Génétique du diabète insipide néphrogénique : récepteur V2 de la

publicité
Mise au point
Génétique du diabète insipide
néphrogénique : récepteur V2
de la vasopressine et
aquaporine-2
D. Morin*,**, C. Barberis*
✎ Le diabète insipide néphrogénique
congénital est une entité rare, à caractère héréditaire, défini par une incapacité du rein à concentrer les urines,
secondairement à une résistance du
tube collecteur à l’action de la vasopressine.
✎ Les formes de transmission liée à
l’X (90 % des cas) s’expriment, en
général, chez le garçon dès la période
néonatale, la symptomatologie chez les
femmes transmettrices est variable
mais peut être parfois assez marquée.
✎ Les formes de transmission autosomale récessive ou dominante sont
plus rares, elles s’expriment précocement et de manière équivalente chez les
deux sexes.
✎ Les données de la biologie moléculaire ont montré que les formes de
transmission liées à l’X sont secondaires à des mutations du gène codant
le récepteur V2 de la vasopressine, responsables d’une perte de fonction de ce
récepteur. Certaines de ces mutations
peuvent entraîner un phénotype partiel.
✎ Les formes de transmission autosomale récessive et dominante sont liées
à des mutations du gène codant le canal
à eau aquaporine-2. La différence dans
le mode d’expression est liée à la nature de la mutation, car les conséquences
fonctionnelles varient en effet selon son
site et peuvent alors s’exprimer sur un
mode dominant ou récessif.
✎ Au cours du test à la dDAVP, on peut
tenter de différencier les formes liées à
une perte de fonction du récepteur V2
de celles liées à une anomalie de
l’aquaporine-2. Dans ce dernier cas,
la production des facteurs VIII et von
Willebrand après administration de
dDAVP n’est pas perturbée.
✎ La prise en charge thérapeutique
reste à ce jour symptomatique, mais
des perspectives de traitement de certains patients porteurs de mutations du
gène du récepteur V2 de la vasopressine par des antagonistes non peptidiques de ce récepteur sont réelles.
* INSERM U469, CCIPE, Montpellier.
** Service de pédiatrie I, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, CHU Montpellier.
L
e diabète insipide néphrogénique congénital (DINc) est une entité rare, à
caractère héréditaire, dont le trouble essentiel réside, chez les patients atteints, en une
incapacité à concentrer les urines malgré
des taux circulants élevés d’hormone antidiurétique (ou arginine-vasopressine :
AVP). Les données récentes de biologie
moléculaire ont permis de différencier,
parmi les formes de DINc, celles liées à des
mutations du gène du récepteur V2 de la
vasopressine (RV2), de transmission liée à
l’X, de celles liées à des mutations du gène
de l’aquaporine-2 (AQP2), de transmission
autosomique récessive ou autosomique
dominante.
Historique - Épidémiologie
Sur le plan historique, Forsman a été le premier à décrire une forme rare de diabète
insipide “résistant” à l’action de l’AVP et
de transmission liée à l’X (1). En 1947,
Williams et Henry utilisent le terme
“néphrogénique” pour décrire cette entité
(2). Ultérieurement, des études génétiques
s’appuyant sur l’analyse d’arbres généalogiques complets ont été réalisées. Il a ainsi
été montré que le groupe le plus vaste de
patients portant la maladie est la famille
Hopewell, ainsi nommée d’après le nom du
bateau Hopewell, qui est arrivé à Halifax
(Nouvelle-Écosse) en 1761. Selon l’hypothèse Hopewell, fondée sur la prévalence
élevée de DINc parmi les descendants de
ces Écossais de l’Ulster, la plupart des cas
de DINc d’Amérique du Nord auraient
pour origine cette vague d’émigration (3).
Plus tard, des cas de DINc ont également
été répertoriés dans d’autres familles nordaméricaines, sans lien de parenté avec les
descendants des voyageurs du Hopewell, ce
qui a invalidé cette théorie. Des patients ont
ensuite été signalés en Europe, Australie,
Afrique du Nord, au Japon, etc.
Plus récemment, des études ont permis de
mettre en évidence un lien étroit entre le
locus du DINc et plusieurs marqueurs de la
224
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
évidence des mutations du gène du RV2.
Dans la population générale, l’incidence
de cette forme de transmission liée à l’X
serait de 8,8 par million d’enfants mâles
nés vivants. Parallèlement, en raison d’un
événement de type effet fondateur, cette
incidence est retrouvée significativement
plus élevée dans certaines provinces du
Canada (Nouvelle-Écosse, NouveauBrunswick) (5,6).
Physiopathologie des DINc
Figure 1. Représentation schématique des systèmes de transport de solutés impliqués dans les mécanismes de
concentration de l’urine au niveau des différents segments du tubule rénal. Sont également indiqués les sites
d’action de différentes molécules ainsi que les systèmes cellulaires (récepteurs, transporteurs ou canaux)
impliqués dans différentes tubulopathies.
région télomérique du chromosome X, en
position Xq28. Cela confirmait le mode de
transmission lié à l’X existant dans la
majorité des cas, mais ne permettait pas
d’expliquer les cas, plus rares, de transmission autosomique récessive ainsi que les
cas, encore plus rares, de transmission
autosomique dominante (4).
L’identification, la caractérisation et le
séquençage de deux gènes différents, à
savoir le gène du RV2 humain, d’une part,
et le gène codant pour le canal à eau AQP2,
d’autre part, ont permis de définir les bases
moléculaires des différentes formes de
transmission de la maladie. Dans plus de
90 % des cas étudiés à ce jour, on met en
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
Rappels sur les mécanismes
de concentration de l’urine
Le diabète insipide néphrogénique congénital est caractérisé, quelle qu’en soit la
forme, par un état de résistance du tube collecteur du rein à l’action de l’AVP. Celui-ci
se traduit par une incapacité pour l’individu atteint d’augmenter son osmolalité
urinaire, même en situation de déshydratation caractérisée par des taux plasmatiques
élevés d’AVP.
Le filtrat glomérulaire est d’environ 170 l
par jour chez l’adulte, alors que le volume
d’urine définitive varie entre 1 et 1,5 l par
24 heures. Cela s’explique par une réabsorption d’eau siégeant tout au long du
tubule rénal et qui porte sur 85 % du filtrat
glomérulaire, alors que le mécanisme de
concentration de l’urine proprement dit
porte sur les 15 % restants et permet ainsi
au débit d’urine définitive de varier entre
0,5 et 15 % du filtrat glomérulaire.
Le mécanisme de concentration de l’urine
est un mécanisme très complexe qui
dépend, en particulier, de l’architecture du
néphron, du transport actif de solutés dans
la partie ascendante de l’anse de Henlé et
enfin de la perméabilité, contrôlée par
l’AVP, du tube collecteur à l’eau et à l’urée.
Ce dernier facteur est tout à fait essentiel.
Le fluide tubulaire qui se présente au
niveau du tube collecteur est à la fois hypotonique et pauvre en sodium. En situation
d’antidiurèse, l’eau est réabsorbée sous
l’influence de l’AVP au niveau du tube
225
Mise au point
Figure 2. Représentation schématique d’une cellule principale du tube collecteur du rein et des mécanismes
cellulaires d’action de l’AVP sur la perméabilité à l’eau de la membrane luminale (5).
Figure 3a. Représentation schématique du récepteur V2 humain et localisation de 72 mutations naturelles
liées au DINc.
collecteur, dans sa portion corticale et
médullaire. Cette augmentation de la
perméabilité à l’eau de la paroi du tube
collecteur permet, sans la nécessité de réaliser de transport actif, de réabsorber par
simple diffusion des quantités significatives d’eau, à condition qu’existe un gradient de pression osmotique transépithélial
efficace. Cette perméabilité à l’eau permet
donc d’équilibrer l’osmolalité du fluide
tubulaire avec celle du tissu interstitiel,
elle-même liée à l’existence du gradient de
concentration corticopapillaire.
La réabsorption de l’urée, au niveau de la
partie médullaire du tube collecteur est en
partie sous la dépendance de l’AVP. L’urée
réabsorbée va également participer à
l’hypertonicité de l’interstitium médullaire
et contribuer à l’entretien du gradient de
concentration corticopapillaire qui fournit
une force motrice pour la réabsorption de
l’eau. En pathologie, tous les éléments qui
viennent perturber soit la création du gradient de concentration corticopapillaire du
rein, soit la perméabilité à l’eau du tube
collecteur, sont responsables d’une perte
du pouvoir de concentration de l’urine
(figure 1).
Mécanismes intracellulaires
d’action de l’AVP
L’augmentation de la perméabilité à l’eau
de la cellule principale du tube collecteur
du rein est dépendante de la liaison de
l’AVP au RV2, situé au niveau du pôle apical de la cellule (figure 2). Le RV2 est un
polypeptide appartenant à la superfamille
des récepteurs couplés aux protéines G.
Constitué de 371 acides aminés, il est
caractérisé par la présence de sept
α-hélices hydrophobes, transmembranaires, reliées alternativement par des
boucles intra- et extracellulaires, un
domaine N-terminal extracellulaire et un
domaine C-terminal intracellulaire (figure
3a). La liaison hormone-récepteur est responsable de l’activation de l’adénylylcyclase, enzyme membranaire, dont l’acti-
226
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
Signes cliniques et biologiques
Figure 3b. Représentation schématique du canal à eau humain aquaporine-2. Localisation des principales
mutations responsables d’un DINc, dans sa forme autosomique récessive (bleu) et dans sa forme autosomique dominante (rouge (19)).
vation permet l’hydrolyse de l’ATP en
AMPc (7). Cette augmentation de la
concentration intracellulaire d’AMPc, qui
est régulée par l’action d’une AMPc phosphodiestérase, est à l’origine d’une cascade
d’événements intracellulaires, comportant
l’activation de protéines-kinases A et la
phosphorylation de certaines molécules, ce
qui va entraîner la modification de la position des microtubules faisant partie du
cytosquelette subapical et conduire à la
fusion des agréphores avec la membrane
luminale. Ces agréphores sont des vésicules intracytoplasmiques qui contiennent
des “canaux à eau” de type AQP2, et leur
incorporation à la membrane luminale,
sous l’effet de l’AVP, va permettre une augmentation significative de la perméabilité à
l’eau de cette membrane et donc une réabsorption d’eau à partir du fluide tubulaire
(8). L’AQP2 est un polypeptide de
271 acides aminés, formé de six domaines
transmembranaires entourés des parties Net C-terminales intracellulaires, organisé en
deux répétitions orientées à 180° l’une par
rapport à l’autre (figure 3b). Les canaux de
type AQP2 fusionnent à la membrane luminale sous l’action de l’AVP et retournent
dans le cytoplasme lorsque l’AVP n’active
plus le RV2.
Il est évident que la déficience de l’une quelconque des étapes de cette cascade d’événements sera à l’origine d’une imperméabilité
à l’eau des cellules principales du canal collecteur du rein et donc d’un diabète insipide.
Les anomalies identifiées dans cette cascade
d’événements sont :
– l’absence d’AVP circulante, responsable
d’un diabète insipide central ;
– des mutations du gène du RV2, responsables d’un DINc lié à l’X ;
– une hyperactivité de la phosphodiestérase
qui dégrade l’AMPc au fur et à mesure de
sa production, empêchant l’insertion des
vésicules intracytoplasmiques qui contiennent les canaux à eau, mise en évidence
dans un modèle animal de souris par
H.Valtin (9) ;
– des mutations du gène de l’AQP2, responsables de DINc autosomal dominant ou
récessif, selon le type de mutation.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
Classiquement, l’expression de la maladie,
quelle qu’en soit la forme, est précoce. Elle
se traduit chez les nouveau-nés et nourrissons atteints par une mauvaise croissance
pondérale, une anorexie, une fébricule, une
constipation, liées à un bilan hydrique
négatif. Une attirance particulière pour
l’eau est souvent notée. Des accidents de
déshydratation aiguë sont possibles, survenant parfois à l’occasion d’une augmentation des pertes extrarénales (diarrhée,
vomissement). Ils peuvent être responsables de complications neurologiques.
Dans la forme de transmission liée à l’X,
une expression clinique moins sévère est
possible. Cela s’observe chez des patients
mâles ayant une expression phénotypique
incomplète et ces enfants présentent une
polyurie, mais moins importante que dans
la forme classique, et sans retentissement
significatif sur leur développement.
Certaines femmes transmettrices peuvent
également présenter une symptomatologie
clinique significative, avec parfois une
expression précoce et relativement sévère
alors que d’autres restent asymptomatiques. Il faut donc savoir évoquer ce diagnostic chez une patiente présentant un
tableau de DINc (6). L’inactivation du
chromosome X porteur de l’allèle normal
du gène codant le RV2 serait responsable
de l’expression clinique chez ces filles
symptomatiques, mais son mécanisme
exact reste discuté (6).
Biologiquement, le diagnostic est évoqué
devant des signes de déshydratation avec
hypernatrémie, et hyperosmolalité sanguine associée à une hypo-osmolalité urinaire.
Classiquement, une natrémie supérieure à
145 mmol/l, associée à une osmolalité
plasmatique supérieure à 295 mOsm/kg
d’eau et une osmolalité urinaire inférieure
à 300 mOsm/kg d’eau, est très évocatrice
d’un trouble de concentration de l’urine.
Les causes en sont multiples. L’échographie rénale et les paramètres biologiques de filtration glomérulaire permet-
227
Mise au point
tent facilement d’éliminer une hypoplasie
rénale ou une pathologie tubulo-interstitielle
chronique à l’origine de ce trouble de
concentration. De même, les données biologiques plasmatiques et urinaires doivent
permettre d’éliminer les autres causes de
tubulopathies d’expression précoce : syndrome de Bartter, syndrome de Fanconi,
quelle qu’en soit la cause, etc.
Il faut aussi savoir que certaines formes, très
rares de diabète insipide central peuvent
avoir une expression précoce. Le diagnostic
différentiel peut être fait par dosage plasmatique de l’AVP dont le taux est bas, dans les
cas de diabètes insipides centraux.
Le test à la dDAVP, agoniste peptidique du
RV2, est également intéressant. Il permet
de faire le diagnostic de l’origine néphrogénique du diabète insipide. Il peut également permettre de différencier les formes
liées à une perte de fonction du RV2 de
celles liées à des anomalies de l’AQP2. En
effet, dans les cas de mutation du gène du
RV2, il n’y a pas d’élévation de l’osmolalité urinaire, d’une part, ni d’augmentation
de la production des facteurs VIII et von
Willebrand, d’autre part, traduisant une
absence de réponse de type V2 extrarénale.
Chez les femmes transmettrices de la mutation, les réponses en osmolalité urinaire et
production de ces facteurs de coagulation
sont généralement retrouvées à un niveau
intermédiaire. Inversement, dans les cas de
mutation du gène de l’AQP2, responsables
d’une expression dominante ou récessive
de la maladie, si l’élévation de l’osmolalité
urinaire est absente, la réponse en facteurs
VIII et von Willebrand est, elle, conservée.
DINc par mutations
du gène du RV2
Les premières études génétiques réalisées
ont permis d’infirmer l’hypothèse du
Hopewell émise par Bode et Crawford, en
1969. En effet, elles ont montré que l’haplotype de ségrégation de la région Xq28 des
patients descendant des voyageurs du
Hopewell n’était pas le même que celui
retrouvé chez les patients d’autres familles
nord-américaines, ce qui a également été
démontré par la mise en évidence de nombreuses mutations différentes du gène du
RV2, responsables de cette pathologie dans
des familles de ce continent (5, 6).
Le clonage du gène du RV2 humain a été
réalisé par Birnbaumer et al. en 1992 à partir d’une banque d’expression génomique
et a permis de montrer que l’ADNc codant
le RV2 humain est constitué de
1 163 nucléotides contenant un cadre de
lecture de 1 113 nucléotides (10). Les premières études concernant l’identification,
sur des bases moléculaires, d’anomalies du
gène du RV2 humain chez des patients présentant un DINc ont été publiées en 1992.
Ainsi, Rosenthal et al. ont mis en évidence
chez un de ces patients, une délétion d’une
guanosine qui, en modifiant le codon 246,
change le cadre de lecture et aboutit à une
terminaison prématurée en position
270 (11). Depuis ces travaux préliminaires,
plus de 150 mutations de l’AVPR2 ont été
rapportées, dont certaines sont récurrentes.
Parmi ces mutations, on peut distinguer :
– celles qui aboutissent à un récepteur tronqué, soit par décalage du cadre de lecture,
après délétion ou insertion, soit par mutation ponctuelle non-sens ;
– celles qui aboutissent à un récepteur
modifié seulement sur quelques acides
aminés, soit par délétion en ne modifiant
pas le cadre de lecture, soit par mutation
faux-sens aboutissant à la substitution d’un
acide aminé par un autre.
Certaines de ces mutations surviennent de
novo, alors que d’autres s’inscrivent dans
un contexte familial de DINc. Cette grande
diversité de mutations décrites par rapport
à la rareté de la maladie est en accord avec
le concept général d’une maladie liée à l’X,
létale dans le passé pour les patients mâles
atteints, mais dont la prévalence est maintenue par la survenue de nouvelles mutations. En 2000, Bichet et al. avaient ainsi
colligé 82 mutations différentes survenues
dans 117 familles (9). Parmi celles-ci, une
grande majorité des mutations récurrentes
affectent les dinucléotides CpG, confirmant que les dinucléotides CpG méthylés
sont fréquemment l’objet de mutations
n’affectant qu’une seule base.
Certaines de ces mutations ont été caractérisées sur le plan fonctionnel, ce qui a permis d’authentifier la responsabilité de ces
mutations dans l’origine du défaut de sensibilité du tube collecteur du rein à l’action
de l’AVP. Ces études fonctionnelles ont
montré que le trafic intracellulaire était
anormal pour la grande majorité des récepteurs mutés qui n’étaient pas exprimés au
niveau de la membrane plasmique. Pour
d’autres, les récepteurs mutés restent
exprimés à la surface cellulaire, mais les
capacités de liaison de l’AVP et de transmission du signal sont altérées. Enfin, un
faible nombre de récepteurs mutants ne
sont pas transcrits. Ces études ont permis
de préciser les bases pharmacologiques
correspondant à un phénotype incomplet
de la maladie, comme cela est le cas pour
les mutations D85N ou P322S. Pour les
patients concernés, on constate une élévation significative, intermédiaire par rapport à la normale, de l’osmolalité urinaire
au cours du test à la dDAVP. In vitro,
l’analyse fonctionnelle de ces récepteurs
mutants a montré que la perte de fonction
partielle constatée était expliquée par une
baisse de l’affinité de ces récepteurs pour
l’AVP, ainsi que par une altération de leurs
propriétés de couplage avec, cependant,
conservation d’une certaine capacité de
production d’AMPc après stimulation par
l’AVP (12, 13).
DINc par mutations
du gène de l’AQP2
Le polymorphisme des modes de transmission de la maladie et de l’expression phénotypique, en particulier en ce qui concerne la conservation ou non d’une réponse de
type “RV2 extrarénal”, d’une part, ainsi
que la connaissance des modalités d’action
228
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
de l’AVP au niveau des cellules principales
du tube collecteur du rein, d’autre part, a
conduit à incriminer les canaux à eau de
type AQP2. Initialement, l’analyse du gène
de l’AQP2, localisé en position 12q13, dans
des familles de patients exprimant la maladie sous une forme autosomique récessive a
permis de mettre en évidence des mutations
des deux allèles formant ainsi des hétérozygoties composites (14,15). L’analyse fonctionnelle de ces mutations a été réalisée à
l’aide d’un système d’oocytes de Xenope et
a permis de montrer que cette double hétérozygotie était responsable d’une perturbation du transport intracytoplasmique des
canaux mutés, qui restent “retenus” dans le
réticulum endoplasmique (16). Plus récemment, il a été montré que des mutations du
gène de l’AQP2 pouvaient s’exprimer sur
un mode de transmission autosomal dominant, comme c’est le cas pour le mutant
E258K (16).
Des travaux ont été entrepris pour comprendre cette différence dans le mode d’expression, selon le type de mutation en
cause. Ils suggèrent qu’à l’état normal, les
canaux à eau AQP2 forment, comme les
autres aquaporines, des tétramères au cours
de la maturation intracytoplasmique de
l’AQP2, qui se fait à travers le réticulum
endoplasmique, puis dans l’appareil de
Golgi, avant la formation de vésicules (ou
agréphores) qui vont s’incorporer à la
membrane cellulaire et permettre l’augmentation de la perméabilité à l’eau. La
présence d’une mutation à l’état homozygote ou d’une hétérozygotie composite,
retrouvée dans les cas de transmission
récessive, empêcherait cette oligomérisation, expliquant que les protéines soient
retrouvées “trappées” dans le réticulum
endoplasmique, puis dégradées dans les
protéasomes.
Dans la forme autosomale dominante, la
mutation retrouvée sur le gène de l’AQP2
n’empêche pas la formation de tétramères
avec la protéine AQP2 “sauvage”, également présente, puisqu’un des allèles codant
est sain. Il a cependant été montré que le
complexe protéique formé avec l’AQP2
mutante est alors retenu dans l’appareil de
Golgi et ne peut donc être incorporé à la
membrane cellulaire. Ce phénomène, en
bloquant le trafic intracellulaire, empêcherait l’incorporation d’une quantité suffisante d’AQP2 “sauvage” à la membrane plasmique. Il s’agit ici d’un exemple rare de
maladie dominante où la perte de fonction
est liée à une perturbation du trafic intracellulaire de la protéine “sauvage” et non à
une absence de fonction de celle-ci (17).
Aspects thérapeutiques
Le traitement du DINc reste symptomatique à ce jour et parfois délicat dans les
premières semaines de vie. Le but est
d’éviter une déshydratation chronique et
des épisodes de déshydratation aiguë chez
des enfants dont les besoins hydriques peuvent dépasser 200 ml/kg/jour, ce qui peut
nécessiter la mise en place d’une nutrition
entérale à débit continu. Le traitement est
fondé sur une diététique contrôlée en protides et en sodium afin de limiter les pertes
d’eau “obligatoires”. L’utilisation d’indométacine et/ou d’hydrochlorothiazide, en
induisant une baisse de la filtration glomérulaire, permet de limiter la diurèse de ces
patients. Des perspectives thérapeutiques
spécifiques existent cependant. Cela
concerne en particulier certains mutants du
RV2 retenus dans le réticulum endoplasmique, pour lesquels il a pu être montré, in
vitro, que l’incubation de cellules exprimant ces récepteurs mutés avec un ligand
antagoniste non peptidique du RV2 permettait de restaurer l’expression membranaire de ces récepteurs mutants. Une fois à
la membrane plasmique, ces récepteurs
mutants, après élimination de l’antagoniste
par simple lavage, peuvent être activés par
l’AVP et ainsi induire une production
d’AMPc (18).
L’hypothèse retenue est que la mutation du
gène du RV2 ne serait, dans ce cas, pas
responsable d’une absence de fonction du
récepteur muté mais perturberait surtout
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
son trafic intracellulaire. Le ligand antagoniste non peptidique apte, en raison de ses
propriétés chimiques, à entrer dans la cellule jouerait un rôle de molécule “chaperonne”. Celle-ci, en se liant au récepteur
muté, permettrait la stabilisation du complexe dans une conformation autorisant sa
sortie du réticulum endoplasmique et donc
la poursuite de la maturation et de l’adressage membranaire du récepteur. D’autres
mécanismes sont possibles mais restent à
préciser.
Des ligands antagonistes non peptidiques
du RV2 sont actuellement en cours de
développement, ce qui devrait permettre de
vérifier très rapidement, in vivo, ce concept
de restauration de fonction, à condition
sans doute que leur demi-vie soit assez
courte et que leur utilisation soit efficace,
dans cette indication, à relativement faible
concentration.
Concernant les mutants aquaporine-2, des
travaux analogues ont été conduits à l’aide
de molécules chaperonnes de type glycérol, laissant supposer que ce type de stratégie thérapeutique pourrait être également
appliqué dans ces cas (19).
Conclusion
Le DINc est une pathologie rare mais pour
laquelle les progrès de ces dix dernières
années ont permis une compréhension très
avancée des mécanismes physiopathologiques en cause dans les différentes formes
de cette tubulopathie.
Ainsi, les données de biologie moléculaire
ont permis de différencier avec précision
les anomalies présentes, à l’échelon moléculaire, dans les différentes formes de
DINc, qu’elles soient de transmission liée à
l’X ou de transmission autosomique récessive ou dominante.
Il est cependant très important de noter que
ces connaissances nouvelles ont, d’une
part, un intérêt diagnostique, et d’autre
part, permis une compréhension des différents mécanismes responsables de la perte
229
Mise au point
de fonction, que ce soit pour le RV2 ou
pour l’AQP2. Dans le prolongement de ces
travaux, des débouchés thérapeutiques
semblent se profiler puisque, en particulier
pour les RV2 mutés, des données récentes
suggèrent qu’une restauration de fonction
de certains récepteurs mutés est possible
avec l’aide de molécules “chaperonnes”.
Références
1. Forsman H. On the mode of hereditary transmission in diabetes insipidus. Nordisc Medecin
1942 ; 16 : 3211-3.
2. Williams HR, Henry C. Nephrogenic diabetes
insipidus transmitted by females and appearing
during infancy in males. Ann Intern Med
1947 ; 27 : 84-95.
3. Bode HH, Crawford JD. Nephrogenic diabetes insipidus in North America. The Hopewell
hypothesis. N Engl J Med 1969 ; 280 : 750-4.
4. Bichet DG, Arthus MF, Lonergan M et al.
X-linked nephrogenic diabetes insipidus mutations in North America and the Hopewell hypothesis. J Clin Invest 1993 ; 92 : 1262-8.
5. Bichet DG, Oksche A, Rosenthal W.
Congenital nephrogenic diabetes insipidus.
J Am Soc Nephrol 1997 ; 8 : 1951-8.
6. Arthus MF, Lonergan M, Crumley MJ et al.
Report of 33 novel AVPR2 mutations and analysis of 117 families with X-linked nephrognic
diabetes insipidus. J Am Soc Nephrol 2000 ;
11 : 1044-54.
7. Orloff J, Handler J. The role of adenosine
3’,5’-phosphate in the action of antidiuretic
hormone. Am J Med 1967 ; 42 : 458-768.
8. Nielsen S, Chou CL, Marples D et al.
Vasopressin increases water permeability of kidney collecting duct by inducing translocation of
aquaporin water channels to plasma membrane.
Proc Natl Acad Sci USA 1995 ; 92 : 1013-7.
9. Valtin H, Homma S, Gapstur SM et al.
Identification of the defect in a strain of mice
with hereditary nephrogenic diabetes insipidus. In : Jard S, Jamison R, éd. Vasopressin,
Paris-Londres : John Libbey Eurotext Ltd.,
1991 :511-519
10. Birnbaumer M, Seibold A, Gilbert S et al.
Molecular cloning of the receptor for human antidiuretic hormone. Nature 1992 ; 357 : 333-5.
11. Rosenthal W, Siebold A, Antaramian A et al.
Molecular identification of the gene responsible
for congenital nephrogenic diabetes insipidus.
Nature 1992 ; 359 : 233-5.
12. Sadeghi H, Robertson GL, Bichet DG et al.
Biochemical basis of a partial nephrogenic diabetes insipidus. Mol Endocrinol 1997 ;
11 : 1806-13.
13. Ala Y, Morin D, Mouillac B et al.
Functionnal studies of twelve mutant receptors
related to nephrogenic diabetes insipidus :
molecular basis of a mild clinical phenotype.
J Am Soc Nephrol 1998 ; 9 : 1861-72.
14. Van Lieburg AF, Verdijk MAJ, Knoers NV et
al. Patients with autosomal recessive nephrogenic diabetes insipidus homozygous for mutations in the aquaporin-2 water channel gene.
Am J Hum Genet 1994 ; 55 : 648-52.
15. Denn PM, Verdijk MAJ, Knoers NV, et al.
Requirement of human renal water channel
aquaporin-2 for vasopressin dependent concentration of urine. Science 1994 ; 264 : 92-95.
16. Mulders SM, Bichet DG, Rijss JPL et al. An
aquaporin-2 water channel mutant which
causes autosomal dominant nephrogenic diabetes insipidus is retained in the Golgi complex.
J Clin Invest 1998 ; 102 : 57-66.
17. Kamsteeg EJ, Wormhout TAM, Rijss JPL et
al. An impaired routing of wild-type aquaporin2 after tetramerization with an aquaporin-2
mutant explains dominant nephrogenic diabetes
insipidus. EMBO J 1999 ; 18 : 2394-400.
18. Morello JP, Salahpour A, Laperriere A et al.
Pharmacological rescue cell-surface expression
and function of misfolded V2 vasopressin receptor mutants. J Clin Invest 2000 ; 105: 887-95.
19. Tamarappoo BK, Yang B, Verkman AS.
Misfolding of mutant aquaporin-2 water channels in nephrogenic diabetes insipidus. J Biol
Chem 1999 ; 274 : 34825-31.
auto-test
réponses page 262
1. Dans le DIN congénital, quel(s) est (sont)
le ou les modes de transmission possible :
A. autosomique récessif, uniquement
B. autosomique dominant, uniquement
C. récessif, lié à l’X, uniquement
D. autosomique récessif et lié à l’X, uniquement
E. autosomique récessif, dominant et lié à l’X
uniquement.
2. Vrai ou faux ?
En théorie, le test à la dDAVP intraveineux
permet de différencier les cas de DINc par
mutation de l’aquaporine-2 de ceux par mutation du récepteur V2 de la vasopressine.
3. Vrai ou faux ?
Dans le DINc par mutation du gène du récepteur V2 de la vasopressine, les femmes transmettrices ne sont jamais symptomatiques.
230
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
Téléchargement