Les Trois Coups www.lestroiscoups.com Une (ré)création au Théâtre de Lorient La pièce « les Aventures de Nathalie Nicole Nicole » a été créée en résidence au CDDB-Théâtre de Lorient. Ne cherchez pas l’innocence dans les paroles de ces « enfants-fous ». Seule la tendresse y fait parfois étape. Je n’ai rien trouvé de puéril dans les aventures de ces enfants-là. Nathalie Nicole Nicole (Frédérique Dufour) se décrit comme une enfant « mi-ange, mimonstre » qui a « délocalisé l’enfer à Poujols ». Avec ses deux amis, Michel Chef-Chef et Cléo (joués respectivement par Capucine Ducastelle et Marion Aubert), elle nourrit des rêves de toute-puissance, de gloire et de domination. Ces « enfants-diables », « enfants-monstres », sont cruels entre eux et avec les autres. Ils ont de la difficulté à être à la hauteur de la méchanceté de leurs parents. Pourtant, ils s’apprêtent à leur ressembler. Les adultes de l’histoire sont des enfants déguisés en adultes, au comportement furieux et imprévisible. Les Aventures de Nathalie Nicole Nicole n’est pas une pièce pour les enfants. D’ailleurs, que vont retenir les enfants présents dans la salle ? Le langage cru, les gestes obscènes de ces enfants vieux, dont ils pourront rire entre eux ? Les vieux enfants, dont je pense faire partie, y voient plutôt une exploration désopilante de la cruauté. La cruauté des enfants est criante et décapante, celle de leurs parents – qui représentent l’autorité – n’en est que plus sournoise et plus acerbe. Le jeu jubilatoire des comédiens est servi par le texte incisif de Marion Aubert. Je comprends sans mal la gêne de ces institutrices dans la salle, qui ont confronté leurs élèves à tant de violence verbale et visuelle. Je retiens cependant des phrases percutantes, un texte haletant, grinçant, cynique et drôle. On rit, on désapprouve avec délice, on se plaît à ne pas se reconnaître dans ces personnages furieux, tourmentés et violents. Ces derniers sont pourtant, dans le même temps, définitivement tendres et attachants. Les comédiens, et particulièrement ceux qui incarnent les enfants, ont maquillé leur voix, leur visage sans artifice aucun. Ils nous servent dès lors un jeu habité de jeunesse et de cruauté mesquine. La mise en scène audacieuse de Marion Guerrero nous entraîne dans un rythme soutenu. Le dynamisme scénique de la pièce est favorisé par la structure en échafaudages. En effet, le décor modulable, fait de boîtes de hauteur différente, permet une configuration scénographique ludique, jamais monotone. J’ai, pendant cette pièce, parfois froncé les sourcils devant certains propos ou attitudes des personnages. Mais j’ai presque toujours férocement ri. Nathalie Nicole Nicole appelle à la fin les enfants à inventer leurs propres histoires. Il ne me reste qu’à espérer qu’elles seront aussi plaisantes, quoique moins tourmentées. MYRIAM LEMETAYER Un grand livre des horreurs On va faire un tour au Rond-Point. Première sortie en bas à droite, salle Jean-Tardieu, direction Poujol, ville des enfants-diables, délocalisation de l’enfer. Pièce d’enfants pour adultes avertis, « les Aventures de Nathalie Nicole Nicole » s’inspire librement du « Grand Livre des horreurs » (petite histoire de la cruauté enfantine). Méchamment jubilatoire. Nathalie Nicole Nicole aime bien les œufs, le sucre et le beurre. Sa fierté : avoir délocalisé l’enfer à Poujol. Michel Chef-Chef aime Nathalie et entend conquérir le monde. Cléo, la plus moche de la classe, aime Nathalie et Michel. Elle connait les endroits où l’on peut voir le diable coucher avec la mère de Nathalie. « Rois insupportables » de Poujol, les trois enfants règnent sur un pays dont les frontières s’étendent à l’infini, un monde qui a l’épaisseur des réalités multiples, un univers amoral, imaginaire et libre, un monde ni réel ni fictif, cruel. Comme pour de vrai. Car les enfants jouent, bien sûr. Ils jouent à tuer la maîtresse, à s’aimer, à se faire du mal, aux grands enfants, aux adultes, à la guerre, à jouer la comédie, la tragédie. Monde d’enfant pour adultes ? Monde d’adulte joué par des enfants ? Ils jouent si bien que l’on perd pied. Marion Aubert, langue superbe et mots acerbes, dit avoir compulsé l’Enfer de Dante pour finir de faire de ses « héros-enfants » des « enfants-diables ». On la croit aisément. L’enfance a la cruauté facile et la folie décomplexée. Et les mots fusent, furieux. Ils envahissent le plateau, traversent la scène, rebondissent, frappent les murs, reviennent à l’envoyeur, font au passage quelques morts. Dégât verbal collatéral. Délire de mots-pourris, ce grand livre des horreurs est écrit en langue poétique, une langue où les images et les sons s’appellent et se répondent : « Nathalie, elle a deux cœurs sous les seins. » Innovation, esprit, drôlerie, rythme et fantaisie : les Aventures de Nathalie Nicole Nicole ont tout d’un beau texte de théâtre qui a pour souci premier celui d’être dit. Les six comédiens très talentueux l’ont compris et prennent un plaisir évident (ô combien partagé !) à incarner ces enfants insolents et leurs parents à court de sentiments. Les mimiques, les accents, la poésie clownesque des acteurs suscitent un rire léger ou plus corrosif, mais toujours gros d’une tendresse humaniste. Les costumes bigarrés et franchement improbables participent d’une mise en scène sophistiquée, faite d’espaces modulables et d’accessoires ludiques. L’avant-scène appartient aux enfants : coffres à jouets, boîtes magiques, Poujol miniature faite de maisons de poupée. Le monde de l’arrière est celui des adultes, bâti à la verticale, en échafaudage, hauteurs et espaliers. Entre-deux, une porte-frontière à la lisière des deux mondes, qui tantôt claque tantôt baille. Espace de « jeu » en somme. Ces deux heures d’excès épuisent. Si bien que la pièce aurait gagné à être un peu plus courte afin d’être percutante de bout en bout. La dernière demi-heure de balade, en effet, piétine un peu au « cimetière des enfants-vieux », les enfants devenus sages. C’est un détail tant le spectacle est réussi. Ballets grotesques, parodies tragiques, délires grand-guignolesques, cauchemars comiques : tout joue, tout vacille et tremble dans notre petit monde lorsque les enfants s’en emparent. Grand jeu de chamboule tout avec la grosse balle comique des « mots coups de couteau », l’aventure un peu folle de Nathalie Nicole Nicole a quelque chose de la bacchanale. Cathartique donc, et revigorante. Si vous passez par Paris, on ne saurait trop vous inciter à faire une diabolique cure de jouvence en la bonne ville de Poujol. Cédric ENJALBERT Les Aventures de Nathalie Nicole Nicole Blog de Colin Ducasse Ah la nostalgie de l’enfance! Le paradis perdu des jeux insouciants dans la cour de récréation! Les gâteaux délicieux qui sortaient du four, la vie comme dans les publicités pour les confitures Bonne Maman! Je ne sais pas ce qui se passe dans nos têtes quand nous cessons d’être des enfants mais il est évident que nous occultons quasiment tous les mesquineries, machin-machine bouc émissaire ça va être ta fête à la récré, j’ai mis des punaises sur la chaise de la maîtresse, de toute façon toi tu as été adopté et autres charmantes cruautés de l’enfance qui sont au centre des Aventures de Nathalie Nicole Nicole, actuellement en représentation au Théâtre du Rond-Point. De quoi ça cause? Dans la ville de Poujols, c’est devenu un vrai capharnaüm depuis que Nathalie Nicole Nicole y a délocalisé l’enfer sur lequel elle règne avec ses deux amis la moche Cléo et le malléable Michel Chef-Chef. Délire de gamins où le diable s’invite, petits meurtres entre amis à l’école primaire, ces trois enfants s’inventent un monde décomplexé, loin des codes moraux des adultes qui dans cet univers-là s’agitent comme des pantins. Le délire est énorme, euphorique, hystérique mais dans les interstices on perçoit des frayeurs d’enfants. Ces enfants fous s’aiment et s’affrontent furieusement à l’interface du rêve et de la réalité, jeux pas innocents, jeux cruels, jeux dérangeants. C’était comment? C’était génial, du bon très bon théâtre contemporain comme je l’aime! Je pourrais m’arrêter là et vous dire d’aller la voir pour vous convaincre, merci m’sieur-dame! Mais pour ceux qui ne me feraient pas confiance voici un peu plus de détails. Je commencerai par là où tout commence : le texte que j’ai trouvé particulièrement admirable (il est édité chez Actes Sud), plein de poésie, d’inventions réjouissantes et de sombres drôleries qui font mouche à tout coup. Il est superbement transcendé par les comédiens qui sont tous impeccables (je me permets un coup de coeur pour Capucine Ducastelle qui interprète Michel Chef-Chef et pour Adama Diop, l’enfant pratique mais c’est tout personnel et ça n’enlève rien au grand talent des autres) et qui prennent visiblement un plaisir immense à jouer et qui le transmettent au public. La mise en scène est au diapason du jeu des comédiens, vive, inventive et parfois surprenante. J’ai beaucoup aimé le jeu avec les meubles-maisons qui renforce l’aspect imaginaire de la pièce ainsi que la structure métallique verticale en fond de scène et sur laquelle se joue des situations plus en prise avec la réalité. Tout ça mis bout à bout donne un ensemble très homogène et de qualité en plus d’être jouissif. Il serait dommage de le louper… Enfin moi je dis ça, je dis rien… FROGGY’S DELIGHT LE SITE QUI FRAPPE TOUJOURS TROIS COUPS "Les aventures de Nathalie Nicole Nicole" résulte d'une commande d’écriture faite à Marion Aubert du Théâtre du Rond Point, pour sa saison 2007-2008 dans le cadre d'une programmation placée sous la bannière "Le Rire de la Résistance". "Il était une fois une petite fille qui n'avait pas d'ami et qui était malheureuse. Cela commence bien comme un conte de Grimm, mais les sorcières ont remplacé les fées, et l’enfance n’est pas une rivière calme et innocente mais un long fleuve frénétique et cathartique qui charrie violence, souffrances, horreurs et cruautés, dont les protagonistes sont des diables fous furieux. Comédienne et auteur, Marion Aubert, co-fondatrice de la Compagnie Tire pas la Nappe destinée à promouvoir ses textes, dans l'écriture de laquelle les professionnels voient des références à Valère Novarina et Olivier Py, passe le monde de l'enfance au hachoir à viande. Entre farce, tragédie, grand guignol et comics, dessinant un univers situé quelque part dans triangle bermudéen entre un avatar de South Park, les Deschiens en manque de gibolin et le délire de riot girls à la Kathy Acker, elle bâtit un théâtre de l'accumulation et de la profération logorrhéique qui fonctionne sur le mode de l'auto-allumage. La mise en scène histrionnante de Marion Guerrero, qui a voulu créer sur le plateau un espace de liberté sans limite et "une vie plus colorée, plus sombre, plus tranchée, plus folle. Faire un concentré. De l'essence de désespoir. De l'essence de joie. Et y craquer une allumette", et des comédiens hyperactifs concourent à concocter un cocktail détonnant. Ce spectacle singulier ne mise ni sur le minimalisme ni sur le politiquement correct. Dès lors, il ne saurait susciter des réactions tièdes : on adore ou on déteste. En tout état de cause, un spectacle à voir. Incontournable même pour les passionnés de théâtre qui souhaitent découvrir les écritures contemporaines, telles qu'elles s’élaborent au sein de lieux institutionnels comme le Centre national des écritures du spectacle à la Chartreuse de Villeneuve les Avignon, et le travail des compagnies accueillies en résidence dans les centres dramatiques nationaux financées par l’Etat et les collectivités territoriales. Longtemps, j’ai trouvé que Marion Aubert n’avait pas le don des titres sexy. J’ai snobé “Histrions (détail)”, à la Colline il y a deux ans en proclamant stupidement que je préférais voir des pièces en entier que des détails, et surtout une pièce sur des comédiens, c’est-à-dire une pièce mettant en oeuvre du théâtre dans le théâtre. Parce que c’est un ressort trop facile, parce que c’est trop vu. Je sais, parfois, je suis trop con. Je bénis donc l’abonnement “Full Monthy” du Théâtre des Treize Vents à Montpellier qui m’a obligée à prendre “Les aventures de Nathalie Nicole Nicole” pour remplir mon quota de treize pièces. Et, là, alors que ce titre était un peu trop étrange pour être folichon… la pièce était du pur délire. En gros, c’est l’histoire de Nathalie Nicole Nicole et de ses deux petits camarades : Michel Chef Chef, son amoureux, et Cléo, la plus moche de la classe (jouée par l’auteure), qui les aime tous les deux. Après, ils vieillissent. Dire que Marion Aubert a recours à des personnages enfantins pour profiter de la désinhibition de l’enfance et employer une langue délirante qui dirait la réalité du monde par son excès même, c’est-à-dire, un peu comme d’hab, en fait, ne serait pas exact. Au contraire, c’est plutôt l’inverse qui se produit : Marion Aubert parle une langue délirante et la mettre dans la bouche d’horribles enfants permet de la justifier (les enfants sont désinhibés), de la mettre à distance (si ce sont des enfants, c’est que ce n’est pas nous), mais également de la faire résonner dans l’esprit du spectateur (qui a été un enfant et a connu le système de l’éducation nationale décrit par l’auteure). Et donc de frapper plus juste. Et comme si le texte ne suffisait pas, les comédiens aussi sont tous complètement cinglés. Donc, maintenant, j’irai ventre à terre voir tout ce que crée Marion Aubert. Et je remarque que le titre de sa prochaine pièce est déjà plus accessible : “Orgueil, poursuite et décapitation (comédie hystérique et familiale)” elle en donne un résumé sur le site de sa compagnie, “Tire pas la nappe”, qui donne une idée plus générale de son écriture. Cette fille est folle : L’AUTEUR. Voilà. Moi, je suis l’auteur de cette pièce. C’est une pièce en forme de labyrinthe. J’ai écrit cette pièce au fil d’un été difficile avec des perceuses en arrière fond. J’ai écrit cette pièce dans un contexte particulièrement difficile. A une époque particulièrement tragique de mon existence. Autour de moi, tout n’était que lucre, vanité, orgueil, et trahison. Et encore, je ne parle pas de la politique nationale. Cet été-là, trois bébés sont morts à l’arrière de leur voiture. Oubliés par leurs parents. Les russes en ont profité pour envahir la Géorgie. Et pour le moment, la France est trente-huitième aux jeux olympiques de Pékin. C’est dans ce contexte houleux que j’ai décidé d’inventer une nouvelle forme de pièce. Une pièce absolument nouvelle. Jamais vue nulle part auparavant. J’ai réussi à m’isoler grâce à une bonne dose d’opiniâtreté, et un sens du devoir hérité de mon père. Aux deux cents euros versés directement à la nounou par la CAF. Au soutien de mes ennemis. De mes amants. Grâce leur soit rendue ici. Comme cette pièce est un peu nouvelle et pleine de fraîcheur, j’ai pensé qu’il serait bon de vous accompagner dans la lecture et, le cas échéant, lors de la représentation. La pièce est parfois timide en événements. C’est voulu. C’est une pièce d’été. Languide. J’habite dans le sud de la France. J’écris très souvent nue. Pour la commodité de la représentation, je vais me mettre là. Lorsqu’il y a une erreur d’imaginaire, une saute dans le temps, un accident grave, une rupture brutale, vous pouvez me jeter des regards. J’essaierai de suivre au plus près l’actualité de ma propre pièce. C’est une pièce sinueuse, pleine de méandres et de bêtes imaginaires. J’avais, il y a quelques jours, eu l’envie de l’intituler “comédie animalière“ mais je n’aime pas tellement les bêtes. Elles ne me dérangent pas, mais je ne m’attache pas. Je ne m’attache pas spécialement aux bêtes. Je n’aime pas m’occuper des chiens sur la tournée. Ni des fauves. Ni des chameaux si on en a. Je n’aime pas les manifestations de joie des bêtes. Parlons plutôt des chonchons. Aurélie du blog Esprits critiques