D’un point de vue financier, la centralisation et l’harmonisation des aspects monétaires et
fiscaux deviennent des éléments constitutifs d’une plus grande rationalisation des finances
publiques. Par ailleurs, le principe de l’égalité devant l’impôt est reconnu par l’abolition des
privilèges. Le budget de l’État (à l’origine de la crise financière de la monarchie absolue) est
désormais consenti par un vote du Parlement et nécessite une prévision budgétaire au
préalable.
La vie économique sort, elle, des carcans qui lui étaient imposés. L’unicité des poids et
mesures, avec l’imposition du système décimal, l’abolition des douanes intérieures et du
monopole de Compagnies ou Manufactures royales améliorent la production et la circulation
des produits, malgré le maintien d’une protection douanière par rapport à l’étranger.
L’organisation même des structures du travail se trouve profondément bousculée avec
l’abolition des corporations (loi Le Chapelier de 1791) et l’instauration d’une libre
concurrence entre les producteurs.
Le rôle consenti à l’Église et au culte connaît de son côté une profonde évolution préfigurant
la sécularisation des sociétés au XIXe siècle. La Constitution civile du clergé, adoptée en
juillet 1790, instaure l’indépendance du clergé vis-à-vis du Saint-Siège (sauf d’un point de
vue doctrinal) et en fait un corps de fonctionnaires élus et rétribués par l’État. Si on revient en
1801 au système du Concordat pour définir les rapports entre l’État et l’Église, cette dernière
connaît cependant une profonde modification de ses compétences. Elle conserve son rôle
social dans l’assistance et l’enseignement, mais perd ses compétences en matière d’état civil.
Les redevances traditionnelles perçues par l’Église, comme la dîme et les privilèges fiscaux
inséparables de ses fonctions antérieures, sont abolies. Le clergé est ainsi rémunéré par le
budget des cultes, tout en conservant le droit de percevoir des donations, qui lui permettent de
reconstituer peu à peu son patrimoine.
Enfin, le système judiciaire complexe d’Ancien Régime (justice royale, ecclésiastique,
seigneuriale), avec une justice payante et des juges propriétaires de leurs charges, laisse la
place à des juridictions simplifiées et hiérarchisées. Les juges et les magistrats sont
dorénavant payés par le pouvoir central et la justice devient gratuite. Le droit n’est plus
variable en fonction des héritages géographiques (droit coutumier ou droit romain). À travers
cet inventaire, il est possible de déceler les profondes mutations entraînées par la Révolution
française, lesquelles marquent l’entrée dans la modernité.
b) Le Premier Empire.
Cet épisode clôturant la Révolution française est soumis à des débats âpres autour de la
véritable nature du régime impérial. Si, d’un point de vue chronologique, on établit une
coupure entre la période du Consulat (1799-1804) et celle de l’Empire (1804-1815), dans la
réalité, on peut constater une unité politique, avec un glissement vers un régime de plus en
plus despotique.
La large adhésion populaire et l’instauration de réformes héritées de la période
révolutionnaire ne permettent pas cependant de nous focaliser uniquement sur cet aspect.
Napoléon est-il l’« héritier » ou le « fossoyeur » de la Révolution ? La légende impériale ne
cesse d’animer les débats et les recherches. L’installation progressive d’un régime dictatorial
est entérinée par la Constitution de l’an XII (mai 1804), attribuant un pouvoir sans partage à
l’Empereur, où les ministres ne sont que des commis à la tête d’une administration
centralisée.
Si le suffrage est élargi, le mode de scrutin et le recours au plébiscite rendent la confrontation
politique impossible. La propagande, la censure et le contrôle de la société sont de plus en
plus affirmés. Le pouvoir est légitimé par la protection divine grâce au sacre du 2 décembre