A la Conférence de la Paix, la France apparut comme le principal arbitre des questions
continentales. Clemenceau accepta de recevoir les revendications roumaines, eu égard à
l'application du principe des nationalités, à la présence de troupes roumaines en Bucovine et
en Transylvanie qu'elle convoitait, ainsi qu'en Bessarabie, et surtout à l'appui que cette armée
pouvait apporter à la France en Russie du sud contre les Soviets. En effet, dans le dispositif
français de revers en gestation, la Roumanie tenait, aux côtés de la Pologne, un rôle dans le
"cordon sanitaire" anti-bolchevik de Foch au cas où la Russie aurait tenté de faire sa jonction
avec l'Allemagne. Les délégués français soutinrent donc globalement les revendications
roumaines, sauf sur le Banat occidental, qui revint aux Serbes.
En réalité, la Roumanie fut d’un faible secours à la France dans son intervention dans
la guerre civile russe, puisque Bucarest, comme Varsovie, avait plutôt intérêt à la victoire des
Bolcheviks prêts à lâcher les marges de l’Empire plutôt qu’à un retour des Russes blancs. Elle
éluda donc un appui aux Blancs durant toute l’année 1919, qu’elle passa à combattre les
bolcheviks hongrois et à occuper Budapest plutôt que d’obéir aux injonctions françaises
d’intervention en Russie et de commandement unifié en Orient sous autorité française.
La Hongrie ne représentait en effet pas un danger pour la France, qui aurait souhaité
son intégration économique dans l'ensemble danubien, d'autant que ses dirigeants, dans
l'espoir d'éviter son démantèlement, avaient promis au Quai d'Orsay de se ranger dans la
sphère d'influence française. La Pologne l'aurait également souhaité, par espoir d'appui anti-
bolchevik, notamment au moment du danger maximal lors de la guerre russo-polonaise, en
août 1920. Mais le prix révisionniste était trop cher à payer et le traité de paix fut signé à
Trianon en juin 1920.
Toutefois, les rumeurs de ces négociations suffirent à inquiéter les petits vainqueurs
danubiens, qui amorcèrent leur union dès août 1920 au sein de la "Petite Entente" - trilatérale
Roumanie-Tchécoslovaquie-Yougoslavie. A partir de juin 1921, la France se rallie clairement
au système centre-européen restreint que représente la Petite Entente.
En somme, au printemps 1921, la France avait stabilisé sa politique centre-européenne
autour de la Pologne et de la Petite Entente, deux entités faiblement articulées par la
Roumanie, mais sérieusement divisées par le contentieux polono-tchèque.
La suite de l’évolution de la Roumanie sur l’échiquier européen démontra son faible
intérêt pour la France, notamment lors de la crise de la Ruhr de 1923, véritable mise à
l'épreuve de la solidité du lien franco-centre-européen. En effet, dès Gênes, les petits alliés
d'Europe centrale se préoccupaient de la mésentente croissante entre la France et l'Angleterre.
Ils craignaient que l'appui anti-allemand et anti-soviétique de la France fût insuffisant, en
raison de l'absence de l'unité de front avec la Grande-Bretagne, qui était favorable à une
politique conciliante envers les puissances vaincues ou marginalisées. Poincaré comprit alors
l’insuffisance du système centre-européen et se dirigea, dans les derniers mois de son mandat,
vers un rapprochement avec les Anglo-Américains et des tâtonnements avec l’Union
Soviétique, annonçant ainsi dès le début de 1924 la politique de Herriot de reconnaissance de
l’URSS et la politique de Briand de Locarno de rapprochement avec l’Allemagne sous égide
britannique. Dès lors, le traité franco-roumain de juin 1926, comme les autres traités que la
diplomatie de Briand signa avec les PECO, n’avait plus de réelle portée sécuritaire pour la
France, sauf de tenir en échec l’offensive de la modeste puissance de l’Italie mussolinienne, et
ce jusqu’en 1932-1933, lorsque ces alliances seront réactivées dans un autre but, à savoir
servir de pont stratégique à l’armée rouge dans un éventuel encerclement de l’Allemagne.
Au début de l'arrivée au pouvoir d'Hitler la France et l'Italie essayèrent de s'entendre
pour brider l'expansionnisme allemand vers l'est. Mussolini craignait qu'Hitler n'annexât