La nouvelle vague de privasaon
en Russie
Sergueï Gouriev
Note de l’Observatoire franco-russe, no 2, Janvier 2013
Note de l’Observatoire franco-russe, no 2, Janvier 2013 2
La nouvelle vague de privasaon en Russie
Observatoire Franco-Russe
AUTEUR
Sergueï Gouriev
Créé en mars 2012 à l’initiative du Conseil économique de la Chambre de
Commerce et d’Industrie Franco-Russe (CCIFR), l’Observatoire a pour vocation de
produire une expertise approfondie sur la Russie, ainsi que de promouvoir une
meilleure connaissance des réalités françaises auprès des élites politiques et
économiques russes. Il publie des notes thématiques et un rapport annuel sur la
Russie. Il organise également des manifestations (colloques, séminaires, conférences
de presse) à Paris, à Moscou et dans les régions russes. LObservatoire franco-russe
s’est doté d’un conseil scientifique réunissant une douzaine d’universitaires et
experts (Alain Blum, Pascal Boniface, Isabelle Facon, Pierre Kopp, Jean Radvanyi,
Marie-Pierre Rey, Evgueni Gavrilenkov, Sergueï Gouriev, Fiodor Loukianov, Sergueï
Karaganov, Rouslan Poukhov, Konstantin Simonov) qui participent activement à ses
travaux.
Sergueï Gouriev est professeur d’économie et recteur de la Nouvelle école
d’économie de Moscou (NES).
Sergueï Gouriev est diplômé avec mention summa cum laude de l’Institut de
Physique et de Technologie de Moscou. En 1997-98, après son doctorat, il obtient
un poste à l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT), puis enseigne en 2003-
04 à l’Université de Princeton. Sergueï Gouriev publie des articles dans les plus
grandes revues internationales, telles que American Economic Review, American
Political Science Review, et Journal of European Economic Association. En 2006,
Sergueï Gouriev est sélectionné comme « Jeune Leader Mondial » par le Forum
économique mondial de Davos et rejoint, en 2011, le Conseil de l’Agenda Global
sur l’Europe. Il est membre du Conseil d’administration de la Sberbank, de Russia
Venture Company, d’Alfa Strakhovanie, de Russian Home Mortgage Lending Agency
et de la Dinasty Foundation. Il est membre du Conseil Scientifique, Technologique
et Educatif près la présidence russe, ainsi que du Conseil consultatif de l’Institut
Peterson pour l’Economie Internationale (Washington, DC) et du Conseil scientifique
de Bruegel, un cercle de réflexion économique basé à Bruxelles.
Sergueï Gouriev est membre du Conseil scientifique de l’Observatoire franco-
russe.
La nouvelle vague de privasaon en Russie
Note de l’Observatoire franco-russe, no 2, Janvier 2013 3
Sommaire
Auteur / Observatoire franco-russe
Sommaire
Introducon
Que possède l’État russe ?
Pourquoi la privasaon est nécessaire
Les arguments contre la privasaon
Des paroles et des actes
Le risque d’un ajournement de la privasaon
Conclusion
Bibliographie
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La nouvelle vague de privasaon en Russie
L’État russe est sur le point de procéder à une vente massive de ses actifs. Depuis
plusieurs années, les présidents du pays Dmitri Medvedev comme Vladimir
Poutine affirment régulièrement que la privatisation est l’une des priorités de leur
politique économique. Dans son discours programmatique prononcé lors du Forum
économique international de Saint-Pétersbourg en juin 2011, Dmitri Medvedev
se déclare favorable à la vente des participations de l’Etat dans les compagnies
publiques il détient des participations majoritaires ou des minorités de blocage,
à l’exception des infrastructures et des entreprises du secteur de la défense. Un
an plus tard, s’exprimant à la même tribune, son prédécesseur et successeur au
Kremlin, Vladimir Poutine, confirme son attachement à la prépondérance de la
propriéprivée. Il réitère que « le capitalisme d’État n’est pas notre objectif » et
promet que l’État va « progressivement se retirer de toute une série de secteurs et
d’actifs ». Pendant la dernière campagne présidentielle, Vladimir Poutine a publié
son programme économique dans le journal Vedomosti1. aussi, « la réduction de
la part de l’État dans l’économie » est présentée comme l’une de ses priorités en
matière de politique économique.
Ces engagements ont été formalisés dans le décret présidentiel « Sur la
politique économique à long terme de l’État » que Vladimir Poutine a signé le 7
mai 2012, immédiatement après son investiture. Dans ce document, le président
russe s’engage à « parachever, avant l’année 2016, le retrait de l’État du capital
des compagnies qui ne relèvent ni du secteur des ressources naturelles, ni des
monopoles naturels, ni du complexe militaire ». Ces promesses sont moins
ambitieuses que celles qui découlaient de ses déclarations précédentes. En
particulier, le décret exclut la privatisation des compagnies œuvrant dans le secteur
des matières premières et des monopoles naturels (c’est-à-dire qu’il interdit la
vente de Gazprom et de Rosneft, dont la privatisation pourrait rapporter au budget
plus que celle de tous les autres actifs de l’État réunis). En revanche, le décret fixe
un délai clair pour la vente intégrale de tous les actifs visés - 2016. Comme nous
allons le voir, pour écouler dans un tel délai tous les actifs envisagés, l’État devra
effectuer un travail colossal. Car la part qu’il détient aujourd’hui dans l’économie
est extrêmement élevée.
1 « Nam noujna novaïa ekonomika » [Nous avons besoin d’une nouvelle économie], Vedomos,
30 janvier 2012.
Introducon
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Il n’est pas si facile d’évaluer la part de l’État dans l’économie russe. Ce qui est
sûr, c’est qu’elle est trop importante, ce qu’admettent d’ailleurs volontiers Poutine
et Medvedev. L’État russe est omniprésent dans les secteurs stratégiques et détient
les plus grandes entreprises du pays. Même sans tenir compte des corporations
d’État (par exemple la Vneshekonombank ou Rosatom) ou des compagnies
publiques dont l’État détient 100 % du capital (par exemple les Chemins de fer de
Russie [RZD], la Compagnie unifiée de construction navale [OSK] ou la Compagnie
aéronautique unifiée [OAK]), l’État possède la majeure partie des plus grands
groupes du pays. Ainsi, si l’on examine les dix compagnies ayant la plus grande
capitalisation boursière, on s’aperçoit que l’État détient 62 % de leur capitalisation
boursière cumulée. Ce ratio est encore de 54 % si l’on élargit la palette aux vingt
plus grandes compagnies du pays.
Mais la propriété d’État ne se limite pas aux grandes entreprises. Le site de
l’Agence fédérale à la propriété d’État (Rosimouchtchestvo) indique que l’État
détient des participations dans 2 933 sociétés. De plus, l’Etat possède un milliard
d’hectares de biens fonciers (soit plus de la moitié de la superficie de la Russie !).
Combien tout cela vaut-il ? En réalité, même Rosimouchtchestvo l’ignore
pour l’instant. Ce n’est pas un hasard si le projet de Concept de gestion de la
propriété fédérale jusqu’en 2018 (il s’agit de facto du plan stratégique de travail de
Rosimouchtchestvo) prévoit que l’inventaire total des sites relevant de la propriété
fédérale ne sera pas terminé avant 2015. 1
D’après les calculs de la Direction de contrôle de l’administration présidentielle2,
ces actifs peuvent être estimés à plusieurs milles de milliards de roubles. Est-ce peu
ou beaucoup ? Cest indiscutablement beaucoup, gigantesque même : par exemple,
le Global Wealth Report de 2012 évalue la fortune personnelle cumulée de tous les
Russes à seulement 1300 milliards de dollars (soit 40000 milliards de roubles).
2 Sergueï Strelnikov, membre du Conseil d’experts auprès du gouvernement de la Fédéraon de Russie, «Vse
privazirovano do vas » [Tout a été privasé avant vous], Ekspert, 3 décembre 2012.
Que possède l’État russe ?
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