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Contrôle du spin
d’un atome magnétique
dans une boîte quantique
En introduisant un seul atome magnétique dans une boîte quantique de semi-conducteur, on peut sonder
et contrôler optiquement l’état de spin de cet atome. Un contrôle électrique de l’état de charge de la boîte
permet aussi de modifier de manière réversible les propriétés du spin de l’atome magnétique. Cette
réalisation démontre, dans le contexte de l’information quantique, qu’il est possible d’isoler dans un solide
un spin unique, bien identifié et adressable.
e traitement de l’information dans les compo-
sants électroniques est basé sur le contrôle d’un
flux de charges dans un matériau semi-conduc-
teur, alors que le stockage non-volatil de l’information
exploite les propriétés de spin des charges présentes dans
les métaux (en particulier leur ferromagnétisme). Dans
ce contexte, l’électronique de spin, cherchant à combi-
ner les technologies des matériaux semi-conducteurs et
des matériaux magnétiques suscite un intérêt grandissant
pour de nouveaux matériaux, comme les semi-conduc-
teurs ferromagnétiques, ou de nouvelles structures de
composants.
Un autre enjeu concerne la miniaturisation des
composants qui reste un objectif prioritaire pour aug-
menter la performance des dispositifs. Cette quête sti-
mule d’une part l’étude de dispositifs de tailles
nanométriques et d’autre part l’exploration de voies
alternatives qui permettraient une poursuite des progrès
des capacités de calcul des circuits intégrés. Le succès de
la miniaturisation des composants semi-conducteurs et
magnétiques a déjà permis de fortement réduire le nom-
bre d’atomes nécessaire au stockage d’un bit d’informa-
tion. Le stockage d’un bit classique d’information sur un
atome individuel serait la limite ultime.
Le travail présenté ici montre comment il est possi-
ble de sonder optiquement l’état de spin d’un seul
atome magnétique localisé dans une boîte quantique de
semi-conducteur, et comment l’injection d’un porteur
de charge individuel permet de contrôler l’état d’aiman-
tation de cet atome.
Un atome magnétique
dans une boîte quantique
Les matériaux semi-conducteurs ont été largement
exploités dans les technologies de l’électronique car
leurs propriétés électriques peuvent être facilement
modifiées par un dopage électrique ou par une réduc-
tion de leur dimensionnalité. Ceci implique la réalisa-
tion, à l’aide des matériaux semi-conducteurs, de
couches bidimensionnelles, de fils ou d’agrégats (boîtes
quantiques) de tailles nanométriques. Les électrons ou
les trous (absence d’un électron dans la bande de
valence) confinés dans une boîte quantique occupent
des états électroniques discrets comme dans un atome.
La recombinaison de ces paires électrons-trous quanti-
fiées sur ces niveaux donne lieu à l’émission de
photons uniques, d’énergie et polarisation contrôlées.
Ces propriétés optiques sont utilisées dans ce travail
pour sonder l’état de spin d’un atome magnétique
individuel.
Les boîtes quantiques que nous étudions ici sont réa-
lisées en utilisant un mode de croissance tridimension-
nel « auto-organisé ». Elles se forment spontanément
lors de la croissance couche atomique par couche ato-
mique (grâce à une technique appelée épitaxie par jets
moléculaires) d’un matériau A sur un matériau B pré-
sentant un paramètre de maille différent. Au-delà d’une
certaine épaisseur critique (quelques monocouches ato-
miques), le matériau A (ici CdTe) relaxe l’énergie élasti-
que emmagasinée en adoptant un mode de croissance
tridimensionnel qui se traduit par la formation d’îlots de
quelques monocouches atomiques d’épaisseur et d’une
dizaine de nanomètres de diamètre (figure 1a). Ces îlots
de CdTe sont ensuite recouverts par une couche épaisse
de ZnTe (matériau B). Comme ZnTe possède une plus
grande largeur de bande interdite que CdTe, on réalise
ainsi une boîte quantique qui confine les porteurs dans
les trois directions. Ce confinement des porteurs donne
naissance à des niveaux d’énergie discrets, séparés par
plusieurs dizaines de milli-électron-Volt (meV). Lors de
la recombinaison d’une paire électron-trou confinée,
l’émission optique d’une boîte quantique a lieu entre
ces niveaux discrets : l’énergie des photons émis par une
seule boîte est donc parfaitement définie et les spectres
d’émission présentent des raies dont la position énergé-
tique dépend des dimensions de la boîte et du nombre
de porteurs qu’elle contient.
L’incorporation de métaux de transition dans un
semi-conducteur peut conduire à un dopage magnéti-
que. Les métaux de transition comme le manganèse
L
Article proposé par : Lucien Besombes, lbesombes@spectro.ujf-grenoble.fr, Yoan Léger, yleger@spectro.ujf-grenoble.fr, Henri Mariet-
te, hmariette@spectro.ujf-grenoble.fr, Laboratoire de spectrométrie physique (LSP), Université Grenoble 1/CNRS.