LA
PRÉVENTION
Ce cahier est une réalisation de La Terre de chez nous / Chef de pupitre cahiers spéciaux : Richelle Fortin / Publicité : 1 800 528-3773
TCN / cahier spécial
3
La longue route vers
l’élevage de poulet sans antibiotiques
Audrey Desrochers / Collaboration spéciale
La résistance aux antibiotiques inquiète de plus en plus
les experts en santé publique. C’est un défi de taille qu’ont
à relever les aviculteurs.
« Lorsque les éleveurs de poulet se tournent vers un mode
de production sans antibiotiques, ils se retrouvent sans
filet », indique Marie-Lou Gaucher, chercheuse à la Faculté
de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
Selon elle, il reste plusieurs questions en suspens
concernant l’élevage de poulet sans antibiotiques.
« Il faut qu’on documente encore beaucoup ce mode
de production afin que ça devienne plus sécurisant
pour les éleveurs », souligne-t-elle.
Une approche intégrée
À l’heure actuelle, il existe plusieurs solutions de remplacement aux antibiotiques.
Marie-Lou Gaucher parle par exemple d’huiles essentielles sous forme liquide ou dacides
organiques et inorganiques, qui peuvent être incorporées à lalimentation des volailles.
« On ne pense pas à ça généralement, mais tout ce qui touche à la régie d’élevage,
ça fait aussi partie des solutions de rechange. Il faut porter une attention particulière
aux conditions d’élevage, à la biosécurité, à la gestion de la coccidiose, etc. »
Est-ce que ça fonctionne? «Ce n’est pas magique», mentionne la chercheuse.
Les résultats de sa thèse doctorale publiés en 2015 montrent que les poulets de chair
soumis à un traitement sans antibiotiques ont eu des performances moindres pour
le poids moyen à l’abattage, le gain moyen quotidien et la conversion alimentaire.
Aussi, 27 % d’entre eux ont connu un épisode d’entérite nécrotique clinique.
« Le contrôle des maladies dans un élevage sans antibiotiques demeure un défi majeur.
S’ils veulent des résultats, les producteurs doivent privilégier une approche globale »,
arme la chercheuse.
Le Québec vers une interdiction?
Alors que l’Europe a banni l’utilisation des antibiotiques promoteurs de croissance dans
les élevages de poulet, le Québec tarde à emboîter le pas. Ici, les antibiotiques les plus
importants pour la santé humaine (cagorie1) sont dé interdits, mais aucune décision
na été prise concernant ceux des catégories 2 et 3.
« Je pense qu’on aura de moins en moins le droit d’utiliser des antibiotiques en agriculture »,
prévient Marie-Lou Gaucher.
La chercheuse se dit tout même optimiste : « Les éleveurs sont sensibilisés et
les scientifiques continuent de s’eorcer de trouver de nouveaux outils pour les aider.
Produire sans antibiotiques, c’est un défi de taille, mais c’est un beau défi. »
Lantibiorésistance,
le nerf de la guerre
À force d’utiliser des antibiotiques dans les élevages danimaux, les bactéries
développent une résistance à ces médicaments. C’est ce qu’on appelle
lantibiorésistance, un phénomène qui prend une ampleur « de plus en plus
démesurée», aux dires de la chercheuse Marie-Lou Gaucher.
Lorsque l’humain est infecté par une bactérie résistante aux antibiotiques,
les médecins se retrouvent devant une impasse quant au traitement. Cela peut
occasionner un grave problème de santé publique. « Pour garder l’ecacité de
nos antibiotiques, il faut en limiter l’utilisation dans nos élevages », conclut-elle.
Olymel monte dans le train en marche
Olymel ore désormais des dindons élevés sans antibiotiques de marque Flamingo.
L’entreprise a abattu ses premiers oiseaux cet été. « Le but pour 2016, c’était d’en avoir pour l’Action de
grâce et pour Noël », indique le vice-président, Approvisionnement en volailles à Olymel, Yvan Brodeur.
Si la réponse des consommateurs est bonne, Olymel augmentera les quantités oertes dès 2017.
« On va solliciter des producteurs pour voir qui souhaiterait élever ses dindons sans antibiotiques et
on va demander à ceux qui le font déjà daccroître leur production », explique M. Brodeur.
Marie-Lou Gaucher a fait sa thèse
de doctorat sur l’élevage de poulet
de chair sans antibiotiques.
OLYMEL
TCN / mercredi 2 novembre 2016
4
Salmonella
Dublin
Pathogène redoutable, la bactérie
Salmonella
Dublin a été identifiée pour la première fois
au Québec en 2011 dans un troupeau de bovins. Depuis, elle ne cesse de progresser.
Rémi Laplante, D.M.V. / Collaboration spéciale
En 2015, une enquête de prévalence conduite par le ministère québécois de l’Agriculture
dans 278 troupeaux laitiers québécois a déterminé que 6,8 % de ceux-ci comportaient au
moins un animal ayant des anticorps contre cette bactérie. Une enquête semblable est
actuellement en cours dans 112élevages vaches-veaux.
Pour les éleveurs de bovins du Québec, cet agent pathogène représente une menace
principalement pour la santé des jeunes veaux. La bactérie
Salmonella
Dublin provoquera
de la mortalité, des pneumonies, de la diarrhée et de l’arthrite chez les veaux de moins
de trois mois. Bien qu’elle puisse aussi contaminer une bête adulte, cela est beaucoup
plus rare. Son adaptation à son hôte, le bovin, en fait cependant un pathogène redoutable.
En eet, environ 18 % des animaux ayant souert de la maladie en jeune âge demeureront
des porteurs sains de la bactérie durant une grande partie de leur vie. Ils seront le réservoir
invisible de
Salmonella
Dublin dans un troupeau.
Une bactérie aux caractéristiques multiples
Quelques autres caractéristiques particulières à cette salmonelle sont importantes à
mentionner. Tout d’abord, elle est très dicile à traiter en raison de sa capacité à résister
à laction de plusieurs antimicrobiens. C’est une bactérie multirésistante. De plus, elle peut
occasionnellement se transmettre à l’humain et induire le même genre de maladie que
chez le bovin. On la qualifie alors dagent de zoonose. Une personne vulnérable peut être
infectée en consommant du lait cru contaminé, une viande qui contient la bactérie et
qui est insusamment cuite ou par un contact direct ou indirect avec un animal infecté.
Le graphique suivant, issu du Laboratoire de santé publique du Québec de l’Institut
national de santé publique du Québec, démontre une progression de
Salmonella
Dublin
dans la population québécoise similaire à celle du secteur bovin (graphique).
Le contrôle est possible
Cette maladie en émergence dans les troupeaux de bovins du Québec force les
producteurs à prendre conscience des mesures préventives à appliquer dans leurs
actions quotidiennes pour garder leur cheptel en santé. Il est possible de contrôler la
propagation de
Salmonella
Dublin et de garder son troupeau exempt de cette bactérie.
Il sagit seulement de comprendre et de mettre en application quelques principes simples
de biosécurité.
Cette bactérie, comme toutes les salmonelles, se transmet généralement par voie
féco-orale par l’intermédiaire de la nourriture, de l’eau, du lait ou d’un milieu contaminé.
Lintroduction d’un animal issu d’un cheptel infecté est principalement la cause de
lapparition de la maladie dans un troupeau. Une bonne connaissance du statut sanitaire du
cheptel dorigine ainsi que des habitudes de biosécurité de la ferme doù l’animal provient
seront des moyens ecaces de s’en prémunir. Lachat d’un très jeune veau représente
généralement un grand risque en biosécurité.
Des vecteurs passifs comme la machinerie ou le fumier transporté sur les bottes,
les vêtements et l’équipement des visiteurs et du personnel sont aussi des sources
possibles de contamination. Des règles minimales d’hygiène et de désinfection pourront
enrayer l’eet potentiel des vecteurs passifs.
Finalement, un bon programme de biosécurité interne (biogestion) permettra de limiter
au minimum les chances de transmission de la maladie entre les animaux d’un même
cheptel et pourra aussi, dans certains cas, contribuer à éliminer complètement la bactérie
d’un troupeau infecté.
Comme tant dautres pays à travers le monde qui ont su adapter leurs méthodes d’élevage
des bovins en contrôlant la
Salmonella
Dublin, nous réussirons aussi à le faire avec de
l’information, de la formation et la volonté daméliorer nos façons de faire.
Environ 18 % des animaux ayant subi la
maladie en jeune âge demeureront des
porteurs sains de la bactérie durant
une grande partie de leur vie. Ils seront
le réservoir invisible de
Salmonella
Dublin dans un troupeau.
Le contrôle
des visiteurs
est l’une des
bases d’un
programme
de biosécurité.
PBQ
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