un mètre de soudure… Quant à la
précision obtenue, « il est toujours difficile de la
chiffrer, indique M. Lenain. Comme toujours en
CND, elle dépend d’une multitude de facteurs (la structure et la géométrie du matériau,la taille et la fréquence
du traducteur,etc.).Pour donner un ordre d’idées,on arrive,dans le domaine de l’aéronautique,à détecter des défauts
de quelques dixièmes de millimètres sur des disques de
turbines en titane ». Enfin, la méthode TOFD est
utilisable sur des appareils en service, y compris à haute température. L’Institut de soudure,
par exemple, a ainsi utilisé la méthode pour
le suivi périodique d’appareils en service
dont la température de surface avoisinait les
150 °C, et ce avec une seule contrainte : un
couplage à lame d’eau pour assurer un refroidissement continu des traducteurs…
Autre technologie émergente, la méthode
“Phased Array”. Dans ce cas, on n’utilise pas
un ou deux traducteurs pour effectuer le
contrôle, mais plusieurs dizaines qui fonctionnent en parallèle avec une électronique
spécifique. Le balayage, qui était jusqu’alors
mécanique, devient donc électronique. « L’innovation ne réside pas tant dans le principe de la technologie, puisqu’elle est déjà utilisée depuis de nombreuses
années en échographie médicale,mais dans le transfert de
cette technologie en milieu industriel », précise
M. Lenain. L’avantage, c’est qu’il n’est plus
nécessaire de faire varier l’angle des traducteurs pour inspecter l’ensemble d’une pièce
ou d’une soudure. On peut aussi déplacer le
point de focalisation de l’énergie ultrasonore sans modifier la position mécanique du
traducteur, autrement dit travailler librement
à différentes profondeurs.
Des méthodes complémentaires
Le secret de la méthode “Phased Array” réside dans l’emploi de capteurs très spécifiques,
des traducteurs multiéléments constitués d’une
multitude de capteurs élémentaires que l’on
peut piloter individuellement et assembler
librement : on trouve ainsi des traducteurs à
réseau linéaire, matriciel ou même annulaire… Ils ouvrent la voie à des applications qu’il
n’était pas possible d’envisager avec les techniques traditionnelles. C’est le cas par exemple
du contrôle de rotors et de pieds d’ailettes, du
contrôle de tubes de petit diamètre, et plus
généralement de toutes les applications où
l’on contrôle des zones difficilement accessibles avec un traducteur classique…
MESURES 775 - MAI 2005
051_053_SOLUTION
28/06/05
15:35
Page 53
Solutions
Dans certaines applications, les méthodes
TOFD et Phased array commencent déjà à
concurrencer les techniques de contrôle
non destructif traditionnelles. C’est le cas
par exemple du contrôle de soudure, pour
lequel « la méthode TOFD peut remplacer le contrôle par radiographie, indique Bernard Bossuat,
chef de projet au pôle ingénierie contrôle
mesure du Cetim à Senlis. Contrairement à la
radiographie,qui nécessite d’avoir accès aux deux faces
de la pièce, elle peut en effet être utilisée sur des appareils en service ». Par rapport à la radiographie,
la méthode TOFD est aussi plus rapide, plus
facile à mettre en œuvre, et elle ne présente
aucun danger. Il n’y a pas à se protéger des
radiations X ou gamma d’une source, ni à
recycler des produits chimiques comme
ceux que l’on utilise pour le développement des films radiographiques… Et à l’arrivée, le résultat est le même : à l’image de
la radiographie, on peut très bien imaginer la réalisation de “films ultrasonores”
lors de la fabrication d’une pièce et tout au
long de sa durée de vie.
Dans d’autres applications, il existe une réelle complémentarité entre l’imagerie ultrasonore et les méthodes classiques de CND. C’est
MESURES 775 - MAI 2005
le cas par exemple pour le contrôle de réservoirs sous pression. Un premier examen par
émission acoustique permet de détecter la
présence d’une source émissive (due à un
défaut à caractère évolutif), et de la localiser
approximativement. Une fois le défaut localisé, on peut alors employer des méthodes
ultrasonores pour réaliser un diagnostic plus
approfondi…
La complémentarité peut aussi s’exercer
à travers les différents types de défauts
que l’on détecte. Si l’imagerie ultrasonore convient aux contrôles volumiques
(dans l’épaisseur des matériaux), elle
trouve ses limites dans la détection des
défauts de surface. On lui préfère dans
ce cas la magnétoscopie, le ressuage ou
les courants de Foucault. Pour effectuer
un contrôle global, il peut donc être judicieux d’associer les deux méthodes
(volumique et surfacique).
L’Institut de soudure a réalisé une application de
ce type pour inspecter les soudures d’un
appareil de pétrochimie en fonctionnement.
Un premier contrôle par magnétoscopie lui
a permis de mettre en évidence un certain
nombre de fissures débouchantes en paroi
externe. Un deuxième contrôle, par ultrasons, a confirmé la présence de ces fissures en
indiquant qu’elles étaient en réalité traversantes…
En terme d’intérêt technologique, les
méthodes d’imagerie ultrasonore n’ont
donc plus rien à prouver. Reste que l’interprétation des cartographies est souvent
une affaire de spécialistes. « Un opérateur en
CND de niveau 2, par exemple, aura beaucoup de mal
à interpréter les images obtenues avec la méthode TOFD,
indique M. Bossuat (Cetim). Il se prépare des
certifications, et même des compléments de formation
dans ce domaine, mais pour l’instant, rien n’est encore établi ». Dernier obstacle, « il n’y a pas encore de normes ou de réglementations européennes dans
le principe et l’appareillage de la méthode TOFD »,
poursuit M. Bossuat.Mais si les utilisateurs
sont pour l’instant encore livrés à euxmêmes, « l’arrivée de ces réglementations est imminente ». Un coup de pouce qu’attendent avec
impatience les fournisseurs du domaine
qui commercialisent déjà ces appareils (Euro
Physical Acoustics, Imasonic ou Métalscan, pour
ne citer qu’eux) et qui relancera certainement tous les débats…
Marie-Line Zani
53
Téléchargement