caractéristique qui les différencie des xénogreffes obte-
nues à partir de cellules tumorales cultivées in vitro,
appelées « xénogreffes classiques », est au niveau de leur
histologie. Ces xénogreffes de tumeurs humaines main-
tenues in vivo conservent une histologie comparable à
celle de la tumeur d’origine du patient [8, 13]. Cette
caractéristique est conservée lors des passages successifs,
alors que le stroma humain présent au sein du greffon lors
de la primo-greffe va être remplacé par un stroma murin
[8, 14].L’hétérogénéité tumorale de la tumeur du patient
est globalement conservée dans les PDX, mais sans assurer
une conservation de 100 % des différents types cellulaires
tumoraux contenus dans la tumeur d’origine du patient. Le
stroma de la tumeur d’origine étant perdu rapidement,
certaines stratégies thérapeutiques nécessitant la réponse
du micro-environnement tumoral seront biaisées et
nécessiteront la mise en place destratégies d’humanisation
de ce stroma [15]. Comme indiqué précédemment, les PDX
sont maintenues uniquement in vivo pour éviter les dérives
génétiques. L’explosion des techniques de séquençage à
haut débit du génome a permis d’approfondir la caracté-
risation moléculaire de ces modèles. C’est une étape
décisive pour une utilisation optimale des PDX dans le
cadre de l’évaluation des thérapies ciblées. Il est cependant
important de prendre en compte une contamination
potentielle du stroma murin dans l’analyse bio-informa-
tique. Cet inconvénient n’avait pas été identifiéavecles
xénogreffes « classiques » grâce à l’utilisation des lignées
cellulaires pour les analyses génétiques. Le statut muta-
tionnel et l’analyse d’expression des gènes des PDX ont été
trouvés très proches de ceux de la tumeur d’origine du
patient [13]. Le profild’expression des gènes et leur
stabilité sont conservés au cours des passages, comme cela a
été montré sur des PDX pancréatiques entre les passages
10 et 39 [16]. Cependant, en règle générale, les PDX ne sont
maintenues que sur un nombre limité de passages, dès qu’il
est possible de les faire repartir à partir de fragments
congelés. Cela permet d’obtenir une meilleure reproducti-
bilité des études, d’éviter de faire des contrôles molécu-
laires au cours du temps et de diminuer grandement le
nombre de souris utilisées pour le maintien des PDX.
Les PDX sont donc morphologiquement et génétiquement
plus proches de la réalité clinique. Sont-elles également
plus prédictives de la réponse aux thérapies ciblées ? Un
autre avantage de ces modèles est de conserver la
fonctionnalité des voies de signalisation cellulaire. Cette
caractéristique est souvent perdue par les modèles
cellulaires tumoraux lors de multiples passages in vitro
oùde nouvellesaltérationsgénétiquespeuventapparaître.
Les PDX sont donc de plus en plus utilisées pour le criblage
de nouvelles molécules dans différentes indications,
comme les PDX pulmonaires, mammaires, prostatiques
et pédiatriques, et bien sûr en fonction des altérations
génétiques d’intérêt [17-20]. En revanche, la réponse
thérapeutique d’une seule PDX à un agent anticancéreux
peut être difficilement extrapolée à la réponse de cet agent
en clinique humaine. Par exemple, sur un panel de PDX
colorectales développées dans le cadre du consortium
CReMEC, la présence d’une mutation de KRAS n’est pas
systématiquement reliée à une absence de réponse au
cétuximab. En revanche, la réponse de l’ensemble des
modèles au cétuximab est significativement corrélée à
l’absence d’une mutation de KRAS [8, 21]. Sur la base de ce
type de résultats, des criblages à haut débit évaluent la
réponse des agents en fonction du génotype tumoral en
utilisant une approche 1 11, c’est-à-dire un animal par
modèle par traitement, ce qui permet à la fois d’évaluer la
réponse thérapeutique d’un grand nombre de modèles
tout en limitant l’utilisation d’un trop grand nombre
d’animaux [22]. La génération de panels de PDX dans
plusieurs indications est une aventure longue et coûteuse,
d’où l’initiative de regrouper les banques existantes,
comme proposé par le consortium EurOPDX [23].Les
PDX sont des outils précieux pour la découverte de
biomarqueurs utilisables ensuite en clinique humaine.
Elles permettent de définir les relations en pharmacociné-
tique (PK) de l’agent anticancéreux et la réponse à cette
thérapie, soit la pharmacodynamie (PD) de cet agent.
Ces relations PK/PD sont importantes pour optimiser le
schéma d’administration de cet agent et orienter le
protocole des études cliniques précoces.
« Les PDX sont précieuses
en recherche translationnelle »
Dans le contexte de la médecine de précision, les PDX
peuvent être également utilisées comme « avatars » de la
tumeur du patient [24]. Cette stratégie consiste à identifier
des biomarqueurs plasmatiques et à caractériser la tumeur
du patient afind’identifier des thérapies sélectionnables
en fonction des altérations génétiques. Ces thérapies
peuvent être ensuite testées sur la PDX générée à partir
de la tumeur du patient, soit en agent seul, soit en
combinaison avec d’autres thérapies anticancéreuses, et
permettre ainsi une orientation de la stratégie thérapeu-
tique pour ce patient [25]. En revanche, cettestratégie a des
limites. Comme nous l’avons indiqué précédemment, le
taux de prise des PDX est très variable et parfois très faible
dans certaines indications tumorales. De plus, la génération
d’une PDX peut être très longue et trop tardive pour
orienter le choix thérapeutique du patient [26].Deplus,
si le patient a reçu pendant l’établissement de son avatar
une thérapie pour laquelle sa tumeur a développé une
résistance, la PDX de la tumeur d’origine ne correspondra
plus à celle qui aura acquis cette résistance. Il faudra donc
générer une nouvelle PDX pour étudier les mécanismes de
résistance et la réponse à d’autres thérapies.
Enfin, l’évaluation de thérapies impliquant la réponse de
l’environnement tumoral est fortement limitée en absence
d’un micro-environnement humanisé. Cela est plus parti-
culièrement critique pour les thérapies impliquant une
réponse immunitaire, la PDX étant greffée dans un hôte
immunodéprimé. Des stratégies d’humanisation de l’hôte
sont en cours de développement [27, 28]. Cela devrait
permettre prochainement de reconstituer, dans des souris
immunodéprimées, le système immunitaire du patient à
Les tumeurs dérivées de patients : un ancien concept redevenu populaire dans la recherche translationnelle en oncologie
Innovations & Thérapeutiques en Oncologie lvol. 2 –n81, janv-fév 2016 47
Passerelle translationnelle PT
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