48 / Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin – n° 42 – Automne 2015
du sultan, avilis par des siècles de captivité ou d’esclavage 2. La
régénération de la Grèce était devenue un thème récurrent depuis la
Révolution française et l’Empire, suffisamment partagé par les élites de
tous milieux pour survivre à ces régimes ; le soulèvement hellène de 1821
fut de ce fait salué avec enthousiasme autant par les représentants du
courant libéral que par des milieux beaucoup plus conservateurs. On
connaît bien aussi l’émotion internationale suscitée par la répression
ottomane, au lendemain des massacres de Chio en 1822, par le siège et la
chute de Missolonghi en 1826 et les ravages du Péloponnèse par les
troupes égyptiennes d’Ibrahim Pacha venues en renfort. La vague de
sympathie philhellène, portée par tous les media de l’époque, presse,
théâtre, concerts, littérature, peinture, affiches, mobilier, assiettes peintes,
tapisseries, vêtements, pénétra tous les foyers3. Plusieurs études récentes
ont mis en lumière le caractère transnational de cette grande émotion
européenne à l’origine des départs de volontaires prêts, à l’instar de Byron,
à combattre et à mourir en Hellènes pour défendre la cause sacrée de la
civilisation contre la barbarie4.
Cependant, l’histoire du mouvement national grec comporte encore, à
plus d’un égard, de nombreux champs à explorer ou à reconsidérer, autant
2 Cf., sur ces thématiques, Françoise et Roland Étienne, La Grèce antique :
archéologie d'une découverte, Paris, Gallimard, 1990 ; Georges Tolias, La
médaille et la rouille : l'image de la Grèce moderne dans la presse littéraire
parisienne (1794-1815), Paris, Athènes, Hatier, 1997 ; Chrissanthi Avlami (dir.),
L'Antiquité grecque au XIXe siècle : un exemplum contesté ?, Paris, L'Harmattan,
2000.
3 Jean Dimakis, La guerre de l'indépendance grecque vue par la presse
française, de 1821 à 1824. Contribution à l'étude de l'opinion publique et du
mouvement philhellénique en France, Thessalonique, Institut d’études
balkaniques, 1968.
4 Cf. contributions de Robert Frank, « Émotions mondiales, internationales et
transnationales » et de Hervé Mazurel, « Le moment philhellène de l’Occident
romantique », Monde(s), n° 1, 2012, respectivement p. 47-70 et p. 71-88 ;
Sandrine Maufroy, Le Philhellénisme franco-allemand (1845-1848), Paris, Belin,
2011 ; Hervé Mazurel, Vertiges de la guerre. Byron, les philhellènes et le mirage
grec, Paris, Les Belles Lettres, 2013.