Les syndromes aortiques aigus

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n°349 – Février 2012
ISSN 0769-0819
Les syndromes
aortiques aigus
Etiologie et classification des syndromes
aortiques aigus. Organiser la prise en charge
à la phase aiguë
Dr Pascal Delsart. CHRU de Lille
Dissection aortique : A distance de la phase
aiguë, comment surveiller l’aorte
et quel traitement spécifique proposer ?
Pr Jean-Paul Beregi. CHU Nîmes
Quel traitement endovasculaire
et pour quelles indications dans les SAA ?
Pr Hervé Rousseau. CHU de Rangueil
Coordination : Pr Jean-Paul Bounhoure
Zoom sur…
Quel est le risque neurologique
après chirurgie cardiaque de pontage
aorto-coronaire ?
Dr Arnaud Maudière (Tours)
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Editorial
Pr J.-P. Bounhoure
Syndromes aortiques aigus
A
u sein des grandes urgences cardiologiques, parmi les syndromes douloureux thoraciques majeurs, les Syndromes Aortiques Aigus ( SAA ) s’individualisent par plusieurs traits caractéristiques :
- leur gravité immédiate, vu le risque de rupture aortique et de mort subite, implique une prise en
charge rapide par une équipe multidisciplinaire pour faire un bilan lésionnel exact, préciser le siège
de l’atteinte aortique , les risques évolutifs et fixer les indications thérapeutiques ;
- actuellement, ils exigent un diagnostic précis fondé sur la pratique en urgence des diverses techniques
d’imagerie, angioscanner, échographie transœsophagienne, résonnance magnétique nucléaire ;
- si les indications chirurgicales s’imposent pour les atteintes de l’aorte ascendante, il faut souligner
les progrès indéniables du traitement médical et des techniques de thérapeutique endovasculaire
avec l’utilisation de stents grafts pour les SAA touchant l’aorte descendante.
Le terme de Syndrome Aortique Aigu, actuellement recommandé, regroupe diverses affections avec
une lésion initiale commune, une brèche intima-médiale. On décrit :
■ les hématomes intramuraux aortiques, considérés comme précurseurs d’une dissection,provenant
de la rupture des vasa vasorum de la média qui représentent 10 à 20% des SAA. Ils peuventprogresser, entraîner un clivage de la média ou regresser et se résorber ;
■ les ulcères pénétrants, ulcérations plus ou moins profondes d’une plaque athéromateuse siégeant
électivement sur l’aorte descendante ;
■ les divers types de dissection aortique aiguë. Les classifications courantes des dissections sont basées sur le siège de la brèche initiale, constituant la porte d’entrée, clivant longitudinalement ou non
la média survenant au niveau de l’aorte ascendante (type A ) ou sur l’aorte descendante( type B).
Les études épidémiologiques récentes montrent que les SAA sont rares mais non exceptionnels,
avec un taux variant de 2 à 3,5 cas par an pour 100 000 habitants. La gravité est démontrée par les
études actuelles montrant que la mortalité est de 1 à 2 % par heure et de 50 % à la 72e heure pour
les dissections de l’aorte ascendante.
L’hypertension artérielle et des antécédents d athérosclérose et d’atteinte vasculaire sont fréquents chez
les sujets de plus de 65 ans. Une fragilisation de la paroi aortique est fréquente chez les sujets jeunes et
plusieurs anomalies génétiques avec fragmentation des fibres élastiques, raréfaction des fibres musculaires lisses et dégénérescence kystique de la média sont des facteurs favorisant la survenue des SAA.
Les patients survivants après l’épisode aigu justifient une surveillance pour tenter de dépister les
risques de rupture secondaire, l’extension de la lésion aortique initiale, un syndrome d’ischémie
viscérale chronique lie à une compression par anévrysme ou faux chenal.
La surveillance des patients par les techniques d’imagerie actuelle est indispensable, l’épisode aigu
étant traité des complications ultérieures sont fréquentes.
Pour ce numéro réservé aux SAA, présentant d’excellentes mises au point, nous remercions les
auteurs qui ont déjà fait part de leur expertise sur ce sujet difficile et important :
Le Docteur Pascal Delsart et le Professeur Claire Mounier-Vehier présentent un article sur les étiologies et les classifications de ces affections en détaillant la prise en charge à la phase aiguë.
Le Docteur CJ. Roux et le Professeur Jean-Paul Beregi signent un article sur les modalités de la
surveillance et les risques de complications secondaires en montrant les risques d’une malperfusion
chronique de certains organes
Le Professeur Hervé Rousseau et son équipe qui ont une grande expérience des stents grafts, montrent que s’il y a un consensus pour les dissections intéressant l’aorte ascendante le traitement
endovasculaire paraît actuellement donner des résultats favorables pour les dissections de type B.
Espérons que ces articles vous donneront satisfaction et nous vous souhaitons une lecture fruc■
tueuse.
Le Cardiologue 349 – Février 2012
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III
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artérielle essentielle. SEVIKAR® est indiqué chez les patients adultes dont la pression artérielle n’est pas suffisamment contrôlée par l’olmésartan médoxomil ou l’amlodipine en
monothérapie. Posologie et mode d’administration*. Le comprimé doit être avalé avec une quantité suffisante de liquide (par exemple un verre d’eau). Le comprimé ne doit pas être
mâché et doit être pris au même moment chaque jour. Adultes. Un comprimé par jour. SEVIKAR® 20 mg/5 mg : patients dont la pression artérielle n’est pas suffisamment contrôlée par
20 mg d’olmésartan médoxomil ou 5 mg d’amlodipine seuls. SEVIKAR® 40 mg/5 mg : patients dont la pression artérielle n’est pas suffisamment contrôlée par SEVIKAR® 20 mg/5 mg.
SEVIKAR® 40 mg/10 mg : patients dont la pression artérielle n’est pas suffisamment contrôlée par SEVIKAR® 40 mg/5 mg. Adaptation progressive de la dose de chacun des composants
recommandée avant de passer à l’association à dose fixe. Sujets âgés (65 ans et plus). Insuffisance rénale. Insuffisance hépatique. Population pédiatrique. Contre-indications.
Hypersensibilité aux substances actives, aux dihydropyridines ou à l’un des excipients. 2ème et 3ème trimestres de la grossesse. Insuffisance hépatique sévère et obstruction des
voies biliaires. En raison de la présence d’amlodipine, SEVIKAR® est également contre-indiqué chez les patients présentant : une hypotension sévère, un choc (y compris un choc
cardiogénique), une obstruction de la voie d’éjection du ventricule gauche (par exemple une sténose aortique de haut grade), une insuffisance cardiaque hémodynamiquement instable
après un infarctus du myocarde en phase aiguë. Mises en garde spéciales et précautions d’emploi*. Patients présentant une hypovolémie ou une déplétion sodée. Autres
affections liées à la stimulation du système rénine-angiotensine-aldostérone. Hypertension rénovasculaire. Insuffisance rénale et transplantation rénale. Insuffisance
hépatique. Hyperkaliémie. Lithium. Sténose des valves aortique ou mitrale, cardiomyopathie hypertrophique obstructive. Hyperaldostéronisme primaire. Insuffisance
cardiaque. Différences ethniques. Patients âgés. Grossesse. Autres précautions. Interactions avec d’autres médicaments et autres formes d’interactions*. Associations
déconseillées. Médicaments modifiant la kaliémie. Lithium. Grossesse et allaitement*. Grossesse. 1er trimestre : utilisation déconseillée. 2ème et 3ème trimestres : utilisation contreindiquée.
L’utilisation des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II est déconseillée au 1er trimestre de la grossesse. L’utilisation des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II est
contre-indiquée aux 2ème et 3ème trimestres de la grossesse.
Allaitement. Utilisation déconseillée. Effets sur l’aptitude à conduire des véhicules et à utiliser des machines*. Effets indésirables*. Fréquents : sensations vertigineuses,
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SEV/11/239/AP - Date de diffusion : octobre 2011
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Sommaire
ÉDITEUR
CARDIOLOGUE PRESSE
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SEV/11/239/AP - Date de diffusion : octobre 2011
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Le Cardiologue 349 – Février 2012
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Les syndromes
aortiques aigus
IV
Editorial
Syndromes aortiques aigus
Pr J.-P. Bounhoure. Toulouse
VI
Etiologie et classification des syndromes
aortiques aigus. Organiser la prise en charge
à la phase aiguë
Dr P. Delsart. CHRU de Lille
IX
Dissection aortique : A distance de la phase
aiguë, comment surveiller l’aorte
et quel traitement spécifique proposer ?
Pr J.-P. Beregi. CHU Nîmes
XIV
Quel traitement endovasculaire
et pour quelles indications dans les SAA ?
Pr H. Rousseau. CHU de Rangueil
XVIII
Zoom sur
sur…
…
Quel est le risque neurologique
après chirurgie cardiaque de pontage
aorto-coronaire ?
Dr A. Maudière. Tours
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Les syndromes aortiques aigus
SAA
Etiologie et classification
des syndromes aortiques aigus
Organiser la prise en charge à la phase aiguë
Dr P. Delsart. Lille
L
es Syndromes Aortiques Aigus (SAA) constituent une entité regroupant les différentes atteintes de la paroi aortique mettant en
jeu le pronostic vital des patients. Les recommandations de la société
européenne de cardiologie de 2001 avaient proposé une classification basée sur l’atteinte de la paroi aortique. Les syndromes aortiques aigus regroupaient alors la dissection aortique, l’ulcère pénétrant, l’hématome intramural et les dissections traumatiques. Cette
description anatomopathologique est à mettre en parallèle avec les
descriptions morphologiques historiques de Debakey et de Stanford,
celles-ci distinguaient plus simplement les atteintes de l’aorte ascendante (Type 1 et 2 de Debakey ou Type A de Stanford) des atteintes
de l’aorte descendante (Type 3 de Debakey ou Type B de Stanford).
Ces deux classifications ne sont pas à opposer, mais doivent toutes
les deux être connues et intégrées dans la réflexion diagnostique.
Leur principal intérêt est de pouvoir organiser la prise de chaque
patient d’une manière simple et optimale en intégrant les données
anatomopathologiques et morphologiques.
Les SAA sont rares et leur prévalence réelle est surtout difficile à
estimer. Si l’on avance dans les différentes populations étudiées, une
incidence de 3 à 5 Patients/100 000 habitants, il ne faut oublier que
cette pathologie grave est responsable d’un grand nombre de décès
préhospitaliers, souvent sous la forme d’une « mort subite » rendant
difficile l’estimation correcte des données épidémiologiques. La création d’un registre international sur la prise en charge des dissections
aortiques (IRAD : International Registry of Acute Aortic Dissection) a
permis d’obtenir rapidement des données épidémiologiques intéressantes concernant cette maladie rare et assez mal connue.
Ainsi, dans leur premiers travaux, 62,3 % des patients étaient hospiVI
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talisés pour un SAA de type A et 37,7 % pour un type B. Les patients
étaient en majorité des hommes de 60 à 65 ans, aux antécédents
d’hypertension artérielle dans 70 % des cas environ. Les patients
atteints d’un type B étaient légèrement plus âgés, la répartition entre
les deux sexes était égale. La proportion de patients atteints de syndrome de Marfan ou présentant un anévrysme aortique était plus
élevée pour le groupe de patients atteints de type A.
Ce registre a également montré que les dissections aortiques comme
les autres pathologies cardiovasculaires suivaient un rythme circadien, avec une plus grande fréquence de survenue entre 18 heures et
0 heure et un pic saisonnier en hiver.
Définitions
La définition de la dissection aortique est une définition anatomopathologique. Il s’agit de l’association d’une déchirure de l’intima
à un clivage longitudinal de la média des aortes thoraciques et abdominales et éventuellement de leur branche. Le caractère aigu de
l’événement est défini arbitrairement : il s’agit des patients dont les
symptômes ont débuté moins de 14 jours avant l’hospitalisation. Audelà, on parle de SAA chronique. La déchirure intimo-médiale se fait
à partir d’un orifice appelé « porte d’entrée », cette porte d’entrée
créée une nouvelle voie d’écoulement pour le sang encore appelé le
« faux chenal ».
Ce faux chenal peut ainsi progresser sous l’effet du flux sanguin
dans le sens antérograde ou rétrograde. Ce faux chenal est borgne,
même si quelques portes de sortie peuvent de se créer en raison
de la pression exercée sur ces parois fragilisées. Ce faux chenal va
grossir et va dans la majorité des cas comprimer le vrai chenal (luLe Cardiologue 349 – Février 2012
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Etiologie et classification des syndromes aortiques aigus
mière physiologique de la paroi artérielle). Cette compression dite
« dynamique » va dans certains cas être responsable d’une ischémie
viscérale distale faisant la gravité de la situation.
L’autre mode de malperfusion viscérale est une compression statique
lorsqu’une branche d’artère viscérale est disséquée. La deuxième
complication liée à la création de ce faux chenal est le risque de rupture d’une paroi aortique fragilisée, inflammatoire et sous pression.
L’hématome intramural a une présentation clinique identique.
La distinction entre ces deux pathologies distinctes sur le plan anatomopathologiques se fait par l’absence d’opacification du faux chenal
sur l’imagerie. Il n’existe pas de consensus radiologique permettant
de faire la part des choses entre un hématome intramural et une
dissection dont le faux chenal serait totalement thrombosé.
L’apparition de cet hématome serait due à une rupture des vasavasorum à l’intérieur de la paroi artérielle. Son extension se fait de
manière antérograde ou rétrograde. Cet hématome peut avoir une
évolution favorable et régresse voire disparaît dans 10 % des cas
sous traitement médical. Mais on considère surtout que cette atteinte de la paroi fait souvent le lit de la dissection aortique à très
court terme, la stratégie de prise en charge est donc la même que
pour celle de la dissection aortique classique.
L’ulcère aortique pénétrant. Les ulcères aortiques pénétrants sont
une entité assez rare, il s’agit souvent de très grosses plaques aortiques
touchant l’aorte descendante. Le mode révélation peut être celui d’une
embolie artérielle par un phénomène classique de rupture de plaque
et de création de thrombus embolisant en distalité. Un autre mode de
révélation se fera sous une forme douloureuse en relation avec une
hémorragie sous adventitielle. La gestion de cette pathologie est avant
tout médicale avec une gestion de la maladie vasculaire athéromateuse
et une gestion des complications éventuelles au cas par cas. Sa prise en
charge ne fait l’objet d’aucun consensus.
Les causes traumatiques
Le registre de l’IRAD estime à 6 % les dissections traumatiques
compliquant un cathétérisme artériel. Un guide peut pénétrer dans
la lumière d’une paroi artérielle fragile et l’injection de produit de
contraste sous pression à travers la sonde peut provoquer une dissection rétrograde.
Les accidents de la voie publique ou les accidents domestiques avec
des décélérations brutales ou non sont responsables d’une déchirure ou dans le pire des cas d’une rupture isthmique. La localisation
préférentielle de cette atteinte au niveau de l’isthme s’explique par
des raisons anatomiques. L’isthme aortique se situe en arrière de la
sous-clavière gauche, à jonction entre la partie de l’aorte descendante fixée à la paroi par les artères intercostales et la partie libre
de l’aorte thoracique. L’aorte suit les déplacements du cœur dans le
médiastin lors de ces traumatismes, et un étirement entre la partie
Organigramme. Organisation de prise en charge des SAA à la phase aiguë
Diagnostic confirmé de SAA
SAA de type A :
touche l’aorte ascendante
SAA de type B :
ne touche pas l’aorte ascendante
Transfert en urgence
vers un centre de Chirurgie
cardiaque et vasculaire
Traitement médical en urgence :
traiter l’HTA avec un béta-bloquant
pour un cible de PA systolique < 120 mmHg
Orienter le patient vers un centre spécialisé
dans la gestion des complications éventuelles
avec équipe de radiologie interventionnelle
et de chirurgie vasculaire
Si malperfusion viscérale :
traitement endovasculaire en première intention :
fermeture de porte d’entrée ou décompression faux chenal
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Les syndromes aortiques aigus
SAA
fixe de l’aorte et sa partie libre sera responsable d’un cisaillement de
la paroi. Contrairement aux idées reçues, même les traumatismes à
faible vitesse peuvent être responsables d’un tel événement.
Les classifications anatomiques
de Stanford et Debakey
La classification de Stanford divise les dissections en deux entités
distinctes en fonction de la localisation de la portion d’aorte touchée. Une dissection de type B se définit par le fait qu’elle ne touche
pas l’aorte ascendante. Elle débute classiquement sous l’artère
sous-clavière gauche, mais elle peut débuter au niveau de la partie
descendante de la crosse. Le type A par définition regroupe donc
les dissections avec atteinte de l’aorte ascendante. La classification
de Stanford se met en parallèle avec une autre classification : celle
de Debakey. Elle distingue la dissection de type 1 : touchant l’aorte
ascendante et descendante, le type 2 : touchant l’aorte ascendante
uniquement (ne dépassant pas le tronc artériel brachiocéphalique) et
le type 3 : touchant exclusivement l’aorte descendante. Le type A de
Stanford équivalent des types 1et 2 de Debakey sont des urgences
chirurgicales, le type B équivaut au type 3 et relève en priorité d’un
traitement médical en dehors de toute complication.
Etiologie des SAA
Le registre de l’IRAD a permis d’apporter des données épidémiologiques intéressantes concernant les SAA. Cette pathologie touche
préférentiellement des patients âgés d’environ de 65 ans, atteints
d’hypertension artérielle avec un antécédent de pathologie vasculaire dans un tiers des cas. Les patients âgés de moins de 40 ans ne
représentaient que 6 % de la population totale. La survenue d’un tel
événement clinique fait toujours évoquer la présence d’une maladie
sous-jacente de la paroi aortique.
Cette réflexion étiologique concernant la présence ou non d’une
élastopathie chez le patient atteint est indispensable parce qu’en
cas de suspicion de maladie du tissu élastique : un dépistage familial devient alors indispensable. Le syndrome de Marfan, maladie
autosomique dominante à pénétrance variable, était retrouvée à
hauteur de 6 % dans la série des dissections de type A de l’IRAD.
La définition du syndrome de Marfan repose sur un faisceau d’arguments cliniques, classiquement appelés « les critères de GAND ».
L’interrogatoire du patient et un examen clinique exhaustif doivent
faire partie intégrante de cette pathologie vasculaire grave. Il s’agit
d’une altération de la fibrilline 1, le déficit qualitatif et/ou quantitatif
de cette protéine entraîne une altération rapide et prématurée de la
paroi artérielle.
Si le syndrome de Marfan est une entité bien identifiée en ce qui
concerne le risque potentiel de présenter une complication vasculaire grave. Les gènes responsables d’une atteinte prématurée de la
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paroi artérielle ne sont pas tous connus, mais on sait que certaines
populations de patients sont plus à risque que d’autres de présenter
un tel événement. Il s’agit en particulier des patients présentant un
anévrysme de l’aorte ascendante, d’une bicuspidie aortique ou des
patients ayant un antécédent familial de dissection aortique. Dans
ces contextes particuliers une surveillance échographique rapprochée de l’aorte ascendante doit être préconisée, et une chirurgie
prophylactique est proposée précocement avec un diamètre seuil de
50 mm contre un seuil de 55 mm dans la population générale.
Prise en charge à la phase aiguë
des SAA
La prise ne charge des SAA est simple et relève avant tout d’une bonne
collaboration et bonne organisation de tous les intervenants de l’urgence vasculaire. Dès la suspicion diagnostique, le patient doit bénéficier en extrême urgence d’un examen morphologique de référence. De
par sa grande disponibilité et sa rapidité d’exécution, l’angioscanner
injecté reste l’examen de choix. Il n’y a pas de place à l’heure actuelle
pour les marqueurs biologiques même si la CRP et Les d-dimères semblent avoir une bonne valeur prédictive négative.
Une fois le diagnostic fait, le patient doit être orienté vers une structure adaptée comprenant un service de chirurgie cardiaque et vasculaire, un service de radiologie interventionnelle et une réanimation médico-chirurgicale. La dissection aortique de type A est une
urgence chirurgicale, le risque de décès est de 1 à 2 % par heure et
va jusqu’à 50 % à la 72e heure.
Le risque d’évolution rapide vers la rupture de l’aorte, la dissection coronaire, l’hémopéricarde ou l’insuffisance aortique aiguë en fait toute
la gravité. La dissection de type B, quant à elle, requiert un traitement
médical. Celui-ci comporte un traitement antalgique, un traitement
antihypertenseur intraveineux avec en priorité un bétabloquant. La
cible de pression artérielle idéale à atteindre est de 120/70 mmHg.
La prise en charge invasive des dissections de type B est réservée
aux complications gravissimes comprenant le risque de rupture et la
malperfusion viscérale. La malperfusion viscérale se distingue en ischémie digestive, rénale ou des membres inférieurs.
La gestion se fait préférentiellement par voie endovasculaire avec
fermeture de la porte d’entrée par un stent aortique plus ou moins
associée à un stenting périphérique en cas de malperfusion statique
(c’est-à-dire extension de la dissection à une artère viscérale). En cas
de malperfusion dynamique : compression du faux chenal par le vrai
chenal responsable d’un bas débit aortique, une fenestration du faux
chenal peut être proposée. La fenestration consistant à déchirer le
flap intimal pour diminuer la pression qu’exerce le faux chenal sur
le vrai. Le traitement endovasculaire prophylactique des dissections
de type B non compliquées n’a pas montré de bénéfice. La place de
la chirurgie conventionnelle est réservée aux complications ou aux
échecs des techniques endovasculaires. ■
Le Cardiologue 349 – Février 2012
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Dissection aortique
A distance de la phase aiguë, comment surveiller
l’aorte et quel traitement spécifique proposer ?
Pr J.-P. Beregi. CHU Nîmes
PPoints-clés
oints-clés
1) Nécessité de surveiller les syndromes aortiques après l’épisode initial. L’euphorie d’avoir pu passer le cap aigu ne doit faire oublier
les complications à moyen et long terme qui entraînent un taux de mortalité aussi important qu’initialement.
2) Quel que soit le traitement initial, la maladie aortique est toujours évolutive. Le patient doit être pris en charge dans sa globalité.
3) Après traitement d’une dissection aortique, la surveillance doit être rapprochée la première année puis poursuivie sur le long
terme (au minimum 5 ans).
4) Ne pas méconnaître les signes d’évolution péjorative qu’ils soient cliniques (douleur, HTA), biologiques ou morphologiques.
5) Connaître les situations et indications d’un traitement plus interventionniste. Les complications sont traitées ainsi que la prévention de celles-ci dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire.
6) Penser à surveiller l’aorte abdominale qui peut présenter un anévrisme dans 25 % des cas dans le suivi.
L
a dissection aortique, clivage longitudinal de la média communicant avec la lumière aortique, responsable d’une douleur thoracique intense et brutale, est une des grandes urgences cardiovasculaires, spontanément mortelle dans 80 % des cas. Toutefois les
progrès thérapeutiques (figure 1) engendrent une augmentation de
la survie passée la phase aiguë. Cependant, la mortalité reste élevée
à distance (10 % à 1 mois, 20 % à 1 an pour les dissections aortiques
de type B). Ainsi, les patients franchissant le cap aigu ne doivent pas
être considérés comme guéris. Nous devons dépister les complications tardives.
Ce n’est pas toujours la dissection aortique qui tue, mais les
complications qu’elle entraîne ! Quelles sont ces complications
tardives ?
Un programme de surveillance doit être mis en place pour dépister :
1) La rupture secondaire. Elle peut être brutale, sans signe anLe Cardiologue 349 – Février 2012
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nonciateur. Néanmoins, la présence de douleurs thoraciques dorsales lancinantes ou latentes doit faire évoquer une tension pariétale
et donc un risque de rupture.
2) Un syndrome de malperfusion chronique. Les symptômes
sont fonction des axes vasculaires (organes) concernés : angor digestif avec douleurs postprandiales lors d’une atteinte des axes digestifs, hypertension artérielle réfractaire lors d’une atteinte des artères
rénales, claudication intermittente des membres inférieurs lors d’une
atteinte iliaque ou aortique. Toute HTA réfractaire postdissection
aortique doit faire évoquer un syndrome de malperfusion. Une HTA
sévère découverte après la dissection est souvent considérée comme
la cause de la dissection alors qu’elle peut en être la conséquence.
Le caractère sévère ou réfractaire de l’HTA doit faire évoquer une
malperfusion et conduire à un examen d’imagerie adapté.
3) Une complication du traitement initial. Infection, faux anévrisme, thrombose, fuite, migration d’une endoprothèse…
4) Une maladie associée telle une cardiopathie ischéIX
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Les syndromes aortiques aigus
SAA
mique. La mortalité à moyen et long terme chez les malades avec
syndrome aortique aigu est liée pour 50 % à l’évolution de leur pathologie aortique, et pour 50 % à des localisations athéromateuses
coronaires et des troncs supra aortiques.
5) Une extension de la dissection aortique. Une dissection
type B s’étendant jusqu’à l’aorte ascendante (devenant type A) ou
bien une extension en distalité, parfois plusieurs années après.
Toutes ces complications peuvent entraîner le décès du malade. Elles
doivent donc être traquées et traitées le cas échéant. La difficulté
réside dans l’absence de facteurs identifiables et pronostiques
permettant de prédire les malades qui vont se compliquer (25 à
50 % à 5 ans) de ceux qui vont rester stables.
Suivi des patients postdissection
aortique
Clinique
On doit s’attacher à rechercher les signes fonctionnels précédemment évoqués : douleurs thoraciques avec irradiation dorsale,
douleurs abdominales postprandiales, difficultés ou douleurs à la
marche. La prise de la tension est systématique, en gardant à l’esprit
que toute HTA sévère réfractaire doit faire envisager un syndrome de
malperfusion rénale. Un bilan régulier de la maladie athéromateuse
ou de la maladie de la paroi est indispensable.
Biologie
Les examens biologiques sont utiles pour trois raisons principales :
La première est de vérifier la répercussion d’une éventuelle malperfusion. Si l’ischémie chronique des membres inférieurs est sans
retentissement biologique, l’ischémie rénale peut entraîner une augmentation de la créatininémie et l’ischémie digestive de la LDH.
■ La seconde raison est d’analyser l’activité de la coagulation à la
recherche de thromboses répétées au sein du faux chenal à l’origine d’une possible élévation des D-Dimères, d’une consommation
des plaquettes, d’une anémie et d’une baisse de l’haptoglobine. Une
activité au sein du thrombus du faux chenal est en faveur d’un processus évolutif. Par ailleurs, si une thrombose du faux chenal survient
(volontairement par exemple après la pose d’une endoprothèse thoracique), un syndrome inflammatoire peut apparaître (fièvre, CRP
et fibrinogène augmentés simulant une infection) et durer parfois
plusieurs semaines (jusqu’à 6 mois parfois ; fonction du volume de
thrombose obtenue).
■ Enfin, la troisième raison est l’évaluation des facteurs de risque
cardiovasculaire, principalement la glycémie et la cholestérolémie.
■
Figure 1.
Dissection aortique aiguë
Complication aiguë
Malperfusion
Mécanisme
statique
Mécanisme
dynamique
Stenting
Fenestration
Rutpture
anévrisme
Pas de complication
Traitement
préventif
Cardiaque
Dissection type A
Dissection type B
Traitement médical
± Stentgraft
Stentgraft
ou…
Si type A,
traitement préventif
Chirurgie cardiaque + traitement médical
X
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Dissection aortique
Imagerie
L’imagerie doit être répétée, avec un suivi particulièrement rapproché lors de la première année. Les marqueurs de mauvais pronostic
sont un diamètre aortique > 22 mm au départ lors de l’épisode initial
de dissection, un faux chenal partiellement thrombosé et une augmentation de diamètre supérieur à 5 mm en 6 mois.
On doit rechercher les portes d’entrée, surveiller le calibre de l’aorte
aux différents étages, rechercher des signes d’ischémie viscérale
(statique ou dynamique), et de complication aiguë en cas de récidive douloureuse. Les diamètres aortiques (vrai chenal, faux chenal, total), l’évolution du thrombus dans le faux chenal, la présence
de malperfusion (souffrance d’organe) sont systématiquement
analysés.
En cas de traitement chirurgical de l’aorte ascendante (souvent tube
aortique), la surveillance sera également effectuée pour détecter
d’éventuelles complications postopératoires comme l’infection, des
complications anastomotiques (fuite, faux-anévrisme). On doit également rechercher un hématome périprothétique persistant. L’évolution de l’aorte ascendante au niveau des sinus de Valsalva, si elle
n’a pas été remplacée, doit faire l’objet d’une surveillance quant à
son diamètre (indication opératoire chirurgicale si > 5 cm (Marfan)
ou 6 cm (18).
En cas de traitement par endoprothèse thoracique, la surveillance de
la dissection s’attache également à l’étude de la structure de l’endoprothèse (fracture, compression, migration, perméabilité), à son
efficacité et à l’évaluation du point d’accès (en général fémoral) pour
vérifier l’absence de complication à ce niveau (hématome, faux anévrisme, infection, fistule…).
L’évaluation des endoprothèses peut être réalisée par IRM en cas de
matériel en nitinol (matériel à privilégier chez les sujets jeunes). Une
radiographie thoracique de face et de profil complètera l’examen
pour l’analyse de fracture. Les fuites sont rares et on parle plutôt de
réentrée entre le vrai chenal et le faux chenal. Ces communications
peuvent réapparaître avec le temps au-dessus ou en dessous de
l’endoprothèse (taille d’endoprothèse inadaptée – surdimensionnement de plus de 20 % par rapport à la taille de l’aorte – et positionnement dans une courbure sont considérés comme des facteurs
favorisants).
La présence d’une réentrée ne suffit pas pour porter l’indication
d’une nouvelle endoprothèse. Seuls l’augmentation de diamètre
ou des signes de ruptures sont des indications d’extension par
endoprothèse.
Quelle imagerie et quelle périodicité dans le suivi ?
L’IRM doit être privilégiée au scanner. La surveillance devrait se faire
Figure 2.
$ISSECTIONAORTIQUECHRONIQUETYPE"OUTYPE!OPÏRÏ
0ASDECOMPLICATION
Complications
Malperfusion
Mécanisme
statique
Stenting
périphérique
Rutpture
anévrisme
Mécanisme
dynamique
Stentgraft thoracique
Traitement
préventif
Stentgraft
thoracique
Traitement
médical
s0ATIENTSSÏLECTIONNÏS
s"ÐTA"
s!2!
1. Diamètre aortique qui augmente
2. Diamètre aortique total > 60 mm
3. Diamètre initial faux chenal > 22 mm
4. Thrombose partielle du faux chenal
5. Douleur
Si dissection type A, réimplantation des troncs supra-aortiques nécessaires avant le stentgraft
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XI
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Les syndromes aortiques aigus
SAA
dans le même centre dans un souci de reproductibilité et afin de
pouvoir comparer efficacement les examens dans le temps.
Des séquences morphologiques (T1, T2) de paroi en axial et d’angiographie par résonance magnétique sont recommandées. La réalisation de coupes multiplanaires sagittales obliques dans le plan de
l’aorte est souhaitable afin d’analyser le diamètre perpendiculaire à
l’axe du vaisseau (isobarycentre) avec une analyse standardisée (par
exemple selon la méthode de Kato).
L’évaluation doit être complète sur l’aorte thoracique, mais également abdominale, jusqu’aux axes fémoraux. L’étude de l’aorte abdominale est particulièrement importante, car c’est principalement à
ce niveau que l’évolution ectasiante de l’aorte est observée chez les
malades traités par stentgraft thoracique.
Un dépistage est proposé systématiquement à 3 mois et 6 mois
de la date d’apparition de la dissection pour vérifier les diamètres
aortiques (vrai chenal, faux chenal, total), l’évolution du thrombus
dans le faux chenal et la présence de malperfusion (souffrance d’un
organe). Ensuite, un contrôle annuel est souhaitable.
Traitement de la dissection aortique
chronique (figure 2)
Traitement curatif de la dissection
Le but final du traitement d’une dissection serait de fermer toutes
les portes de communication entre le vrai chenal et le faux chenal afin d’entraîner une thrombose du faux chenal et d’observer
sa disparition avec le temps. La difficulté réside dans la présence
fréquente de réentrée au niveau des artères viscérales avec arrachement des ostia ou bien extension de la dissection dans des artères
viscérales.
Le traitement endovasculaire à ce niveau n’est souvent pas simple.
La reperfusion du faux chenal entraîne alors un risque à ce niveau
d’augmentation du diamètre aortique abdominal qu’il convient de
traiter chirurgicalement (endoprothèse difficile). On doit cependant
se méfier de la tentation de traiter des images. Seules les complications ou leur prévention devant des signes précis sont à ce jour l’objet d’interventions ciblées. On ne traite pas préventivement toutes
les dissections aortiques de type B.
Cas particulier de l’hématome disséquant
La prise en charge thérapeutique d’un hématome disséquant à la
phase initiale suit actuellement celle d’une dissection aortique classique. La chirurgie de l’aorte thoracique ascendante ou le suivi de
l’atteinte de l’aorte descendante avec traitement médical est recommandé. La survenue d’une malperfusion à la phase aiguë est plus
rare qu’avec une dissection aortique classique. Dans le suivi, l’hématome peut disparaître complètement et le malade ne garder aucun
signe de la pathologie, cas le plus favorable. A l’inverse, l’hématome
XII
FMC349v3.indd XII
peut se transformer en dissection aortique avec les mêmes risques
de complications telle la rupture. Une surveillance des diamètres aortiques sera alors conseillée.
Cas particulier : dissection aortique et Marfan
La survenue d’une dissection aortique chez des sujets jeunes doit
conduire à rechercher une anomalie du tissu élastique et à une enquête familiale. Si le diagnostic de maladie de Marfan ou équivalent est réalisé, il est recommandé de faire suivre le sujet dans des
centres de référence.
Le traitement de la phase aiguë réalisé, quelle que soit la technique chirurgicale ou endovasculaire utilisée, il est nécessaire
d’envisager un remplacement total de l’aorte thoracique, voire
thoracoabdominale. En effet, les tentatives de stentgraft thoracique isolé se heurtent à une évolution négative des diamètres
de l’aorte native au niveau des zones d’implantation. Des reconstructions hybrides peuvent être envisagées et sont du ressort de
centres d’excellence.
Prise en charge de la maladie sous-jacente
Les patients ayant eu une dissection aortique sont souvent polyathéromatheux. La recherche de l’athérome sur les différents axes vasculaires et le traitement des facteurs de risque cardiovasculaire font
partie de la prise en charge chez les patients à risque. Un traitement
médical comprenant statine, inhibiteur de l’enzyme de conversion
et bêtabloquant doit être envisagé. Chez les malades avec atteinte
du tissu élastique, les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine
II sont préférés pour leur action sur le TNF bêta et ainsi le renforcement de la structure pariétale de l’aorte (21). Le positionnement des
antiagrégants plaquettaires est discuté. S’ils sont préconisés en cas
de maladie athéromateuse, leur effet délétère dans la persistance
d’une thrombose partielle d’un faux chenal est discuté par certains.
Si les AVK sont identifiés comme étant un facteur de mauvais pronostic (lorsque leur prise est nécessaire : valve mécanique, fibrillation
auriculaire), favorisant l’évolution ectasiante par persistance de la
perfusion du faux chenal et thrombose partielle (thrombus actif et
délétère sur la paroi), la prise d’aspirine ne semble pas avoir d’effet
négatif. La prise de clopidogrel est à éviter.
En cas d’endoprothèse thoracique ou périphérique, il n’y a pas lieu
d’utiliser d’anticoagulant ou d’antiagrégant ; la thrombose du stentgraft est exceptionnelle (uniquement si le stentgraft est comprimé
et donc mis dans une mauvaise position ou dans une mauvaise indication). Le risque de formation d’un thrombus mural existe (risque
faible) et sera dépisté par surveillance IRM ou scanner. Un traitement
de 3 mois par anticoagulant suffit en général à le faire disparaître.
Son étiologie est inconnue, sans doute une endothélialisation insuffisante chez certains malades, avec une altération de l’interaction
contenant-contenu. L’arrêt des anticoagulants est recommandé une
fois le thrombus disparu et n’est pas source de récidive.
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Dissection aortique
Traitement des complications chroniques
de la dissection aortique
Un syndrome de malperfusion chronique sera traité par stenting
périphérique si le mécanisme est statique, par stentgraft si le mécanisme est dynamique. Une rupture d’anévrisme sera prise en charge
par stentgraft thoracique.
Un stentgraft thoracique devra être envisagé chez des patients sélectionnés :
- diamètre aortique qui augmente
- diamètre aortique total > 60 mm
- diamètre initial du faux chenal > 22 mm (discuté)
- thrombose partielle du faux chenal (discuté)
- douleur persistante
Cependant, on ne traite jamais des images : la clinique, la biologie et
l’évolution doivent systématiquement être prises en compte dans la
décision thérapeutique. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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XIII
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Les syndromes aortiques aigus
SAA
Quel traitement endovasculaire et
pour quelles indications dans les SAA ?
Pr H. Rousseau. Rangueil
A
lors qu’il existe un large consensus en faveur du traitement
chirurgical des dissections intéressant l’aorte ascendante, le
traitement des dissections de l’aorte thoracique descendante reste
controversé. La plupart des études sur les dissections de type B ont
montré que la mortalité opératoire reste relativement élevée, que
les résultats à long terme sont comparables pour les malades traités médicalement ou chirurgicalement, que le traitement médical
stabilise la dissection et prévient le décès précoce dans la majorité
des cas. Pour ces raisons, la plupart des équipes ont adopté, depuis
plus de 10 ans, une attitude conservatrice pour le traitement des
dissections aiguës de l’aorte thoracique descendante, le traitement
chirurgical étant réservé aux complications.
Cette approche thérapeutique, bien ancrée, a été remise en
question par deux publications en 1999 du New England Journal of
Medecine qui ont montré l’intérêt des stents grafts pour la prise en
charge de cette maladie. [1,2] Dans ces 2 articles il a été démontré
qu’en plaçant un stent graft en regard des portes d’entrée de l’aorte
thoracique, il était possible d’effondrer la pression dans le faux chenal et de permettre la thrombose du faux chenal et l’expansion du
vrai chenal (figures 1, 2).
Ainsi il semble possible d’empêcher l’évolution anévrismale et la
rupture de l’aorte. La limite principale de ces 2 articles était leur durée de suivi limitée à 12 mois maximum. Depuis, la littérature s’est
enrichie de très nombreux articles qui ont permis de montrer l’efficacité des stents grafts pour les dissections compliquées, en revanche
leur place pour les formes non compliquées reste discutable. [3]
L’objectif de ce chapitre est d’essayer de définir si les stents grafts
doivent être proposés ou non, à toutes les dissections de type B.
Pour mieux comprendre la prise en charge thérapeutique de ces dissections, il parait essentiel de préciser quelques notions nouvelles
XIV
FMC349v3.indd XIV
de physiopathologie. Cette partie ne sera pas détaillée, car elle est
largement discutée dans le chapitre précédent de cette revue.
La majorité des articles sur l’utilisation des stents grafts pour les
dissections de type B, concernent des indications pour des formes
compliquées et très peu concernent les formes non compliquées de
dissection. Ces études ont montré que l’utilisation des stents grafts
permet d’exclure la porte d’entrée et ainsi d’obtenir la dépressurisation du faux chenal et la thrombose de celui-ci. [3] De ce fait, une
Figure 1. Mise en place d’un stent graft pour une dissection de type
B compliquée. Exclusion intentionnelle de la sous clavière gauche par
un plug, avec injection rétrograde de celle-ci par la vertébrale gauche.
Le Cardiologue 349 – Février 2012
27/02/12 10:22
Quel traitement endovasculaire et pour quelles indications dans les SAA ?
expansion du vrai chenal, une diminution du diamètre aortique (ou
remodelage), ainsi qu’une reperfusion des artères distales sont observées (figure 3). Il semble donc évident que l’utilisation des stents
grafts permet de diminuer le risque de rupture aortique.
Une métaanalyse concernant 36 études sur un total de 609 patients
dont 197 dissections chroniques est intéressante à évaluer même si
on ne sait pas exactement le caractère symptomatique ou non des
patients. [3] Le taux de mortalité à J30 était de 3,2 % pour une survie
à 6 mois, 1 an et 2 ans respectivement de 94 %, 92,7 % et 91 %. Le
taux de complications majeures (vitales ou nécessitant une ré-intervention) était de 8 %, incluant les dissections rétrogrades de l’aorte
ascendante (observée dans 1,9 ± 0,6 %) et les accidents vasculaires
cérébraux. Le taux de ces complications était cependant sensiblement inférieur pour cette indication par rapport aux dissections ai-
guës. Au total, au vu de cette métaanalyse on peut constater que les
complications locales ou neurologiques ne sont pas exceptionnelles
et que les reprises endovasculaires ou chirurgicales sont nécessaires
dans 2,3 ± 0,6 et 1,5 ± 0,6 % des cas respectivement. [3]
Une autre série publiée en 2006 par R. Fattori et al. est également intéressante à analyser, car elle représente la série la plus
importante de patients (n = 457 dont 180 dissections) traités par un
même modèle de stents grafts pour des maladies de l’aorte thoracique. [4] Tout à fait logiquement, les résultats montrent une mortalité hospitalière des patients traités pour des complications aiguës
sensiblement plus élevée que pour les patients ayant une dissection chronique (13,5 % vs 2,1 %, p = 0,003). Les taux de survie
moyens des patients traités en urgence étaient également inférieurs
Figure 2. Dissection de type A avec extension sur l’aorte thoracique et abdominale et les iliaques. Réparation hybride avec remplacement
de l’aorte ascendante, pontage aorto bi-carotidien, et mise en place d’un stent graft sur l’arche aortique permettant d’exclure la dissection.
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XV
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Les syndromes aortiques aigus
SAA
(86,2 ± 5,7 % à 30 jours, 83,2 ± 6,3 % à 12 mois et 83,2 ± 6,3% à 3
ans), comparés aux taux de survie des patients vus sans complication
(97,1 + 1,4 % à 30 jours, 92,6 + 2,4 % à 12 mois, et 81,9 + 5,5 %
à 3 ans). De même les complications majeures postopératoires, en
particulier les événements neurologiques (16,2 % contre 4,2 % dans
des cas électifs, p = 0,01), étaient sensiblement plus élevées chez les
patients ayant des complications aiguës que ceux qui n’en avaient
pas (40,5 contre 10,5 %, p < 0,001).
La seule étude randomisée comparant le traitement médical au
traitement par stent graft pour les formes non compliquées de dissection chronique (supérieure à 14 jours et inférieure à 52 semaines)
a été publiée récemment. Cette étude Investigation of Stent graft in
patient with type B Aortic Dissection (INSTEAD), concernait 136 patients traités dans 7 centres avec un suivi régulier pendant 2 ans. [5]
Les résultats montrent un taux de succès pour les stents grafts de
100 % sans aucune complication peropératoire. Cette étude montre,
par contre, une augmentation peu importante, mais non significative, de la mortalité à un an dans le groupe traité par stents grafts
(8,6 vs 3 %), mais il faut noter un taux de mortalité particulièrement
faible dans le groupe médical.
Cependant, 11 % des patients traités médicalement ont dû bénéficier d’une conversion par stents grafts, 2 pour malperfusion et 4 pour
une évolution anévrismale du faux chenal. A l’inverse, le risque de
complications majeures (rupture, évolution anévrismale, malperfuFigure 3. Remodelage des diamètres aortiques avec le temps après
mise en place d’un stent graft sur l’arche aortique permettant d’exclure la dissection. Sur les contrôles scanner à J 7 et 3 mois, on
constate l’expansion du vrai chenal et la thrombose du faux chenal.
sion et conversion) était sensiblement inférieur dans le groupe stent
graft. De même, les chances de remodelage (thrombose du faux
chenal et diminution du diamètre aortique) étaient significativement
supérieures, dans ce groupe (97 vs 53 % p = 0,003).
Malgré tout, comme le critère primaire de ce protocole était la survie,
les conclusions des auteurs sont de ne pas proposer un stent graft
à titre préventif pour les dissections chroniques non compliquées et
de les réserver aux formes compliquées. Mais il faut noter que les résultats tardifs (supérieur à cinq ans) seront essentiels pour déterminer le bénéfice à long terme du traitement préventif des dissections
chroniques par stent graft.
D’autres études sont en cours. L’étude ADSORB en particulier a pour
objectif d’évaluer les résultats des stents grafts à la phase aiguë, soit
pendant les 14 premiers jours.
Par ailleurs, la littérature nous a montré que la prise en charge endovasculaire a évolué depuis ces dix dernières années, pas seulement
pour des raisons techniques, mais aussi en raison d’une meilleure
évaluation des critères de succès.
On a vu, d’après la littérature aussi bien chirurgicale que médicale,
que les auteurs s’accordent pour dire que la thrombose du faux chenal est un critère essentiel pour éviter une complication secondaire.
Initialement le concept était de se contenter d’un traitement de la
porte d’entrée avec un stent graft court pour éviter les complications
médullaires, placé le plus souvent en regard de l’isthme. En fait, de
nombreuses études sur le traitement par stent graft des dissections
montrent un taux de thrombose partielle du faux chenal, le plus
souvent limitée à la zone recouverte par les stents grafts. Différentes solutions endovasculaires ont été proposées pour améliorer
les résultats. Ainsi, le taux de paraplégie étant en moyenne < à 2%,
d’après la littérature, la majorité des auteurs préconisent, l’utilisation
de stents grafts plus longs, actuellement disponibles sur le marché,
pour favoriser la thrombose du faux chenal de l’aorte thoracique, et
améliorer les résultats à long terme.
Plusieurs auteurs ont également proposé de compléter la
mise en place d’un stent graft, par la pose d’un stent non couvert
pour améliorer l’expansion de la vraie lumière et favoriser la thrombose du faux chenal. [6,7] L’étude STABLE qui a pour but d’évaluer les
résultats de l’association d’un stent graft thoracique proximal avec
un long stent non couvert en distalite pour promouvoir la thrombose
du faux chenal est actuellement en cours.
Enfin, toute fuite ou perméabilité du faux chenal thoracique doivent
être considérées comme un échec et nécessitent un traitement complémentaire pour permettre la thrombose totale du faux chenal. [8,9]
Au total, la question est de savoir s’il est acceptable, compte tenu
des données ci-dessus, à la fois sur le plan clinique et médico-économique, de traiter tous les patients sans complication avec un stent
XVI
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Quel traitement endovasculaire et pour quelles indications dans les SAA ?
graft alors que 85 % d’entre eux n’auront pas de complication aortique dans les 10 ans ?
Probablement non, mais la réponse est dans l’analyse plus fine de la
littérature pour faire ressortir un sous-groupe de patients chez qui on
peut distinguer des facteurs de risque évolutifs qui permettraient de
sélectionner les patients redevables d’un stent graft.
Ainsi, on sait que certains patients ont un risque plus important
de morbidité et qu’ils peuvent être identifiés précocement. Deux
paramètres vont ressortir des études : des critères cliniques et
anatomiques.
Sur le plan clinique, les patients âgés (> 70 ans) ont un risque
nettement plus élevé. Il semble exister également une triade clinique qui permet de déterminer le risque de mortalité : la présence
d’un choc ou d’une hypotension (Odds ratio [OR] de mortalité de
12,36 [IC95 = 3,6-42,9]), un syndrome de malperfusion (OR de 18,36
[IC95 = 2,2 – 32,1]) et un hématome péri aortique témoignant d’une
prérupture (OR : 5,05 [IC95 = 1,4-17,8]) sont autant de signes péjoratifs. Pris isolément la mortalité en cas d’hypotension est de 56 %,
28,9 % en cas de syndrome de malperfusion et 10,5 % en cas d’hématome périaortique. A l’inverse, les formes non compliquées ont
une mortalité de 1,3 % seulement. [10]
De nombreuses études ont montré également que certains paramètres anatomiques sont également prédictifs d’une évolution
anévrismale du faux chenal avec un risque de rupture secondaire,
complication le plus souvent létale. La perméabilité du faux chenal,
un diamètre aortique initial supérieur à 40 mm, un diamètre du faux
chenal > à 22 mm, ou une porte d’entrée proximale large, sont retrouvés le plus souvent dans la plupart des études. [11,12]
Plus récemment, l’analyse du registre IRAD a permis de montrer le
rôle défavorable d’une thrombose partielle du faux chenal. L’hypothèse physiopathologique des auteurs est d’évoquer une augmentation de la pression moyenne dans le faux chenal quand la thrombose
est partielle, transformant le faux chenal en « cul-de-sac », avec un
risque de rupture, alors qu’elle est identique à la pression du vrai
chenal qui communique largement avec le faux chenal par les multiples portes d’entrée quand le faux chenal est complètement perméable ou inférieur quand le faux chenal est thrombosé. [13]
En conclusion
On dispose actuellement d’une expérience suffisante pour permettre l’individualisation de sous-groupes de malades à risque de
complications susceptibles de justifier la mise en place d’un stent
graft de principe. Les meilleures indications cliniques, en dehors
des formes compliquées (rupture ou syndromes de malperfusions,
en particulier liés à un mécanisme dynamique), devraient être les
contre-indications aux bêtabloquants tels que les syndromes obstructifs respiratoires chroniques, les patients âgés, les douleurs persistantes, les hypertensions artérielles non contrôlées. [14] Les patients associant plusieurs critères anatomiques défavorables (taille
de l’aorte > 40 mm ou augmentation rapide du diamètre, perméabilité du faux chenal ou thrombose partielle de celui-ci), pourraient
être également de bons candidats si l’anatomie aortique s’y prête
sans risque. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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thoracic aortic dissection by stent-graft placement. N Engl
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FMC349v3.indd XVII
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chronic type B dissections. J Thorac Cardiovasc Surg
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XVII
27/02/12 10:22
Zoom sur…
Quel est le risque neurologique
après chirurgie de pontage
aorto-coronaire ?
Dr A. Maudière. Tours
L
es patients devant subir une intervention de chirurgie cardiaque sont considérés comme soumis à un risque accru de
complications neurologiques et de déclin cognitif.
En fait la prise en charge de ces patients a évolué tout au long
des trente dernières années. Ainsi les mécanismes, la physiopathologie des complications sont mieux compris. Cet article rapporte ces nouvelles données à partir d’une bibliographie récente.
Si aux débuts de la technique il paraissait licite d’attribuer un
certain nombre de complications à la chirurgie cardiaque il
semble qu’aujourd’hui ce ne soit plus le cas au vu d’études avec
une méthodologie rigoureuse notamment avec groupes témoins.
A six mois le déclin cognitif est identique que le patient ait été
opéré ou non de pontages, il dépend essentiellement du terrain
vasculaire. [1]
Autre fait marquant : l’utilisation d’un dispositif d’assistance circulatoire peropératoire (CEC ou circulation extracorporelle) ne
semble pas non plus générer de surrisque neurologique, en effet les procédures « off pump » (sans CEC) présentent le même
risque que celles avec CEC. [2]
Quelle est la physiopathologie des accidents
neurologiques periopératoires
La fréquence des accidents vasculaires cérébraux postopératoires
est en constante diminution, elle est de 1,6 % actuellement, alors
Le Cardiologue 349 – Février 2012
FMC349v3.indd XVIII
que dans les années 1980 elle était de plus de 7 %. [3]
Les accidents neurologiques sont traditionnellement dus à des
macro- ou micro-embols mais le mécanisme princeps des déficits
cognitifs semble être le bas débit périopératoire qui dépend de
la pression de perfusion moyenne, du degré d’oxygénation, de
l’hématocrite, d’une réaction inflammatoire inappropriée.
On peut retenir cinq mécanismes principaux :
1) facteurs liés à tout type d’intervention : toute intervention chirurgicale entraîne une cascade d’activation inflammatoire
susceptible déstabiliser une plaque vasculaire instable.
2) Liés à la manipulation de l’aorte : l’aortotomie, le clampage aortique, les implantations coronaires sont autant de traumatismes qui peuvent être source d’embolie si l’aorte est pathologique. Les chirurgiens portent une attention particulière à cette
situation ; au cas où l’aorte serait jugée « inclampable » car trop
calcifiée ou trop remaniée, le recours à une intervention « off
pump » avec des greffons mammaires seuls limite alors le risque
d’accident embolique.
3) Liés au matériel de CEC : au cours de l’intervention, la totalité du sang veineux est drainée de l’organisme dans un circuit
d’assistance. L’amélioration de la biocompatibilité des matériaux,
la stratégie de gestion séparée des aspirations, d’économie des
pertes sanguines, l’ultrafiltration, la réduction de la taille des circuits, l’utilisation de pompes non occlusives, du drainage veineux
XVIII
27/02/12 10:22
Tableau 1. Facteurs de risque pour un accident vasculaire périopératoire après chirurgie cardiaque sous CEC.
Risk factor
Odds Ratio (Study)*
Preoperative
Atherosclerosis of the ascending aorta
History of cerebrovascular disase (transient
ischemic attack or stroke)
History of subcortical small-vessel ischemic
disease
Carotid stenosis
History of peripheral vascular disease
History of diabetes
History of hypertension
History of elevated pulse pressure
Previous cardiac surgery
History of smoking
2.0 (Hogue et al.)
2.1 (Tarakji et al.)
2.09 (Nishiyama et al.)
4.1 (Goto et al.)
5.3 (Li et al.)
2.0 (Tarakji et al.)
1.2 (Shahian et al.)
2.8 (Hogue et al.)
1.8 (Tarakji et al.)
1.3 (Shahian et al.)
1.12 per 10mmHg increase
(Fontes et al.)
1.4 (Tarakji et al.)
1.6 (Tarakji et al.)
Intraoperative
Severe hypotension
Manipulation of atherosclerotic ascending
Cardiopulmonary-bypass time >2hr
Postoperative
Atrial fibrillation
8.4 (Gardner et al.)
1.8 (Kapetanakis et al.)
1.7 (Bucerius et al.)
A côté des marqueurs de diffusion de la maladie artérielle, on
note le rôle majeur l’hypotension sévère périopératoire (OR de
8,4).
Evaluation et prévention
du risque d’accident neurologique
Actuellement l’évaluation du risque neurologique est basée sur la
clinique, le diagnostic et l’extension de la maladie vasculaire par
Zoom sur…
doppler cervical, ou périphérique, le monitoring de la fonction cérébrale peropératoire (BIS), et sur l’analyse de la paroi de l’aorte
ascendante par écho transthoracique (toujours) par scanner thoracique (parfois) ou par échographie épicardique (rarement). Ce
dernier examen peut pourtant guider efficacement le geste de
clampage aortique (échographie ci-dessus).
La stratégie de prévention du risque micro, macro embolique et
du bas débit peropératoire est basée sur une stratification personnalisée pour chaque patient en fonction de son risque vasculaire
propre, du type d’intervention, du choix de la zone de clampage
Graphique 1. Les patients non opérés qui ont la même diffusion de
la maladie artérielle que les patients opérés ont le même risque de
déclin cognitif.
1.0
HYla]flkgh­j­k
HYla]flkfgfgh­j­k
HYla]flkl­egafk
0.5
No risk factors
for CAD
0.6 (Tarakji et al.)
2.6 (Hedberg et al.)
D’après une revue de bibliographique [2]
FMC349v3.indd XIX
Echographie epiaortique. Exemple d’une plaque fissurée postérieure
en échographie épiaortique peropératoire qui a fait déplacer la zone
de clampage [5]
z Score
actif, l’optimisation de la cardioplégie, la diminution de l’hypothermie et enfin la gestion affinée de l’anticoagulation et des antifibrinolytiques sont autant de facteurs qui ont permis de réduire
la iatrogénie de cette technique.
4) Liés au patient : la diffusion de la maladie artérielle est un
des marqueurs forts du risque neurologique postopératoire. [2,4,5]
5) Le bas débit périopératoire, l’hypotension prolongée, l’hémodilution marquée ont initialement été
considérés comme peu délétères. La vascularisation cérébrale distale étant terminale avec peu de collatéralité, elle est en
fait extrêmement sensible à ces facteurs, [6] la meilleure gestion
de l’hémodynamique périopératoire actuellement contribue également à la diminution du risque neurologique.
0.0
CAD
but no surgery
CABG
0.5
-1.0
0 3
12
36
72
Months
➜
27/02/12 10:22
➜
aortique et du monitoring de l’hémodynamique périopératoire durant l’intervention, mais également dans la période postopératoire
durant laquelle 2/3 des accidents neurologiques surviennent.
Risque de déclin cognitif à long terme
après chirurgie de pontage aortocoronaire
Là encore, selon une étude bien conduite avec une population
témoin appariée sur le risque vasculaire on constate qu’il n’y a
pas plus de déclin cognitif chez les patients opérés (graphique 1).
Conclusion
Le risque neurologique et le déclin cognitif après chirurgie cardiaque ont jusqu’alors été attribués à l’intervention elle-même.
Actuellement, après plusieurs décennies d’amélioration des
pratiques notamment en adoptant une stratégie de prévention
adaptée à chaque patient, ce risque a nettement diminué. A côté
du bas débit périopératoire, le facteur de risque majeur de complications neurologiques postopératoire est la diffusion de la maladie vasculaire. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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