transmission d’esprit à esprit’. A son tour, Mahakasyapa l’aurait transmise mystiquement à Ananda,
qui devint ainsi le second dans la lignée des vingt-huit Patriarches indiens. Le dernier d’entre eux fut
Bodhidharma qui se rendit en Chine à la fin du 6
e
siècle de notre ère. Là, il devint lui-même le premier
des Patriarches chinois, jusqu’à Hui Neng, sixième et dernier patriarche chinois. La secte connut alors
des divisions, et on ne créa plus de patriarches. Les opinions sont partagées parmi les savants (Prof.
D.Suzuki, Dr. Hu Shih) à propos de l’historicité et de l’originalité de toute cette histoire, surtout
depuis la découverte de certains documents dans les Grottes de Dunhuang, aux confins du Xinjiang et
du Qinghai chinois. Quoi qu’il en soit de ces disputes et de la division des sectes, tous s’accordent à
voir dans le Zen un moyen important pour atteindre l’Illumination, c'est-à-dire la pratique du regard
intérieur et l’effort pour traverser l’écran de la perception sensitive et de la pensée conceptuelle, afin
de parvenir à une vision intuitive de LA Réalité. C’est un Bouddhisme alternatif pour ceux qui
rejettent l’étude infinie des sutras (toute la littérature accumulée) et qui ne se sentent pas
particulièrement appelés à pratiquer les bonnes œuvres (sans pour autant s’en abstenir ni en mépriser
le principe ni la valeur). De toute façon, la ‘méditation vraie’ (sammasamadhi) est bien la huitième et
dernière étape du fameux ‘Noble Chemin à Huit Branches’ (voir mon « Bouddha Revisité »), reconnu
et accepté par tous Bouddhistes confondus (Mahayanistes et Hinayanistes), comme le fondement
même du Bouddhisme : et que recherche d’autre la pratique du Zen, sinon d’y parvenir! D’autre part,
si le Zen,- qui s’appelait Ch’an à l’époque dans la Chine des T’ang,- y a connu autant de succès, et si
rapide, c’est que les esprits y avaient été longuement préparés par dix siècles de Confucianisme,
ennemi de la spéculation métaphysique si chère à l’Inde; et tant Lao-Tseu que Chuang-tseu n’eurent
aucune difficulté à reconnaître dans ce quiétisme importé du sud, des ressemblances frappantes avec
les conclusions de leurs propres expériences mystiques. Tous les Bouddhistes partent du Bouddha
Gautama pour tenter d’atteindre cette connaissance transcendantale qui les habilitera à “rencontrer
face à face” cette Réalité Ultime, les délivrant ipso facto du cycle des renaissances dans l’espace-
temps. Les adeptes du Zen vont plus loin. Non contents de s’efforcer d’atteindre à cette connaissance
intuitive transcendantale, ils veulent approcher ce que les mystiques de la planète occidentale appellent
l’”union avec Dieu”. Ils prétendent pouvoir toucher la pleine Illumination, ici et maintenant, par
l’effort déterminé de s’élever au-dessus de la pensée conceptuelle, et de “s’emparer”, en quelque sorte,
de cette Connaissance Intuitive, qui est le focus de l’Illumination. De plus, ils insistent sur le fait que
cette expérience est de l’ordre de la soudaineté, même si la pratique pour y parvenir peut durer toute
une existence!
Comme je le disais plus haut, c’est un fait que le Bouddhisme, sous sa forme Zen, se développe de
plus en plus à l’Ouest,- américain depuis assez longtemps, européen plus récemment, mais avec une
grande vigueur. Peut-être ceux qui s’y adonnent y trouvent-ils de quoi satisfaire des besoins spirituels,
que les mystiques occidentales traditionnelles, asséchées par les doctrines et les églises qui ne savent
même plus les identifier,- sinon par le discours scientifique des enquêtes sociologiques, dites de
‘religiosité’,- pourraient tout aussi bien combler, si elles étaient restaurées dans leurs vigueurs
originelles: Plotin, Benoît, Maître Eckhart, François d’Assise, Bernard de Clairvaux, Élisabeth von
Bingen, Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, entre autres pour le domaine chrétien, ne sont pas des
compagnons de moindre envergure que tous les Patriarches indiens et chinois, ou que tous les Maîtres
coréens ou japonais. J’ai fréquenté certaines et certains d’entre eux, mais, je dois l’avouer, pas assez:
ni assez tôt, ni assez longtemps. Et j’avais cinquante ans, déjà, quand je me suis mis à l’école d’Ignace
et de ses Exercices!
Quant à la mienne, d’expérience du Zen, elle commence avec la découverte du Bouddhisme dans toute
l’Asie, pendant les six années de mon mandat pastoral auprès des Communautés Francophones du
Sud-est Asiatique. Les routes de la Soie et du Bouddha se croisant la plupart du temps, je décidai de
les prendre l’une et l’autre, systématiquement, de l’Ouzbékistan au Japon et de la Mongolie a Bali.
Bien sûr, j’en ai accumulé de la littérature, moi aussi: du matériel de première et de seconde main. Que
de temps passé dans les librairies, les bibliothèques et les instituts; que de spécialistes rencontrés avec
lesquels j’ai dû jongler en langues, celles que je possédais déjà et de celles que j’ai dû suffisamment
assimiler, pour avoir accès aux textes fondateurs. Et puis le ciel m’a fait don de cette année sabbatique,
avant de regagner l‘Europe, à nouveau. Je n’ai pas hésité une seconde quand il s’est agi de remplir ces
mois qui s’offraient à moi! Le Bouddhisme! Oui, mais de nouveau, quel Bouddhisme? Mon précédent
essai,- “Le Bouddha Revisité” (voir bibliographie),- montre bien l’éclatement du mouvement, dès la