3-ARTICLE-CHIEN_L'essentiel N°0-E 25/04/13 16:17 Page86 Chien Carcinome transitionnel de la vessie chez une chienne Scottish terrier CAS CLINIQUE Traitement médical et chirurgical Le carcinome transitionnel de la vessie est la tumeur maligne la plus fréquente du tractus urinaire du chien. Son diagnostic précoce est difficile. Le traitement chirurgical est souvent délicat et cette tumeur répond mal à une chimiothérapie. Ce cas clinique décrit les différentes alternatives choisies qui ont permis une survie de 2 ans1/2 malgré un diagnostic tardif. Il confirme l’intérêt de l’utilisation des AINS antiCOX-2 dans la gestion médicale au long terme de ce type de tumeur. Uska est une chienne Scottish terrier stérilisée de 8 ans référée par son vétérinaire traitant en consultation spécialisée dans notre clinique pour l'exploration d'une hématurie chronique évoluant depuis 8 mois environ sans troubles de la miction. Commémoratifs et antécédents pathologiques P. Lecoindre DVM Spécialiste en médecine interne Dip ECVIM(CA) CVC Clinique vétérinaire des Cerisioz 69800 St PrIESt Cette chienne est correctement vaccinée et vermifugée. Elle vit dans une maison avec un accès libre à l'extérieur. Elle est nourrie avec une alimentation physiologique de bonne qualité. La présence de sang dans les urines a été constatée par les propriétaires de façon intermittente depuis environ 8 mois mais systématique à chaque miction depuis environ 3 semaines. Présentation clinique Le 24 09 2010 un examen clinique de l'animal a confirmé un bon état général avec un score corporel évalué à 3/5. La palpation abdominale n'est pas douloureuse. L’examen de l'appareil cardio-vasculaire ne révèle pas d'anomalies. Une analyse d'urine prélevée par cystocentèse confirme une hématurie sévère. 1 Principales cause d’hématurie chez le chien Maladies du tractus urinaire • Traumatisme • Urolithiase •Néoplasie • Inflammation •Coagulopathie • Infarctus rénal • Hématome de la cavité pyélique • Malformation vasculaire (hématurie rénale idiopathique) •Traumatisme Maladies extra-urinaires • Œstrus • Inflammation, tumeur, traumatisme de l’appareil génital Une analyse cytologique des urines ayant surtout confirmé une hématurie massive sans pyurie, cylindrurie ou cristallurie, une échographie abdominale est réalisée en première intention. Cet examen a révélé une masse intravésicale végétante d’échogénécité intermédiaire développée à partir de la paroi du corps de la vessie et ne semblant pas après dilatation de la vessie intéresser le trigone vésical (photo 1). Synthèse clinique Uska est une chienne Scottish de 8 ans en bon état général mais présentant une hématurie chronique depuis plusieurs mois sans troubles de la miction. C. Pépin DVM Laboratoire Merial France 69007 Lyon Hypothèses diagnostiques L’hématurie peut avoir plusieurs origines (tableau). Investigations complémentaires Un profil hématobiochimique et un bilan de coagulation ne révèlent aucune anomalie. 86 1 L’examen échographique a révélé une masse intravésicale végétante d’échogénécité intermédiaire développée à partir de la paroi du corps de la vessie et ne semblant pas après dilatation de la vessie intéresser le trigone vésical. © P. Lecoindre toutefois, considérant l’âge de l’animal, son sexe, le cadre clinique décrit, une inflammation, une lithiase, une tumeur du tractus urinaire bas, une lésion rénale sont les hypothèses à privilégier. Il sera toutefois nécessaire de s’assurer que l’animal ne présente pas une coagulopathie. 3-ARTICLE-CHIEN_L'essentiel N°0-E 25/04/13 16:17 Page87 Chien CAS CLINIQUE La prolifération semble n’intéresser que les couches superficielles de la paroi vésicale (muqueuse et peut être sousmuqueuse). L’examen confirme l’absence d'adénopathie mésentérique ou iliaque ou d’image de métastase aux niveaux des organes cibles. Les reins ne présentent pas de signes d’hydronéphrose et les uretères ne sont pas dilatés. Un diagnostic d'une tumeur probablement de nature épithéliale de la vessie est proposé en raison de l’aspect échographique, de son absence de mobilité et du caractère encore localisé de la prolifération. © P. Lecoindre Diagnostic 3 Immunohistochimie (M. Delverdier) (x 40). Un immunomarquage pour cox-2 sur la tumeur a été réalisé. Cet examen a montré une forte positivité au niveau des foyers carcinomateux. Traitement de l’immunomarquage, un traitement préventif à base de firocoxib (5 mg / kg /jour) a été instauré. Malgré une bonne tolérance du médicament et l’absence d’effets secondaires, ce traitement a été interrompu par le propriétaire de l'animal 3 mois après la chirurgie, l’animal ne présentant plus aucun symptôme. Une exérèse chirurgicale est programmée en accord avec le propriétaire. Une cystotomie confirme la localisation apicale de la tumeur et l’absence d’autres zones de prolifération suspecte (photo 2). Une cystectomie à la pince mécanique Autosuture tA55 a été réalisée. • Contrôle du 26 novembre 2011 (J0 + 14 mois) 2 © P. Lecoindre L’animal a été revu en consultation le 26 novembre 2011 soit 14 mois après l’intervention en raison de la réapparition d’une hématurie et surtout d’une dysurie et d’une pollakiurie persistante depuis 1 mois. Un examen échographique révèle une lésion proliférative cette fois ci localisée au niveau du trigone vésical et entraînant nettement une dilatation de l’uretère gauche (photo 4 et 5). Chirurgie : masse tumorale très volumineuse développée à l’apex de la vessie et qui a nécessité une ablation de la moitié de la vessie et une fermeture à la pince mécanique. L’histologie confirme un carcinome urothélial papillaire de haut grade (G3 de l’oMS) principalement superficiel exophytique avec quelques images très limitées de microinvasion du chorion. La musculeuse n’est jamais colonisée. Stade tiSn0M0. 4 © P. Lecoindre Histologie de la pièce opératoire Limites de résection : elles sont in sano latéralement. Suivi de l’animal La récupération postopératoire a été satisfaisante. L'animal a retrouvé un rythme normal de miction sans hématurie. En raison du caractère agressif de la lésion et des résultats 5 © P. Lecoindre Un immunomarquage de laCoX-2 sur la tumeur vésicale a été réalisée. Cet examen a montré des cellules stromales positives, avec une intensité très forte, surtout au niveau des foyers carcinomateux (photo 3). L’examen échographique confirme une récidive tumorale dans la zone du trigone et une dilatation anormale d’un uretère dont la lumière semble infiltrée au niveau de l’abouchement. Une hydronéphrose est également observée du même coté. 87 3-ARTICLE-CHIEN_L'essentiel N°0-E 25/04/13 16:17 Page88 Chien CAS CLINIQUE on observe également un début d’hydronéphrose du rein gauche. variation du risque en fonction de la race2. Le Scottish terrier est certainement la race la plus prédisposée (risque 18 fois supérieur/race commune)2. De même, le beagle, le Shetland, le fox terrier à poil dur et le West Highland white terrier sont des races reconnues comme prédisposées. Une prédisposition génétique est suspectée particulièrement chez le Scottish terrier mais non confirmée. Une nouvelle chirurgie a consisté à réaliser une mucosectomie de la muqueuse du trigone associée à une transposition de l’uretère gauche obstruée par la prolifération tumorale (photo 6). 6 Chirurgie : une mucosectomie a été réalisée et complétée par une transposition de l’uretère obstruée. Une chimiothérapie en raison d’une chirurgie qui ne pouvait être curatrice a été proposée mais refusée par les propriétaires. Le traitement de firocoxib est à nouveau prescrit avec une surveillance de la fonction rénale. L’animal a été nettement amélioré pendant 10 mois après la chirurgie mais progressivement a représenté des troubles importants de la miction. Des contrôles échographiques ont confirmé la récidive de la prolifération tumorale. Une euthanasie a été programmée à J0 + 28 mois. Synthèse et discussion Ce cas est intéressant car l’animal a pu être suivi sur une longue période. Plusieurs points méritent d'être discutés. Facteurs de risques du carcinome transitionnel de la vessie(CTV) chez le chien L’étiologie du CtV est probablement multifactorielle. Les facteurs de risques aujourd’hui identifiés incluent l’exposition aux topique insecticides ou acaricides, l’obésité, l’administration de cyclophosphamide, le sexe (femelle 1,7/1), la race, l’âge (MA 11,1ans)1, 2. Il y a nettement une 88 © P. Lecoindre Traitement du CTV du chien • Chirurgie La chirurgie de cette tumeur n’est pas souvent facile en raison de la localisation préférentielle au niveau du trigone vésical2, de la fréquence des envahissements de l’urètre, des risques de métastases (20 % des cas au moment du diagnostic). La chirurgie de certaines tumeurs à localisation apicale comme pour notre cas est assez facile et une reconstruction de la vessie peut être facilement réalisée avec les pinces mécaniques. toutefois il est fréquemment décrit des récidives à distance de la première zone infiltrée et le cas de Uska est un exemple alors que les marges de la première résection étaient saines3. Une mucosectomie peut être proposée lors d’envahissement du trigone afin de permettre de restaurer le flux urinaire3. Malheureusement cette chirurgie est rarement en marge saine et n’est que palliative. Lors d’envahissement de l’urètre proximal nous avons déjà réalisé des vagino-urétroplasties qui donnent des résultats intéressants avec reprise d’une diurèse normale mais bien sûr transitoire. • traitement médical De multiples protocoles de chimiothérapie ont été évalués dans le traitement des CtV utilisant le cisplatine, le carboplatine et le doxorubicine avec une rémission < à 25 % et une médiane de survie de 130 à 180 jours3, 4. Une association de mitoxantrone et de piroxicam a permis une rémission de 35 % et une médiane de survie de 291 jours4. Intérêt des Anti-inflammatoires anti COX-2 De nombreuses études plaident en faveur de l’utilisation de ces molécules (en particulier du piroxicam) pour le traitement des CtV3, 5. Enfin deux études récentes confirment l’activité anti-tumorale des AInS antiCoX-2 (deracoxib et firocoxib) qui peuvent être considérés comme un traitement palliatif pour les chiens atteints de CtV avec des moyennes de survie importante (323 jours)4, 6. Les effets secondaires néfastes des AInS n’ont été observés que chez peu d’animaux associant nécrose tubulaire ou lésions digestives. La cyclooxygénase de type 2 est souvent surexprimée dans ce type de tumeurs5, 6. or il a été prouvé que la CoX-2 ainsi que les prostaglandines avaient une action importante sur la genèse et la croissance tumorale5. Les AInS, en inhibant 3-ARTICLE-CHIEN_L'essentiel N°0-E 25/04/13 16:17 Page89 Chien CAS CLINIQUE cette cyclooxygénases, diminuent donc les tumeurs vésicales et limitent les récidives. De plus les AInS entraînent un blocage du cycle cellulaire et induisent une importante apoptose cellulaire au sein de la tumeur5. Les AInS possèdent donc une action anti-proliférative sur les cellules des cancers de la vessie. Dans notre cas, il est difficile de déterminer si l’AInS antiCoX-2 qui a été utilisé (firocoxib) a eu un impact sur l’évolution du cancer. toutefois la survie importante de notre chienne est similaire à ce qui est décrit dans les études sus-citées6. Radiothérapie La radiothérapie a encore été peu utilisée dans le traitement des CtV du chien3. L’étude de Walker montre une médiane de survie de 15 mois avec des effets secondaires qui ont nécessité l’euthanasie chez 4 chiens3. Des essais de radiothérapie in situ semblent intéressants mais nécessitent des études complémentaires. n Bibliographie 1. Glickman LT, Schofer FS, McKee LJ. Epidemiology study of insectecide exposures, obesity and risk of bladder cancer in household dogs. J Toxicol Environ Health 1989 ;28 :407-414 2. Knapp DW, Glickman NW, Denicola DB et al. Naturally occuring canine transitional cell carcinoma of the urinary bladder. A relevant model of human invasive bladder cancer. Urol Oncol 2000 ;5 :47-49 3. Mutsaers AJ, Widmer WR, Knapp DW. Canine Transitionnal Cell Carcinoma. JVIM 2003 ;17 :136-144 4. McMillan SK, Boria P, Moore GE, Widmer WR. Antitumor effects of deracoxib treatment in 26 dogs with transitional cell carcinoma of the urinary bladder. JAVMA, 2011 ;239 :1084-1087 5. Mohammed SI, Bennet PF, Craig BA. Effects of the cyclooxygenase inhibitor, piroxicam, on tumor response, apoptosis, and angiogenesis in a canine model of human invasive bladder cancer. Cancer Res 2002 ;62 :356-358 6. Knapp DW, Henry CJ, Widmer WR, Tan KM, Moore GE. Randomized trial of cisplatin versus firocoxib versus cisplatin/firocoxib in dogs with transitionnal cell carcinoma of the urinary bladder. JVIM 2013 ;27 :126-133. 89