Session du 25 novembre 2008
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Introduction
Le titre de mon exposé est : « Entre innovation et précaution : l’affrontement éthique ». Je reviendrai sur
le mot de « précaution » car lui aussi est l’objet d’interprétation diverses selon les uns ou les autres.
Je pose l’hypothèse que ce n’est pas la technique ou les techniciens ou les politiques qui sont dangereux,
mais plutôt un certain nombre de doctrines éthiques qui investissent les discours. Mon propos est de vous
donner quelques clés de lecture pour éclairer les éthiques véhiculées derrière les discours économiques,
politiques, syndicaux, ... . Ces éthiques sont parfois en conflit extrêmement violent. Je vous donnerai des
exemples.
Aujourd’hui, l’économie agricole est écartelée entre inédit et nostalgie.
OGM, clonage animal, sécurité alimentaire, agrocarburant, l’agriculture est le siège d’innovations
totalement inédites qui, dans certains cas, peuvent modifier la destinée de l’espèce humaine.
Certains philosophes considèrent que l’espèce humaine n’est capable que de se battre. Après
l’écroulement du mur de Berlin on pensait être arrivé à la fin de l’Histoire grâce à la conjonction de la
démocratie et du marché. Or loin de la fin de l’Histoire, nous assistons à une prolifération de conflits
locaux. Devant une telle situation ils se demandent si l’espèce humaine n’est pas à reconstruire ? À
rééditer ? Par exemple par un clonage sélectionnant les gênes les plus compétitifs.
Vertige !
De l’autre coté c’est la nostalgie : l’idée d’un bien moral perdu que j’aimerais retrouver.
Face aux grands défis mondiaux, alimentaires, énergétiques, environnementaux, la mise en ordre des
politiques agricoles depuis 20 ans a proposé la suppression de toute régulation, les vertus d’une
libéralisation sans contraintes des marchés agricoles faisant coexister l’agriculture haut marnaise,
l’agriculture bretonne et l’agriculture rwandaise.
Historiquement on s’est toujours posé la question du fonctionnement des marchés dans un souci
éthique : la dynamique des marchés ne rendait pas un juste prix, aussi on en appelait à l’intervention du
Prince, de l’Etat, de la puissance publique.
Aujourd’hui alors que l’on connaît des retournements très rapides des marchés des céréales ou du
pétrole (ce jour 54 $le baril), on assiste à un essoufflement de ces croyances ultra libérales. Ainsi il y a un
intérêt évident à réfléchir à nouveau frais sur la notion de juste prix.
En introduction il faut aussi montrer le mélange des genres entre le Technique, l’Economique et l’Ethique.
Aujourd’hui, le discours économique, fait d’impératifs, se fait discours éthique ! Le Technique fait l’objet
de croyance. Or face à cela les rationalités en crise font appel à l’Ethique. Ainsi la bioéthique est née du
pouvoir grandissant d’appropriation du vivant, posant la question de sa limite. De même en agriculture, au
coeur de la sagesse paysanne s’il existe une question éthique, c’est celle des limites des manipulations
de la Nature.
La Nature revient au devant de la scène, de manière assez brutale comme en boomerang. S’il existe un
trait commun à tous les retours de l’éthique, c’est le retour de la nature ! Comment aujourd’hui, on
instrumentalise la Nature ? Comment on la prend de son coté pour en faire une instance morale, une
instance éthique ? J’y reviendrai.
Je vais vous présenter en une dizaine de minutes certains points. Puis viendront les questions et les
contestations. En effet je vous inviterai à affirmer que l’Ethique ça se discute en engageant un débat. Si
l’Ethique c’est avoir des valeurs, si je crois en mes valeurs, si je peux les fonder, je dois être capable de
les discuter et donc de les raisonner.