AVANT-PROPOS Un célèbre auteur contemporain répondit un jour à son éditeur, qui lui posait la question : « Cher ami, que m’apportez-vous là, un roman ? – Non. – Ah, alors, une nouvelle ? – Non plus. – Un essai peut-être ? – Pas davantage ! – Mais alors, qu’est ce donc ? – Oh, eh bien, disons, oh… un machin ! » Je ne garantis pas l’exactitude du dialogue entendu sur les ondes d’une chaîne radiophonique, mais il en résume l’esprit. On pourrait également qualifier le présent ouvrage de la sorte. On peut dire aussi que Les Dieux est un livre à quatre mains et multiples facettes, que c’est aussi bien le récit apocryphe du voyage d’un célèbre auteur de l’Antiquité, qu’une chanson de geste historique, théologique et philosophique, un roman épique, un roman dialogué, un scénario de cinéma ou encore celui d’une série télévisuelle policière, puisqu’il s’agit d’une enquête. Le sujet de ce livre n’est pas une histoire de l’Egypte, mais la remise en question de la « Genèse biblique » et la démonstration que la Bible est une légende destinée à masquer, pour des raisons politiques, une réalité historique. Toutefois, pour traiter le sujet, l’Egypte, comme l’a écrit Nicolas Grimal, « est la terre biblique par excellence, de Babylone aux chemins vers l’Exode, sans omettre, cependant, de dégager l’Histoire de son emprise biblique… » Un résumé de l’histoire d’Egypte et de Mésopotamie s’impose. Pour l’auteur, le récit biblique n’est, en effet, qu’un filet de camouflage qui recouvre l’histoire de l’exode du peuple d’Akhet-Aton 15 dans le désert et son exil à Canaan ; ledit peuple et ses chefs emmenés ensuite en captivité en Mésopotamie, d’abord par les Assyriens, ensuite par les Babyloniens. L’instinct de survie d’une communauté de déportés aboutit, par un curieux phénomène de syncrétisme religieux entre maîtres et esclaves, à une nouvelle religion et une nouvelle langue sémite, pour se prolonger bizarrement, du XIIIe et XIVe siècles ac., aux XXe et e XXI siècles pc., ceux d’Einstein, de la conquête spatiale, du voyage sur la Lune et bientôt vers Mars. Trente millions d’années ont été nécessaires pour atteindre l’australopithèque, puis encore sept millions d’années pour arriver aux Sapiens sapiens et plus pour parvenir à l’Homme moderne, en suivant l’évolution des espèces, selon Buffon, Lamarck, Darwin et Wallace. Etrange lenteur dans le développement de la pensée intellectuelle et religieuse de l’Homme, depuis Erectus ! Parti de la vérité archéologique de l’histoire de cet îlot Afro-Asiatique des débuts, nos auteurs retracent l’existence du mythique « Livre », le pourquoi et le comment et rétablit la vérité historique*. Pour étayer leur thèse, ils se sont appuyés sur les travaux d’archéologues et égyptologues, experts en la matière, sur des textes scientifiques, attestés et incontournables, même pour un récit teinté de fiction dans sa forme dialoguée. L’Histoire ne s’invente pas, elle s’interprète ! Pour atteindre son objectif sur les origines du monde, des Dieux et de celui de la naissance du monothéisme, ils entreprennent ainsi un voyage virtuel aux pays d’Egypte et de Mésopotamie jusqu’en Perse, pour arriver, plus tard aux Antipolis de l’autre partie du monde… Le livre, divisé en plateaux, s’échelonne sur trois époques. Chaque plateau se compose d’une dizaine d’actes ou chapitres, subdivisés en scènes ou tableaux. Le premier plateau comprend une introduction, présentation des personnages de fiction du livre et un prologue, rappel de la « Pré Humanité ». Dix actes survolent l’histoire égyptienne depuis la protohistoire. Suivent ensuite une chronologie dynastique, une chronique de la vie quotidienne, des coutumes, des rois, reines et femmes d’Egypte, de l’enfance et de l’éducation, de la caste des prêtres et des temples, des dieux, dont l’épisode atonien, sa chute pour arriver à l’exil de son peuple dans le désert, jusqu’aux Ramissides. Il se termine par un aperçu sur la civilisation du « Grand Fleuve », le Tigre et l’Euphrate, pour assurer la transition avec le plateau suivant. Le deuxième est consacré à la Mésopotamie, Sumer et Akkad et ses liens avec l’Egypte. Le troisième concerne l’Exode des « Yahouds et du petit peuple d’Akhet-Aton », de la convergence entre la mythique histoire biblique et 16 l’histoire attestée d’Egypte et Mésopotamienne, jusqu’au retour des dits exilés en terre de Canaan. L’épilogue conduira le lecteur aux religions dites « du Livre », depuis l’Antiquité gréco-romaine à l’époque moderne, en passant par Athènes, Rome et Médine… Les auteurs sont journalistes multimedia, navigateurs, grand reporters, scénaristes et réalisateurs de courts et moyens-métrages. Féru d’Histoire, ils ont construit leur sujet après cinq années d’études et de recherches documentaires. Ajoutons, pour la petite histoire, que l’un deux s’intéresse à l’Egypte depuis l’âge de sept ans… In fine, ils n’ont pas cherché, ici, à « faire de la littérature » ni écrire un roman, mais à mener à bien une enquête cartésienne et un récit, inspirée par celle d’Hérodote. De facto, c’est un docu-drama historique. Les Américains pourraient dire qu’il s’agit d’un « digest ». Leur livre est écrit au présent, dans un style direct. Les dialogues sont entrecoupés de constantes interjections et de nombreuses « anale pses » qui mènent l’histoire vers l’épilogue. Le style et l’écriture rendent souvent le sujet étrangement d’actualité et permettent de poser la question : L’Homme a-t-il vraiment changé depuis dix mille ans ? En s’émancipant de ses origines d’homo-animalis, n’est -t-il pas passé d’un état sauvage à un autre ? J.C.H. Secrétaire Générale du Club arHa, co-éditeur Sphinx de Gizeh et la pyramide de Képhren NOTA Parmi les nombreuses difficultés que nous avons rencontrées au niveau du traitement des textes originaux, figure le choix entre les différentes orthographes des noms égyptiens, selon les sources citées en références. Une étoile(*) renvoie en bas de page le choix d’écriture. Exemples : Kadesh ou Qadesh, Kheops ou Chéops… Pour les rois, nous avons opté pour les noms égyptiens, sauf exception. Pour les autres noms propres, ils sont indifféremment en grec ou en égyptien, selon les sources et les citations. Les textes d’origines « archéologiques » sont « entre guillemets » et en italique avec indications des sources. Les textes « entre guillemets » et/ou suivis d’une numérotation renvoient à l’index. Les citations sont répertoriées également en index, plateau par plateau (chapitre), noms des auteurs et éditeurs, dans la bibliographie générale du livre, avec les annexes : liste des abréviations, chronologies, tableaux synoptiques, lexique, etc. Nous avons retenu, par ailleurs, les dates des évènements suivant les années de règne de chaque roi et, comme repères pour le lecteur, celles du calendrier moderne avant le Christ ac. La datation égyptienne varie en fonction de l’apparition de l’étoile Sirius, la déesse Sothis. En effet, dès le règne du roi Djer*, l’année, suivant le calendrier solaire, commence au lever héliaque de Sirius. La numérotation des dynasties est en chiffres romains. Enfin, la tétralogie est éditée suivant le principe d’une série en quatre plateaux (tomes) et la diffusion échelonnée à partir de décembre 2010. * Première dynastie époque thinite, 3100/2890. 19 Arbre des langues sémitiques Nord-Ouest Ougaritique Ancien cananéen Phénicienpunique Sémitique occidental Centre Protosémitique Éblaïte Cananéen Nord-Est Araméen Amorrite Sud Arabe Hébreu Moabite Éthiopique Guèze 20 Sémitique oriental Akkadien Assyrien Sémitique méridional Babylonien Sudarabique Protoamharique DES LANGUES ET DE L’ECRITURE CORRESPONDANCES (Etude de CC) Peuples dits sémites* L’adjectif « sémitique » fut inventé en 1781 pc. par le philosophe allemand Schözer pour désigner un groupe de langues étroitement apparentées, d’où l’habitude d’appeler Sémites les peuples qui parlaient et parlent encore ces langues. Le nom vient du fils de Noé, Sem, frère de Cham, d’après la Bible… Parmi les langues, les plus répandues, l’arabe, l’éthiopien et l’hébreux, puis vient l’akkadien et ses variantes : akkadien ancien, assyrien et babylonien, plus les langues, dites ouest-sémitiques : éblaïte, amorite, cananéen, phénicien, moabite et araméen. Il faut ajouter ensuite l’égyptien et les dialectes maghrébins et du nord de l’Afrique noire sahélienne. Elles sont, en résumé, issues d’une famille de langues s’étendant sur un vaste territoire de la Mésopotamie à l’Arabie, de l’Afrique du Nord à l’Atlantique, de l’Afrique du Nord-Est à l’Equateur. Toutes ces langues mortes ou vivantes ont de nombreux points communs et forment une famille cohérente. Une de leurs caractéristiques principales est que les verbes, de nombreux substantifs et adjectifs dérivent des racines formées, le plus souvent, de trois consonnes. Des voyelles brèves ou longues associées à ces consonnes matérialisent et modulent le concept général qu’exprime la racine. * Nicolas Grimal, pages 44-45. 21 Exemple, en arabe, le radical « K t b » exprime l’idée vague d’écriture : « il écrivit » et aussi « écrire », car l’arabe n’a pas d’infinitif, se dit « kataba » ; « il écrit » se dit « yiktib » ; « c’est écrit » se dit « maktub » ; « écrivain » se dit « kâtib » ; « livre » se dit « kitâb » ; En akkadien : « il conquiert » se dit « ikashad » ; « il conquit » se dit « ikshud » ; « conquérir » : « kashâdu » et « conquérant » : « kâshid ». Ces mots dérivent de la racine « k sh d », qui exprime une idée d’approche et, par extension, de conquête. Pendant toute l’Antiquité, les Sémites ont habité une zone compacte et parfaitement définie du Proche Orient, limitée par des mers et des montagnes et comprenant essentiellement la péninsule d’Arabie, la SyriePalestine et la Mésopotamie. D’abord l’usage a prévalu de considérer les Sémites, comme une « race ». Ensuite, cela s’est révélé scientifiquement erroné. On les a, alors, classé comme formant un groupe homogène de peuples partageant, non seulement, le même type de langues, mais aussi la même psychologie, les mêmes mœurs et coutumes, les mêmes croyances religieuses… De plus, la théorie du nomadisme est totalement caduque… En outre, une fausse théorie, longtemps répandue, voulait que les Sémites aient pour berceau d’origine le centre géographique de la zone définie du grand désert syro-arabe. Ils en étaient sortis à différentes époques pour se sédentariser à la périphérie : les Akkadiens en Mésopotamie centrale, probablement au 4é millénaire, les Amorites en Syrie-Palestine au IIe millénaire, les Araméens, tout autour du Croissant fertile à partir du XIIe siècle ac., enfin les Arabes au VIIe siècle pc. Des langues sémitiques archaïques telles l’akkadien et l’ougaritique sont attestées depuis plus de quatre millénaires. Les plus anciens documents akkadiens, en écriture cunéiforme, datent de la seconde moitié du troisième millénaire ac. et l’archéologie découvre d’autres documents akkadiens ultérieurs jusqu’au début de notre ère. Les langues sémitiques contemporaines les plus parlées sont l’arabe (plus de 450 millions de locuteurs), l’amharique (27 millions), l’hébreu (8 millions), le tigrinya (6,75 millions). Elles constituent aujourd’hui, 22 avec le maltais (400 000 locuteurs), les seules langues sémitiques officielles bien que d’autres langues utilisées en Éthiopie, en Érythrée, à Djibouti et en Somalie, ainsi que les divers parlers néo araméens du Moyen-Orient, se rattachent à cette famille. Les langues sémitiques se caractérisent, entre autres, par la prédominance de racines trilitères et par l’usage de consonnes laryngales, gutturales et emphatiques. La langue égyptienne a été léguée aux hommes par Thot, dieu de la connaissance. L’écriture hiéroglyphique a été inventée il y a plus de trois mille cent ans ac., à la même époque que l’écriture cunéiforme. Les signes pour la retranscrire furent plus tard nommés à partir des mots grecs « hiéro » (sacré) et « gluphein » (gravé), soit la traduction littérale de son nom égyptien « écriture sacrée ». Les hiéroglyphes sont plutôt réservés aux inscriptions lapidaires ou murales pour les textes divins et royaux. L’écriture cursive ou hiératique, est réservée au clergé, et à l’utilitaire. Le démotique**, apparue au VIIe siècle avant notre ère, est une sorte d’écriture sténographique. Elle évolue depuis l’Ancien Empire vers un dépouillement de plus en plus grand aux derniers siècles de la civilisation ; c’est celle de l’administration, des écoles de scribes, celle du littéraire… Une nouvelle langue simplifiée, plus proche du copte que celle des Textes des Pyramides, s’est créée, pour la compréhension générale des populations de différentes origines. L’égyptien ancien est une langue chantée, psalmodiée avec une sonorité comparable aux langues et dialectes sémiotiques. Avec le changement de culture, on assiste, encore, à l’introduction de la langue vernaculaire ; une langue plus proche du copte que celle des Textes des Pyramides Les outils : le calame. Les supports : le tesson de poterie, l’éclat de calcaire, le papyrus et le scarabée… L’évolution vers le copte, écriture grecque plus sept lettres, deviendra, plus tard, l’écriture de l’Eglise après l’abandon du polythéisme. ** G. Roux, p. 175-176. Pierre de Rosette London