§1. La mise en place d’une organisation répartissant
l’aide du Plan Marshall : l’OECE
13. Pour répondre à la proposition américaine, les gouvernements français et
britannique organisèrent à Paris une conférence sur la coopération économique
européenne, à laquelle participèrent tous les pays d’Europe occidentale (à l’excep-
tion de l’Espagne, alors tenue à l’écart des démocraties à cause du régime du
général Franco). C’était la première conférence européenne depuis la guerre. Du
12 juillet au 22 septembre 1947, fut établi un inventaire des ressources et des
besoins et un programme commun de relèvement conformément aux exigences
américaines. Les Européens devaient s’engager à ne plus avoir besoin d’aide en
1952 et à faire des progrès dans la voie de la coopération et de l’unité. Les
États-Unis ne voulaient pas imposer un plan de reconstruction. Le 3 avril 1948,
le congrès rappellera les avantages d’un grand marché intérieur sans frontières
douanières à l’exemple des États-Unis et, chaque année, en votant les crédits
Marshall, s’inquiétera des progrès de l’unification.
14. Les Européens étaient fort divisés sur les moyens à mettre en œuvre pour
répondre aux demandes américaines. Pour sa part, Ernest Bevin, ministre britan-
nique des Affaires étrangères, n’envisageait, pour mettre en œuvre le Plan Mars-
hall, qu’une organisation temporaire. La France et l’Italie défendirent durant la
conférence l’idée d’une intégration économique forte et durable. Tous les pays
étaient d’accord pour abaisser les barrières douanières et transférer les devises. La
délégation française appuyée par celle de l’Italie proposait d’aller jusqu’àl’union
douanière. Cependant, les Britanniques s’y opposèrent, jugeant incompatibles le
maintien des préférences impériales avec le Commonwealth et l’instauration
d’une union douanière européenne. Les pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas,
Luxembourg), bien que favorables à cette union douanière, ne voulaient pas y
entrer en l’absence du Royaume-Uni. Quant aux Scandinaves, ils entendaient
rester entre eux. Toutefois, largement pour donner satisfaction aux États-Unis, le
rapport final du 22 septembre, qui évaluait le déficit européen à 22 milliards de
dollars pour une période de quatre ans et suggérait une aide américaine de
19 milliards, formulait plusieurs déclarations d’intentions, reflétant bien ces diver-
gences : création d’un groupe d’étude sur l’union douanière européenne, mise en
application de l’union douanière du Benelux pour 1948, projet de coopération
entre les trois pays scandinaves (Norvège, Suède, Danemark), déclaration fran-
çaise proposant de former une union douanière avec tous les pays qui le désire-
raient et, en raison de la réponse favorable de l’Italie, décision de créer un
groupe avec cette dernière.
15. Il fut convenu qu’une organisation serait créée, non pour la seule période de la
mise en œuvre du programme d’aide, mais de façon permanente. Les négociations
entre les Européens aboutirent à la convention du 16 avril 1948 instituant l’Orga-
nisation européenne de coopération économique (OECE), signée par l’Autriche,
la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le
Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la
Suisse, la Turquie et les commandants militaires de zones occidentales
20 LE PUZZLE DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES