Dirigee Par Ariane Mnouchkine Cartoucherie Musique Jean

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Dirigee Par Ariane Mnouchkine
Cartoucherie
Musique Jean-Jacques Lemetre
01 43 74 24 08
Done, en anglais, le participe passé du verbe to do, faire, c’est fait. C’est : c’est fait, c’est fini. I am done, je suis fait. Je suis
cuit. Foutu. J’en ai terminé. Done c’est le coup de glas, le tocsin mental de Macbeth. What is done is done. It cannot be
undone. Peut-on défaire ce qui est fait, peut-on dé-mourir, désachever, dé-défaire ? Non. Mais si. La littérature peut refaire
de la vie avec des cendres. De la vie autre. De la vie suivie, poursuivie.
Hélène Cixous, Ayaï ! Le cri de la littérature, 2013
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L'irreparable
Mais qu’est-ce qui est arrivé au grand Macbeth, ce général victorieux à la
carrière brillante ? Un bel homme, aimé des siens, respecté, admiré, comblé
d’honneurs mérités, salué par le roi. Il avait tout pour être heureux. Une femme
aimante, distinguée comme une noble romaine. Un château magnifique. Et
quel beau paysage ! Tout lui souriait.
Et voilà que du jour au lendemain, une ténèbre – tombe. C’était le lundi qui
suivait le triomphe. Ça ne peut quand même pas être la faute des vieilles
sorcières prophétiques ? C’est comme si l’avenir s’était jeté sur lui et lui avait
mordu le cerveau avec ses dents empoisonnées. Comme si un télégramme
du diable était arrivé. Un mot : Tue ! Une idée horrible vient frapper à la porte
de sa pensée. Pensée ? Même pas. C’est comme si la peste avait frappé à la
porte de son château. Une seconde d’hésitation. Une seconde ? Même pas.
C’est comme s’il avait déjà ouvert la porte avant d’ouvrir. Comme si quelqu’un
avait précédé son mouvement. Sa femme ?
À la seconde, il y a eu ce besoin foudroyant de faire ce qu’on ne doit pas
faire, et, subitement, ce qu’on ne peut pas faire, on le fait. Fait. Et déjà tout est
ruiné et décomposé : la raison, le cœur, le sentiment, la nourriture, le sommeil.
On ne peut plus ni dormir, ni se réveiller. Le temps n’a plus de passé ni de
présent. Il est sans repos et sans retour. La première seconde lui a été fatale,
on ne peut plus qu’aller de l’avant dans le sang, dans le sang, descendant
dans le sang.
Le grand Dérangement a envahi le monde. Ce qui vit n’est pas vivant. Ce qui
est mort n’est pas mort. Les rêves chassés de leur région errent à l’extérieur
en hallucinations. Tout est perdu, l’amitié, la confiance, l’épouse, les illusions,
le goût. Même la peur le quitte.
Et le peuple, dans cette histoire ?
Le peuple ? Ah ! Oui ! C’est vrai. D’habitude, comme dans les pièces de
Shakespeare, quand il y a un pays, il y a aussi un peuple. Le peuple, les Macbeth n’y avaient jamais pensé ! Toutes leurs forces, affairées, tendues vers
ce petit objet maléfique : la couronne. Tout l’espace du cœur est occupé par
le terrible désiré. Jamais on n’avait vu une telle pureté dans le mal, une telle
passion dans la tentation, nous semble-t-il.
Nous ? Nous, les oubliés, les rejetés, nous sommes saisis d’effroi et d’incompréhension. Comment en arrive-t-on là, c’est-à-dire au-delà de tout plaisir, de
toute satisfaction, là où la fin est sans arrêt et la langue se vomit elle-même ?
Le mal est juste derrière la porte. Vous l’entendez hurler. Macbeth n’aurait
jamais dû penser à ouvrir la porte. Trop tard frappe comme la foudre.
Attention ! Nous ne devrions jamais laisser les Macbeth ouvrir la porte, pensons-nous. Le mal est prêt. Il n’attend que cet instant. Attention ! Le mal est
sans arrêt. Vous êtes prévenus ?
Hélène Cixous, 1er février 2014
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Que vous dire sans rien dévoiler, sans rajouter des mots pesants à tous ceux
qui ont été dits et écrits depuis quatre siècles et demi ? Comment vous parler pour que la pièce soit pour vous comme elle l’est, en ce moment, pour
nous : nouvelle, vierge, œuvre inconnue encore d’un génie qu’on découvre
avec stupéfaction. Quoi dire ? Juste ce que dirait un chef de troupe soucieux
d’attirer son public et de le surprendre. Quelque chose comme :
Mesdames et Messieurs, cher Public
(Roulements de tambour)
Venez voir un polar au rythme haletant. Une plongée dans la jungle mentale
d’un homme bien plus féroce que les bêtes sauvages.
(Roulements de tambour)
Un homme qui se méfie de la pensée, qui invoque et défie les forces les plus
dangereuses.
(Roulements de tambour)
Et dont la convoitise et la goinfrerie maléfiques troublent et souillent jusqu’à
l’ordre sacré de la nature. Un homme capable de dire des mots comme ceux
qui suivent :
Peu m’importe comment vous obtenez lez réponses
Je vous conjure de me répondre.
Même s’il vous faut déchaîner les vents
Et les laisser s’abattre contre les églises
Même s’il faut que les vagues écumantes
Désorientent et avalent toutes les flottes qui naviguent sur elles
Même s’il faut que le blé en herbe soit couché et les arbres arrachés
Même s’il faut que les châteaux s’écroulent sur la tête de leurs gardiens
Même s’il faut que les palais et les pyramides
Courbent leurs têtes jusqu’à toucher leurs fondations
Même s’il faut que le trésor des semences de la nature
Soit renversé et irrémédiablement mélangé
Jusqu’à ce que la destruction même en vomisse
Répondez à ce que je demande.
Voilà, Mesdames et Messieurs, le terrible échantillon humain que notre
prochain spectacle dévoilera à vos sens sidérés.
Nous vous dirions quelque chose de ce genre. (…)
Ariane Mnouchkine, extrait de la lettre au public du 17 février 2014
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Macbeth
une tragédie
de
William Shakespeare
comme elle est jouée
au Théâtre du Soleil
traduite et dirigée par
Ariane Mnouchkine
musique de
Jean-Jacques Lemêtre
1. Sur la lande
2. Le camp
3. La rencontre
4. Le triomphe
5. Au château d’Inverness
6. Dans les jardins d’Inverness
7. L’action
8. Le lendemain
9. L’éclipse
10. Après le couronnement
11. Une chambre du château
12. L’exécution
13. Le banquet
14. Deuxième rencontre
15. Au château de Fife
16. À Londres
17. Au château de Dunsinane
18. Le début
19. Tout est confirmé
20. Retour
21. Dans la forteresse
22. Le bois de Birnam
23. Dans la forteresse II
24. Malcolm
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Dramatis Personae
La première sorcière
Juliana Carneiro da Cunha
La deuxième sorcière
Nirupama Nityanandan ou Eve Doe-Bruce
La troisième sorcière
Shaghayegh Beheshti ou Eve Doe-Bruce
Les autres sorcières
Eve Doe-Bruce, Dominique Jambert, Alice Milléquant, Astrid Grant,
Judit Jancso, Frédérique Voruz,
Ana Amélia Dosse, Camille Grandville, Aline Borsari, Man Waï Fok, Andrea Marchant, Marie Chaufour
DuncanMaurice Durozier
ses fils, MalcolmDuccio Bellugi-Vannuccini
Donalbain
Martial Jacques
Le capitaineArman Saribekyan
LennoxJean-Sébastien Merle
AngusSylvain Jailloux
MacbethSerge Nicolaï
BanquoVincent Mangado
son fils, Fléance
(en alternance) Victor Bombaglia, Lucien Bradier, Blas Durozier, Joshua Halévi, Eraj Kohi, Dionisio Mangado
Le chambellanSeietsu Onochi
La journalisteShaghayegh Beheshti
Le cameramanSébastien Brottet-Michel
L’équipe de télévision Ana Amélia Dosse, Judit Jancso
Les photographes Eve Doe-Bruce, Quentin Lashermes
Baronesse Caithness
Dominique Jambert
L’attachée de presse
Frédérique Voruz
Lady Macbeth Nirupama Nityanandan
L’intendante de Lady Macbeth
Camille Grandville
Le jardinier
Samir Abdul Jabbar Saed
Un jeune seigneur
Seear Kohi
SeytonSylvain Jailloux
Les gardes du corps de Duncan Sergio Canto, Vijayan Panikkaveettil
Le portier Eve Doe-Bruce
MacDuffSébastien Brottet-Michel
Le vieux gardien Seietsu Onochi
Ross Maurice Durozier
Les meurtriers
Martial Jacques, Frédérique Voruz
en alternance avec Sergio Canto, Judit Jancso
Les invités du banquet
Aline Borsari, Sergio Canto,
Eve Doe-Bruce, Ana-Amelia Dosse, Man Waï Fok, Camille Grandville, Astrid Grant, Samir Abdul Jabbar Saed, Martial Jacques, Seear Kohi, Iwan Lambert, Andrea Marchant, Alice Milléquant, Vijayan Panikkaveettil, Harold Savary, Luciana Velocci Silva
Le maître d’hôtel Duccio Bellugi-Vannuccini
Lady MacDuff Astrid Grant en alternance avec Shaghayegh Beheshti
son fils Dominique Jambert
Le majordomeMartial Jacques
Une messagère Camille Grandville
Les compagnons de Malcolm
Les compagnons de MacDuff Aline Borsari, Seear Kohi, Harold Savary
Judit Jancso, Iwan Lambert
La suivante de Lady Macbeth
Le docteur
Ana Amélia Dosse
Juliana Carneiro da Cunha
en alternance avec Camille Grandville
MenteithVincent Mangado
Un messagerQuentin Lashermes
Le général Siward
Vincent Mangado
Un messagerArman Saribekyan
Le jeune Siward Seear Kohi
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Et
Et
Les maisonnées
Shaghayegh Beheshti, Aline Borsari, Marie Chaufour, Eve Doe-Bruce,
Ana Amélia Dosse, Man Waï Fok,
Camille Grandville, Astrid Grant, Samir Abdul Jabbar Saed,
Dominique Jambert, Judit Jancso,
Seear Kohi, Iwan Lambert,
Quentin Lashermes, Agustin Letelier,
Andrea Marchant, Alice Milléquant,
Miguel Nogueira da Gama,
Seietsu Onochi, Vijayan Panikkaveettil, Arman Saribekyan, Harold Savary,
Frédérique Voruz
Les “kôkens”, c’est-à-dire les serviteurs de scène
Tous les comédiens et Taher Baig, François Bombaglia, Saboor Dilawar,
Camila de Freitas Viana de Moraes, Shafiq Kohi, Ghulam Reza Rajabi,
Omed Rawendah, Wazhma Tota Khil, Luciana Velocci Silva
Les officiers et soldats
Man Waï Fok, Samir Abdul Jabbar Saed,
Seear Kohi, Iwan Lambert,
Quentin Lashermes, Agustin Letelier,
Miguel Nogueira da Gama,
Vijayan Panikkaveettil,
Arman Saribekyan, Harold Savary
La lumière du spectacle est l’œuvre de Elsa Revol avec l’aide de Virginie Le
Coënt
Les serveurs
Marie Chaufour, Man Waï Fok,
Samir Abdul Jabbar Saed, Judit Jancso,
Quentin Lashermes, Agustin Letelier,
Miguel Nogueira da Gama,
Vijayan Panikkaveettil, Arman Saribekyan
Les milices
Aline Borsari, Sergio Canto,
Eve Doe-Bruce, Samir Abdul Jabbar Saed,
Sylvain Jailloux, Agustin Letelier,
Vincent Mangado, Seietsu Onochi,
Vijayan Panikkaveettil, Arman Saribekyan,
Harold Savary, Frédérique Voruz
Les “poissons pilotes”, c’est-à-dire l’aide aux jeunes comédiens
Juliana Carneiro da Cunha, Nirupama Nityanandan,
Duccio Bellugi-Vannuccini
La musique du spectacle est l’œuvre de Jean-Jacques Lemêtre
Les sons que gouvernent Thérèse Spirli et Marie-Jasmine Cocito ont été
conçus par Yann Lemêtre avec l’aide de Melchior Derouet
Les costumes du spectacle sont l’œuvre de Marie-Hélène Bouvet, Nathalie
Thomas, Annie Tran et Simona Grassano, Élodie Madebos
Le hall d’accueil est l’œuvre de l’atelier de peintres dirigé par Anne-Lise Galavielle
et composé de Mathias Allemand, Fabrice Cany, Martin Claude, Camille
Courier de Méré, Marine Dillard, Fanny Gautreau, Marion Lefebvre et Erol Gülgonen
La grande fresque est l’œuvre de Didier Martin avec l’aide de Delphine
Guichard
Les soies du spectacle sont l’œuvre de Ysabel de Maisonneuve qui les a
teintes et de Didier Martin qui les a peintes
Le sol de la scène est l’œuvre de Elena Antsiferova
Les résistants Aline Borsari, Marie Chaufour,
Samir Abdul Jabbar Saed, Iwan Lambert,
Quentin Lashermes, Agustin Letelier,
Andrea Marchant, Alice Milléquant
Les landes et bruyères sont l’œuvre de Sylvain Jailloux, Haroon Amani,
Sayed Ahmad Hashimi et Luciana Velocci Silva, leurs teintures ont été réalisées par
Aline Borsari, Ana Amélia Dosse, Andrea Marchant et Alice Milléquant
Les collines et bunkers sont l’œuvre de Elena Antsiferova, David Buizard,
Kaveh Kishipour et Samuel Capdeville
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Les brumes, brouillards et nuées sont l’œuvre de Astrid Grant et Harold
Savary assistés de Suzana Thomaz, avec l’aide de Marie Chaufour et Man Waï Fok
Les jardins, serres et forêts sont l’œuvre de Shaghayegh Beheshti et Maurice
Durozier avec l’aide des étudiants en Études théâtrales de l’Université-Paris III
Les rambardes sont l’œuvre de Elena Antsiferova et Roland Zimmermann
Les peintures et patines des rambardes, décors et accessoires sont l’œuvre de
Elena Antsiferova, Mathias Allemand, Fanny Gautreau et Anton Telegescu
Les constructions sont l’œuvre de l’atelier technique dirigé par David Buizard,
Kaveh Kishipour et Étienne Lemasson :
- David Buizard, Roland Zimmermann et Vivian Eon ont travaillé le bois
- Kaveh Kishipour, Marie Antoniazza et Benjamin Bottinelli Hahn ont
dompté le métal
- François Bombaglia et Samuel Capdeville ont affronté toutes les matières
- Erhard Stiefel a créé certains mystérieux et surprenants accessoires
La grande régie
Duccio Bellugi-Vannuccini et Sébastien Brottet-Michel
Les électriciens
Ibrahima Sow et Saboor Dilawar
Les accastilleurs
Dominique Jambert et Vincent Mangado
La tapissière
Chloé Bucas
Les coiffures et perruques
Jean-Sébastien Merle
La captation quotidienne des répétitions
Lucile Cocito
Aide au texte et ange-gardien des enfants
Françoise Berge
La brigade des assistants
à la mise en scène Lucile Cocito
aux costumes Clara Bourdais, Mélanie Dion, Mégane Martinez, Émilie Paquet, Sacha Pignon,
Charlotte Walther
à la peinture Saboor Dilawar, Wazhma Tota Khil, Laura da Silva, Alain Quercia, Xue Zhang
à la teinture Simona Grassano
à la fabrication des accessoires Paula Giusti, Elena Diego Marina, Silvia Circu
aux patines Ekaterina Antsiferova, Majo Caporaletti, Alain Khouani, Maria Tavlariou
aux constructions Aref Bahunar, Ali-Reza Kishipour, Asif Mawdudi, Jérémie Quintin
à l’électricité David Baqué, Thierry Barbier, Kamel Beztout, Charles Goyard
de secours, à la régie du plateau Eugénie Agoudjian, Zoé Briau, Hédi Tarkani
À toutes les grandes affaires
Charles-Henri Bradier
Les affaires techniques et organisatrices
Étienne Lemasson
Les affaires administratives
Astrid Renoux avec l’aide de Louise Champiré
et les affaires comptables
Rolande Fontaine
Les affaires publiques
Liliana Andreone, Sylvie Papandréou, Svetlana Dukovska, Eddy Azzem
avec l’aide de Sarah Sanchez et de Lucie Chenet, François Spirli, Ninon Argis
Les affaires éditoriales
Franck Pendino
Les affaires locatives
Maria Adroher Baus et Ariane Bégoin, Flora Berger, Pedro Castro Neves, Olivia Corsini,
Lauren Hussein, Marjolaine Larranaga Y Ausin, Pauline Poignand, Nadia Reeb, Ido Shaked,
Alexandre Zloto
Les tournées nationales et internationales
Marie-Anne Bernard
Les maîtres des cuisines
Karim Gougam, Virginie Collombet avec l’aide de Hamideh Ghadirzadeh, Asif Mawdudi
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La grande intendante
Hélène Cinque
Les brigades alternées du bar
Eugénie Agoudjian, Haroon Amani, Aref Bahunar, Taher Baig, Paul Balagué,
Zoé Briau, Lucie Chenet, Cathy Couronne, José Da Silva, Lucas
Dardaigne, Camila de Freitas Viana de Moraes, Saboor Dilawar, Carla
Gondrexon, Luis Guenel, Mutjaba Habibi, Mustafa Habibi, Sayed Ahmad
Hashimi, Farid Ahmad Joya, Alain Khouani, Shafiq Kohi, Dan Kostenbaum,
Valérie Pujol, Ghulam Reza Rajabi, Omed Rawendah, Nadia Reeb,
Carole Renouf, Masoma Rezale, Shoreh Sabaghy, Kristina Skorikova,
Hédi Tarkani, Wazhma Tota Khil, Artavazd Yusbashyan, Paloma Zapata
Les affiches, le tract publicitaire et le texte-programme
Thomas Félix-François
Notre site sur la toile
Frédéric Mastellari
Le grand soigneur
Marc Pujo
Le professeur de danse
Christophe Igor assisté de Valérie Steiner
La photographe
Michèle Laurent
Le luthier
Marcel Ladurelle
La ronde de nuit
Azizullah Hamrah
L’entretien
Janos Nemeth, Tsering Tsang Sonam Chodon
La navette de la Cartoucherie
Fred Sharre
Merci à tous ceux à qui nous voulions faire plaisir et qui nous l’ont rendu au centuple :
Les stagiaires et apprentis, attentifs et discrets observateurs du monde entier :
Marie Braun, Héloïsa Costa, Luis Guenel, Flavia Lopes Rodrigues, Lena
Pitwell, Rosite Val,
Les étudiants en Études théâtrales de la Sorbonne Nouvelle (Université Paris III),
renforts sans prix, tous membres de jeunes troupes de théâtre universitaires :
Paul Balagué, Raphaël Bocobza, Déborah Brian, Zoé Briau, Hanae Brossert,
Jacqueline Chavanon, Silvia Circu, Nina Cottin, Lucas Dardaine, Elena Diego
Marina, Magaly Dos Santos, Romane Finot, Paul Eloi Forget, Juliette Gazet,
Véra Grunberg, Sarah Jamaleddin, Carmen Kautto, Morgane Lacaille,
Pauline Lacaille, Laurent Lenoir, Anna Marionthiers, Judith Marx,
Clara Normand, Laura Pardonnet, Lucile Perain, Ana Perez, Paolo Sclar,
Raphaël Setty, Myriam Soignet, Irène Tchernooutsan, Baptiste Vareille,
Arthur Viadieu, Clémentine Vignais,
La classe de terminale DTMS (diplôme de technicien des métiers du spectacle)
du Lycée des métiers du bois Léonard de Vinci, et ses professeurs Anne Bottard
et Thierry Decroix.
Merci à
Jean-Pierre Mongarny et la Fondation Crédit Coopératif,
agnès b. pour sa patience,
Françoise et Lorenzo Benedetti pour leur fidélité.
Merci à
Madeleine Favre, pour sa permanente vigilance amicale et médicale,
Anne Lacombe pour son regard discret et délicat et son travail d’archiviste
de la création,
Béatrice Picon-Vallin pour son accompagnement historique, passionné
et si bienveillant,
Jean-Claude Lallias pour son incessant combat pour l’éducation artistique,
Michèle Benjamin pour ses conseils amicaux en effets spéciaux
Marie Constant et notre amie Thérèse Boareto,
“Jeannette” pour ses conseils amicaux sur les costumes,
Fabrice Martolini (Tapis Sans Frontières),
Corinne Gibello (BnF),
Edwige et Francis Capdeville.
À Édimbourg, merci à
Dan Fearn (Walker Slater), Sylvie et Rod Slater.
Merci à
La compagnie des Lorialets (Matthieu Coblentz, Vincent Lefevre, Caroline
Panzera), le Théâtre de la Tempête, le Théâtre de l’Épée de Bois, le Théâtre
de l’Aquarium, le Parc floral de Paris, le musée de Reims, le musée d’Amiens
(Gauthier Gillmann, Olivia Voisin), The Acting Company (New York).
Et un grand merci à toutes celles et ceux qui nous ont généreusement consacré
quelques heures de leur temps — ou plus — et qui ne sont pas ici nommés.
9
10
En montant « Macbeth », il ne s’agit pas de faire un constat apocalyptique passif.
Le dévoilement est déjà un combat, il nous faudra la patience, la force, l’humilité,
le courage de chercher, de comprendre, de mettre le mal sur le théâtre,
en musique, en rythme, en spectacle. Il faudra ouvrir le personnage aux
spectateurs comme on dissèque un poisson pourri… Comme quand Molière
monte Tartuffe, il écrit Tartuffe pour que cela ne soit plus, et c’est effectivement,
je crois, dans cette pièce qu’il va le plus loin dans sa réflexion sur le mal.
Montrer les choses, c’est déjà les changer. Les cacher, c’est refuser de les
voir changer.
Ariane Mnouchkine, s’adressant en réunion de compagnie aux acteurs et techniciens de
la troupe, Taipei, décembre 2012
Ce n’est pas le monde qui est terrifiant et sombre, mais certains êtres qui
l’habitent. Au fond la pièce commence dans une gloire, pendant une victoire,
tout devrait aller bien, tout est doux, c’est comme cela que c’est décrit au
début. Ça ne commence pas dans un monde terrible, mais tout à coup il
y a une avidité qui fait que le monde devient terrible. Parce que le monde
n’est pas terrible, il est ce qu’il est, il a toutes les possibilités de beauté et de
catastrophe, et c’est l’être humain qui a le pouvoir de faire surgir sur une
grande partie de ce monde les catastrophes ou au contraire de faire surgir
les vignes, et le miel, et les enfants. Tout à coup il y a quelqu’un qui fait surgir
la mort et qui d’ailleurs à plusieurs reprises ne dit même pas « après moi le
déluge », mais dit « maintenant le déluge pour moi », « s’il me faut le déluge,
ayons le déluge ». (…)
Très souvent on se méprend, certaines répliques de « Macbeth » sont
devenues des sentences pour dire que le monde est mauvais, que la vie
est mauvaise. Je rappelle souvent que ce n’est pas Shakespeare qui dit
cela, c’est Macbeth qui dit cela… C’est justement un des personnages les
plus maléfiques de tout le théâtre qui dit cela, donc ce n’est pas l’avis de
Shakespeare, Shakespeare ne dit pas que la vie n’a pas de sens, au contraire,
il montre ce qu’il se passe quand on pense que la vie n’a pas de sens. (…)
Shakespeare n’était pas qu’un génie, il connaissait aussi son métier, il savait
ce qu’il fallait faire pour tenir le public en haleine, pour que les gens aient
peur, pour qu’ils soient touchés, pour qu’ils n’aillent pas à la concurrence,
pour qu’ils reviennent dans son théâtre, et c’est particulièrement visible dans
« Macbeth », qui est une pièce extrêmement populaire, habitée de philosophie, irriguée d’une culture immense, ce qui la rend justement populaire… (…)
Je pense qu’il s’agit d’une guerre… ce n’est pas plus compliqué que les
Atrides, il s’agit de petits clans, dans un tout petit royaume, l’Écosse. Puis,
ce n’est pas que ça se complique, c’est que c’est beaucoup plus inattendu.
Pourquoi nous gâche-t-on la vie, pourquoi l’ambition tout à coup… Ce
n’est pas suffisant, comme dit Victor Hugo, ce n’est pas suffisant comme
explication pour « Macbeth », pas plus que ce n’est suffisant de se dire que
l’amour de l’argent explique la goinfrerie de notre époque. Ce n’est pas possible que ce ne soit que l’amour de l’argent. Il y a une maladie. Voilà il y a une
maladie chez Macbeth, il y a une pathologie qu’il ne connaît pas lui-même, et
que tout à coup il découvre, et à laquelle il cède avec une ivresse et, j’allais
dire, une bêtise très étonnantes. (…)
C’est un homme qui dit à un moment « la prochaine fois, j’agirai sans
réfléchir », il le dit presque textuellement. Voilà quelqu’un qui, au fond, se méfie
de la pensée. C’est donc très grave. Et ce qu’il fait, ce qui lui arrive et ce qui
arrive, c’est qu’il va jusqu’à troubler l’ordre même de la nature. (…)
Ariane Mnouchkine,
extraits d’un entretien avec Jean-Claude Lallias, Théâtre du Soleil, janvier 2014
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Je ne m’étais pas rendu compte à quel point sa palette, sa vitesse, sa capacité à inventer des mots étaient phénoménales,
jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’elles dépassaient, et de loin, mes propres capacités […] jusque dans les pièces les moins
connues et de moindre valeur, rédigées à une vitesse impossible pour tout autre écrivain ; les mots tombent si vite qu’on
n’a pas le temps de les ramasser.
Virginia Woolf, Journal, 13 avril 1930
Dire : Macbeth est l’ambition, c’est ne dire rien. Macbeth, c’est la faim. Quelle
faim ? la faim du monstre toujours possible dans l’homme. Certaines âmes
ont des dents. N’éveillez pas leur faim.
Mordre à la pomme, cela est redoutable. La pomme s’appelle Omnia, dit Filesac,
ce docteur de Sorbonne qui confessa Ravaillac. Macbeth a une femme que la
chronique nomme Gruoch. Cette Ève tente cet Adam. Une fois que Macbeth
a mordu, il est perdu. La première chose que fait Adam avec Ève, c’est Caïn ;
la première chose que fait Macbeth avec Gruoch, c’est le meurtre.
La convoitise aisément violence, la violence aisément crime, le crime aisément
folie ; cette progression, c’est Macbeth. Convoitise, Crime, Folie, ces trois
stryges lui ont parlé dans la solitude, et l’ont invité au trône. Le chat Graymalkin
l’a appelé, Macbeth sera la ruse ; le crapaud Paddock l’a appelé, Macbeth
sera l’horreur. L’être unsex, Gruoch, l’achève. C’est fini ; Macbeth n’est plus
un homme. Il n’est plus qu’une énergie inconsciente se ruant farouche vers le
mal. Nulle notion du droit désormais ; l’appétit est tout. Le droit transitoire, la
royauté, le droit éternel, l’hospitalité, Macbeth assassine l’un comme l’autre.
Il fait plus que les tuer, il les ignore. Avant de tomber sanglants sous sa main,
ils gisaient morts dans son âme. Macbeth commence par ce parricide, tuer
Duncan, tuer son hôte, forfait si terrible que du contre-coup, dans la nuit où
leur maître est égorgé, les chevaux de Duncan redeviennent sauvages. Le
premier pas fait, l’écroulement commence. C’est l’avalanche. Macbeth roule.
Il est précipité. Il tombe et rebondit d’un crime sur l’autre, toujours plus bas. Il
subit la lugubre gravitation de la matière envahissant l’âme. Il est une chose
qui détruit. Il est pierre de, ruine, flamme de guerre, bête de proie, fléau. Il
promène par toute l’Écosse, en roi qu’il est, ses kernes aux jambes nues
et ses gallowglasses pesamment armés, égorgeant, pillant, massacrant.
Il décime les thanes, il tue Banquo, il tue tous les Macduff, excepté celui qui
le tuera, il tue la noblesse, il tue le peuple, il tue la patrie, il tue « le sommeil ».
Enfin la catastrophe arrive, la forêt de Birnam se met en marche ; Macbeth
a tout enfreint, tout franchi, tout violé, tout brisé, et cette outrance finit par
gagner la nature elle-même ; la nature perd patience, la nature entre en action
contre Macbeth ; la nature devient âme contre l’homme qui est devenu force.
Ce drame a les proportions épiques. Macbeth représente cet effrayant affamé
qui rôde dans toute l’histoire, appelé brigand dans la forêt et sur le trône
conquérant. L’aïeul de Macbeth, c’est Nemrod. Ces hommes de force sontils à jamais forcenés ? Soyons justes, non. Ils ont un but. Après quoi, ils
s’arrêteront. Donnez à Alexandre, à Cyrus, à Sésostris, à César, quoi ? le
monde ; ils apaiseront. Geoffroy Saint-Hilaire me disait un jour : Quand le
lion a mangé, il est en paix avec la nature. Pour Cambyse, Sennachérib, et
Gengis Khan, et leurs pareils, avoir mangé, c’est posséder toute la terre. Ils se
calmeraient dans la digestion du genre humain.
Victor Hugo, William Shakespeare, 1864
12
L'Ecosse au temps de Macbeth
BRITAINE or BRITANNIE, which also is ALBION, ... the most famous Iland,
without comparison, of the whole world; severed from the continent of Europe
by the interflowing of the Ocean, lieth against Germanie and France trianglewise,
by reason of three Promontories shooting out into divers parts: to wit, Belerium,
i. e. the Cape of S. Burien in Cornwall, Westward; Cantium, i. e. the Fore-land
of Kent, into the East; and Tarvisium or Orcas, i. e. the point of Catnesse in
Scotland, Northward. On the West side, whereas Ireland is seated, Vergivius, i. e.
the Western Ocean, breaketh in; from the North, it hath the most vast and wide
Hyperborean sea beating upon it; on the East, where it coasteth upon Germanie,
enforced sore it is with the Germane sea; and Southward, as it lieth opposite
to France, with the British. Disjoined from those neighbour-countries all about
by a convenient distance every way, fitted with commodious and open havens
for traffique with the universall world, and to the generall good, as it were, of
mankind, thrusting it selfe forward with great desire from all parts into the sea. For
between the said Fore-land of Kent and Calais in France it so advanceth it selfe,
and the sea is so streited, that some thinke the land there was pierced thorow,
and received the seas into it, which before-time had been excluded. For the
maintenance of which conceit, they allege both Vergil in that verse of his, «And
Britans people quite disjoin’d from all the world besides».
William Camden, Britannia, 1607
13
Chronologie sommaire - Shakespeare et son temps
1559 :
Couronnement d’Élisabeth Ire, fille d’Henri VIII
1561 :
Retour de Marie Stuart en Écosse
1562 :
Concile de Trente
1564 (23 avril) : NAISSANCE DE WILLIAM SHAKESPEARE à Stratford sur Avon. Mort de Calvin et de Michel-Ange
1570 :
Pie V excommunie Élisabeth. Le lord-maire de Londres interdit aux comédiens l’enceinte de la cité
1572 :
Nuit de la Saint-Barthélemy
1575 :
Avènement d’Henri III. Lope de Vega fait jouer ses premières pièces (il en écrira 200 de 1575 à 1599)
1576 :
James Burbage ouvre le premier théâtre permanent de Londres
1578 :
El Greco peint L’Assomption de la Vierge
1580 :
Les Essais de Montaigne
1582 :
Mariage de Shakespeare et d’Anne Hathaway
1586 :
Exécution de Marie Stuart
1588 :
Défaite de l’Invincible Armada. Assassinat du Duc de Guise. Première représentation du Docteur Faustus de Marlowe
1589 :
Assassinat d’Henri III
1592 :
Richard III - La Comédie des Erreurs
1594-1595 :
Le Songe d’une nuit d’été - La Mégère apprivoisée – Roméo et Juliette. Shakespeare actionnaire de la troupe du lord Chambellan
1597 :
Le Marchand de Venise. Galilée invente le thermomètre. Fermeture des théâtres londoniens sur l’ordre du conseil privé de la Reine et emprisonnement de Ben Jonson
1598 :
Édit de Nantes
1599 :
Ouverture du Théâtre du Globe dont Shakespeare est co-propriétaire. Shakespeare joue dans une pièce de Ben Jonson
1600 :
Jules César - La Nuit des Rois. Ouverture du Théâtre du Marais à Paris
1601 :
Hamlet - Les Joyeuses Commères de Windsor
1603 :
Mort d’Élisabeth Ire - Avènement de Jacques Ier
1604 :
Othello
1605 (janvier) : Volpone de Ben Jonson - Don Quichotte de Cervantès
1606 :
Le Roi Lear - Macbeth - Naissance de Corneille
1610 :
Shakespeare se retire dans sa ville natale et écrit Cymbeline - Assassinat de Henri IV
1613 :
Henri VIII dernière pièce de Shakespeare - Le Théâtre du Globe est détruit par un incendie. Michel Romanov élu au trône de Russie
1616 (23 avril) : MORT DE SHAKESPEARE - Mort de Cervantès
1622 :
Naissance de Molière
1623 :
Première édition d’ensemble des œuvres de Shakespeare
1642 :
Les Puritains font fermer les théâtres londoniens
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Chez Shakespeare, telle phrase engendre la suivante avec grand naturel ; le sens est tout imbriqué. Il ne cesse de scintiller
tel un météore dans la noire atmosphère.
Coleridge, Table Talk, 7 avril 1833
Quelques lectures
Shakespeare
Macbeth, The Arden Shakespeare, 1962
Œuvres complètes, édition bilingue, « Bouquins », Robert Laffont, 1995
Les Sonnets, trad. Yves Bonnefoy, « Poésie », Gallimard, 2007
Stendhal, Racine et Shakespeare, Éditions Kimé, L’Harmattan, 1993
Victor Hugo, William Shakespeare, GF Flammarion, 2003
W.H. Auden, Shakespeare, Anatolia, Éditions du Rocher, 2003
Charles et Mary Lamb, Les Contes de Shakespeare, « Petite bibliothèque »
Payot, 2010
G. T. di Lampedusa, Shakespeare, Allia, 2000
C.T. Onions, A Shakespeare glossary, Oxford University Press Inc, 1986
Carmelo Bene, Théâtre, œuvres complètes II, P.O.L, 2004
Heiner Müller, Macbeth, d’après Shakespeare, Éditions de Minuit, 2006
Peter Ackroyd, Shakespeare, la biographie, « Points », Seuil, 2008
Jonathan Bate, Dora Thornton, Shakespeare, staging the world, Oxford
University Press, 2012
Antony Burgess, Shakespeare, Buchet-Chastel, 1982
Michael Edwards, Shakespeare et l’œuvre de la tragédie, Belin, 2005
Henri Fluchère, Shakespeare, dramaturge élisabéthain, « Tel », Gallimard, 1987
Northrop Frye, Les Fous du temps, sur les tragédies de Shakespeare, Belin,
2002
Jan Kot, Shakespeare, notre contemporain, « Petite bibliothèque » Payot, 2006
François Laroque, Shakespeare, comme il vous plaira, « Découvertes »,
Gallimard, 1991
Richard Marienstras
Le proche et le lointain, sur Shakespeare, le drame élisabéthain, et l’idéologie
anglaise aux XVI e et XVII e siècles, « Arguments », Éditions de Minuit, 1981
Shakespeare au XXI e siècle, petite introduction aux tragédies, « Paradoxe »,
Éditions de Minuit, 2000
Shakespeare et le désordre du monde, « Bibliothèque des idées », Gallimard, 2012
Jean Paris, Shakespeare, Écrivains de toujours, Seuil, 1954
Stéphane Patrice, Macbeth et le mal, dramaturgie du mal dans l’œuvre de
Shakespeare, Descartes et Cie, 2010
Henry Suhamy, Dictionnaire Shakespeare, Ellipses, 2005
15
16
Ce qu’il faut imiter de ce grand homme, c’est la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons, et l’art de donner
à nos contemporains précisément le genre de tragédie dont ils ont besoin, mais qu’ils n’ont pas l’audace de réclamer.
Stendhal, Racine et Shakespeare, 1823
L’autre, Shakespeare, qu’est-ce ? On pourrait presque répondre : c’est la
Terre. Lucrèce est la sphère, Shakes­peare est le globe. Il y a plus et moins
dans le globe que dans la sphère. Dans la sphère il y a le Tout ; sur le globe
il y a l’homme. Ici le mystère extérieur; là le mystère inté­rieur. Lucrèce, c’est
l’être ; Shakespeare ; c’est l’exis­tence. De là tant d’ombre dans Lucrèce ; de
là tant de four­millement dans Shakespeare. L’espace, le bleu, comme disent
les Allemands, n’est certes pas interdit à Shakes­peare. La terre voit et parcourt le ciel ; elle le connaît sous ses deux aspects, obscurité et azur, doute et
espérance. La vie va et vient dans la mort. Toute la vie est un secret, une
sorte de parenthèse énigmatique entre la naissance et l’agonie, entre l’œil
qui s’ouvre et l’œil qui se ferme. Ce secret, Shakespeare en a l’inquiétude.
Lucrèce est ; Sha­kespeare vit. Dans Shakespeare, les oiseaux chantent, les
buissons verdissent, les cœurs aiment, les âmes souffrent, le nuage erre, il
fait chaud, il fait froid, la nuit tombe, le temps passe, les forêts et les foules
parlent, le vaste songe éternel flotte. La sève et le sang, toutes les formes du
fait multiple, les actions et les idées, l’homme et l’humanité, les vivants et la
vie, les solitudes, les villes, les religions, les diamants, les perles, les fumiers,
les charniers, le flux et le reflux des êtres, le pas des allants et venants, tout
cela est sur Shakespeare et dans Shakespeare, et, ce génie étant la terre,
les morts en sortent. Certains côtés sinistres de Shakespeare sont hantés
par les spectres. Shakespeare est frère de Dante. L’un complète l’autre.
Dante incarne tout le surnaturalisme, Shakespeare incarne toute la nature ;
et comme ces deux régions, nature et surnaturalisme, qui nous apparaissent
si diverses, sont dans l’absolu la même unité, Dante et Shakespeare, si
dissemblables pourtant, se mêlent par les bords et adhèrent par le fond ; il
y a de l’homme dans Alighieri, et du fantôme dans Shakespeare. La tête de
mort passe des mains de Dante dans les mains de Shakespeare ; Ugolin
la ronge, Hamlet la questionne. Peut-être même dégage-t-elle un sens plus
profond et un plus haut enseignement dans le second que dans le pre­mier.
Shakespeare la secoue et en fait tomber des étoiles. L’île de Prospero, la forêt
des Ardennes, la bruyère d’Armuyr, la plate-forme d’Elseneur, ne sont pas
moins éclairées que les sept cercles de la spirale dantesque par la sombre
réverbération des hypothèses. Le que sais-je ? demi-chimère, demi-vérité,
s’ébauche là comme ici, Sha­kespeare, autant que Dante, laisse entrevoir
l’horizon cré­pusculaire de la conjecture. Dans l’un comme dans l’autre il y a
le possible, cette fenêtre du rêve ouverte sur le réel. Quant au réel, nous y
insistons, Shakespeare en déborde ; partout la chair vive ; Shakespeare a
l’émotion, l’instinct, le cri vrai, l’accent juste, toute la multitude humaine avec sa
rumeur. Sa poésie, c’est lui, et en même temps, c’est vous. Comme Homère,
Shakespeare est élément. Les génies recommençants, c’est le nom qui leur
convient, sur­gissent à toutes les crises décisives de l’humanité ; ils résument
les phases et complètent les révolutions. Homère marque en civilisation la
fin de l’Asie et le commencement de l’Europe ; Shakespeare marque la fin
du Moyen Âge. Cette clôture du Moyen Âge, Rabelais et Cervantès la font
aussi ; mais étant uniquement railleurs, ils ne donnent qu’un aspect partiel ;
l’esprit de Shakespeare est un total. Comme Homère, Shakespeare est un
homme cyclique. Ces deux génies, Homère et Shakespeare, ferment les deux
premières portes de la barbarie, la porte antique et la porte gothique. C’était là
leur mission, ils l’ont accomplie ; c’était là leur tâche, ils l’ont faite. La troi­sième
grande crise humaine est la Révolution française ; c’est la troisième porte
énorme de la barbarie, la porte monarchique, qui se ferme en ce moment. Le
XIXe siècle l’entend rouler sur ses gonds. De là, pour la poésie, le drame et
l’art, l’ère actuelle, aussi indépendante de Sha­kespeare que d’Homère.
Victor Hugo, William Shakespeare, 1864
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Le ThEAtre du Soleil
Ariane Mnouchkine naît le 3 mars 1939 à Boulogne-Billancourt, elle est metteur-enscène et directrice de la troupe du Théâtre du Soleil, qu’elle fonde en 1964 avec ses
compagnons de l’ATEP (Association théâtrale des étudiants de Paris).
En 1970, le Théâtre du Soleil crée 1789 au Piccolo Teatro de Milan, où Georgio Strehler
accueille et soutient avec confiance la jeune troupe, qui s’installe ensuite à la Cartoucherie,
ancien site militaire à l’abandon et isolé dans le bois de Vincennes, aux portes de Paris.
Le Théâtre du Soleil conçoit d’emblée la Cartoucherie comme un lieu qui lui permet
de sortir du théâtre comme institution architecturale, prenant le parti de l’abri plutôt que
celui de l’édifice théâtral, à une époque où les transformations urbaines en France bouleversent profondément la place de l’humain dans la ville et la position du théâtre dans
la cité. Le Théâtre du Soleil trouve, dans la Cartoucherie, l’outil concret de création du
théâtre à la fois élitiste et populaire dont rêvaient Antoine Vitez et Jean Vilar. Le but étant,
dès cette époque qui précède 1968, d’établir de nouveaux rapports avec le public et de
se distinguer du théâtre bourgeois pour faire un théâtre populaire de qualité.
La troupe devient ainsi, dès les années 1970, une des troupes majeures en France,
tant par le nombre d’artistes qu’elle abrite (plus de 70 personnes à l’année) que par son
rayonnement national et international. Attachée à la notion de « troupe de théâtre », Ariane
Mnouchkine fonde l’éthique du groupe sur des règles élémentaires : tous corps de
métier confondus, chacun reçoit le même salaire et l’ensemble de la troupe est
impliquée dans le fonctionnement du théâtre (entretien quotidien, accueil du public lors
des représentations). Le Théâtre du Soleil est une des dernières troupes, fonctionnant
comme telle, qui existe encore en Europe aujourd’hui.
L’aventure du Théâtre du Soleil se construit depuis cinquante ans grâce à la fidélité
et à l’affection d’un public nombreux tant en France qu’à l’étranger. Son parcours est
marqué par une interrogation constante sur le rôle, la place du théâtre et sa capacité à
représenter l’époque actuelle. Cet engagement à traiter des grandes questions
politiques et humaines, sous un angle universel, se mêle à la recherche de grandes
formes de récits, à la confluence des arts de l’Orient et de l’Occident.
En 1969, le Théâtre du Soleil crée Les Clowns, en collaboration avec le Théâtre de la
Commune d’Aubervilliers.
Représentations à Paris et en tournée (Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, Festival
d’Avignon, Piccolo Teatro, Élysée Montmartre), 40 000 spectateurs.
Repères chronologiques
1964 – 1970
En 1979, le Théâtre du Soleil crée Mephisto, ou le roman d’une carrière d’après Klaus
Mann, dont Ariane Mnouchkine signe l’adaptation.
Représentations à Paris et en tournée (Festival d’Avignon, Louvain-la-Neuve, Lyon,
Rome, Berlin, Munich, Lons-le-Saunier), 160 000 spectateurs.
En 1964, Ariane Mnouchkine fonde avec ses compagnons de l’ATEP (Association
théâtrale des étudiants de Paris) la troupe du Théâtre du Soleil et met en scène son
premier spectacle Les Petits bourgeois, de Maxime Gorki, d’après l’adaptation d’Arthur
Adamov, à la M.J.C de la Porte de Montreuil.
La même année, elle coécrit le scénario du film de Philippe de Broca L’Homme de Rio,
produit par son père, Alexandre Mnouchkine.
Le Théâtre du soleil crée ensuite collectivement Capitaine Fracasse, d’après Théophile
Gautier, en 1965, La Cuisine, d’Arnold Wesker en 1967 et Le Songe d’une nuit d’été,
de Shakespeare, en 1968, textes adaptés pour le théâtre par Philippe Léotard.
En 1970, le Théâtre du Soleil s’installe à la Cartoucherie du bois de Vincennes que la
troupe utilise d’abord comme lieu de répétition, puis transforme en théâtre.
1970 – 1980
En 1970, le Théâtre du Soleil crée 1789, spectacle sur la Révolution Française, au
Piccolo Teatro de Milan, dont le deuxième volet 1793, sera créé trois ans plus tard à la
Cartoucherie.
Représentations à Paris et en tournée ((Milan, Villeurbanne, Besançon, Caen, Le Havre,
Martinique, Lausanne, Berlin, Londres, Belgrade), 384 000 spectateurs.
En 1974, Ariane Mnouchkine tourne son premier film, lors des dernières représentations
de 1789 à la Cartoucherie. Elle offre ainsi aux spectateurs de cette création collective un
témoignage inédit du travail en cours à cette époque au sein de son théâtre.
En 1975, le Théâtre du Soleil crée l’âge d’or, première ébauche, création collective qui
cherche à raconter avec les masques de la Commedia dell’Arte le monde contemporain.
Représentations à Paris et en tournée (Varsovie, Venise, Louvain-la-Neuve, Milan,
Venise), 136 000 spectateurs.
En janvier 1977, commence le tournage du film Molière, ou la vie d’un honnête
homme, réalisé par Ariane Mnouchkine, avec les comédiens du Théâtre du Soleil
rejoints pour l’occasion par certains de leurs pairs, comme Jean Dasté. Le tournage
durera six mois et ralliera, pour la première fois dans l’histoire du cinéma français, la
télévision (Antenne 2, la RAI) à la production du film.
1981 – 1998
À partir de 1981, le Théâtre du Soleil entrera dans une période qu’Ariane Mnouchkine
pourra ensuite définir ainsi : « le travail du Théâtre du Soleil s’inscrit dans un mouvement
dialectique entre la recherche du théâtre contemporain et un besoin périodique d’aller
réapprendre aux sources du théâtre. »
En 1981, Ariane Mnouchkine confronte la troupe aux drames historiques de
Shakespeare et à ses comédies en cherchant à se mettre à l’école du maître, qui fut
aussi bien auteur que directeur de troupe. Ce fut la création de Richard II en 1981, de
18
La Nuit des rois en 1982, et d’Henri IV (1RE partie) en 1984.
Représentations à Paris et en tournée (Festival d’Avignon, Festival de Munich, Los
Angeles, Berlin), 253 000 spectateurs.
À partir de 1985, Ariane Mnouchkine entame une collaboration qui dure toujours avec
Hélène Cixous, qui écrira pour la troupe plusieurs pièces inédites, ou en accompagnera
le travail collectif.
En 1985, le Théâtre du Soleil crée L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom
Sihanouk, roi du Cambodge, d’Hélène Cixous, tragédie contemporaine sur le
Cambodge à la veille du génocide.
Représentations à Paris et en tournée (Amsterdam, Bruxelles, Madrid, Barcelone),
108 000 spectateurs.
En 1985 Le Théâtre du Soleil reçoit le prix Europe pour le théâtre, décerné pour la
première fois.
En 1987, L’Indiade, ou l’Inde de leurs rêves, d’Hélène Cixous, drame historique qui relate
la naissance de l’Inde moderne et la partition de 1947.
Représentations à Paris et en tournée (Tel-Aviv), 89 000 spectateurs.
Le Théâtre du Soleil reçoit le Grand Prix national du Théâtre décerné par le Ministère de
la Culture français.
En 1989, à la demande de l’Assemblée nationale, Ariane Mnouchkine réalise avec sa
troupe un conte de Noël humaniste La Nuit miraculeuse, pour célébrer le bicentenaire
de la Révolution française. À cette occasion, l’Assemblée nationale et la Place de la
Concorde lui sont réservées pour quelques nuits de tournage.
Entre 1990 et 1992, Le cycle des Atrides : Iphigénie à Aulis d’Euripide et l’Orestie
d’Eschyle (Agamemnon, en 1990, Les Choéphores, en 1991, Les Euménides en
1992).
Représentations à Paris et en tournée (Amsterdam, Essen, Sicile, Berlin, Lyon, Toulouse,
Montpellier, Bradford, Montréal, New York, Vienne), 287 000 spectateurs.
En 1994, La Ville parjure, ou le réveil des érinyes, d’Hélène Cixous.
Représentations à Paris et en tournée (Liège, Recklinghausen, Vienne, Festival
d’Avignon), 52 000 spectateurs.
Le spectacle a également fait l’objet d’un film réalisé par Catherine Vilpoux, qui fait
intervenir, à côté des images du spectacle, des documents d’archives relatant le
scandale du sang contaminé à l’origine de la fable épique écrite par Hélène Cixous.
En 1995, Tartuffe, de Molière.
Représentations à Paris et en tournée (Vienne, Festival d’Avignon, Saint-Jean d’Angély, Liège,
La Rochelle, Vienne en France, Copenhague, Berlin), 122 000 spectateurs.
Le processus de création et la vie de la troupe, pendant les répétitions du Tartuffe, ont
fait l’objet d’un film documentaire Au Soleil même la nuit, scènes d’accouchement,
réalisé par Eric Darmon et Catherine Vilpoux, en harmonie avec Ariane Mnouchkine (Agat
Films, ARTE).
En 1997, Hélène Cixous collabore à l’écriture de Et soudain des nuits d’éveil, création
collective qui met en scène l’exil et l’anéantissement du peuple tibétain.
Représentations à Paris et en tournée (Moscou), 55 000 spectateurs.
1999 – 2009
En 1999, Tambours sur la digue, sous forme de pièce ancienne pour marionnettes,
jouée par des acteurs, d’Hélène Cixous, dont Ariane Mnouchkine tournera ensuite
l’adaptation cinématographique à la Cartoucherie avec les comédiens du Théâtre du
Soleil (Théâtre du Soleil, Bel Air Media, ARTE).
Représentations à Paris et en tournée (Bâle, Anvers, Lyon, Montréal, Tokyo, Séoul,
Sydney), 150 000 spectateurs.
En 2003, le Théâtre du Soleil crée le Dernier caravansérail (Odyssées), spectacle
fleuve en deux volets (Le Fleuve cruel et Origines et Destins) qui relate les destins des
réfugiés de par le monde.
Représentations à Paris et en tournée (Festival d’Avignon, Rome, Quimper, Festival
Ruhrtriennale, Lyon, Berlin, New York, Melbourne, Athènes), 185 000 spectateurs.
Ariane Mnouchkine en signera l’adaptation cinématographique (Théâtre du Soleil, Bel Air
Media, ARTE), entièrement tournée à la Cartoucherie, transformée pour l’occasion en
véritable studio de cinéma.
En décembre 2006, le Théâtre du Soleil crée Les Éphémères, spectacle en deux
recueils.
Représentations à Paris et en tournée (Quimper, Festival d’Athènes, Festival d’Avignon,
Festival de Buenos Aires, Festival Poa em Cena (Porto Alegre), Sao Paulo, Taipei, Wiener
Festwochen, Saint-Étienne, New York (Lincoln Center Festival). 160 000 spectateurs.
Le spectacle a été filmé lors des représentations à la Comédie de Saint-Étienne en juin
2008 par Bernard Zitzermann (Théâtre du Soleil, Bel Air Media, ARTE).
En septembre 2009, Ariane Mnouchkine reçoit le Prix International Ibsen décerné par le
gouvernement norvégien en reconnaissance de l’ensemble de son œuvre.
2010 – 2013
En février 2010, le Théâtre du Soleil crée Les Naufragés du Fol Espoir (Aurores) à la
Cartoucherie, création collective mi-écrite par Hélène Cixous, mise en scène par Ariane
Mnouchkine.
Représentations à Paris et en tournée (Lyon, Nantes, Festival d’Athènes, São Paulo, Rio
de Janeiro, Festival Poa em Cena (Porto Alegre), Festival Santiago a Mil (Santiago du Chili),
Wiener Festwochen (Vienne), Edinburgh International Festival, Taipei). 185 000 spectateurs.
En 2013, Ariane Mnouchkine en signera l’adaptation cinématographique (Théâtre du
Soleil, Bel Air Media, ARTE, SESC São Paulo, France Télévisions).
19
20
Le Monde, 23 avril 2014
21
Le Nouvel Observateur, 17-23 avril 2014
22
Le Nouvel Observateur, 17-23 avril 2014
23
une tragédie de William Shakespeare
comme elle est actuellement jouée au Théâtre du Soleil,
dirigée par Ariane Mnouchkine
Musique Jean-Jacques Lemêtre
Création à la Cartoucherie le 30 avril 2014
Théâtre du Soleil
Cartoucherie 75012 Paris
Tel : 33 1 43 74 87 63
Fax : 33 1 43 28 33 61
www.theatre-du-soleil.fr
Contact presse :
Liliana Andreone
[email protected]
Contact tournées :
Charles-Henri Bradier
[email protected]
Marie-Anne Bernard
[email protected]
- Photographies de Michèle Laurent (p. 9) et Charles-Henri Bradier (p.13 et 15)
- Maquettes de Didier Martin (p. 8, 14, et 18)
- Copie anonyme du xviie siècle, conservée à la bibliothèque Beinecke de livres
rares et manuscrits (université de Yale), de l’adaptation de Macbeth de William
Shakespeare par le poète et dramaturge William d’Avenant, filleul de William
Shakespeare, sans doute réalisée vers 1664 et éditée en 1674. Macbeth a été
créé en 1606, et la première édition de la pièce figure dans l’in-folio de 1623,
sous le titre The Tragedie of Macbeth. (p. 4 et 5)
merci à
24
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