LES DOGMES CONCERNANT MARIE
"Dieu ineffable, dès le principe et avant tous les siècles, a
choisi et préparé pour Son Fils unique une Mère. Tous ces
événements ont été fixés d'avance dans un seul et même
décret, à l'instant où s'est décidé l'incarnation de la Sagesse
divine ".
Par ces lignes, le Pape Pie IX exprimait le lien indissoluble qui, de toute éternité, unit Marie à son
Fils, Verbe Incarné : elle n'existe que pour Lui. Ainsi les dogmes concernant Marie nous font aussi mieux
connaître le Christ lui-même. Ils nous font pénétrer dans l'Eternité.
Le Magistère exposera progressivement ces dogmes. Comme une fleur au printemps se
désenveloppe pour épanouir sa beauté, les vérités passent de l'implicite à l'explicite, sous l'action
conjuguée de l'Esprit-Saint et des progrès de la science théologique. On parle en ce sens de
développement du dogme. Ainsi l'exprime le P. de Grandmaison : "Il n'y a pas plus de vérité (au singulier) à
croire, bien qu’il y ait plus de dogmes à croire ".
Ainsi, le visage souverain de Marie se dévoile pour nous, lentement.
I LA MATERNITE DIVINE : MARIE "THEOTOKOS"
"La Vierge Marie -a pu affirmer Newman, anglican converti- est la gardienne de l'Incarnation". L'histoire
l'a montré lorsque, au Vème siècle, l'Eglise se trouva aux prises avec le Nestorianisme. Pour l'hérétique
Nestorius, Marie était mère d'un homme uni à Dieu. Afin de sauver l'unité du Verbe-fait-chair, Homme-
Dieu, saint Cyrille défendit au concile d'Ephèse (431) le titre de Théotokos, Mère de Dieu, déjà traditionnel
depuis deux siècles. Ephèse était bien un concile christologique, mais révélait la dimension mariale du
dogme chrétien.
Vingt ans plus tard, au Concile de Chalcédoine, l'Eglise réaffirmera la maternité divine ; la
Théotokos est bien celle qui avait enfanté une Personne divine, homme aussi en toute vérité, et non point
en apparence, comme le voulaient les monophysites.
Puis saint Thomas précisera que la maternité a bien pour terme la personne-même qui est mise
au monde (IIIa, q 35, a 1), c'est-à-dire le Verbe-Incarné. Il montre que l'on peut dire en vérité Mère de Dieu
et non pas seulement Mère du Fils de Dieu (III Sent, dist 4, q 2 a 2).
Ce dogme a des fondements scripturaires certains, par exemple dans les paroles d'Elisabeth :
"D'où m'est-il donné que la Mère de mon Seigneur (i.e. Dieu, au sens biblique) vienne jusqu'à moi ?" (Lc 1, 43), ou
dans les paroles de l'ange Gabriel : "L'enfant saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu" (Lc 1,35).
Ce titre de Mère de Dieu fait toute la grandeur de Marie : "La Bienheureuse Vierge, du fait de sa maternité
divine, possède une certaine dignité infinie, par suite du bien infini qui est Dieu". (Saint Thomas, la, q 25, a 6).
Abîme pour nos intelligences, la Maternité divine donne la raison à tout le mystère marial, et sans elle,
rien ne s'explique.
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II LA VIRGINITE PERPETUELLE
L'histoire des hérésies, depuis les Ebionites et les Erithiens du premier siècle jusqu'à nombre de
modernistes contemporains (Drewermann ou J. Duquesne) montre que les adversaires de la virginité de
Marie ont souvent été aussi adversaires de la divinité de Jésus. C'est en effet par une vierge que devait se
réaliser la prophétie messianique d'Isaïe : "Voici qu'une Vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera
Emmanuel, Dieu avec nous" (Is 7,14). Et cette virginité dans la conception est bien le signe miraculeux d'une
naissance divine : "L'Esprit-Saint viendra sur vous" (Lc 1, 34). Nier la Virginité, c'est ultimement s'attaquer aux
preuves de la divinité du Christ.
Pères de l'Eglise et premiers théologiens défendaient ardemment ce privilège marial : Origène
contre Celse (vers 250), saint Jérôme contre le moine Jovinien (vers 393) et contre Helvidius (383).
Et saint Thomas démontrera la convenance éminente de ce que le Fils unique naturel de Dieu
n'ait pas de Père sur terre (IIIa q 28 a 1).
C'est encore en lien avec la Christologie que les Pères affirmaient aussi la Virginité dans
l'enfantement. Le Catéchisme du Concile de Trente s'en fera l'écho : "De même que, plus tard, Il sortit de son
tombeau sans briser le sceau qui Le tenait fermé, (...), ainsi Jésus-Christ sortit du sein de Sa Mère sans blesser
aucunement sa virginité" (I, IV, 2).
La Virginité après l'enfantement complète en Marie ce prodigieux mystère de pureté. Il a semblé, à
nos premiers chrétiens, connexe de la grandeur de la Maternité divine. De fait, comment ce vase plus
sacré qu'aucun ciboire d'or, vase préparé par l'Esprit-Saint, vase vivant ayant non seulement contenu
mais qui fut "moule de Dieu" (saint Augustin) en donnant Chair et Sang au Christ, comment en effet, aurait-il
pu servir ensuite à des enfantements d'hommes pécheurs ?
Et déjà, vers 400, le pape Siricius disait, à propos de Boronius, détracteur de la Virginité
perpétuelle : "La conscience chrétienne recule avec horreur devant la pensée que du même sein virginal d'où est né
le Christ, selon la chair, d'autres enfants soient sortis". La tradition unanime s'appuyait sur ce très fort argument
de convenance, ainsi que sur la prophétie d'Ezéchiel : "Cette porte sera fermée, elle ne s'ouvrira pas, nul homme
n’entrera par là, car Yaweh, le Dieu d'Israël, y est passé Lui-même" (Ez, 44, 2).
Certes l'Evangile employait le terme de "frères de Jésus" ; mais les premiers chrétiens y voyaient
sans difficultés la tournure hébraïque orientale qui y englobe les proches : cousins, neveux, oncles59.
C'est pourquoi, le pape Martin Ier fera entrer, dans une définition dogmatique du Concile de
Latran de 649, l'affirmation de la Virginité perpétuelle Marie est la Toujours-Vierge. Depuis, de nombreux
actes du magistère solennel ont confirmé ce titre : Symboles (Credo), Conciles de Latran IV, Lyon II,
Trente...
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59 Cf. P. Lagrange, l'Evangile selon Saint Marc, p. 72-73.
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Ill SAINTETE, L'IMMACULEE CONCEPTION
En ce 8 décembre 1854, le développement du dogme de l'Immaculée-Conception se concluait
dans la définition solennelle du Pontife Pie IX : "Par une grâce et un privilège singulier de Dieu Tout-Puissant, et
en considération des mérites de Jésus-Christ sauveur du genre humain, la Très Bienheureuse Vierge Marie a été, au
premier instant de sa conception, préservée et exemptée de toute tache du péché originel" (Bulle Ineffabibis Deus).
Cette fleur de l'Immaculée-Conception avait tôt germé dans la pensée de l'Eglise. Dès le IIème
siècle, les Pères opposent Eve, "cause de la mort, à Marie, cause de la vie" (saint Ephrem) et du salut,
réalisant la promesse de la genèse : la femme (ou sa descendance) doit écraser la tête du démon (Gn 3,
15). Pour une telle mission, une conception sainte semblait plus nécessaire : "En vous Seigneur, il n'y a
aucune faute, et en votre Mère aucune tache" dit le même saint Ephrem.
Et saint Augustin écrira : "Aussitôt conçue, elle fut dans l'appartenance divine par une grâce de
renaissance". Le Concile de Latran de 649 appelle Marie "toujours Vierge Immaculée". A partir du VIIème
siècle, la fête de l'Immaculée-Conception est célébrée, d'abord en Orient, puis dans toute l'Europe.
Néanmoins, si d'éminents théologiens, comme saints Thomas, Bernard ou Bonaventure, sont peu
favorables au privilège, il faut noter qu'ils entendaient prioritairement -et avec prudence- défendre
l'universalité de la Rédemption. Ce fut l'immense mérite du bienheureux Duns Scot ( 1309), de percevoir
qu'en Marie la Rédemption fut non pas libératrice, mais préservatrice. L'oraison de la fête de l'Immaculée-
Conception, approuvée par Sixte IV en 1476, dit déjà : "(Marie) a été préservée de toute tache, en
prévision de la mort de son fils", et en bénéficiant des vertus de ce même Salut.
Tout s'harmonise ! La Vierge est préservée par et pour son Fils, parce qu'Elle va être Mère du
Sauveur. Elle est la première sauvée : en elle le mystère du Salut trouve sa plus belle réalisation.
"L'Immaculée Conception, c'est cette grâce de ne plus mettre nul obstacle à l'irruption de la grâce", écrit le P.
Bouyer60.
Marie-Immaculée figure déjà l'Eglise sans tache. Un pèlerin de Chartres, en tête de notre colonne
fervente, Péguy, disait : "Le sens de tout est l'Immaculée-Conception". Simple formule de poète ? Non, certes.
Chantons donc avec la Liturgie :
"Tota pulchra es, ô Maria, et macula originalis non est in te".
(Vêpres du 8 décembre)
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60 P. Bouyer Le Trône de la Sagesse, Paris, 1957, p. 178-183.
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IV L'ASSOMPTION DE LA TRES-SAINTE VIERGE MARIE
Le mystère marial trouve ici un couronnement.
Le pape Pie XII, le 1er novembre 1950, engageait son autorité infaillible, disant au monde entier :
"Nous proclamons, déclarons et définissons que c'est un dogme divinement révélé par Dieu que Marie, l'Immaculée
Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. C
'est pourquoi, si quelqu'un -ce qu'à Dieu ne plaise- osait volontairement mettre en doute ce que nous avons défini, qu'il
'sache qu'il a totalement abandonné la foi divine et catholique" (Bulle Munificentissimus Deus).
Combien nous voyons, en ces lignes solennelles, que le dogme marial est intrinsèque à notre
Credo catholique ! Car le refus d'une des colonnes de la Foi porte atteinte à tout l'édifice de l'Eglise.
L'Eglise n'a pas voulu définir si Marie mourut comme nous devons mourir. Même si "la mort est le
salaire du péché" et que la Vierge jamais ne pécha, peut-être néanmoins dût-elle suivre son Fils en cette
mort ? La question n'est pas tranchée. La théologie parle de dormition ; et seule est dogmatique
l'exemption de toute corruption et la glorification (corps et âme).
Ici encore, c'est toujours en lien avec la Christologie qu'il nous faudra considérer ce mystère : la
Vierge victorieuse, l'Associée du Rédempteur, rejoint son Fils dans la gloire. La Liturgie a vu en elle la
femme "revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles" (Ap 12, 1).
Enfin, la Vierge incarne l'espérance de l'humanité : première de cordée, elle nous ouvre la voie ; et
ce dogme nous assure infailliblement de l'état de gloire auquel nous sommes promis, si nous ne refusons
pas la grâce.
V DEUX GRANDES VERITES : Co-rédemption et Médiation
Ce ne se sont pas encore des dogmes définis ; on nous pardonnera de les citer ici, mais ces
vérités sont certaines, et définissables comme dogmes par le Magistère de l'Eglise. Il serait grave de les
nier.
A l'opposé, il serait erroné de considérer la Vierge à côté de son Fils, de telle sorte qu'en le
complétant, elle soulignerait, dans l'acte rédempteur du Christ ou l'application des grâces de la Croix une
insuffisance, une imperfection. Erreur manifeste ! La Révélation, par la bouche de saint Paul, est formelle :
"il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus fait homme, qui s'est donné
Lui-même en rançon pour tous" (1 Tm 2, 5).
Le Christ est l'unique Rédempteur. Mais il a plu à Dieu d'associer la Vierge à notre rachat. Déjà,
par le "Fiat" de l'Annonciation, elle a donné son consentement "à la place de toute la nature humaine", pour
cette oeuvre de salut (Cf. IIIa, q 30, a 1). Puis, au Golgotha, dit saint Pie X : "Par la communion de douleur et
de volonté qui l'unissait au Christ, Marie a mérité de devenir, de manière très haute, la réparatrice du monde déchu"
61.
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61 Encyclique Ad Diem Illud, 1904.
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Prenant l'exemple émouvant de la conversion du grand saint Augustin, le Cardinal Journet écrit :
"la conversion d'Augustin est un effet total, unique, indissociable, dû tout entier au Christ comme Rédempteur et à
Marie comme Co rédemptrice" 62. Co-rédemptrice dans et par le Rédempteur, comme cause seconde,
subordonnée, dispositive, elle a "avec le Christ, racheté le genre humain" (Benoit XV).
Toute grâce nous vient de la Croix. Mais Marie, en cette heure suprême, eut son Coeur virginal
transpercé d'un glaive de douleur, offrant son fils pour nous. Nous engendrant comme Mère, cette fois
dans la douleur, elle devint le "premier instrument de la dispensation de la grâce" (saint Pie X), Médiatrice.
Déjà, à Cana, elle avait obtenu de son Fils le premier miracle (Jn 2, 1-12). Elle est, selon
l'expression chère à saint Bernard, "l'aqueduc de toutes les grâces". Médiatrice dans le Médiateur,
subordonnée à lui, "ainsi la Vierge est pleine de toute les grâces, qui toutes sans exception passent par sa main"
(saint Albert le Grand).
INSTITUT DE L'OPUS MARIAE
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62 Cardinal C. Journet, L'Eglise du Verbe Incarné, T. H, p. 420.
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