Défricheurs du social
Posté le 9 décembre 2015 par Natacha Seguin
CoP21 : le diable ne se cache toujours pas dans les détails
Après 20 ans de négociation, 5 rapports du GIEC pour nous alerter sur l’urgence de la situation
climatique, des chiffres dans tous les sens, les Parties à la CoP21 ne s’accordent toujours pas sur
une vision commune de long terme.
Quelques éléments partagés mais non contraignants
Les 196 entités qui constituent autant de Parties à la CoP21 (pour en savoir plus, lire ici) ne
parviennent toujours pas à s’entendre sur la vision de long terme vers laquelle il conviendrait d’aller
pour éviter le pire. Il serait cependant faux de dire que rien n’avance. Au lendemain de la première
réunion de restitution des discussions politiques au Bourget, il semblerait qu’un accord soit possible
sur un plafond de réchauffement de 1,5°C à 2°C, vers lequel devraient tendre les émissions
mondiales à l’horizon 2100. Cela aurait pu constituer une victoire pour les Etats les plus vulnérables,
mais le texte ne sera pas contraignant. La révision tous les cinq ans des « engagements » de
limitation des émissions en fonction des progrès technologiques, ou d’éléments plus conjoncturels
(l’éclatement d’une bulle spéculative et la crise financière et économique qui s’en suivrait ?), est un
progrès, au moins temporaire. La reconnaissance par les Etats les plus développés de leur
responsabilité historique dans les changements climatiques constitue une autre avancée. Par-là, ils
acceptent leur devoir de payer davantage que les Etats plus récemment industrialisés mais sans
contrainte d’engagements. Enfin, les Etats considèrent que l’adaptation aux changements
climatiques est aussi importante que la limitation (l’« atténuation » dans le jargon onusien) des
émissions de gaz à effet de serre. Pour le reste, notamment tout ce qui concerne la mise en œuvre
des solutions au réchauffement climatique (financements, transferts de technologies, etc.), ainsi que
le statut juridique de l’accord de Paris, les négociations piétinent.
Des éléments fondamentaux délaissés dans la vision de long terme
Revenons à la vision de long terme, dans laquelle les Parties définissent la ligne d’horizon et les
éléments à prendre en compte pour y parvenir, notamment la nécessité de respecter les droits des
populations autochtones, celle de l’égalité des femmes et des hommes, de l’importance des droits
humains, la biodiversité et le besoin d’une transition juste et du respect du travail décent. Ces
éléments ne semblent pas avoir fait l’objet de débat. Pour certains, ils sont toujours entre
parenthèses ; pour d’autres, ils sont relégués en annexe, ou dans le préambule, ce qui les prive de
toute chance d’être pris en compte au moment de la mise en œuvre des mesures concrètes
d’adaptation ou d’atténuation. Est-il raisonnable de penser que l’on pourra transformer les systèmes
de production et de consommation sans penser les conditions sociales – au sens générique du
terme – de ces transformations majeures ?
Une méthode « en silos » qui ne favorise pas l’interprétation du texte
Par ailleurs, la méthode choisie par Laurent Fabius, Président de la CoP, pour contraindre les
diplomates à avancer garantit que des sujets sont déblayés, mais ne permet pas de savoir quelle sera
l’économie du texte qui devrait être présenté aujourd’hui à 13h. En effet, le texte a été découpé en
autant de sujets à traiter, mais de manière parallèle. Or le texte final sera le fruit de compromis sur
chacun de ces points, les uns étant particulièrement cruciaux pour certaines Parties, tandis que
d’autres le sont moins. Les Parties et les Observateurs (dont le Groupe Alpha) devraient donc
découvrir cet après-midi quels sont les arbitrages qui ont été faits sur chacun des points. L’économie
générale du texte leur conviendra-t-elle ? Après vingt ans de négociation climatique, le diable ne se
cache toujours pas dans les détails.
Défricheurs du social n° 90