LETTRE SCIENTIFIQUE
Immuno-protéomique - Moteurs moléculaires!3
certains sucres particuliers, comme l'héparane que
l'on retrouve dans la matrice extracellulaire de nos
tissus, mais aussi le chitosane qui est un consti-
tuant des parois de certains champignons, mais
aussi des parois de formes enkystantes de certains
protozoaires. Cette découverte ont immédiatement
amené ces chercheurs à réaliser certaines expérien-
ces visant à comprendre l'effet du chitosane sur les
cellules dendritiques.
Ces expériences ont alors montré que le chitosane
était capable d'induire une réponse partielle des
cellules dendritiques. Celles ci actionnent leur
programme d'activation membranaire, comme
pour tout démarrage d'une réponse immune, mais
s'avèrent incapables de sécréter les
cytokines nécessaires. En conséquence,
les cellules dendritiques traitées par le
chitosane sont incapables de stimuler
les lymphocytes T, et donc d'activer
une réponse immune efficace. Cepen-
dant, cette immunosuppression n'est
pas dominante : des cellules dendriti-
ques traitées en même temps par du
chitosane et des produits bactériens
comme le lipopolysaccharide, activateur puissant,
sont capables de stimuler normalement les lym-
phocytes T.
Replacés dans un contexte physiologique, ces ré-
sultats suggèrent que le chitosane peut induire une
immunodulation négative et localisée aux sites où
il est présent en fortes concentrations, typiquement
les sites d'infection par des organismes en conte-
nant dans leur paroi, et donc participer aux phé-
nomènes de survie de ces organismes en présence
du système immunitaire. Ceci pourrait contribuer
à expliquer la persistance de ces parasites, par un
mécanisme d'adaptation fin jouant sur les méca-
nismes de contrôle interne du système immuni-
taire, tout en évitant une immunosuppression
massive qui serait dommageable pour l'hôte et
pour le parasite.
Les mycoses cutanées, comme le pied
d'athlète, font partie des ces petites affections
dont il est difficile de se débarrasser, mais qui
restent bénignes. Ce n'est hélas pas le cas de
toutes les mycoses, qui peuvent être fatales
aux sujets immunodéprimés, ou d'autres in-
fections par des parasites comme les amibia-
ses. Ce qui caractérise ces affections, c'est leur
grande résistance au système immunitaire.
Celui-ci arrive souvent à les contrôler, mais
difficilement à les éradiquer, alors même que
ces parasites, non intracellulaires
et à croissance lente, devraient être
facilement éliminés par notre sys-
tème immunitaire.
Cette question peut sembler éloi-
gnée des analyses fondamentales
en immunologie, et pourtant le lien
est plus court qu'il n'y paraît.
L'équipe dirigée par Thierry Rabilloud du labora-
toire Biochimie et Biophysique des Systèmes Inté-
grés et des chercheurs de l'Institut Albert Bonniot, se
sont en effet intéressés au fonctionnement des cellu-
les dendritiques. Ces cellules jouent un rôle clé dans
la réponse immune en étant capables d'activer les
cellules effectrices de la réponse immune, en parti-
culier les lymphocytes T, qui activent à leur tour les
autres cellules effectrices de la réponse immune.
En étudiant par des techniques d'analyse protéomi-
que les protéines sécrétées par les cellules dendriti-
ques (analyse du secrétome), ces chercheurs ont
retrouvé les cytokines communément décrites, mais
aussi trouvé des protéines peu caractérisées, comme
la lectine YM1. Cette protéine a la capacité de lier
Pourquoi vous avez mal aux pieds, ou les surprises
de l'analyse immunoprotéomique
Référence
Villiers C, Chevallet M, Diemer H, Couderc R,
Freitas H, Van Dorsselaer A, Marche PN and
Rabilloud T. From secretome analysis to
immunology: Chitosan induces major
alterations in the activation of dendritic cells via
a TLR4-dependent mechanism. Molecular and
Cellular Proteomics, 2009, 8(6): 1252-1264
Contact : Thierry Rabilloud
UMR 5092 CEA - CNRS - UJF
Analyse protéomique des protéines sécrétées par les
cellules dendritiques.
Gel 2D.
La plasticité tissulaire se traduit par la mi-
gration des cellules les unes par rapport aux
autres sans que l’intégrité de ce tissu soit
rompue. Ce remodelage est vraisemblable-
ment corrélé au comportement dynamique
des jonctions intercellulaires et plus particu-
lièrement à leurs connexions au cytosque-
lette d'actine.
Le tissu modèle utilisé par les chercheurs de
l'équipe dirigée par Danielle Gulino du laboratoire
Angiogenèse et Physiopathologie Vasculaire est
l’endothélium vasculaire dont le rôle est de contrô-
ler les échanges entre le sang et les tissus. Sa cohé-
sion est maintenue en partie par la VE-cadhérine,
un récepteur adhésif localisé spécifiquement aux
jonctions intercellulaires endothéliales. La VE-
cadhérine élabore, via sa partie extracellulaire, des
interactions homophiliques entre molécules appar-
tenant à des cellules voisines et s’associe, par son
domaine cytoplasmique, à des protéines appelées
caténines. La connexion des complexes à base de
cadhérine au réseau d’actine via les caténines a
pour effet de renforcer la cohésion de l’endothé-
lium.
Depuis plusieurs années ces chercheurs étudient
les mécanismes à l’origine de la formation des
complexes jonctionnels à base de VE-cadhérine. Ils
crées pour cela des lésions au sein de monocou-
ches endothéliales qui miment l’endothélium vas-
culaire et étudient la réparation de ces lésions. Ces
chercheurs ont observé que sur le pourtour des
lésions, les cellules explorent leur environnement
en émettant des filopodes (i.e. de fines et longues
extensions membranaires) sur lesquels circulent
très rapidement des «!patches!» de VE-cadhérine.
Moteurs moléculaires
Transport du complexe à base de VE-cadhérine le
long des filaments d’actine intrafilopodiaux.
La protéine moteur Myosine-X se déplace à une vi-
tesse moyenne de 700 nm/s vers l’extrémité barbée des
filaments d’actine intrafilopodiaux (mouvement anté-
rograde A) mais également à une vitesse moyenne de
30 nm/s vers la base des filopodes lorsqu’elle est sou-
mise au flux rétrograde d’actine (mouvement rétro-
grade R). Elle transmet ces deux types de mouve-
ments au complexe de VE-cadhérine en interagissant
directement, par l’intermédiaire de son domaine
FERM, avec la partie cytoplasmique de la VE-cadhé-
rine. βcat!: β-caténine!; αcat!: α-caténine.