TCN / cahier spécial
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La longue route vers
l’élevage de poulet sans antibiotiques
Audrey Desrochers / Collaboration spéciale
La résistance aux antibiotiques inquiète de plus en plus
les experts en santé publique. C’est un défi de taille qu’ont
à relever les aviculteurs.
« Lorsque les éleveurs de poulet se tournent vers un mode
de production sans antibiotiques, ils se retrouvent sans
filet », indique Marie-Lou Gaucher, chercheuse à la Faculté
de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
Selon elle, il reste plusieurs questions en suspens
concernant l’élevage de poulet sans antibiotiques.
« Il faut qu’on documente encore beaucoup ce mode
de production afin que ça devienne plus sécurisant
pour les éleveurs », souligne-t-elle.
Une approche intégrée
À l’heure actuelle, il existe plusieurs solutions de remplacement aux antibiotiques.
Marie-Lou Gaucher parle par exemple d’huiles essentielles sous forme liquide ou d’acides
organiques et inorganiques, qui peuvent être incorporées à l’alimentation des volailles.
« On ne pense pas à ça généralement, mais tout ce qui touche à la régie d’élevage,
ça fait aussi partie des solutions de rechange. Il faut porter une attention particulière
aux conditions d’élevage, à la biosécurité, à la gestion de la coccidiose, etc. »
Est-ce que ça fonctionne? «Ce n’est pas magique», mentionne la chercheuse.
Les résultats de sa thèse doctorale publiés en 2015 montrent que les poulets de chair
soumis à un traitement sans antibiotiques ont eu des performances moindres pour
le poids moyen à l’abattage, le gain moyen quotidien et la conversion alimentaire.
Aussi, 27 % d’entre eux ont connu un épisode d’entérite nécrotique clinique.
« Le contrôle des maladies dans un élevage sans antibiotiques demeure un défi majeur.
S’ils veulent des résultats, les producteurs doivent privilégier une approche globale »,
arme la chercheuse.
Le Québec vers une interdiction?
Alors que l’Europe a banni l’utilisation des antibiotiques promoteurs de croissance dans
les élevages de poulet, le Québec tarde à emboîter le pas. Ici, les antibiotiques les plus
importants pour la santé humaine (catégorie1) sont déjà interdits, mais aucune décision
n’a été prise concernant ceux des catégories 2 et 3.
« Je pense qu’on aura de moins en moins le droit d’utiliser des antibiotiques en agriculture »,
prévient Marie-Lou Gaucher.
La chercheuse se dit tout même optimiste : « Les éleveurs sont sensibilisés et
les scientifiques continuent de s’eorcer de trouver de nouveaux outils pour les aider.
Produire sans antibiotiques, c’est un défi de taille, mais c’est un beau défi. »
L’antibiorésistance,
le nerf de la guerre
À force d’utiliser des antibiotiques dans les élevages d’animaux, les bactéries
développent une résistance à ces médicaments. C’est ce qu’on appelle
l’antibiorésistance, un phénomène qui prend une ampleur « de plus en plus
démesurée», aux dires de la chercheuse Marie-Lou Gaucher.
Lorsque l’humain est infecté par une bactérie résistante aux antibiotiques,
les médecins se retrouvent devant une impasse quant au traitement. Cela peut
occasionner un grave problème de santé publique. « Pour garder l’ecacité de
nos antibiotiques, il faut en limiter l’utilisation dans nos élevages », conclut-elle.
Olymel monte dans le train en marche
Olymel ore désormais des dindons élevés sans antibiotiques de marque Flamingo.
L’entreprise a abattu ses premiers oiseaux cet été. « Le but pour 2016, c’était d’en avoir pour l’Action de
grâce et pour Noël », indique le vice-président, Approvisionnement en volailles à Olymel, Yvan Brodeur.
Si la réponse des consommateurs est bonne, Olymel augmentera les quantités oertes dès 2017.
« On va solliciter des producteurs pour voir qui souhaiterait élever ses dindons sans antibiotiques et
on va demander à ceux qui le font déjà d’accroître leur production », explique M. Brodeur.
Marie-Lou Gaucher a fait sa thèse
de doctorat sur l’élevage de poulet
de chair sans antibiotiques.
OLYMEL