Mise au point Génétique du diabète insipide néphrogénique : récepteur V2 de la vasopressine et aquaporine-2 D. Morin*,**, C. Barberis* ✎ Le diabète insipide néphrogénique congénital est une entité rare, à caractère héréditaire, défini par une incapacité du rein à concentrer les urines, secondairement à une résistance du tube collecteur à l’action de la vasopressine. ✎ Les formes de transmission liée à l’X (90 % des cas) s’expriment, en général, chez le garçon dès la période néonatale, la symptomatologie chez les femmes transmettrices est variable mais peut être parfois assez marquée. ✎ Les formes de transmission autosomale récessive ou dominante sont plus rares, elles s’expriment précocement et de manière équivalente chez les deux sexes. ✎ Les données de la biologie moléculaire ont montré que les formes de transmission liées à l’X sont secondaires à des mutations du gène codant le récepteur V2 de la vasopressine, responsables d’une perte de fonction de ce récepteur. Certaines de ces mutations peuvent entraîner un phénotype partiel. ✎ Les formes de transmission autosomale récessive et dominante sont liées à des mutations du gène codant le canal à eau aquaporine-2. La différence dans le mode d’expression est liée à la nature de la mutation, car les conséquences fonctionnelles varient en effet selon son site et peuvent alors s’exprimer sur un mode dominant ou récessif. ✎ Au cours du test à la dDAVP, on peut tenter de différencier les formes liées à une perte de fonction du récepteur V2 de celles liées à une anomalie de l’aquaporine-2. Dans ce dernier cas, la production des facteurs VIII et von Willebrand après administration de dDAVP n’est pas perturbée. ✎ La prise en charge thérapeutique reste à ce jour symptomatique, mais des perspectives de traitement de certains patients porteurs de mutations du gène du récepteur V2 de la vasopressine par des antagonistes non peptidiques de ce récepteur sont réelles. * INSERM U469, CCIPE, Montpellier. ** Service de pédiatrie I, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, CHU Montpellier. L e diabète insipide néphrogénique congénital (DINc) est une entité rare, à caractère héréditaire, dont le trouble essentiel réside, chez les patients atteints, en une incapacité à concentrer les urines malgré des taux circulants élevés d’hormone antidiurétique (ou arginine-vasopressine : AVP). Les données récentes de biologie moléculaire ont permis de différencier, parmi les formes de DINc, celles liées à des mutations du gène du récepteur V2 de la vasopressine (RV2), de transmission liée à l’X, de celles liées à des mutations du gène de l’aquaporine-2 (AQP2), de transmission autosomique récessive ou autosomique dominante. Historique - Épidémiologie Sur le plan historique, Forsman a été le premier à décrire une forme rare de diabète insipide “résistant” à l’action de l’AVP et de transmission liée à l’X (1). En 1947, Williams et Henry utilisent le terme “néphrogénique” pour décrire cette entité (2). Ultérieurement, des études génétiques s’appuyant sur l’analyse d’arbres généalogiques complets ont été réalisées. Il a ainsi été montré que le groupe le plus vaste de patients portant la maladie est la famille Hopewell, ainsi nommée d’après le nom du bateau Hopewell, qui est arrivé à Halifax (Nouvelle-Écosse) en 1761. Selon l’hypothèse Hopewell, fondée sur la prévalence élevée de DINc parmi les descendants de ces Écossais de l’Ulster, la plupart des cas de DINc d’Amérique du Nord auraient pour origine cette vague d’émigration (3). Plus tard, des cas de DINc ont également été répertoriés dans d’autres familles nordaméricaines, sans lien de parenté avec les descendants des voyageurs du Hopewell, ce qui a invalidé cette théorie. Des patients ont ensuite été signalés en Europe, Australie, Afrique du Nord, au Japon, etc. Plus récemment, des études ont permis de mettre en évidence un lien étroit entre le locus du DINc et plusieurs marqueurs de la 224 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 évidence des mutations du gène du RV2. Dans la population générale, l’incidence de cette forme de transmission liée à l’X serait de 8,8 par million d’enfants mâles nés vivants. Parallèlement, en raison d’un événement de type effet fondateur, cette incidence est retrouvée significativement plus élevée dans certaines provinces du Canada (Nouvelle-Écosse, NouveauBrunswick) (5,6). Physiopathologie des DINc Figure 1. Représentation schématique des systèmes de transport de solutés impliqués dans les mécanismes de concentration de l’urine au niveau des différents segments du tubule rénal. Sont également indiqués les sites d’action de différentes molécules ainsi que les systèmes cellulaires (récepteurs, transporteurs ou canaux) impliqués dans différentes tubulopathies. région télomérique du chromosome X, en position Xq28. Cela confirmait le mode de transmission lié à l’X existant dans la majorité des cas, mais ne permettait pas d’expliquer les cas, plus rares, de transmission autosomique récessive ainsi que les cas, encore plus rares, de transmission autosomique dominante (4). L’identification, la caractérisation et le séquençage de deux gènes différents, à savoir le gène du RV2 humain, d’une part, et le gène codant pour le canal à eau AQP2, d’autre part, ont permis de définir les bases moléculaires des différentes formes de transmission de la maladie. Dans plus de 90 % des cas étudiés à ce jour, on met en Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 Rappels sur les mécanismes de concentration de l’urine Le diabète insipide néphrogénique congénital est caractérisé, quelle qu’en soit la forme, par un état de résistance du tube collecteur du rein à l’action de l’AVP. Celui-ci se traduit par une incapacité pour l’individu atteint d’augmenter son osmolalité urinaire, même en situation de déshydratation caractérisée par des taux plasmatiques élevés d’AVP. Le filtrat glomérulaire est d’environ 170 l par jour chez l’adulte, alors que le volume d’urine définitive varie entre 1 et 1,5 l par 24 heures. Cela s’explique par une réabsorption d’eau siégeant tout au long du tubule rénal et qui porte sur 85 % du filtrat glomérulaire, alors que le mécanisme de concentration de l’urine proprement dit porte sur les 15 % restants et permet ainsi au débit d’urine définitive de varier entre 0,5 et 15 % du filtrat glomérulaire. Le mécanisme de concentration de l’urine est un mécanisme très complexe qui dépend, en particulier, de l’architecture du néphron, du transport actif de solutés dans la partie ascendante de l’anse de Henlé et enfin de la perméabilité, contrôlée par l’AVP, du tube collecteur à l’eau et à l’urée. Ce dernier facteur est tout à fait essentiel. Le fluide tubulaire qui se présente au niveau du tube collecteur est à la fois hypotonique et pauvre en sodium. En situation d’antidiurèse, l’eau est réabsorbée sous l’influence de l’AVP au niveau du tube 225 Mise au point Figure 2. Représentation schématique d’une cellule principale du tube collecteur du rein et des mécanismes cellulaires d’action de l’AVP sur la perméabilité à l’eau de la membrane luminale (5). Figure 3a. Représentation schématique du récepteur V2 humain et localisation de 72 mutations naturelles liées au DINc. collecteur, dans sa portion corticale et médullaire. Cette augmentation de la perméabilité à l’eau de la paroi du tube collecteur permet, sans la nécessité de réaliser de transport actif, de réabsorber par simple diffusion des quantités significatives d’eau, à condition qu’existe un gradient de pression osmotique transépithélial efficace. Cette perméabilité à l’eau permet donc d’équilibrer l’osmolalité du fluide tubulaire avec celle du tissu interstitiel, elle-même liée à l’existence du gradient de concentration corticopapillaire. La réabsorption de l’urée, au niveau de la partie médullaire du tube collecteur est en partie sous la dépendance de l’AVP. L’urée réabsorbée va également participer à l’hypertonicité de l’interstitium médullaire et contribuer à l’entretien du gradient de concentration corticopapillaire qui fournit une force motrice pour la réabsorption de l’eau. En pathologie, tous les éléments qui viennent perturber soit la création du gradient de concentration corticopapillaire du rein, soit la perméabilité à l’eau du tube collecteur, sont responsables d’une perte du pouvoir de concentration de l’urine (figure 1). Mécanismes intracellulaires d’action de l’AVP L’augmentation de la perméabilité à l’eau de la cellule principale du tube collecteur du rein est dépendante de la liaison de l’AVP au RV2, situé au niveau du pôle apical de la cellule (figure 2). Le RV2 est un polypeptide appartenant à la superfamille des récepteurs couplés aux protéines G. Constitué de 371 acides aminés, il est caractérisé par la présence de sept α-hélices hydrophobes, transmembranaires, reliées alternativement par des boucles intra- et extracellulaires, un domaine N-terminal extracellulaire et un domaine C-terminal intracellulaire (figure 3a). La liaison hormone-récepteur est responsable de l’activation de l’adénylylcyclase, enzyme membranaire, dont l’acti- 226 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 Signes cliniques et biologiques Figure 3b. Représentation schématique du canal à eau humain aquaporine-2. Localisation des principales mutations responsables d’un DINc, dans sa forme autosomique récessive (bleu) et dans sa forme autosomique dominante (rouge (19)). vation permet l’hydrolyse de l’ATP en AMPc (7). Cette augmentation de la concentration intracellulaire d’AMPc, qui est régulée par l’action d’une AMPc phosphodiestérase, est à l’origine d’une cascade d’événements intracellulaires, comportant l’activation de protéines-kinases A et la phosphorylation de certaines molécules, ce qui va entraîner la modification de la position des microtubules faisant partie du cytosquelette subapical et conduire à la fusion des agréphores avec la membrane luminale. Ces agréphores sont des vésicules intracytoplasmiques qui contiennent des “canaux à eau” de type AQP2, et leur incorporation à la membrane luminale, sous l’effet de l’AVP, va permettre une augmentation significative de la perméabilité à l’eau de cette membrane et donc une réabsorption d’eau à partir du fluide tubulaire (8). L’AQP2 est un polypeptide de 271 acides aminés, formé de six domaines transmembranaires entourés des parties Net C-terminales intracellulaires, organisé en deux répétitions orientées à 180° l’une par rapport à l’autre (figure 3b). Les canaux de type AQP2 fusionnent à la membrane luminale sous l’action de l’AVP et retournent dans le cytoplasme lorsque l’AVP n’active plus le RV2. Il est évident que la déficience de l’une quelconque des étapes de cette cascade d’événements sera à l’origine d’une imperméabilité à l’eau des cellules principales du canal collecteur du rein et donc d’un diabète insipide. Les anomalies identifiées dans cette cascade d’événements sont : – l’absence d’AVP circulante, responsable d’un diabète insipide central ; – des mutations du gène du RV2, responsables d’un DINc lié à l’X ; – une hyperactivité de la phosphodiestérase qui dégrade l’AMPc au fur et à mesure de sa production, empêchant l’insertion des vésicules intracytoplasmiques qui contiennent les canaux à eau, mise en évidence dans un modèle animal de souris par H.Valtin (9) ; – des mutations du gène de l’AQP2, responsables de DINc autosomal dominant ou récessif, selon le type de mutation. Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 Classiquement, l’expression de la maladie, quelle qu’en soit la forme, est précoce. Elle se traduit chez les nouveau-nés et nourrissons atteints par une mauvaise croissance pondérale, une anorexie, une fébricule, une constipation, liées à un bilan hydrique négatif. Une attirance particulière pour l’eau est souvent notée. Des accidents de déshydratation aiguë sont possibles, survenant parfois à l’occasion d’une augmentation des pertes extrarénales (diarrhée, vomissement). Ils peuvent être responsables de complications neurologiques. Dans la forme de transmission liée à l’X, une expression clinique moins sévère est possible. Cela s’observe chez des patients mâles ayant une expression phénotypique incomplète et ces enfants présentent une polyurie, mais moins importante que dans la forme classique, et sans retentissement significatif sur leur développement. Certaines femmes transmettrices peuvent également présenter une symptomatologie clinique significative, avec parfois une expression précoce et relativement sévère alors que d’autres restent asymptomatiques. Il faut donc savoir évoquer ce diagnostic chez une patiente présentant un tableau de DINc (6). L’inactivation du chromosome X porteur de l’allèle normal du gène codant le RV2 serait responsable de l’expression clinique chez ces filles symptomatiques, mais son mécanisme exact reste discuté (6). Biologiquement, le diagnostic est évoqué devant des signes de déshydratation avec hypernatrémie, et hyperosmolalité sanguine associée à une hypo-osmolalité urinaire. Classiquement, une natrémie supérieure à 145 mmol/l, associée à une osmolalité plasmatique supérieure à 295 mOsm/kg d’eau et une osmolalité urinaire inférieure à 300 mOsm/kg d’eau, est très évocatrice d’un trouble de concentration de l’urine. Les causes en sont multiples. L’échographie rénale et les paramètres biologiques de filtration glomérulaire permet- 227 Mise au point tent facilement d’éliminer une hypoplasie rénale ou une pathologie tubulo-interstitielle chronique à l’origine de ce trouble de concentration. De même, les données biologiques plasmatiques et urinaires doivent permettre d’éliminer les autres causes de tubulopathies d’expression précoce : syndrome de Bartter, syndrome de Fanconi, quelle qu’en soit la cause, etc. Il faut aussi savoir que certaines formes, très rares de diabète insipide central peuvent avoir une expression précoce. Le diagnostic différentiel peut être fait par dosage plasmatique de l’AVP dont le taux est bas, dans les cas de diabètes insipides centraux. Le test à la dDAVP, agoniste peptidique du RV2, est également intéressant. Il permet de faire le diagnostic de l’origine néphrogénique du diabète insipide. Il peut également permettre de différencier les formes liées à une perte de fonction du RV2 de celles liées à des anomalies de l’AQP2. En effet, dans les cas de mutation du gène du RV2, il n’y a pas d’élévation de l’osmolalité urinaire, d’une part, ni d’augmentation de la production des facteurs VIII et von Willebrand, d’autre part, traduisant une absence de réponse de type V2 extrarénale. Chez les femmes transmettrices de la mutation, les réponses en osmolalité urinaire et production de ces facteurs de coagulation sont généralement retrouvées à un niveau intermédiaire. Inversement, dans les cas de mutation du gène de l’AQP2, responsables d’une expression dominante ou récessive de la maladie, si l’élévation de l’osmolalité urinaire est absente, la réponse en facteurs VIII et von Willebrand est, elle, conservée. DINc par mutations du gène du RV2 Les premières études génétiques réalisées ont permis d’infirmer l’hypothèse du Hopewell émise par Bode et Crawford, en 1969. En effet, elles ont montré que l’haplotype de ségrégation de la région Xq28 des patients descendant des voyageurs du Hopewell n’était pas le même que celui retrouvé chez les patients d’autres familles nord-américaines, ce qui a également été démontré par la mise en évidence de nombreuses mutations différentes du gène du RV2, responsables de cette pathologie dans des familles de ce continent (5, 6). Le clonage du gène du RV2 humain a été réalisé par Birnbaumer et al. en 1992 à partir d’une banque d’expression génomique et a permis de montrer que l’ADNc codant le RV2 humain est constitué de 1 163 nucléotides contenant un cadre de lecture de 1 113 nucléotides (10). Les premières études concernant l’identification, sur des bases moléculaires, d’anomalies du gène du RV2 humain chez des patients présentant un DINc ont été publiées en 1992. Ainsi, Rosenthal et al. ont mis en évidence chez un de ces patients, une délétion d’une guanosine qui, en modifiant le codon 246, change le cadre de lecture et aboutit à une terminaison prématurée en position 270 (11). Depuis ces travaux préliminaires, plus de 150 mutations de l’AVPR2 ont été rapportées, dont certaines sont récurrentes. Parmi ces mutations, on peut distinguer : – celles qui aboutissent à un récepteur tronqué, soit par décalage du cadre de lecture, après délétion ou insertion, soit par mutation ponctuelle non-sens ; – celles qui aboutissent à un récepteur modifié seulement sur quelques acides aminés, soit par délétion en ne modifiant pas le cadre de lecture, soit par mutation faux-sens aboutissant à la substitution d’un acide aminé par un autre. Certaines de ces mutations surviennent de novo, alors que d’autres s’inscrivent dans un contexte familial de DINc. Cette grande diversité de mutations décrites par rapport à la rareté de la maladie est en accord avec le concept général d’une maladie liée à l’X, létale dans le passé pour les patients mâles atteints, mais dont la prévalence est maintenue par la survenue de nouvelles mutations. En 2000, Bichet et al. avaient ainsi colligé 82 mutations différentes survenues dans 117 familles (9). Parmi celles-ci, une grande majorité des mutations récurrentes affectent les dinucléotides CpG, confirmant que les dinucléotides CpG méthylés sont fréquemment l’objet de mutations n’affectant qu’une seule base. Certaines de ces mutations ont été caractérisées sur le plan fonctionnel, ce qui a permis d’authentifier la responsabilité de ces mutations dans l’origine du défaut de sensibilité du tube collecteur du rein à l’action de l’AVP. Ces études fonctionnelles ont montré que le trafic intracellulaire était anormal pour la grande majorité des récepteurs mutés qui n’étaient pas exprimés au niveau de la membrane plasmique. Pour d’autres, les récepteurs mutés restent exprimés à la surface cellulaire, mais les capacités de liaison de l’AVP et de transmission du signal sont altérées. Enfin, un faible nombre de récepteurs mutants ne sont pas transcrits. Ces études ont permis de préciser les bases pharmacologiques correspondant à un phénotype incomplet de la maladie, comme cela est le cas pour les mutations D85N ou P322S. Pour les patients concernés, on constate une élévation significative, intermédiaire par rapport à la normale, de l’osmolalité urinaire au cours du test à la dDAVP. In vitro, l’analyse fonctionnelle de ces récepteurs mutants a montré que la perte de fonction partielle constatée était expliquée par une baisse de l’affinité de ces récepteurs pour l’AVP, ainsi que par une altération de leurs propriétés de couplage avec, cependant, conservation d’une certaine capacité de production d’AMPc après stimulation par l’AVP (12, 13). DINc par mutations du gène de l’AQP2 Le polymorphisme des modes de transmission de la maladie et de l’expression phénotypique, en particulier en ce qui concerne la conservation ou non d’une réponse de type “RV2 extrarénal”, d’une part, ainsi que la connaissance des modalités d’action 228 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 de l’AVP au niveau des cellules principales du tube collecteur du rein, d’autre part, a conduit à incriminer les canaux à eau de type AQP2. Initialement, l’analyse du gène de l’AQP2, localisé en position 12q13, dans des familles de patients exprimant la maladie sous une forme autosomique récessive a permis de mettre en évidence des mutations des deux allèles formant ainsi des hétérozygoties composites (14,15). L’analyse fonctionnelle de ces mutations a été réalisée à l’aide d’un système d’oocytes de Xenope et a permis de montrer que cette double hétérozygotie était responsable d’une perturbation du transport intracytoplasmique des canaux mutés, qui restent “retenus” dans le réticulum endoplasmique (16). Plus récemment, il a été montré que des mutations du gène de l’AQP2 pouvaient s’exprimer sur un mode de transmission autosomal dominant, comme c’est le cas pour le mutant E258K (16). Des travaux ont été entrepris pour comprendre cette différence dans le mode d’expression, selon le type de mutation en cause. Ils suggèrent qu’à l’état normal, les canaux à eau AQP2 forment, comme les autres aquaporines, des tétramères au cours de la maturation intracytoplasmique de l’AQP2, qui se fait à travers le réticulum endoplasmique, puis dans l’appareil de Golgi, avant la formation de vésicules (ou agréphores) qui vont s’incorporer à la membrane cellulaire et permettre l’augmentation de la perméabilité à l’eau. La présence d’une mutation à l’état homozygote ou d’une hétérozygotie composite, retrouvée dans les cas de transmission récessive, empêcherait cette oligomérisation, expliquant que les protéines soient retrouvées “trappées” dans le réticulum endoplasmique, puis dégradées dans les protéasomes. Dans la forme autosomale dominante, la mutation retrouvée sur le gène de l’AQP2 n’empêche pas la formation de tétramères avec la protéine AQP2 “sauvage”, également présente, puisqu’un des allèles codant est sain. Il a cependant été montré que le complexe protéique formé avec l’AQP2 mutante est alors retenu dans l’appareil de Golgi et ne peut donc être incorporé à la membrane cellulaire. Ce phénomène, en bloquant le trafic intracellulaire, empêcherait l’incorporation d’une quantité suffisante d’AQP2 “sauvage” à la membrane plasmique. Il s’agit ici d’un exemple rare de maladie dominante où la perte de fonction est liée à une perturbation du trafic intracellulaire de la protéine “sauvage” et non à une absence de fonction de celle-ci (17). Aspects thérapeutiques Le traitement du DINc reste symptomatique à ce jour et parfois délicat dans les premières semaines de vie. Le but est d’éviter une déshydratation chronique et des épisodes de déshydratation aiguë chez des enfants dont les besoins hydriques peuvent dépasser 200 ml/kg/jour, ce qui peut nécessiter la mise en place d’une nutrition entérale à débit continu. Le traitement est fondé sur une diététique contrôlée en protides et en sodium afin de limiter les pertes d’eau “obligatoires”. L’utilisation d’indométacine et/ou d’hydrochlorothiazide, en induisant une baisse de la filtration glomérulaire, permet de limiter la diurèse de ces patients. Des perspectives thérapeutiques spécifiques existent cependant. Cela concerne en particulier certains mutants du RV2 retenus dans le réticulum endoplasmique, pour lesquels il a pu être montré, in vitro, que l’incubation de cellules exprimant ces récepteurs mutés avec un ligand antagoniste non peptidique du RV2 permettait de restaurer l’expression membranaire de ces récepteurs mutants. Une fois à la membrane plasmique, ces récepteurs mutants, après élimination de l’antagoniste par simple lavage, peuvent être activés par l’AVP et ainsi induire une production d’AMPc (18). L’hypothèse retenue est que la mutation du gène du RV2 ne serait, dans ce cas, pas responsable d’une absence de fonction du récepteur muté mais perturberait surtout Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 son trafic intracellulaire. Le ligand antagoniste non peptidique apte, en raison de ses propriétés chimiques, à entrer dans la cellule jouerait un rôle de molécule “chaperonne”. Celle-ci, en se liant au récepteur muté, permettrait la stabilisation du complexe dans une conformation autorisant sa sortie du réticulum endoplasmique et donc la poursuite de la maturation et de l’adressage membranaire du récepteur. D’autres mécanismes sont possibles mais restent à préciser. Des ligands antagonistes non peptidiques du RV2 sont actuellement en cours de développement, ce qui devrait permettre de vérifier très rapidement, in vivo, ce concept de restauration de fonction, à condition sans doute que leur demi-vie soit assez courte et que leur utilisation soit efficace, dans cette indication, à relativement faible concentration. Concernant les mutants aquaporine-2, des travaux analogues ont été conduits à l’aide de molécules chaperonnes de type glycérol, laissant supposer que ce type de stratégie thérapeutique pourrait être également appliqué dans ces cas (19). Conclusion Le DINc est une pathologie rare mais pour laquelle les progrès de ces dix dernières années ont permis une compréhension très avancée des mécanismes physiopathologiques en cause dans les différentes formes de cette tubulopathie. Ainsi, les données de biologie moléculaire ont permis de différencier avec précision les anomalies présentes, à l’échelon moléculaire, dans les différentes formes de DINc, qu’elles soient de transmission liée à l’X ou de transmission autosomique récessive ou dominante. Il est cependant très important de noter que ces connaissances nouvelles ont, d’une part, un intérêt diagnostique, et d’autre part, permis une compréhension des différents mécanismes responsables de la perte 229 Mise au point de fonction, que ce soit pour le RV2 ou pour l’AQP2. Dans le prolongement de ces travaux, des débouchés thérapeutiques semblent se profiler puisque, en particulier pour les RV2 mutés, des données récentes suggèrent qu’une restauration de fonction de certains récepteurs mutés est possible avec l’aide de molécules “chaperonnes”. Références 1. Forsman H. On the mode of hereditary transmission in diabetes insipidus. Nordisc Medecin 1942 ; 16 : 3211-3. 2. Williams HR, Henry C. 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Dans le DINc par mutation du gène du récepteur V2 de la vasopressine, les femmes transmettrices ne sont jamais symptomatiques. 230 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000