QPRN Coin Recherche Sept 2009

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Dépister les
sentinelles du
système nerveux
Voilà bientôt 200 ans que la
morphine
et
ses
dérivés
dominent l’univers des anal gésiques. Les médecins admin istrent ces molécules autant aux
patients qui se sont fracturé des
os et qui sont en proie à des
douleurs aiguës, qu’à ceux qui
souffrent de douleurs chroniques,
dans le bas du dos par exemple.
Vu l’absence de solutions de
rechange, le règne de la morphine
ne risque pas de s’éteindre de
sitôt. «Mais le jour viendra»,
espère Laura Stone, professeure
à la Faculté de médecine dentaire
de l’Université McGill, qui rêve à la
prochaine génération de médica ments antidouleur.
«La morphine est très efficace
pour soulager les patients,
mais elle a malheureusementplusieurs effets secondaires»,
explique la chercheuse, membre
du
Réseau
québécois
de
recherche sur la douleur. «Elle
assomme les malades qui
s’endorment aussitôt soulagés. Il y
a
aussi
des
craintes
à
l’effet qu’elle puisse causer des
problèmes d’abus et de dépendance.»
Selon Laura Stone, la clé pour
trouver de nouvelles molécules
antidouleur pourrait très bien se
cacher dans une famille de protéines qui est loin d’avoir livré tous
ses secrets : les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG).
«On trouve ces récepteurs à peu
près partout dans le corps
humain», poursuit la professeure,
originaire de Toronto. «On les a
découverts à la surface ou à l’intérieur de plusieurs types de cellules : celles des reins, des yeux,
du système nerveux, etc.»
Le séquençage du génome
humain a révélé qu’il existait environ 400 différents types de RCPG
dans le corps humain.
Témoins d’une
course à relais
Les récepteurs RCPG agissent un
peu comme des sentinelles. Ils
reçoivent des messages biochimiques, puis les transmettent à
d’autres protéines qui, à leur tour,
déclenchent une cascade de réactions. «Il est difficile de trouver un
processus du corps humain dans
lequel les RCPG ne sont pas
impliqués», dit Laura Stone.
À l’intérieur des cellules du coeur,
par exemple, on trouve des petites
«pochettes» de calcium. Sur leur
paroi : des RCPG. Quand ces
récepteurs reçoivent un signal
biochimique, ils laissent s’échapper un peu du contenu de la
«pochette». Le calcium libéré
effectue alors quelques opérations
essentielles à l’excitation des cellules cardiaques et donc, au battement du coeur.
Les processus physiologiques qui
intéressent Laura Stone sont
plutôt impliqués dans la transmission des sensations de douleur.
Des 400 RCPG identifiés par le
séquençage du génome humain,
environ la moitié se trouvent (pas
nécessairement exclusivement)
dans le système nerveux central.
Plusieurs de ces récepteurs pourraient être impliqués dans le parcours qui s’étire entre un stimulus
douloureux (un doigt que l’on
pince par exemple) et le cerveau.
«Les récepteurs RCPG servent de
relais tout au long du parcours,
explique Laura Stone. D’abord,
dans
le
système
nerveux
périphérique : du doigt, ils permettent au signal de remonter tout le
long du bras, en suivant l’axone
qui va se connecter à la moelle
épinière. Une fois ce chemin parcouru, il faut relayer l’information à
la moelle épinière. Au bout de l’axone, sur la paroi de la cellule
nerveuse, se trouvent des RCPG.
Ce sont eux qui permettent
le
relâchement de
neurotransmetteurs qui traversent l’espace synaptique pour aller rejoindre les neurones de la moelle
épinière. De l’autre côté, ce sont
encore les RCPG qui déterminent
si les neurotransmetteurs sont
admis à l’intérieur du neurone,
pour faire leur travail.» À chacun
ces relais, le signal douloureux
peut être amplifié ou atténué par
les récepteurs.
Cette course se poursuit jusque
dans le cerveau où les signaux
douloureux se projettent dans le
thalamus, sorte de poste de contrôle de l’information sensorielle
qui nous permet de déterminer si
la sensation est agréable
ou douloureuse. L’information est aussi relayée
vers le cortex sensoriel,
qui permet de savoir si le
pincement s’est produit
sur notre doigt…ou sur le
bout de notre orteil.
«Il y a ensuite des messages qui partent du
cerveau et parcourent un
chemin similaire dans le
sens inverse, explique
Laura Stone. Lorsque le
danger est écarté, des
informations redescendent vers les extrémités
pour indiquer aux messagers biochimiques de
calmer les signaux de
douleur. Là aussi, les
RCPG sont impliqués.»
de nouvelles cibles thérapeutiques
pour soulager les patients en proie
à la douleur. «Si on trouvait des
récepteurs qui agissent uniquement au niveau du système
nerveux périphérique et qu’on
arrivait ensuite à concevoir des
molécules capables de se lier
exclusivement aux récepteurs en
sions ou la possible dépendance.»
Il n’est pas étonnant que plusieurs
compagnies
pharmaceutiques
tournent leurs efforts vers les
RCPG. Leurs équipes tentent d’identifier le rôle de nouveaux récepteurs et ensuite, de modéliser leur
forme par ordinateur, en trois
dimensions. Les chimistes
travaillent ensuite à imaginer des molécules capables
de s’insérer parfaitement
dans les RCPG, comme
une clé dans une serrure,
pour amplifier leur action
ou au contraire, pour la
stopper.
En poussant la réflexion
plus loin, on peut même
rêver du jour où des
molécules seront capables
d’interagir avec des RCPG
impliqués dans le mal de
dos uniquement, alors
que d’autres médicaments
seront
réservés
aux
migraines.
Le signal de la douleur débute en périphérie (représenté ici par la main) avec l’activation des nocicepteurs, les neurones responsables de sensation de douleur. Les nocicepteurs sont présents partout dans le corps humain incluant dans la peau, les organes
internes, les muscles, les os et les jointures. Ces senseurs transmettent l’information
aux neurones de la moelle épinière qui l’acheminent vers le cerveau. De l’activation des
centres régissant la douleur dans le cerveau résulte l’expérience de la douleur.
«Je crois qu’à terme, une
meilleure
connaissance
des récepteurs RCPG
En
plus
de
l’information
acheminée
vers
le
cerveau,
ce
dernier
retourne
des
signaux
aux
pourrait paver la voie à de
Des cibles à
neurones de la moelle épinière et de la périphérie. Ces signaux descendants peuvent
toutes nouvelles familles
augmenter ou diminuer la perception de la douleur par le cerveau.
exploiter
de médicaments analParmi les récepteurs
À tous ces points de relais, les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) sont
présents sur les neurones qui reçoivent et transmettent l’information. L’activation de ces
gésiques, dit Laura Stone.
RCPG identifiés dans
récepteurs peut altérer le degré de douleur finalement ressentie par l’individu. Par exemLa douleur a des eff e t s
ple, lors d’une situation de vie ou de mort, l’adrénaline relâchée dans la moelle épinière
le
système
nerveux
agit sur les RCPG pour inhiber la sensation de la douleur.
dévastateurs
sur
les
central, seulement une
Dans ce diagramme, les secteurs contenant des grandes quantités de RCPG sont idenpatients
et
leurs
familles.
cinquantaine sont bien
tifiés en ROUGE, les secteurs contenant relativement peu de RCPG sont identifiés en
Les coûts sociaux sont
JAUNE et les secteurs transitionnels (ayant de moins en moins de RCPG) en ORANGE.
connus des chercheurs.
Des molécules ciblant les RCPG à un ou plusieurs de ces sites pourraient constituer des
énormes. Il faut se
nouveaux traitements contre la douleur.
La majorité sont dits
retrousser
les manches et
«orphelins». «On ne comexplorer
de
nouvelles
prend pas encore comment
question,
on
pourrait
peut-être
avenues
thérapeutiques.»
ils sont activés ni quelle
prévenir la transmission initiale de
cascade de réactions ils déla douleur vers la moelle épinière,
clenchent», précise la chercheuse.
dit-elle. Puisque le médicament
n’agirait pas dans le cerveau, on
Laura Stone croit qu’en faisait la
éviterait des effets secondaires
lumière sur ces protéines orphecomme la somnolence, les convullines, la science pourrait identifier
Le RQRD est l'un des réseaux
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Auteur: Dominique Forget
Conception: Solutions Ink
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