Traiter une insomnie aiguë
Il est légitime d'attendre la disparition du
facteur précipitant
Une insomnie aiguë liée à un événement disparaît une fois
le stress résolu. Pendant le processus d’adaptation, elle
peut être sévère et avoir un retentissement diurne impor-
tant. Afin de pallier la somnolence diurne, une surconsom-
mation des boissons caféinées est fréquente, majorant
l’hyper-éveil et les difficultés d’endormissement. L’utilisa-
tion d’un agenda de sommeil dédramatise la plainte et per-
met un suivi de l’amélioration dans le temps. Une explica-
tion de l’insomnie, la réassurance qu’elle est transitoire et
la mise en place d’une bonne hygiène du sommeil sont es-
sentielles (encadré 2).
Encadré 2.
Les règles d'hygiène du sommeil
– Dormir selon les besoins mais pas plus
– Éviter les siestes
– Horaires réguliers (surtout l’heure de lever)
– Attention à l’environnement de la chambre à coucher
(bien aérée, température 18-20o)
– Ne pas regarder la télévision au lit
– Éviter l’utilisation des écrans d’ordinateur moins de 2 heu-
res avant le coucher
– Éviter la caféine, l’alcool et la nicotine
– Exercice physique dans la journée (pas trop tard)
– Éviter les repas trop copieux le soir
La résolution de l’insomnie est rapide chez certains. Chez
d’autres, l’utilisation des médicaments sédatifs de façon
ponctuelle est légitime, tout en expliquant les effets indési-
rables au patient et en soulignant que le traitement ne sera
prescrit que pendant quelques jours voir quelques semaines.
En cas de traitement, lequel choisir ?
Un patient qui souffre uniquement d’une insomnie d’endor-
missement a besoin d’un produit de demi-vie courte, per-
mettant l’induction du sommeil. Certains produits, à demi-
vies très courtes, peuvent être considérés comme des
inducteurs du sommeil purs (ex : zolpidem), d’autres à demi-
vies de 5-8 heures (ex : témazépam, zopiclone) sont aussi
efficaces sur les troubles de continuité du sommeil en début
de nuit. Les benzodiazépines et les apparentés (ex : zolpi-
dem, zopiclone), s’ils sont utilisés de façon ponctuelle deux
ou trois fois par semaine pour une courte période, n’entraî-
nent ni accoutumance ni dépendance.
Les insomnies de continuité du sommeil et les éveils en
fin de nuit sont plus délicats. Pour que les produits puissent
être efficaces il faut une demi-vie longue, avec un retentis-
sement diurne inévitable. Les antidépresseurs sédatifs à pe-
tite dose sont utiles (amitriptyline 5-10 mg, miansérine
10-30 mg, doxépine 5 mg ou paroxétine 2 mg, mirtazépine
7,5 mg au coucher), mais les effets secondaires (somno-
lence, prise de poids) sont importants chez certains. La mé-
latonine à libération prolongée (AMM à partir de 55 ans, po-
sologie 2 mg le soir, bien tolérée) est associée à une
amélioration de la qualité du sommeil et de l’éveil matinal
chez un tiers de ces patients [8, 9]. Bien que la sécrétion de
mélatonine soit diminuée chez certaines personnes âgées,
la mesure du taux de mélatonine n’est pas usuelle et il n’est
pas possible d’identifier les patients qui vont répondre au
traitement. L’efficacité d’autres produits souvent proposés
est de faible niveau de preuve dans les études disponibles
[10-12], ainsi les produits phytothérapeutiques (à l’exception
possible de la valériane) et homéopathiques. Les demi-vies
des antihistaminiques et des neuroleptiques sont longues,
avec des retentissements diurnes parfois très importants.
Réévaluer la plainte au bout de 7-14 jours
La lecture de l’agenda du sommeil permet de s’assurer que
l’insomnie est en voie d’amélioration. Un renforcement des
conseils d’hygiène du sommeil, un soutien psychologique
et/ou l’apprentissage des techniques de relaxation s’avèrent
nécessaires pour certains patients.
Insomnie chronique :
une prise en charge souvent
compliquée
L’insomnie évolue avec le patient selon son âge, son mode
de vie et les événements stressants qu’il subit. Au fil des
années l’insomnie peut se compliquer avec l’apparition d’au-
tres maladies, par exemple des douleurs articulaires ou des
apnées. Certains patients, en souffrance, sont très deman-
deurs. D’autres se contentent d’un renouvellement régulier
de leur somnifère préféré. D’autres encore ne consultent ja-
mais pour leur trouble de sommeil mais pratiquent une au-
tomédication régulière. Il est conseillé de reconsidérer régu-
lièrement la plainte de tous à la recherche de facteurs
d’aggravation récente, d’une comorbidité, ou d’une mauvaise
hygiène du sommeil (tableau 3). La mise en place d’une
bonne hygiène du sommeil est toujours essentielle (enca-
dré 2), avec un suivi de l’évolution de l’insomnie (agenda du
sommeil). La suspicion d’apnées ou de mouvements noctur-
nes des jambes, une insomnie à retentissement diurne im-
portant, devraient motiver une exploration du sommeil par
polysomnographie [13]2. Il faut préciser avec le patient ses
attentes et définir avec lui les objectifs concrets : une dispa-
rition totale des symptômes n’est que rarement possible et
il faudra plutôt viser une amélioration progressive (par exem-
ple fixer plutôt une diminution de 20 % dans le temps d’en-
dormissement ou d’éveil intrasommeil) tout en utilisant
l’agenda du sommeil comme outil d’évaluation de l’efficacité
de traitement.
2. La polygraphie ventilatoire ne dépiste que les troubles respiratoires et a
tendance à sous-estimer le nombre des apnées et des hypopnées chez un
patient ayant une insomnie sévère.
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mai 2009MÉDECINE
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