Patricia Vrignaud Gustave-Roussy 114, rue Édouard-Vaillant 94805 Villejuif cedex France <[email protected]> Remerciements et autres mentions : L’auteur membre du consortium CReMEC remercie MEDICEN - région parisienne et le ministère français de l’Industrie pour leur soutien dans la mise en place d’une collection de PDX colorectales. Nos remerciements vont également aux patients et à leur famille grâce à qui ces modèles expérimentaux peuvent être créés. Financement : aucun. Liens d’intérêts : Employée par Sanofi et détenant des actions de la compagnie. Tirés à part : P. Vrignaud PT Passerelle translationnelle Patient-derived tumour xenografts: an old concept gaining renewed interest in translational cancer research RÉSUMÉ Les tumeurs dérivées de patient ou patient-derived tumor xenografts (PDX) sont actuellement considérées comme étant des modèles expérimentaux prédictifs de la réalité clinique en oncologie. Étant toujours maintenues sur l’animal, sans passage par des cultures cellulaires in vitro, elles conservent une morphologie et une hétérogénéité tumorale proches de la tumeur d’origine du patient. Il en est de même pour leurs caractéristiques moléculaires, ce qui n’est pas le cas des xénogreffes classiques obtenues à partir de lignées cellulaires tumorales cultivées in vitro. Même si leur mise en place est un processus long et complexe, les PDX bien caractérisées sont de plus en plus utilisées dans la recherche translationnelle en cancérologie. Elles sont des outils précieux servant à l’identification et à la validation de cibles thérapeutiques, à l’évaluation des nouveaux agents anticancéreux et de leurs biomarqueurs associés, ainsi qu’à l’étude des mécanismes de résistance. Dans le contexte de la médecine de précision, la création de ce que l’on a appelé « avatars » de la tumeur des patients a récemment été réalisée pour orienter les choix thérapeutiques offerts à chaque patient. En revanche, l’évaluation de thérapies impliquant la réponse de l’environnement tumoral est fortement limitée en absence d’un micro-environnement humanisé. Cela est plus particulièrement critique pour les thérapies impliquant une réponse immunitaire, ces modèles tumoraux étant xénogreffés sur des hôtes immunodéprimés. Des stratégies d’humanisation de l’hôte sont actuellement en cours de développement. Ces nouveaux modèles expérimentaux jouent donc un rôle central dans la recherche translationnelle anticancéreuse. l Mots clés : modèles animaux ; xénogreffes ; cancer. ABSTRACT Patient-derived tumour xenografts (PDX) are currently considered to be predictive of clinical activity in cancer patients. Having only been maintained in animals and never in in vitro cell cultures, they retain tumour morphology and heterogeneity, which is similar to the original patient tumour. The same holds for their molecular characteristics, which is not the case for classic xenografts obtained from tumoural cell lines cultivated in vitro. Despite a complex and time-consuming process to establish, well-characterised PDX are used increasingly often in translational cancer research. They are precious tools for identifying and validating new therapeutic targets, screening new anti-cancer agents and related biomarkers, and investigating resistance mechanisms. In the context of personalised cancer therapy, what are known as ‘mouse avatars’ of patient tumours have recently been created to guide the therapeutic choices given to individual patients. Nevertheless, evaluation Pour citer cet article : Vrignaud P. Les tumeurs dérivées de patients : un ancien concept redevenu populaire dans la recherche translationnelle en oncologie. Innov Ther Oncol 2016 ; 2 : 43-48. doi : 10.1684/ito.2016.0022 Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 43 doi: 10.1684/ito.2016.0022 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Les tumeurs dérivées de patients : un ancien concept redevenu populaire dans la recherche translationnelle en oncologie PT Passerelle translationnelle P. Vrignaud of therapies involving the microenvironment of the tumour is often limited due to the murine origin of PDX stromal components. This is particularly critical for therapies involving specific immunotherapeutic responses, given that these models have been xenografted to the immunodeficient murine hosts. Humanised mouse models are currently being developed to overcome these issues. In conclusion, these new experimental animal models play a key role in translational cancer research. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. l L’ Key words: animal models; xenografts; cancer. utilisation de tumeurs dérivées de patients ou patient-derived tumor xenografts (PDX) n’est pas un concept nouveau [1], mais leur utilisation avant les années 2000 était très limitée. Pourquoi les tumeurs dérivées de patients ont-elles autant de succès depuis quelques années ? Une des explications citées le plus souvent concerne le très fort taux d’attrition en cancérologie (95 %) pour les nouveaux agents lors des études cliniques [2]. Ces échecs concernent pour la moitié d’entre eux des thérapies ciblées sélectionnées sur la base de leur activité en préclinique, mais qui ont été trouvées inactives lors des essais cliniques. À la suite de cette constatation, il a été conclu qu’il fallait améliorer les modèles précliniques en oncologie. Cependant, quel modèle préclinique pourrait à lui seul couvrir la diversité tumorale et les différents types de cancer ? Plusieurs générations de modèles murins ont été développées en oncologie (figure 1) : des tumeurs spontanées ou induites par des carcinogènes, des (xéno) greffes de cellules ou de fragments tumoraux, des modèles transgéniques obtenus par transgenèse classique, recombinaison homologue ou plus récemment grâce au système CRISPR/cas9 [3]. Le choix d’un modèle tumoral en cancérologie expérimentale est fonction de l’objectif à atteindre. Selon qu’il s’agit de la validation d’une cible, de la preuve du concept que cette cible peut être inhibée par une petite molécule ou un agent biologique, ou de la définition des caractéristiques pharmacologiques d’un candidat au développement clinique, différents modèles tumoraux seront envisagés [4]. La première génération de modèles utilisés en oncologie, ceux qui ont permis de sélectionner les agents cytotoxiques actuellement utilisés en thérapie anticancéreuse, a été développée à partir de tumeurs spontanées ou chimio-/viro-induites, obtenues sur des souris consanguines, puis maintenues sur la même souche de souris consanguines par passages successifs, en les greffant par voie sous-cutanée dans la majeure partie des cas. Ces modèles murins ne permettent cependant pas d’évaluer des thérapies spécifiques d’une cible humaine, comme c’est souvent le cas des agents biologiques qui ne reconnaissent pas la cible murine. La découverte d’une souris immunodéprimée dont la mutation génétique confère une lymphopénie T associée à une absence de pelage, d’où son qualificatif anglais de souris nude (nue), a ouvert la voie des modèles tumoraux humanisés. Ces xénogreffes de cellules tumorales humaines ont été utilisées pour sélectionner la plupart des thérapies ciblées. Cependant, ces cellules tumorales humaines ont été 44 cultivées en monocouche dans des boîtes de culture, ce qui présente un environnement très éloigné de celui d’une tumeur se développant au sein d’un organe. Elles ont donc perdu la plupart des caractéristiques de la tumeur d’origine du patient. Les modèles de tumeurs de patients directement implantées chez la souris immunodéprimée sans passage en culture cellulaire sont maintenant largement utilisés non seulement pour évaluer de nouvelles thérapies anticancéreuses, mais également pour identifier et valider des cibles [5]. Les PDX sont mises en place à partir de fragments de tumeurs de patients obtenues lors de l’exérèse de la tumeur ou suite à une biopsie tumorale. Les patients doivent au préalable avoir donné leur consentement à l’utilisation de leur tumeur à des fins de recherche, incluant les analyses génétiques qui seront réalisées. Pour éviter des risques de contaminations accidentelles lors de la préparation des greffons et de la xénogreffe en animalerie, une sérologie du patient pour les virus VIH et des hépatites B et C est fortement recommandée. Différents critères sont à respecter pour optimiser le taux de prise des PDX, c’est-àdire le pourcentage de modèles tumoraux obtenus après la xénogreffe de tumeurs au sein d’une même indication thérapeutique. Les premiers critères à prendre en compte concernent les temps d’ischémie chaude et froide, ainsi que le milieu de survie dans lequel la tumeur sera conservée entre la salle d’opération et l’animalerie où aura lieu la greffe. L’utilisation d’antibiotiques dans le milieu de survie est recommandée, en particulier pour les tumeurs coliques qui, du fait de leur localisation d’origine, sont largement porteuses de germes. Un autre point important à prendre en considération est la taille et la qualité du greffon tumoral. Le nombre de cellules tumorales implantées va conditionner le succès de la prise de la greffe. Il est donc important de s’assurer que la zone choisie pour le greffon contienne suffisamment de cellules tumorales et d’éviter les zones de nécrose. Enfin, le choix de la souche de souris immunodéprimée qui sera utilisée va, lui aussi, avoir une importance dans le succès de cette greffe tumorale. Pour maximiser le taux de prise des PDX, la tendance est d’utiliser des animaux de plus en plus immunodéprimés. Les souris severe combined immunodefeciency (SCID) sont des souris mutantes n’ayant pas de lymphocytes B et T matures. Il existe plusieurs souches de souris dérivées à partir de la souris SCID, comme les souris NSG (NOD/SCID-IL2Rg-/-) ayant une délétion du récepteur de l’IL-2 (interleukine 2). Elles Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 Première génération Spontanés Viro-/Chimio-induits Xénogreffes PDX Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Seconde génération Modulation d’expression de gènes (RNAi/shRNA) Modèles génétiquement modifiés Transgénèse classique PT Passerelle translationnelle Les tumeurs dérivées de patients : un ancien concept redevenu populaire dans la recherche translationnelle en oncologie Tumeurs inductibles Recombinaison homologue Tet-Off/Tet-On KO/KI CRISPR/Cas9 CRISPR/Cas9 = CRISPR est l'acronyme anglais pour « courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées » et Cas9 concerne le nom de la nucléase intégrée dans ce système permettant de « copier-coller » un gène ; KO/KI = la fonction d'un gène est interrompue (KO) ou activée (KI) ; PDX = tumeurs dérivées de patients (patient-derived tumor xenografts) ; RNAi = interférence d'un ARN (acide ribonucléique) avec un ARN messager spécifique pour dégrader ou diminuer l'expression de sa protéine ; shRNA = petit ARN en épingle à cheveux induisant une inhibition transitoire ou stable du gène cible ; Tet-Off/Tet-On = expression réprimée (Off) ou activée (On) d'un gène inductible par la tétracycline (Tet). Figure 1. Évolution des modèles tumoraux. Figure 1. Evolution of tumoural models. n’ont pas de lymphocytes B et T matures, leurs cellules natural killer (NK) ne sont pas fonctionnelles, et la voie de signalisation des cytokines est altérée. Cependant, l’utilisation de ces souches dont l’immunité est fortement déprimée autorise l’émergence d’une lymphomagenèse d’origine humaine au détriment de la tumeur du patient [6]. L’utilisation de souris moins immunodéprimées, comme la souris nude, permet d’éviter ce problème. Cela a été, en particulier, décrit pour les PDX de tumeurs pulmonaires non à petites cellules [7]. La localisation de la primo-greffe sur l’animal devrait avoir également une influence sur le succès de la greffe et a fait l’objet de nombreuses études. La greffe sous-cutanée est facile à réaliser, rapide et permet de suivre la croissance de la tumeur avec un pied à coulisse [8]. Cependant, la greffe orthotopique (la tumeur est greffée dans son tissu d’origine) est souvent favorisée pour prendre en compte les interactions avec le stroma. Cette technique peut être plus ou moins difficile à mettre en œuvre, nécessitant une chirurgie qui dans certains cas sera faiblement invasive, par exemple pour les tumeurs mammaires [9]. Mais elle sera plus complexe à réaliser pour les autres localisations, le suivi de la croissance tumorale nécessitant le plus souvent l’utilisation de techniques d’imagerie. Enfin, la greffe sous la capsule rénale est souvent présentée comme la meilleure option pour favoriser la prise du greffon tumoral, mais reste controversée. Des traitements hormonaux dans l’eau de boisson ou par implant à libération lente sont systématiquement rajoutés pour tous les types tumoraux hormonodépendants, comme les tumeurs mammaires, ovariennes, utérines et prostatiques, et ce quelle que soit leur dépendance hormonale. « Les PDX ont des limites à considérer » Une des limitations majeures de la mise en place de PDX est leur faible taux de prise dans certaines indications. Il varie énormément en fonction du type tumoral, étant inférieur à 10 % pour les tumeurs de la prostate ou les tumeurs mammaires et supérieur à 50 % pour les tumeurs colorectales, pancréatiques ou gastriques. Pour l’améliorer, les tumeurs sont parfois enrichies avec des cellules stromales lors de la primo-greffe [10]. Au sein d’une même indication tumorale, le taux de prise peut varier de façon importante, comme cela a été décrit pour les tumeurs du poumon non à petites cellules, où le taux de prise des adénocarcinomes (13 %) était très largement Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 45 PT Passerelle translationnelle P. Vrignaud inférieur à celui des carcinomes épidermoïdes (60 %) [7]. L’agressivité de la tumeur d’origine de la PDX va influencer la prise de la xénogreffe, comme démontré dans les tumeurs du poumon non à petites cellules où les PDX générées à partir de métastases cérébrales ont un meilleur taux de prise (74 %) que celles obtenues à partir des tumeurs primaires (23 %) [11]. Cela est logiquement relié à la constatation que la prise tumorale d’une PDX est un facteur de mauvais pronostic pour la survie des patients et a été démontré pour différentes indications tumorales [8, 12]. Les avantages et les limitations des PDX sont à prendre en compte en fonction de l’objectif de l’étude à réaliser (tableau 1). Les PDX sont régulièrement décrites comme étant plus proches de la réalité clinique. La première Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Tableau 1. Avantages et désavantages des PDX par rapport aux xénogreffes obtenues à partir de cellules tumorales humaines cultivées in vitro. Table 1. Advantanges and disadvantages of PDX in comparison with xenografts obtained from human tumoural cells cultivated in vitro. PDX Avantages Xénogreffes de cellules tumorales humaines Inconvénients Avantages Complexe (tumeurs de patients récupérées en milieu hospitalier) Aisée (culture cellulaire) Inconvénients Taux de prise variable Mise en place Lymphomagenèse humaine ( 0-10 % selon la souche de souris utilisée) Lymphomagenèse murine ( 5 %) Lymphomagenèse murine ( 5 %) Identique à la tumeur d’origine Très différente de la tumeur d’origine Stroma murin remplaçant le stroma humain Stroma murin Maintien d’une hétérogénéité tumorale Perte de certains clones de la tumeur d’origine Sélection clonale Proche de la tumeur d’origine Contamination par le stroma murin Morphologie Caractérisation moléculaire Dérive génétique par rapport à la tumeur d’origine Dérive génétique au sein d’une même lignée entre les différents utilisateurs Corrélation in vitro/in vivo complexe (cultures 3D) Utilisation Utilisation de la lignée cellulaire évitant la contamination du stroma murin Réponse aux thérapies ciblées Nécessité de tester un panel Relations PK/PD Métabolisme murin Corrélation in vitro/in vivo Réponse aux thérapies ciblées peu prédictive Relations PK/PD Métabolisme murin Découverte de biomarqueurs Voies de signalisation souvent altérées Avatar de la tumeur du patient Perte des caractéristiques de la tumeur d’origine Hôte immunodéprimé Hôte immunodéprimé 3D : en trois dimensions ; PD : pharmacodynamie ; PDX : tumeurs dérivées de patients (patient-derived tumor xenografts) ; PK : pharmacocinétique. 46 Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. caractéristique qui les différencie des xénogreffes obtenues à partir de cellules tumorales cultivées in vitro, appelées « xénogreffes classiques », est au niveau de leur histologie. Ces xénogreffes de tumeurs humaines maintenues in vivo conservent une histologie comparable à celle de la tumeur d’origine du patient [8, 13]. Cette caractéristique est conservée lors des passages successifs, alors que le stroma humain présent au sein du greffon lors de la primo-greffe va être remplacé par un stroma murin [8, 14]. L’hétérogénéité tumorale de la tumeur du patient est globalement conservée dans les PDX, mais sans assurer une conservation de 100 % des différents types cellulaires tumoraux contenus dans la tumeur d’origine du patient. Le stroma de la tumeur d’origine étant perdu rapidement, certaines stratégies thérapeutiques nécessitant la réponse du micro-environnement tumoral seront biaisées et nécessiteront la mise en place de stratégies d’humanisation de ce stroma [15]. Comme indiqué précédemment, les PDX sont maintenues uniquement in vivo pour éviter les dérives génétiques. L’explosion des techniques de séquençage à haut débit du génome a permis d’approfondir la caractérisation moléculaire de ces modèles. C’est une étape décisive pour une utilisation optimale des PDX dans le cadre de l’évaluation des thérapies ciblées. Il est cependant important de prendre en compte une contamination potentielle du stroma murin dans l’analyse bio-informatique. Cet inconvénient n’avait pas été identifié avec les xénogreffes « classiques » grâce à l’utilisation des lignées cellulaires pour les analyses génétiques. Le statut mutationnel et l’analyse d’expression des gènes des PDX ont été trouvés très proches de ceux de la tumeur d’origine du patient [13]. Le profil d’expression des gènes et leur stabilité sont conservés au cours des passages, comme cela a été montré sur des PDX pancréatiques entre les passages 10 et 39 [16]. Cependant, en règle générale, les PDX ne sont maintenues que sur un nombre limité de passages, dès qu’il est possible de les faire repartir à partir de fragments congelés. Cela permet d’obtenir une meilleure reproductibilité des études, d’éviter de faire des contrôles moléculaires au cours du temps et de diminuer grandement le nombre de souris utilisées pour le maintien des PDX. Les PDX sont donc morphologiquement et génétiquement plus proches de la réalité clinique. Sont-elles également plus prédictives de la réponse aux thérapies ciblées ? Un autre avantage de ces modèles est de conserver la fonctionnalité des voies de signalisation cellulaire. Cette caractéristique est souvent perdue par les modèles cellulaires tumoraux lors de multiples passages in vitro où de nouvelles altérations génétiques peuvent apparaître. Les PDX sont donc de plus en plus utilisées pour le criblage de nouvelles molécules dans différentes indications, comme les PDX pulmonaires, mammaires, prostatiques et pédiatriques, et bien sûr en fonction des altérations génétiques d’intérêt [17-20]. En revanche, la réponse thérapeutique d’une seule PDX à un agent anticancéreux peut être difficilement extrapolée à la réponse de cet agent en clinique humaine. Par exemple, sur un panel de PDX colorectales développées dans le cadre du consortium CReMEC, la présence d’une mutation de KRAS n’est pas systématiquement reliée à une absence de réponse au cétuximab. En revanche, la réponse de l’ensemble des modèles au cétuximab est significativement corrélée à l’absence d’une mutation de KRAS [8, 21]. Sur la base de ce type de résultats, des criblages à haut débit évaluent la réponse des agents en fonction du génotype tumoral en utilisant une approche 1 1 1, c’est-à-dire un animal par modèle par traitement, ce qui permet à la fois d’évaluer la réponse thérapeutique d’un grand nombre de modèles tout en limitant l’utilisation d’un trop grand nombre d’animaux [22]. La génération de panels de PDX dans plusieurs indications est une aventure longue et coûteuse, d’où l’initiative de regrouper les banques existantes, comme proposé par le consortium EurOPDX [23]. Les PDX sont des outils précieux pour la découverte de biomarqueurs utilisables ensuite en clinique humaine. Elles permettent de définir les relations en pharmacocinétique (PK) de l’agent anticancéreux et la réponse à cette thérapie, soit la pharmacodynamie (PD) de cet agent. Ces relations PK/PD sont importantes pour optimiser le schéma d’administration de cet agent et orienter le protocole des études cliniques précoces. « Les PDX sont précieuses en recherche translationnelle » Dans le contexte de la médecine de précision, les PDX peuvent être également utilisées comme « avatars » de la tumeur du patient [24]. Cette stratégie consiste à identifier des biomarqueurs plasmatiques et à caractériser la tumeur du patient afin d’identifier des thérapies sélectionnables en fonction des altérations génétiques. Ces thérapies peuvent être ensuite testées sur la PDX générée à partir de la tumeur du patient, soit en agent seul, soit en combinaison avec d’autres thérapies anticancéreuses, et permettre ainsi une orientation de la stratégie thérapeutique pour ce patient [25]. En revanche, cette stratégie a des limites. Comme nous l’avons indiqué précédemment, le taux de prise des PDX est très variable et parfois très faible dans certaines indications tumorales. De plus, la génération d’une PDX peut être très longue et trop tardive pour orienter le choix thérapeutique du patient [26]. De plus, si le patient a reçu pendant l’établissement de son avatar une thérapie pour laquelle sa tumeur a développé une résistance, la PDX de la tumeur d’origine ne correspondra plus à celle qui aura acquis cette résistance. Il faudra donc générer une nouvelle PDX pour étudier les mécanismes de résistance et la réponse à d’autres thérapies. Enfin, l’évaluation de thérapies impliquant la réponse de l’environnement tumoral est fortement limitée en absence d’un micro-environnement humanisé. Cela est plus particulièrement critique pour les thérapies impliquant une réponse immunitaire, la PDX étant greffée dans un hôte immunodéprimé. Des stratégies d’humanisation de l’hôte sont en cours de développement [27, 28]. Cela devrait permettre prochainement de reconstituer, dans des souris immunodéprimées, le système immunitaire du patient à Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 47 PT Passerelle translationnelle Les tumeurs dérivées de patients : un ancien concept redevenu populaire dans la recherche translationnelle en oncologie PT Passerelle translationnelle P. Vrignaud 8. Julien S, Merino-Trigo A, Lacroix L, et al. Characterization of a large panel of patient-derived tumor xenografts representing the clinical heterogeneity of human colorectal cancer. Clin Cancer Res 2012 ; 18 : 5314-28. Take home messages De nombreuses équipes ont démontré que ces PDX conservent les caractéristiques morphologiques et moléculaires de la tumeur d’origine du patient. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Les PDX sont considérées à ce jour comme étant les 9. Marangoni E, Vincent-Salomon A, Auger N, et al. 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Clin Cancer Res 2011 ; 17 : 134-41. partir de ses cellules hématopoïétiques, puis de greffer sur ces souris humanisées la PDX générée à partir de la tumeur de ce même patient pour tester les nouvelles thérapies en immuno-oncologie, soit en agent seul, soit en combinaison avec d’autres thérapies ciblées ou des chimiothérapies standard. L’intégration d’avatars humanisés dans la médecine de précision est la prochaine étape en cours de développement. Ces nouveaux modèles montrent donc que les animaux de laboratoire continuent à jouer un rôle central dans la recherche contre le cancer. Un dernier point important à prendre en compte lors de l’établissement de modèles expérimentaux concerne le respect des bonnes pratiques concernant l’éthique animale [29]. Selon la réglementation européenne préconisant la règle des 3R (réduire, raffiner et remplacer), avant toute étude chez l’animal, il faudra s’assurer que le nombre d’animaux par groupe est adéquat pour quantifier les effets d’un agent, que tout est mis en œuvre pour limiter au maximum le stress et la souffrance de l’animal et que des méthodes substitutives à l’expérimentation animale n’existent pas. RÉFÉRENCES 1. Hill BT, Fiebig HH, Waud WR, Poupon MF, Colpaert F, Kruczynski A. Superior in vivo experimental antitumour activity of vinflunine, relative to vinorelbine, in a panel of human tumour xenografts. Eur J Cancer 1999 ; 35 : 512-20. 13. Ricci F, Bizzaro F, Cesca M, et al. Patient-derived ovarian tumor xenografts recapitulate human clinicopathology and genetic alterations. Cancer Res 2014 ; 74 : 6980-90. 14. Moro M, Bertolini G, Tortoreto M, Pastorino U, Sozzi G, Roz L. 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