La Révolution française et le Dix-neuvième siècle

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La Révolution française et le Dix-neuvième siècle
La Révolution française et le Premier empire : l’aspiration à la liberté et à l’égalité, la Terreur,
les grandes réformes de Napoléon Bonaparte.
La France dans une Europe en expansion industrielle et urbaine : le temps du travail en usine,
des progrès techniques, des colonies et de l’émigration.
L’installation de la démocratie et de la République.
Louis XVI ; 14 juillet 1789 : prise de la Bastille ; 26 août 1789 : Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen; 22 septembre 1792 : proclamation de la République ; 1804 :
Napoléon Ier, empereur des Français ; 1848 : suffrage universel masculin et abolition de
l’esclavage ; 1882 : Jules Ferry et l’école gratuite, laïque et obligatoire ; Pasteur ; Marie
Curie ; 1905 : loi de séparation des Eglises et de l’Etat
1) La Révolution et le Premier Empire.
Une révolution est une rupture, brusque et radicale, dans un processus d’évolution
historique, que ce soit dans les domaines politique, économique ou culturel.
« Une révolution correspond donc à une transformation radicale. Elle détermine un avant
et un après, repérables matériellement, d’abord dans les institutions, ensuite dans les
relations entre les individus ». Jean-Clément Martin, Violence et révolution, Paris, Le
Seuil, 2006.
a) La Révolution.
Dans l’esprit des programmes, il ne s’agit pas de revenir sur le déroulement chronologique de
cette décennie (1789-1799) où tout pouvait paraître possible. La radicalité de cette rupture
retiendra plutôt notre attention, avec l’esquisse d’un bilan dans les domaines politique,
administratif, financier, économique, religieux et judiciaire. Il s’agit donc d’entrevoir
l’héritage révolutionnaire, conformément à l’angle de vue proposé par les programmes du
cycle 3.
Au niveau du pouvoir central, la principale évolution relève de la rédaction d’une
constitution pour définir les pouvoirs inhérents de l’État. La Constituante (les États généraux
se sont proclamés Assemblée générale constituante le 9 juillet 1789) élabore ainsi une
constitution en 1791 et instaure une monarchie constitutionnelle reposant sur la souveraineté
du peuple. La séparation des pouvoirs est désormais inscrite dans les textes. Le roi ou les
responsables de gouvernement ne détiennent plus que le pouvoir exécutif. Les différentes
assemblées de cette période (Législative, Convention, etc.) disposent du pouvoir législatif, le
pouvoir judiciaire relevant dorénavant de magistrats élus et indépendants. La nation détient la
souveraineté par le biais d’élections au suffrage censitaire ou universel.
D’un point de vue administratif, le remaniement par rapport aux structures d’Ancien
Régime est total. La création des départements, des arrondissements, des cantons et des
municipalités (maire) permet de faire table rase de l’extrême complication et enchevêtrement
des circonscriptions administratives précédentes (généralités, gouvernement, provinces, etc.)
qui provoquait une confusion des autorités. La charge publique n’est plus exercée par des
officiers propriétaires de leurs charges. Désormais, les pouvoirs sont strictement délimités et
hiérarchisés autour d’un corps de fonctionnaires nommés et rétribués par le pouvoir central.
Malgré l’existence, sous le régime de la monarchie absolue, des intendants, dépendants
directement du roi, on peut souligner une plus forte centralisation des pouvoirs grâce aux
préfets, qui jouent un rôle majeur.
1 D’un point de vue financier, la centralisation et l’harmonisation des aspects monétaires et
fiscaux deviennent des éléments constitutifs d’une plus grande rationalisation des finances
publiques. Par ailleurs, le principe de l’égalité devant l’impôt est reconnu par l’abolition des
privilèges. Le budget de l’État (à l’origine de la crise financière de la monarchie absolue) est
désormais consenti par un vote du Parlement et nécessite une prévision budgétaire au
préalable.
La vie économique sort, elle, des carcans qui lui étaient imposés. L’unicité des poids et
mesures, avec l’imposition du système décimal, l’abolition des douanes intérieures et du
monopole de Compagnies ou Manufactures royales améliorent la production et la circulation
des produits, malgré le maintien d’une protection douanière par rapport à l’étranger.
L’organisation même des structures du travail se trouve profondément bousculée avec
l’abolition des corporations (loi Le Chapelier de 1791) et l’instauration d’une libre
concurrence entre les producteurs.
Le rôle consenti à l’Église et au culte connaît de son côté une profonde évolution préfigurant
la sécularisation des sociétés au XIXe siècle. La Constitution civile du clergé, adoptée en
juillet 1790, instaure l’indépendance du clergé vis-à-vis du Saint-Siège (sauf d’un point de
vue doctrinal) et en fait un corps de fonctionnaires élus et rétribués par l’État. Si on revient en
1801 au système du Concordat pour définir les rapports entre l’État et l’Église, cette dernière
connaît cependant une profonde modification de ses compétences. Elle conserve son rôle
social dans l’assistance et l’enseignement, mais perd ses compétences en matière d’état civil.
Les redevances traditionnelles perçues par l’Église, comme la dîme et les privilèges fiscaux
inséparables de ses fonctions antérieures, sont abolies. Le clergé est ainsi rémunéré par le
budget des cultes, tout en conservant le droit de percevoir des donations, qui lui permettent de
reconstituer peu à peu son patrimoine.
Enfin, le système judiciaire complexe d’Ancien Régime (justice royale, ecclésiastique,
seigneuriale), avec une justice payante et des juges propriétaires de leurs charges, laisse la
place à des juridictions simplifiées et hiérarchisées. Les juges et les magistrats sont
dorénavant payés par le pouvoir central et la justice devient gratuite. Le droit n’est plus
variable en fonction des héritages géographiques (droit coutumier ou droit romain). À travers
cet inventaire, il est possible de déceler les profondes mutations entraînées par la Révolution
française, lesquelles marquent l’entrée dans la modernité.
b) Le Premier Empire.
Cet épisode clôturant la Révolution française est soumis à des débats âpres autour de la
véritable nature du régime impérial. Si, d’un point de vue chronologique, on établit une
coupure entre la période du Consulat (1799-1804) et celle de l’Empire (1804-1815), dans la
réalité, on peut constater une unité politique, avec un glissement vers un régime de plus en
plus despotique.
La large adhésion populaire et l’instauration de réformes héritées de la période
révolutionnaire ne permettent pas cependant de nous focaliser uniquement sur cet aspect.
Napoléon est-il l’« héritier » ou le « fossoyeur » de la Révolution ? La légende impériale ne
cesse d’animer les débats et les recherches. L’installation progressive d’un régime dictatorial
est entérinée par la Constitution de l’an XII (mai 1804), attribuant un pouvoir sans partage à
l’Empereur, où les ministres ne sont que des commis à la tête d’une administration
centralisée.
Si le suffrage est élargi, le mode de scrutin et le recours au plébiscite rendent la confrontation
politique impossible. La propagande, la censure et le contrôle de la société sont de plus en
plus affirmés. Le pouvoir est légitimé par la protection divine grâce au sacre du 2 décembre
2 1804 à Notre-Dame de Paris, immortalisé par l’œuvre de David. Le pouvoir princier est
d’autant plus revendiqué qu’une cour impériale se crée autour de dignitaires du régime, les
militaires étant au sommet de la hiérarchie.
Les réformes engagées, que Napoléon qualifie de « masses de granit », que ce soit :
Ø dans le domaine du droit,
Ø dans celui de l’enseignement (création des lycées en 1802 et de l’Université impériale
en 1808)
Ø ou dans celui du régime des cultes (Concordat de 1801, faisant de la religion
catholique « la religion de la grande majorité des Français »), ont permis de stabiliser
l’héritage révolutionnaire.
Plus précisément, l’activité économique est prospère grâce au développement de l’industrie et
des voies de communication. La stabilité monétaire, elle, est assurée par la création du franc
germinal. Ce sont les notables qui tirent le plus profit de ces réformes.
Sur le plan des réformes administratives, les fonctionnaires locaux sont nommés et dépendent
du pouvoir central. Ce sont les préfets dans les départements et les maires dans les communes.
Les juges, quant à eux, sont nommés et chargés de faire appliquer le Code civil nouvellement
créé. Les lycées font leur apparition pour former les futurs cadres du régime, tout comme
l’Université. Enfin, la Légion d’honneur permet de récompenser les services militaires ou
civils. La politique impériale a permis un retour à l’ordre et, surtout, contribué aux
fondements constitutifs du XIXe siècle.
On ne peut cependant occulter l’apparition et le développement de la « guerre de masse »
(expression extraite des programmes) qui a contribué à la conquête d’une partie de l’Europe
(le Grand Empire) et à la constitution de plusieurs coalitions contre la France.
Les différentes phases de l’épopée napoléonienne
Années
Adversaires
Batailles (victoires/défaites)
1799-1802
2e coalition : Angleterre, États Marengo (juin 1800)
allemands, Autriche, États
italiens, Russie, Turquie et
Suède
1805
3e coalition : Angleterre, Russie, Trafalgar (octobre)
Autriche, Royaume de Naples, Ulm (octobre)
Suède
Austerlitz (décembre)
1806-1807
4e coalition : Angleterre, Prusse Iéna (octobre 1806)
et Russie
Eylau (février 1807)
Friedland (juin 1807)
1807-1814
Portugal et Espagne
Prise de Lisbonne (novembre
1807)
Insurrection de Madrid (mai
1808)
3 Baylen (juillet 1808)
Campagne
de
(décembre 1808)
1808-1812
5e coalition :
Autriche
1812
Russie
Angleterre
et Wagram (juillet 1809)
Borodino (septembre)
Occupation
(septembre)
de
Retraite
de
(octobre-décembre)
1813-1815
Napoléon
Moscou
Russie
6e et 7e coalitions : Angleterre, Leipzig : « bataille des Nations »
Autriche, Prusse, Suède et (octobre 1814)
Russie
Entrée des alliés dans Paris
(mars 1814)
Waterloo (juin 1815)
La chute de l’Empire (entérinée par le Congrès de Vienne en 1815) provoque un retour aux
principes de légitimité, de restauration des familles princières et de solidarité des princes.
L’équilibre européen se fait au profit des quatre grands vainqueurs : la Russie, l’Autriche, la
Prusse et l’Angleterre. La monarchie est rétablie en France avec le retour du Bourbon Louis
XVIII frère de Louis XVI.
2) La France dans une Europe industrielle et urbaine.
a) L’industrialisation ou la révolution industrielle.
Même si les programmes mentionnent plutôt l’expression d’expansion industrielle dans les
titres de séquences, ils indiquent de manière discrète la notion de révolution industrielle,
démontrant ainsi la complexité des termes à employer pour définir le processus
d’industrialisation qu’a connu l’Europe au cours de cette période. Si nous utilisons
régulièrement l’expression « révolution industrielle », cette dernière pose problème, même si
elle est ancienne puisqu’elle apparaît chez les premiers socialistes français du XIXe siècle.
Pourtant, il est difficile de dater précisément la rupture, le mouvement s’étalant sur plusieurs
décennies. C’est pourquoi certains auteurs lui préfèrent le terme d’industrialisation.
Néanmoins, l’expression continue à être employée car elle illustre bien une rupture radicale et
irréversible. L’Europe occidentale connaît ainsi le passage d’une société agraire et rurale à
une société de plus en plus industrielle et urbaine. La lecture des programmes du cycle 3
soulève un certain nombre de débats qu’il convient d’éclairer.
Le premier porte sur les conséquences sociales, la misère et le paupérisme. On insiste sur la
misère du prolétariat et la catastrophe sociale induite par l’industrialisation. Cette vision négative est présente dans la littérature du XIXe siècle et dans les enquêtes menées auprès des
ouvriers. Tel est le cas du Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les
manufactures (1840) du médecin Louis René Villermé, présentant les conditions de vie
précaires et les difficiles conditions de travail autour des activités du textile. Pour la France,
4 cette vision est à nuancer face à la croissance observée sur la période. Il semble néanmoins
évident qu’une génération a été victime de ces mutations au début de la révolution
industrielle.
Un autre débat tourne autour des origines du processus d’industrialisation. Les programmes
semblent plutôt incliner vers une explication liée aux transformations de l’offre (la
technologie) plutôt que de la demande. De nouvelles mentalités apparaissent avec des
« bricoleurs de génie ». Pourtant, n’est-ce pas la demande qui suscite certaines innovations ?
Un autre débat concerne l’unicité ou, au contraire, la diversité des mouvements
d’industrialisation. La chronologie ne fait pas consensus, mais l’on retient généralement les
dates suivantes pour analyser le phénomène. La première révolution industrielle, initiée à la
fin du XVIIIe siècle, se terminerait à la fin des années 1880. La deuxième révolution
industrielle, quant à elle, se terminerait vers les années 1960. On le comprend aisément, la
révolution industrielle n’obéit pas à une chronologie de programme. Il est difficile de présenter un vaste tableau synthétique concernant des aires géographiques spécifiques (GrandeBretagne, France, Allemagne).
L’erreur serait de traiter la révolution industrielle comme un phénomène identique dans le
temps et dans l’espace. Les spécificités par pays et même par régions sont à prendre en
compte. Ainsi les dates de débuts ne sont-elles pas les mêmes selon les États, comme l’illustre
la première révolution industrielle : la Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle, la France
vers 1830 et l’Allemagne vers 1850. Les historiens insistent de plus en plus sur les continuités
et les points communs à chaque mouvement. La seconde révolution industrielle ne serait
finalement qu’une réponse aux impasses de la première. On note ainsi une continuité dans les
méthodes et les objectifs. Les différents systèmes de production au XIXe siècle
Atelier à domicile
Usine
Local
Faible dimension de Complexe de plus en plus vaste et lieux
l’atelier
qui
est de plus en plus spécialisés et distincts
partagé avec le lieu de entre les différentes étapes de la
vie
production
Instruments de travail
Outils peu élaborés et Élaborés avec une mécanisation des
rudimentaires
outils de production
Énergie utilisée et force de travail
Humaine,
animale, Charbon et machine à vapeur
cours d’eau, etc.
Capitaux nécessaires
Faibles
Élevés
Productivité
Faible
Élevée
Quantité produite
Faible
Élevée
b) Bourgeois et ouvriers.
À l’origine, le terme de bourgeois ne distingue pas une catégorie sociale spécifique puisqu’il
désigne l’ensemble des habitants d’une ville. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle qu’on lui
attribue son sens moderne avec, il est vrai, une connotation péjorative. Le bourgeois est un
des protagonistes les plus représentés dans la littérature au cours de cette période. Les socia 5 listes mettent en avant son appartenance au patronat ou le confort de ses revenus, tandis que
les conservateurs mettent l’accent sur son absence de noblesse.
Les privilèges juridiques ayant été abolis, être bourgeois revient surtout à se démarquer des
gens du peuple selon des critères qui s’affinent peu à peu. Il s’agit d’abord d’une culture
objectivée, dans le sens où on se reconnaît comme bourgeois à travers des valeurs communes.
Le sens du travail et celui de l’épargne sont les vertus nécessaires pour conquérir et défendre
une position sociale. Le bourgeois attache une grande importance aux valeurs morales, à
l’ordre et à l’éducation. Les solidarités familiales jouent un rôle essentiel pour réaliser ses
ambitions. L’endogamie (mariage au sein d’une même communauté) est une pratique
courante et permet de consolider des solidarités sociales.
Idéologiquement, la bourgeoisie est plutôt favorable dans son ensemble au libéralisme, qui
favorise l’initiative individuelle. Elle entre en politique en partageant les mandats avec
l’aristocratie. L’élargissement du suffrage est plutôt favorable à leur représentation au sein de
la classe politique. On peut cependant nuancer ce tableau uniforme en rappelant la variété des
situations selon les lieux, et surtout l’échelle des fortunes et du prestige. Il existe ainsi trois
grandes catégories de bourgeois en fonction de l’origine de leur richesse. À une bourgeoisie
d’entrepreneurs regroupant des industriels, des marchands ou des financiers, on oppose
couramment une bourgeoisie rentière, plus frileuse dans ses innovations et préférant encore la
terre aux industries peu fiables. Enfin, le XIXe siècle voit le développement d’une
bourgeoisie qui ne doit son rang qu’à ses capacités intellectuelles. Tel est le cas des avocats,
des journalistes ou des médecins qui bénéficient d’une véritable ascension sociale au cours de
la période.
Que ce soit dans les domaines agricole ou industriel, l’ouvrier se caractérise avant tout par son
travail manuel. Si le nombre des ouvriers ne cesse d’augmenter en France tout au long du
XIXe siècle, il est extrêmement difficile de définir avec précision les contours du monde
ouvrier.
On peut cependant établir une typologie en reprenant le degré de spécialisation et le lieu
d’activité de ces derniers :
• les ouvriers des fabriques qui n’ont que leur force de travail à faire valoir aux
frontières de l’indigence. Les ravages de l’alcoolisme, de la prostitution ou des suicides
amènent certains philanthropes à s’interroger sur la condition ouvrière. Ce prolétariat n’a
pas véritablement de conscience de classe car il ne peut se reposer sur des héritages du
passé ;
• les ouvriers qualifiés des vieux métiers qui gardent une maîtrise spécifique dans leurs
ateliers se reposant sur une forte identité sociale ;
• les ouvriers des campagnes qui partagent leurs activités entre les petites industries rurales
et les métiers agricoles ;
• les ouvriers qualifiés qui apparaissent dans les usines à haute technicité de la fin du
XIXe siècle.
La révolution industrielle n’a donc pas précipité tous les travailleurs vers des usines
mécanisées. Le nombre d’artisans à proximité des grandes manufactures s’est plutôt
multiplié ; ceux-ci ont dégagé un surplus d’activité. Les oppositions à la mécanisation sont
nombreuses au sein de ce monde ouvrier naissant. La crainte d’une concurrence déloyale de la
machine, avec son lot de conséquences sociales comme le chômage, provoque en effet des
réactions parfois violentes comme l’atteste le luddisme en Angleterre. La diversité du monde
6 ouvrier est une constante tout au long du XIXe siècle. Il faut attendre les premières
revendications d’ordre politique pour qu’une culture ouvrière émerge peu à peu.
3) L’installation de la démocratie et de la République.
a) Définition.
Le terme de république peut s’entendre de deux manières : soit comme le gouvernement dans
l’intérêt de tous (la « chose publique »), indépendamment de la forme de gouvernement, soit
comme un régime politique dans lequel le gouvernement n’est pas aux mains d’un monarque
héréditaire. Cette définition consensuelle laisse de côté l’ensemble des débats qu’elle a pu
susciter. Tout d’abord, la genèse de l’idée de république se retrouve dans la tradition antique.
L’expression latine res publica désigne une activité publique, les affaires publiques ou
l’intérêt public. Res renvoie explicitement à « propriété », et res publica à « propriété
commune aux citoyens ». Il est sous-entendu dans cette expression que cette res ne peut ni ne
doit être subtilisée par un particulier. Ainsi, le terme renvoie à l’origine à un partage entre les
affaires communes et celles du particulier.
Le terme de démocratie est bien évidemment lié à la liberté souhaitée. Gouvernement du
peuple par le peuple, la démocratie exclut le pouvoir d’une autorité qui ne procède pas du
peuple. C’est donc d’abord un système de gouvernement qui tend à inclure la liberté dans les
relations de commandement à obéissance. Cette liberté consiste à associer les gouvernés à
l’exercice du pouvoir pour empêcher celui-ci de leur imposer une autorité discrétionnaire.
L’individu assure cette participation à l’entreprise gouvernementale par l’entremise de ses
droits politiques, mais aussi par la jouissance des libertés individuelles fondamentales.
Il importe cependant de ne pas associer systématiquement république et démocratie. Une
république ne recouvre pas forcément un système démocratique, et une démocratie n’est pas
forcément une république. Il peut exister des monarchies démocratiques et des républiques
despotiques ou dictatoriales.
b) Les régimes républicains au XIX siècle.
Le 23 février 1848, suite à l’interdiction d’un banquet républicain (le banquet constituait un
moyen de contourner la loi interdisant les réunions politiques), des émeutes éclatent dans la
capitale. La répression sanglante (52 morts) ne fait qu’envenimer le mécontentement. Le
processus révolutionnaire se met en marche et provoque la chute du roi Louis-Philippe,
contraint à l’exil en Angleterre.
La IIe République est proclamée, amenant avec elle son lot d’espoirs mais aussi d’échecs.
Cette nouvelle République se veut démocratique et sociale. Dès l’abdication de LouisPhilippe, un gouvernement provisoire est instauré et engage une politique démocratique.
Le gouvernement provisoire engage également des réformes sociales qui doivent apporter une
réponse aux difficultés de la conjoncture :
q
Proclamation du « droit au travail ».
q
Réduction de la durée du temps de travail à 10 h.
q
Création des ateliers nationaux pour résorber le chômage.
La République sociale est démocratique est pourtant mise en échec dès 1848. L’opposition est
double :
q
Les Républicains radicaux qui souhaitent aller plus loin dans les réformes.
q
Les Conservateurs.
7 L’échec de la politique économique pousse le gouvernement à abolir les Ateliers nationaux
provoquant ainsi en juin une grave insurrection à Paris qui fait 1 500 morts. Désormais le
régime se range dans le conservatisme comme l’illustre l’élection à la présidence de Louis
Napoléon Bonaparte autour du parti de l’Ordre. Le parti de l’Ordre impose à la République
des lois conservatrices :
q
Mars 1850 : loi Falloux assure la liberté de l’enseignement libre.
q
Mai 1850 ampute le suffrage universel d’un tiers des électeurs.
q
Juillet 1850 limitation du droit de la Presse.
Le conflit du Président et de l’Assemblée entérine la disparition de la république et la mise en
place du second empire (1851-1870). Le règne de Napoléon est autoritaire, loin des principes
de la République. Si la séparation des pouvoirs est affirmée, dans la réalité les institutions
n’ont pas de pouvoir et la pratique du plébiscite ou la surveillance des élections vident la
démocratie et le suffrage universel masculin de leur sens. Même si dans les années 1860,
l’Empire devient de plus en plus libéral (droit de grève en 1864, liberté de réunion en 1868)
son existence est compromise par la guerre engagée contre la Prusse en 1870. Après la défaite
de Sedan, la République est proclamée le 04 septembre.
L’instauration de la Troisième République.
Cette période est considérée comme charnière. Les valeurs républicaines d’aujourd’hui sont
issues de l’héritage légué par cette troisième République. Il s’agit d’une période fondatrice
d’un modèle républicain particulier. Pourtant, son installation et son affirmation ont posé de
nombreuses réticences. Pour simplifier le débat, donnons quelques éléments clés de la période
que vous pourrez compléter par l’étude du cours de connaissances.
q
La III République naît dans un contexte de crise : la guerre et la Commune entre avril
et mai 1781.
q
Il faut quatre années pour que la III République soit véritablement aux mains des
républicains (1875-1879) : constitution avec amendement Wallon, la crise de Mac
Mahon et la dissolution du parlement le 13 mai 1877 qui entérine le régime
parlementaire et 1879 avec la victoire des républicains aux élections.
q
La III république forge les valeurs républicaines et le modèle républicain avec les
grandes lois votées entre 1879 et 1884.
q
La III République est depuis 1789, le régime le plus durable et le plus stable,
surmontant toutes les crises qu’elle eut à affronter.
4) Les repères du programme.
1789 : début de la Révolution française, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
L’année 1789 connaît trois phases : le triomphe du tiers état par l’établissement d’une
monarchie constitutionnelle, l’entrée en scène des troupes urbaines et rurales de l’été, la
réorganisation politique liée au transfert de la cour de Versailles à Paris.
Les journées révolutionnaires illustrent ce triomphe du tiers état et l’entrée en scène des
foules tant urbaines que rurales. Les premières journées avaient eu Grenoble et Rennes pour
théâtre. Les journées du 14 juillet et des 5 et 6 octobre élèvent Paris au statut de capitale du
pays (ce qu’elle n’était pas encore) sur le plan politique en faisant pression sur la cour. Paris
devient de gré plus que de force la capitale du pays. La Grande peur, quant à elle, met en
marche des foules rurales entre le 20 juillet et le 11 août. Les analyses des historiens tentent
de mettre en valeur les processus communs et les éléments explicatifs de ces paniques, qui
8 se propagent et grossissent de rumeur en rumeur. Les villageois ont peur au départ et se
regroupent dans un premier temps sur les places communes pour se défendre contre les
ennemis. Une fois la rumeur dégonflée, la volonté défensive se transforme en attaques
ciblées (abbayes, châteaux) et en une volonté punitive. Cela provoque les événements du 4
août. Devant la panique, la stratégie est de renoncer à tout ce qui est honorifique pour
désamorcer la colère paysanne. Les droits réels sont déclarés rachetables sans qu’il soit
statué sur leur valeur et leur modalité. Un pouvoir paysan autonome s’est ainsi constitué.
Les multiples mouvements de révolte précédents le laissaient envisager.
Concernant les mutations politiques issues de cette année 1789, on peut en recenser trois
principales. La naissance de la vie parlementaire moderne devient une réalité. Elle est
d’autant plus affirmée qu’elle se double d’un développement considérable de la presse
d’information et d’opinion. Des journalistes exercent ainsi un véritable ministère public
comme le montre l’influence exercée par Desmoullins ou Marat. Dans le même temps, la
sociabilité politique se développe avec la création de « clubs » devenant les lieux
symboliques de l’effervescence idéologique révolutionnaire.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : Inspirée de la Déclaration
d’indépendance américaine, la Déclaration a été débattue à partir du 20 août 1789 pour être
finalement adoptée le 26 août 1789. Elle fait suite à de nombreux projets rédigés par
Condorcet, Sieyès, La Fayette ou Mirabeau. Elle sonne le glas de l’Ancien Régime et suppose
la rédaction d’une constitution qui n’est entérinée qu’en septembre 1791.
Il faut chercher les origines des droits de l’homme dans le droit naturel. Les juristes du droit
naturel affirment qu’il existe certains principes légaux et juridiques qui sont immuables et
identifiables par la raison, et en fonction desquels toute société devrait s’organiser. La
première théorie systématique des droits universels et inaliénables est issue des Deux traités
du gouvernement de John Locke (1690). L’ensemble du modèle de Locke est fondé sur la
primauté de certains droits comme le droit à la vie, à la liberté et à la fortune. Ces droits dont
tout homme dispose à sa naissance sont naturels et inviolables. Si le gouvernement n’assure
pas ces droits fondamentaux, le peuple a alors le droit de se rebeller. La réalisation ou non de
ces droits a servi de ligne de partage dans le champ politique révolutionnaire. Les déclarations
sont souvent regardées comme des textes théoriques qui relèvent de l’« histoire des idées
politiques ». Pourtant, l’importance des déclarations ne faisait aucun doute pour les acteurs de
la Révolution. La dynamique déclarative implique un effort pour réaliser les principes
déclarés. Cet effort s’impose aux représentants du peuple, fixe la norme politique et garantit
l’existence d’une constitution. Comme l’indique l’abbé Sieyès :
Les représentants de la Nation française exerçant dès ce moment les fonctions du pouvoir
constituant, considèrent que toute union sociale et par conséquent que toute constitution
politique, ne peut avoir pour objet que de manifester, d’étendre et d’assurer les droits de
l’homme et du citoyen. Ils jugent donc qu’ils doivent d’abord s’attacher à reconnaître ces
droits ; que leur exposition raisonnée doit précéder le plan de Constitution, comme en étant
le préliminaire indispensable, et que c’est présenter à toutes les constitutions politiques,
l’objet ou le but que toutes, sans distinction, doivent s’efforcer d’atteindre. (Abbé Sieyès,
Préliminaire de la constitution. Reconnaissance et exposition raisonnée des droits de
l’homme et du citoyen, 1789)
Cependant, l’application de la Déclaration est remise en cause. Boissy d’Anglas stipule ainsi
que cette dernière n’est pas une loi. En d’autres termes, elle n’a pas pour fonction d’organiser
la société. Elle est seulement un « recueil de tous les principes sur lesquels repose » cette
organisation. Cette lecture de la Déclaration conduit à désirer un texte de purs principes, une
déclaration qui serait enfermée dans « les idées » et les livres qui les contiennent, donc coupée
9 de sa fonction politique. En 1795, les droits naturels de l’homme ne sont plus la base de la
constitution de la société. Le fait que les hommes possèdent l’égalité de droit est rejeté. Ainsi,
la déclaration de 1795 évoque les « droits de l’homme en société » et non pas les « droits
naturels de l’homme », comme c’était le cas en 1789 et 1793.
22 septembre 1792 : proclamation de la République.
1804 : Napoléon Ier, empereur des Français : L’installation progressive d’un régime
dictatorial est entérinée par la Constitution de l’an XII (mai 1804), attribuant un pouvoir sans
partage à l’Empereur, où les ministres ne sont que des commis à la tête d’une administration
centralisée. Si le suffrage est élargi, le mode de scrutin et le recours au plébiscite rendent la
confrontation politique impossible. La propagande, la censure et le contrôle de la société sont
de plus en plus affirmés. Le pouvoir est légitimé par la protection divine grâce au sacre du 2
décembre 1804 à Notre-Dame de Paris, immortalisé par l’œuvre de David. Le pouvoir
princier est d’autant plus revendiqué qu’une cour impériale se crée autour de dignitaires du
régime, les militaires étant au sommet de la hiérarchie.
1848 : suffrage universel masculin et abolition de l’esclavage.
1882 : Jules Ferry et l’école gratuite, laïque et obligatoire : Présenté comme le père de
l’école républicaine, il faut également envisager cette personnalité politique essentielle de la
IIIe République qu’est Jules Ferry (1832-1893) comme étant le chantre de l’impérialisme
colonial. Juriste de formation, il s’engage en politique par une critique vive des travaux menés
sous le Second Empire (Les Comptes fantastiques d’Haussmann, 1868). Républicain dans
l’âme, il est nommé responsable du ravitaillement de Paris après l’abdication de Napoléon III
en 1870. Député des Vosges, il se fait remarquer par son opposition à la politique
conservatrice de Mac-Mahon. Après la démission de ce dernier en 1879, il occupe les postes
de ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (1879-1883), puis de président du
Conseil entre 1880 et 1885 ainsi que de ministre des Affaires étrangères entre 1883 et 1885.
Son action politique se caractérise par un vaste plan de réformes dans les domaines scolaire
(lois sur l’école républicaine), des libertés publiques (libertés de la presse et syndicale) mais
aussi dans le domaine colonial (impérialisme colonial).
Figure emblématique de la IIIe République, il est surtout présenté dans les programmes du
cycle 3 comme l’instigateur d’une école primaire gratuite, laïque et obligatoire. On peut
cependant aborder avec les élèves son œuvre coloniale grâce à un discours prononcé à la
chambre des députés le 28 juillet 1885, où il expose les buts et les moyens de la colonisation.
Je dis que cette politique coloniale est un système […] qu’il repose sur une triple base,
économique, humanitaire et politique […]. Au point de vue économique pourquoi les
colonies ? […] Les colonies sont pour les pays riches, un placement des capitaux des plus
avantageux […]. La question coloniale, c’est, pour les pays voués par la nature même de
leur industrie à une grande exportation, comme la nôtre, c’est la création de débouchés
[…]. Messieurs, il y a un second point […] que je dois également aborder, c’est le côté
humanitaire et civilisateur de la question […]. Est-ce que ces populations de race
inférieure, n’ont pas autant de droits que vous ? […] Messieurs, il faut parler plus haut et
plus vrai ! Il faut dire que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures
[…].
Pasteur : Ce savant met au point le vaccin contre la rage en 1885. Grâce aux travaux de
l’Anglais Edward Jenner (796), l’inoculation à l’homme du virus de la vaccine (maladie de la
vache) permet à ce dernier d’être protégé contre la variole. Héritier de ces travaux, Pasteur
met au point une vaccination à partir de cultures de microbes atténués.
10 Marie Curie :
Marie Curie, née Sklodowska (1867-1934), d’origine polonaise, se fait connaître du grand
public par son prix Nobel de physique qu’elle est la première femme à obtenir en 1903, puis
celui de chimie en 1911, pour ses travaux sur le radium et le polonium. Victime de
ségrégation à Varsovie (les femmes ne pouvaient intégrer l’Université), son itinéraire illustre
une formidable ascension à partir de son arrivée à Paris en 1891. Elle obtient ainsi une
agrégation de physique en 1896 (première de sa promotion) et commence une thèse sur le
rayonnement produit par l’uranium après son mariage avec Pierre Curie en 1895. Elle est
nommée professeur à l’École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres en 1900. Elle
soutient sa thèse en 1903 sur les substances radioactives. À la mort de son mari en 1906, elle
reprend son poste à la Sorbonne, devenant ainsi la première femme nommée dans cette
institution. Si la radioactivité a fait sa renommée, elle lui doit également la leucémie qui
l’emporte en 1934.
1905 : loi de séparation des Eglises et de l’Etat
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