Le trouble somatoforme douloureux persistant et le syndrome de fatigue
chronique constituent des entités cliniques qui incarnent la position particulière
du corps dans notre société actuelle. Tous les deux se situent dans un carrefour
entre le psychique et le somatique, en interaction étroite avec l’entourage
socioculturel, soulignant ainsi la nécessité de considérer l’être humain dans son
intégralité.
La société actuelle, pauvre en repères collectifs, où l’exaltation de
l’individualité est un critère primordial et où le corps social réparateur n’existe
pas, provoque une grand mal être. Le sentiment de ne pas être reconnu dans son
intériorité est incorporé et après s’exprime ensuite sous la forme d’une plainte
douloureuse. Le contexte de l’émigration et celui des systèmes de prévoyance
sociale dans les pays occidentaux, sont des exemples de conditions qui
favorisent le changement dans la dynamique de la maladie.
En s’appuyant sur la représentation du corps dans un moment historique
précis, l’homme cherche à exprimer une souffrance profonde dans le vécu de
soi-même, qui n’a pas accès à d’autres voies d’expression. Le contexte social,
culturel, médical, professionnel, lui facilite les moyens d’obtenir la
reconnaissance de son affliction sans être exclu du groupe d’appartenance
sociale. Les deux symptômes, douleur et fatigue, rassemblent les conditions
nécessaires, dans la conception actuelle du corps, sociale et médicale, pour
transporter le désir et la demande d’une partie de la société qui ne peut pas
exprimer sa souffrance.
3