STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front Visite de presse sur rendez-vous. Relations avec la presse : Franck Burckel Chargé des animations et de la communication Archives de la Ville et de la Communauté urbaine de Strasbourg. Tél : +33 (0)3 68 98 51 10 [email protected] Exposition du 7 septembre 2014 au 30 janvier 2015 du lundi au vendredi de 9h à 17h mardi de 13h à 17h dimanche de 14h à 18h Exposition fermée lesjours fériés. Ce projet est cofinancé par l’Union européenne - Fonds européen de développement régional (FEDER) - dans le cadre du programme INTERREG IV Rhin supérieur.« Dépasser les frontières : projet après projet » STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front 2014 marque le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, au sein des commémorations nationales Strasbourg occupe une place particulière, à l’instar du reste de l’Alsace-Moselle, allemande depuis 1870. La capitale du Reichsland doit, tout comme le reste de l’Empire wilhelminien soutenir matériellement et financièrement la guerre. Tête de pont sur le Rhin et verrou défensif barrant la plaine d’Alsace à l’armée française, la puissante place forte du XVe corps d’armée allemand fait l’objet, de 1914 à 1916, d’un vaste programme de modernisation de ses fortifications qui voit la construction de près de 1000 ouvrages bétonnés. Si le danger s’éloigne de la ville dès l’automne 1914, celle-ci doit continuer à approvisionner le front en matériel et en hommes grâce à ses importantes infrastructures militaires. Une cinquantaine d’hôpitaux militaires sont installés dans de nombreux bâtiments publics afin de permettre la prise en charge de quelques 10 000 blessés. Peu à peu, la population et l’administration municipale, dirigée par le maire Rudolf Schwander, s’installent dans un quotidien de guerre rythmé par les manifestations patriotiques mais aussi par les privations et le poids de la dictature militaire instaurée dès 1914. Quatre années d’interdictions, de presse muselée, de germanisation renforcée, d’emprunts pour soutenir l’effort de guerre, de listes interminables de Strasbourgeois tombés au front, ont raison des derniers partisans de l’Empire et le retour à la France s’impose dans les esprits. Les évènements se précipitent en novembre 1918 avec la révolution des conseils qui conduit à la chute de la monarchie et la proclamation de la république allemande, le 10 novembre à Strasbourg. Jacques Peirotes et Léon Ungemach assurent la transition d’un régime à l’autre, d’une nation à l’autre, préparant l’entrée des troupes françaises dans la ville le 22 novembre 1918. Revivez grâce à des témoignages écrits ou photographiques, par une sélection de plus de 150 documents et objets, le quotidien des Strasbourgeois emportés dans le tourbillon de la Première Guerre mondiale. STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front 3 4 12 Visuels disponibles via CD/ Email/ Serveur FTP 1 : Proclamation de l’état de guerre le 31 juillet 1914, Col Part. 2 : Troupes défilant à Mittelhausbergen en 1915, Col. Part. 3 : Noël 1915 dans un hôpital militaire de Strasbourg, AVCUS, 301 FI 4308. 4 : Visuel de l’exposition. 5 : Deux receveuses du tramway à Strasbourg, Col. Part. 6 : Strasbourgeois rassemblés devant la statue de Kléber, le 11 novembre 1918, AVCUS, 1 FI 40. 7 : Travailleurs de la Arbeiter Kolonne IX lors des travaux de mise en état de défense, 1914, Col. Part. 8 : Soldats convalescents du Lazarett 10 au Neudorf, 1917, Col. Part. 9 : Affiche pour le 6e emprunt de guerre de mars 1917, Fritz Erler, AVCUS, 502 FI 357. Demande à adresser aux : Archives de la Ville et de la Communauté urbaine de Strasbourg. Franck BURCKEL / Stéphane ARENA 32, Avenue du Rhin 67076 Strasbourg cedex Tél. : +33 (0)3 68 98 51 10 E-Mail : [email protected] [email protected] 5 Pour d’autres visuels, nous contacter. 6 9 8 7 STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front Parcours : 1. Été 1914, la guerre ! La montée des nationalismes et les rivalités économiques et coloniales entre les pays européens, depuis le XIXe siècle, avaient engendré la création de deux blocs opposés. D’une part, les empires centraux, l’Allemagne et l’AutricheHongrie, s’étaient alliés à l’Italie (en 1891 mais elle change de camp en 1915) pour former la Triplice. De l’autre, la France s’était alliée à la Russie puis à l’Angleterre pour former la Triple Entente en 1907. Le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, est assassiné à Sarajevo par un nationaliste proserbe. Après l’attentat, personne ne croit à un risque de guerre. Mais l’action combinée des grands États européens va réduire à néant toute solution diplomatique à la crise austro-serbe. Celle-ci s’aggrave à partir du 23 juillet lorsque l’Autriche-Hongrie, encouragée à la fermeté par l’Allemagne, adresse un ultimatum à la Serbie. En réaction, la Russie, assurée du soutien militaire de la France, décrète la mobilisation de son armée le 30 juillet suite à la déclaration de guerre de l’Autriche à la Serbie. Dès lors, les évènements se précipitent : l’empereur d’Allemagne signe la mobilisation le 1er août et déclare la guerre à la Russie, puis à la France le 3 août. Le 4 août, après l’invasion de la Belgique par les armées allemandes, la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne. Ainsi, en quelques jours, une crise régionale a conduit, par le jeu des alliances, à un conflit européen, bientôt mondial. 2. La mobilisation La succession rapide des évènements prend les autorités militaires allemandes de court. Le 31 juillet, après la mobilisation russe, l’empereur décrète l’état de guerre qui est proclamé dans les rues de Strasbourg. Le 1er août, à 17 h, la mobilisation de l’armée allemande est signée par Guillaume II et transmise à l’ensemble des garnisons. Le même soir, les Strasbourgeois découvrent, placardé sur les murs de la ville et reproduit dans les journaux, l’ordre de mobilisation. Celle-ci débute le 2 août. La rapidité de celle-ci doit permettre à l’armée allemande de prendre ses ennemis de vitesse et augmenter ainsi ses chances de victoire. En effet, l’Empire allemand doit se battre sur deux fronts, contre les Français à l’ouest et les Russes à l’est. Il se trouve de fait en infériorité numérique. Pour pallier cette situation défavorable, les stratèges allemands n’ont eu de cesse de développer des plans de marche visant à défaire rapidement un des deux adversaires pour pouvoir concentrer par la suite toutes leurs forces sur le second front. Depuis 1906, sous l’impulsion du comte Schlieffen, alors chef d’état-major, s’est imposée l’idée d’attaquer en premier lieu la France en marchant à travers la Belgique (bien que neutre) afin de prendre Paris par un mouvement d’encerclement. STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front Or Strasbourg ne se trouve qu’à 50 km de la frontière avec la France et n’est donc pas à l’abri d’une attaque française dès les premières semaines du conflit. C’est pourquoi les unités du XV. Armeekorps stationné en Alsace doivent attendre l’arrivée des unités de réserve appelées à défendre la place, certaines venant de Bavière. Ce n’est qu’une fois relevés par celles-ci, que les régiments strasbourgeois peuvent se mettre en marche pour prendre leur place dans le plan Schlieffen. 3. La mise en état de défense de place Strasbourg doit, en liaison avec la position de la Bruche - Breuschstellung - et la forteresse Empereur Guillaume II - Feste Kaiser Wilhelm II. -, sur la colline de Molsheim-Mutzig, barrer la plaine d’Alsace d’est en ouest pour arrêter toute offensive française provenant de Belfort. L’état major allemand compte sur une telle offensive en Haute Alsace pour y attirer d’importantes forces ennemies. Celles-ci feront défaut lors de l’invasion du nord de la France et de l’offensive sur Paris. C’est dans ce but que la ligne principale de défense en Alsace est située à la hauteur de Strasbourg et le long du Rhin. Strasbourg avait vu ses fortifications renouvelées à partir de 1872 par la construction d’une ceinture de 14 forts et d’une nouvelle enceinte urbaine. Mais ce dispositif est vite obsolète. Face à cette obsolescence et à l’augmentation constante de leur coût, les ingénieurs militaires avaient fait le choix de repousser bon nombre de constructions en temps de guerre. Pour ce faire, ils conçoivent un plan d’armement de la place - Armierungsplan mis à jour annuellement. Tout y est soigneusement planifié : ouvrages à réaliser, matériaux nécessaires ainsi que leurs fournisseurs, ouvriers et outillages, délais d’exécution… Une fois la mobilisation proclamée, le gouverneur militaire de Strasbourg, Magnus von Eberhardt, a les pleins pouvoirs pour mettre à exécution le plan qui prévoit l’action combinée d’environ 40 000 travailleurs et d’une garnison de 60 000 hommes pour défendre la ville. Les travaux commencent dès les premiers jours d’août 1914 pour ne s’achever qu’en avril 1916. Environ 1000 ouvrages de béton de toutes tailles, des kilomètres de tranchées et de réseaux barbelés ont été édifiés de Strasbourg à Mutzig sur un front d’à peine 30 km. 4. Une ville-hôpital Dès la mobilisation, l’armée réquisitionne de nombreux bâtiments publics (hôpitaux, écoles, administrations) mais aussi privés (grand séminaire, couvents, foyers, restaurants) pour les convertir en Festungslazarette - hôpitaux militaires de place forte - destinés à accueillir les blessés venus du front. La place passe ainsi de 2 hôpitaux militaires en temps de paix à 38 en temps de guerre, offrant pas moins de 10 000 lits contre 1100 auparavant. Certains d’entre eux sont répartis sur plusieurs sites, proches les uns des autres. C’est donc un total de 58 édifices qui sont ainsi réquisitionnés, à Strasbourg mais aussi à Kehl et Schiltigheim, allant de simples restaurants à des édifices prestigieux comme le Palais impérial (actuel Palais du Rhin) ou le bâtiment du Parlement - Landtag (actuel TNS). Si la majorité des établissements se consacre à la chirurgie, d’autres sont spécialisés dans les soins dentaires ou l’ophtalmologie, d’autres encore sont dédiés aux troubles psychiatriques. Certains établissements, comme le Lazarett 10 au Neudorf, accueille les malades infectieux. On soigne en 1917-1918 un nombre important de prisonniers STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front roumains et russes frappés d’une épidémie de typhus. Entre le début d’août 1914 et fin septembre 1914, les hôpitaux de Strasbourg ont déjà traité quelque 44 000 blessés ! Le personnel se compose de médecins militaires d’active, mais aussi de réservistes. Strasbourg, ville de l’arrière, se voit affecter souvent des médecins âgés. Ils sont aidés par des médecins civils qui n’ont pas été mobilisés, mais consacrent une partie de leur temps aux blessés des Lazarette. Le personnel infirmier est constitué d’infirmières diplômées, de religieuses et de soldats plus ou moins formés. 5. L’administration municipale en guerre L’administration municipale est également prise au dépourvu par la mobilisation. La Ville est dirigée depuis 1906 par le maire Rudolf Schwander. Ce dernier avait mis en place des services sociaux modèles qui jouent un rôle important durant les années de guerre. Dès le 31 juillet 1914, la municipalité se voit subordonnée à l’autorité du gouverneur militaire qui a les pleins pouvoirs sur la place. L’armée projette d’évacuer la population pour éviter, en cas de siège, un scénario identique à 1870. Mais le maire s’y oppose farouchement et, avec l’aide de son secrétaire général Anton Zimmer, parvient à convaincre l’armée de renoncer à ce projet en faisant entrer à Strasbourg plusieurs trains remplis de nourriture. Pour gérer cette situation d’exception, la municipalité met en place des commissions spécifiques (marchés, emploi, ravitaillement) ainsi que des services de temps de guerre. L’administration se réorganise complètement pour pallier la mobilisation de ses agents et assurer ses missions nouvelles. Elle recrute des jeunes, des invalides de guerre et des femmes. En septembre 1915, 260 femmes sont embauchées comme conductrices ou receveuses de tramway. Le nombre d’employés monte en flèche : on passe de 686 employés et 848 ouvriers (dont 30 femmes) en 1914 à 1364 employés (dont 621 pour les services de guerre) et 1006 ouvriers en 1918. La ville doit remplacer ses personnels, mais elle doit aussi trouver de nouveaux locaux pour remplacer ceux, comme les écoles, réquisitionnés pour les besoins de l’armée. Elle doit ainsi louer de nombreux locaux. Les dépenses sociales doublent. La guerre entraine pour la ville une diminution des recettes et une forte augmentation des dépenses exceptionnelles : les charges augmentent de 1000 % et la dette s’accroît de 4,3 millions de marks. Malgré les avances de l’État, la municipalité est obligée d’emprunter les sommes qui lui font défaut. Elle finit par émettre une monnaie de nécessité - Notgeld - en 1918, mais qui sera peu utilisée. 6. Propagande et soutien à l’armée Lors du déclenchement du conflit, chaque camp espérait une guerre courte. Mais le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position, fin 1914, anéantit la perspective d’une victoire rapide. Aux élans patriotiques de la mobilisation font place la résignation et la lassitude d’une population qui s’enlise, année après année, dans un quotidien où la guerre est omniprésente. Les autorités craignent que le « défaitisme » ne s’installe dans les esprits et finisse par conduire à un relâchement de l’effort de guerre. Ils n’ont STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front donc de cesse de promettre aux populations une victoire certaine et proche. Cette certitude est justifiée par la légitimité de la cause défendue par l’Allemagne et ses alliés. La propagande allemande rejette ainsi la faute des épreuves sur l’ennemi et présente son propre camp comme celui de la justice et de la paix. On se félicite des victoires et les textes incitent à travailler pour soutenir l’armée. Les offices publics, les visites protocolaires, les conférences, les tracts, les affiches participent de cette politique. Toute l’activité économique est réorientée pour fournir armements, munitions et équipements au front. De nombreux ateliers de confection ouvrent pour répondre aux importants besoins des troupes en vêtements. L’industrie imagine des produits spécifiques adaptés à la vie dans les tranchées : ambulances, vêtements, armes, ou bien assure des livraisons spécifiques en pain, viande ou légumes. La propagande encourage les familles restées à l’arrière à aider leurs proches partis au combat, mais aussi les indigents et les soldats blessés rentrés du front. Les colis forment la base de ce soutien. La Ville organise des envois, notamment pour Noël, au profit des soldats strasbourgeois. On y trouve des réchauds, du chocolat, des cartes à jouer, du tabac… 7. Financer la guerre Cette guerre de l’ère industrielle mobilise quantité d’hommes et de matériels. Pour financer ce conflit d’une ampleur inconnue jusque-là, les États doivent réunir des sommes colossales. Ils ont cependant déjà englouti des sommes considérables durant les premiers mois de la guerre et doivent donc emprunter auprès des populations les capitaux nécessaires à la poursuite des opérations. A cette fin, l’Allemagne lance neuf emprunts de guerre à partir de septembre 1914. Ces emprunts d’État se répètent tous les six mois, en mars et en septembre, le dernier étant lancé en septembre 1918. Ces emprunts permettent de récolter 98 milliards de Reichsmark, ce qui représente 60 % des dépenses de guerre de l’Empire. Des mesures administratives sont prises afin de favoriser la souscription des emprunts de guerre : fermeture de la bourse, interdiction d’émettre des obligations dans d’autres buts, obligation des banques de souscrire à l’emprunt. D’autres opérations de collecte mobilisent les économies des habitants. Toute une propagande est imaginée pour informer la population et susciter les dons. On distribue des objets-souvenir : bagues, médailles, ersatz en fer pour remplacer l’or ou les objets en métaux non ferreux (cuivre, laiton, aluminium) collectés. Des statues de bois représentant des symboles patriotiques sont couvertes de clous, chaque clou correspondant à un don. 8. Vivre sous la loi martiale Depuis 1870, le gouvernement, sous la conduite du Statthalter, n’a de cesse de germaniser toujours plus les populations alsaciennes-lorraines et de lutter contre la composante francophile dans la région. Ce faisant, les autorités tentent de se montrer suffisamment libérales pour éviter un rejet de leur politique. Les journaux gouvernementaux, avant guerre, avaient constamment vanté les progrès de cette politique de germanisation. Mais l’affaire de Saverne de 1913, jette un froid entre la population et le gouvernement et montre STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front les limites de cette politique d’intégration. Elle conduit à un regain de méfiance des autorités visà-vis des Alsaciens-Lorrains, notamment en cas de guerre contre la France. est parti au front. Chaque lettre reçue, malgré leur banalité due à la censure militaire, est vécue comme un signe d’espoir de voir son proche rentrer sain et sauf. Dès la déclaration de guerre en août 1914, une chape de plomb tombe sur l’Alsace-Moselle où les militaires exercent les pleins pouvoirs. La région est en effet dans la zone des opérations allemandes sur le front ouest et le théâtre des premières batailles entre la France et l’Allemagne. Lors de la bataille de Diespach/Saint-Blaise dans la vallée de la Bruche, le 14 août 1914, de nombreux soldats alsaciens désertent les rangs allemands pour se rendre aux Français. Ces désertions renforcent encore la défiance des militaires vis-à-vis des civils. Mais les listes des blessés et des tués ne cessent de s’allonger. L’administration militaire adresse aux familles des cartes postales pré-imprimées pour les informer de l’hospitalisation du soldat. Dans le pire des cas arrive le télégramme tant redouté annonçant sa mort. La censure de la presse est doublée par la censure de la correspondance et les écoutes téléphoniques. Les opposants politiques sont surveillés et, pour certains, emprisonnés. La langue française, jusqu’alors tolérée, est désormais interdite dans les lieux publics. Les ressortissants des pays ennemis sont mis en résidence surveillée. Des campagnes mettent en garde contre l’espionnage et contre les fausses rumeurs. La justice punit d’un an de prison tout manquement à une action reconnue comme utile à la guerre. Quatre années de dictature militaire finissent par aliéner les populations à l’Empire et réduisent à néant 40 ans d’une politique qui visait à faire des Alsaciens-Lorrains des Allemands à part entière. 9. Les deuils Si les familles sont éprouvées par quatre années marquées par les interdictions et les privations, elles vivent avant tout dans la peur constante de la perte de ce fils, de ce mari ou de ce frère qui L’administration municipale est mise à contribution lorsque l’armée n’arrive pas à trouver la famille du défunt. Elle est aussi informée lorsqu’un de ses agents est tombé au front ; chaque séance du conseil municipal est précédée d’une minute de silence après la lecture des noms des fonctionnaires morts au champ d’honneur. Les familles doivent faire leur deuil malgré l’absence d’enterrement. Elles publient des annonces et font imprimer des images mortuaires qui sont distribuées aux membres et aux amis de la famille. Les ayants-droit doivent aussi assumer les questions de succession avec l’administration fiscale. Tous les milieux sont touchés et certaines générations sont rayées, comme les trois fils de Rodolphe Reuss, vénérable historien strasbourgeois. Une image fait florès : elle montre l’empereur se recueillant devant la tombe d’un soldat et disant : Ich habe es nicht gewollt - « je ne l’ai pas voulu ». Phrase apocryphe, mais révélatrice de l’esprit général face au nombre inouï des morts. 10. Les privations matérielles Les empires centraux dont fait partie l’Allemagne STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front sont, dès le déclenchement de la guerre, soumis à un blocus par les alliés. Ce blocus la coupe non seulement de ses colonies mais aussi de ses sources d’approvisionnement en matières premières. Tout approvisionnement extérieur à ses frontières est dès lors impossible, alors que les besoins de l’armée drainent l’essentiel des moyens en matériel et en nourriture disponibles en Allemagne. Dès 1914 la population contribue à l’effort de guerre à travers des réquisitions. A partir de 1917, avec l’épuisement progressif des ressources allemandes, elles pèsent de plus en plus lourd sur les habitants du Reich. L’armée consomme entre autre chaque mois des tonnes de métaux, cuivre, laiton et aluminium, au point que les stocks commencent à faire défaut. On organise alors de vastes campagnes de collecte d’objets domestiques faits avec ces matériaux pour les fondre et les convertir en armes et en munitions. La saisie des cloches marque fortement les esprits. Certaines denrées alimentaires commencent également à faire défaut, destinées en priorité au front, comme la viande, ou devenues rares en raison de la baisse de la production agricole consécutive à la guerre. Les autorités diffusent des prospectus et des conseils pour modifier les habitudes alimentaires de la population, voire l’inciter à consommer des Ersatz, produits de remplacement du café, du thé, du savon… Ainsi, le fromage est conseillé à la place de la viande et on rappelle les vertus de la soupe à l’ortie. Les citadins sont encouragés à cultiver de petits potagers sur les terrains à construire pour produire eux-mêmes une partie de leur alimentation. La municipalité lutte contre le marché noir, fixe les prix et organise le rationnement, ce qui constitue une démarche exceptionnelle dans les villes de l’Empire. 11. La révolution de novembre 1918 Après l’offensive de l’été 1918, l’Allemagne a épuisé ses dernières forces et la défaite semble dès lors inéluctable. L’implosion de l’Empire allemand se précise à partir de la fin du mois d’octobre 1918. Des troubles éclatent, la mutinerie de la marine, le 3 novembre à Kiel, puis celle de l’armée conduisent à la Révolution de novembre qui se propage rapidement de ville en ville. Désavoué à Spa par l’état major qu’il tente de mobiliser contre la révolution, Guillaume II est contraint d’abdiquer le 9 novembre. Le même jour, le chancelier Max von Baden démissionne et confie le pouvoir au social-démocrate Friedrich Ebert. La république est proclamée à Berlin. Dès le lendemain, elle est également proclamée à Strasbourg par le social-démocrate Jacques Peirotes qui prend la tête de la municipalité. Aux prises avec une révolution qui a provoqué la chute de la monarchie, l’Allemagne signe un armistice avec les alliés le 11 novembre à Rethondes. Le même jour, des Strasbourgeois se réunissent devant la statue de Kléber, symbole de l’Alsace française, pavoisée aux couleurs de la France. Mais ce déroulement est mis en péril par l’émergence soudaine des conseils qui proclament de leur côté des républiques sur le modèle des soviets russes. Le 9 novembre à Berlin, Karl Liebknecht avait de son côté proclamé la République socialiste libre d’Allemagne. Dans plusieurs villes, dont Strasbourg (où le STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front drapeau rouge est hissé le 13 novembre sur la cathédrale), des conseils de soldats et d’ouvriers se réunissent, mais sans réussir à susciter un mouvement révolutionnaire de fond. Le conseil strasbourgeois se disperse rapidement : il aura siégé du 10 au 20 novembre, en s’opposant à la commission municipale dirigée par Jacques Peirotes et Léon Ungemach ainsi qu’au Landtag dominé par les notables. L’ancien maire Rudolf Schwander, nommé en octobre Statthalter, quitte sa ville pour la Hesse. 12. Le retour à la France Après la signature de l’armistice du 11 novembre, les armées allemandes évacuent en bon ordre le territoire français. L’armée française pénètre en Alsace dès le 17 novembre par le sud et entre à Mulhouse. Confronté aux conseils d’ouvriers et de soldat, le maire Jacques Peirotes négocie le départ des troupes allemandes et envoie des émissaires au devant des troupes françaises qui sont entrées à Metz le 19 novembre. Le lendemain, il peut annoncer à la population l’entrée des troupes françaises prévue le 22 novembre. La commission municipale met en place un comité pour organiser l’accueil des Français et veiller à l’ordre. Les premiers soldats français arrivent à Strasbourg dès le 21 novembre. Le 22 novembre à 9 heures, le général Gouraud, à la tête de la 4e armée française, entre dans Strasbourg par la porte de Schirmeck et se rend sur la place de la République (ancienne place impériale) pour une revue des troupes. Toute la ville a été pavoisée aux couleurs de la France. Une foule euphorique se presse sur les remparts et sur le parcours des troupes. Des jeunes filles en tenue traditionnelle se mêlent aux soldats pour défiler avec eux. Certains Strasbourgeois arborent même les uniformes français portés par leurs grands pères en 1870 ! Les cocardes tricolores fleurissent à la boutonnière des vestes et sur les coiffes alsaciennes. Dès l’annonce de l’entrée des troupes françaises, les symboles de l’Empire sont éliminés : les statues des trois empereurs Hohenzollern de la poste centrale sont décapitées, la statue de Guillaume Ier sur la place de la République est déboulée par la foule. Les « Vieux Allemands » prennent le chemin de l’exil ou sont expulsés. La commission municipale est remplacée le 29 novembre par un conseil municipal alors qu’un commissaire général prend la place du Statthalter. Strasbourg et l’Alsace-Moselle sont ainsi réunies à la République française. STRASBOURG EN GUERRE 1914 - 1918 une ville allemande à l’arrière du front Autour de l’exposition : Animations : Pour le jeune public : - 7 septembre, 5 octobre, 2 novembre, 7 décembre 2014 et 4 janvier 2015 à 15 h. visites-conférences de l’exposition. - mercredi 24 septembre 2014 à 14h30 : Présentation de l’exposition et de ses déclinaisons pédagogiques aux enseignants ; - visites guidées de l’exposition sur demande. - la visite commentée de l’exposition aux élèves avec questionnaire pédagogique ; - dimanche 19 octobre 2014 à 15 h : visite de l’exposition traduite en langue des signes française. Renseignements et réservations : [email protected] / 03 68 98 51 10 - visites de groupes en autonomie (réservation indispensable) ; - des questionnaires téléchargeables sur le site internet des Archives (www.archives.strasbourg.eu), rubrique du service éducatif ; - une mallette pédagogique empruntable par les enseignants. Renseignements et réservations : [email protected] /03 68 98 62 19 Une exposition conçue et présentée par les Archives de la Ville et de la Communauté urbaine de Strasbourg. Direction des Archives : Laurence Perry [email protected] Exposition gratuite / Parking gratuit