S o m m a i r e - n° 35 - Vol IX
Janvier 2002
EDITORIAL
ANTIBIOTHÉRAPIE EMPIRIQUE ET INFLATION ANTIBIOTIQUE
2
B. Bouhaja
ARTICLES
A. BAUMANNII
EN MILIEU DE REANIMATION : UN BILAN DE 5 ANNEES 3
T.Bouayed
et Coll.
INSUFFISANCE RENALE AIGUË ET ETATS INFECTIEUX SEVERES 6
M. Boughalem
et Coll.
LES FACTEURS PREDICTIFS DE SUPPURATION PANCREATIQUE AU COURS
DES PANCREATITES AIGUES GRAVES 9
M. I. Beyrouti
et Coll.
L’EXPERIENCE DE L’EQUIPE MEDICALE MODIFIE-T-ELLE LA MORTALITE
DES INFECTIONS GRAVES DES TISSUS MOUS ? 13
F. Petitjeans
et Coll.
LES GANGRENES PERINEO-SCROTALES (à propos de 35 cas) 16
M. Alami
et Coll.
FACTEURS DE GRAVITE DES MENINGITES POST - TRAUMATIQUES PRECOCES 19
M.Khatouf
et Coll.
ANESTHESIE ET REANIMATION DANS LA CHIRURGIE DES MEDIASTINITES
SUPPUREES PAR PERFORATION IATROGENE DE L’ŒSOPHAGE 22
R. Atangana
et Coll.
SENSIBILITE D’
E. COLI
AUX ANTIBIOTIQUES : ETAT ACTUEL DANS
UN C. H. U. DE LA BANLIEUE NORD DE TUNIS 25
L. Bakir
et Coll.
INFECTIONS NOSOCOMIALES EN MILIEU DE REANIMATION 28
I. Boutiba-Ben Boubaker
et Coll.
OPTIMISATION DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE À L’HÔPITAL. ANALYSE DES FICHES DE
PRESCRIPTION D’ANTIBIOTIQUES DANS UN C. H. U. 31
B. Bouhaja
et Coll.
PRISE EN CHARGE DES POLYRADICULONEVRITES AIGUËS GRAVES EN
REANIMATION (A PROPOS DE 31 OBSERVATIONS) 35
N. Ech-Cherif El Kettani
et Coll.
CAS CLINIQUE
DÉFAILLANCE RESPIRATOIRE AIGUË APRÈS ENVENIMATION PAR DES SERPENTS
EXOTIQUES : À PROPOS DE 2 CAS. 39
Y. Brouh
et Coll.
LES ATTEINTES HÉPATIQUES GRAVES AU COURS DU PALUDISME À
P. FALCIPARUM
: UNE SÉRIE DE 5 CAS TRAITÉS À ABIDJAN 41
Y. D Ayé
et Coll.
MISES AU POINT
LES ANTI-COX2 : UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D'ANTI-INFLAMMATOIRES
NON STÉROÏDIENS 43
E. Viel
et Coll.
GESTION DES ANTITHROMBOTIQUES EN NEUROREANIMATION 47
A. Caidi
et Coll.
FLASH
LE POINT RAPIDE SUR LES FLUOROQUINOLONES 52
B. Bouhaja
INFORMATION
54
PROTOCOLE
EXTRAITS DES RECOMMANDATIONS DE LA SFAR POUR
L’ANTIBIOPROPHYLAXIE EN CHIRURGIE 56
RÉSUMÉS OCTOBRE 2001
61
J. Magh. A. Réa. - VOL IX - P. 1
VERITE DANS LA SCIENCE, MORALITE DANS L’ART
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Le Journal Maghrebin d’Anesthésie-
Réanimation et de Médecine d’Urgence
ISSN n° 0330-6690
Dépot légal n° 2744 du 07 Septembre 1995
Fondée en novembre 1993 à Tunis.
Responsable de
la publication
Abdelmajid Daoud
J. Magh. A. Réa. - VOL IX - P. 2
EDITORIA
L
E D I T O R I A L
Frapper vite, frapper fort mais surtout…FRAPPER JUSTE !
Ce numéro du Journal Maghrébin d’Anesthésie Réanimation et de Médecine d’Urgence (JMAR) a pour thème princi-
pal la pathologie infectieuse en réanimation ; tant les problèmes posés par les infections nosocomiales, la résistance
bactérienne aux antibiotiques et l’impact pronostique de celles-ci sont au centre des préoccupations des réanimateurs.
Il n’est pas de visite en réanimation qui ne comporte son lot de discussions concernant le choix d’un protocole anti-
biotique ou la façon de stopper une épidémie à germes multirésistants. En réanimation, l’ère « préantibiotique » n’est plus
seulement une crainte mais une réalité. Celle–ci se trouve justement bien illustrée par les articles publiés dans ce numé-
ro du JMAR et qui rendent compte du manque, voire de l’absence totale de sensibilité aux antibiotiques ATB de germes
comme A. baumannii ou P. aeruginosa que ce soit à l’hôpital Sahloul de Sousse (1) ou à l’hôpital Charles Nicolle de
Tunis (2).
Plusieurs facteurs sont à l’origine d’une telle situation. Mais parmi ceux-ci, l’utilisation abusive des ATB semble
occuper une place essentielle.
S’il est une situation qui pourrait favoriser l’emploi abusif des ATB, c’est bien celle de l’antibiothérapie empirique.
Ici, le thérapeute, face à une infection grave, cherche légitimement à ne pas faire d’impasse thérapeutique car du carac-
tère approprié de l’ATB empirique pourrait dépendre le pronostic du malade (3). Il en arrive ainsi aux choix ATB maxi-
malistes qui font que très rapidement la majorité des malades d’un service de réanimation va se retrouver sous les mêmes
ATB. La dérive économique et écologique surviendrait lorsque ces ATB seront triés parmi les plus récents, les plus coû-
teux et ceux qui gardent encore une activité sur les germes multirésistants.
L’ATB empirique, telle qu’elle est prescrite dans le contexte d’un service de réanimation, vise à frapper vite, fort et
juste. Seulement voilà, si les deux premiers objectifs sont relativement faciles à atteindre, frapper juste l’est beaucoup
moins.
Frapper juste c’est éviter à la fois les choix ATB maximalistes, mais aussi les choix insuffisants. Un exemple de
choix insuffisant est fourni par la prescription d’une ATB empirique comportant une pénicilline A et un aminoside au
cours des pancréatites aiguës (4).
Frapper juste exige de la part du clinicien un niveau d’expertise clinique suffisant permettant d’évoquer le sepsis
sans pour autant occulter le Systemic Inflammatory Response Syndrome (SIRS) et inversement. Les examens à visée
microbiologique devraient aider à faire cette distinction. Dans de nombreuses situations, une ATB empirique excessive
est poursuivie faute d’orientation microbiologique. A l’origine, des prélèvements mal exécutés, mal acheminés jusqu’au
laboratoire de microbiologie ou mal « techniqué » par ce dernier !
Frapper juste nécessite de la part du laboratoire de microbiologie une réhabilitation des examens bactériologiques
utiles dans un contexte d’urgence et leur disponibilité à tout moment de la journée tels l’examen direct avec coloration
de Gram ou la recherche d’antigènes bactériens.
Frapper juste exige de la part du laboratoire de microbiologie de tenir à jour auprès des cliniciens, réanimateurs et
pédiatres en premier lieu (5), les données qui résument l’état de l’épidémiologie microbiologique au sein de l’hôpital : sen-
sibilité aux ATB, épidémie, …
Enfin, Frapper juste exige une parfaite collaboration entre cliniciens, microbiologistes, épidémiologistes et pharmaciens
afin d’imposer les restrictions qui s’imposent pour que l’ATB empirique soit efficace sans être ni abusive ni insuffisante.
Antibiothérapie empirique
et inflation antibiotique
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Bouayed T, et al. J Magh A Réa 2002 ; 9 : 3 - 6
2. Boutiba Ben Boubaker J, et al. J Magh A Réa2002 ; 9 : 29-31
3. Kollef MH, et al. Chest 1999 ;115 :462-474.
4. Beyrouti MI, et al. J Magh A Réa 2002 ; 9 : 10-13
5. Bouhaja B, et al. J Magh A Réa 2002 ; 9 : 32-35
Béchir Bouhaja
J. Magh. A. Réa. - VOL IX - P. 3
ACINETOBACTER BAUMANNII EN MILIEU DE REANIMATION : UN
BILAN DE 5 ANNEES.
ACINETOBACTER BAUMANNII IN INTENSIVE CARE UNITS : A 5
YEARS STUDY
T.Bouayed*, A.Chaouch*, N.Boujaafar**, K.Saidi*, M.A.Cheikh*, R.Said*
*:Service d’anesthésie-réanimation ; hôpital Sahloul Sousse - Tunisie
** : Laboratoire de microbiologie ; hôpital Sahloul Sousse - Tunisie
Résumé
Objectifs :
1- Ressortir l’état actuel de la résistance de Acinetobacter bauumannii (AB) à 6 bêta-lactamines, 2 aminosides et une
fluoro- quinolone.
2- Observer l’évolution de cette résistance sur les 5 dernières années.
3- Evaluer la fréquence d’émergence de souches résistantes chez certains malades.
MATERIEL ET METHODES : Souches : Prélèvements positifs à AB entre janvier 1995 et décembre 1999 dans la
réanimation de l’hôpital Sahloul. La première souche isolée chez un patient est appelée « initiale » et toutes les sui-
vantes sont appelées « répétitives ».
Sensibilité aux antibiotiques : Sont considérées résistantes, les souches dont la CMI est supérieure à la concentra-
tion critique inférieure.
RESULTATS ET DISCUSSION : L’étude de la sensibilité des souches fait apparaître des pourcentages de résis-
tance élevés vis-à-vis de la plupart des molécules, avec d’importantes fluctuations annuelles concernant surtout les
bêta-lactamines, rendant compte de la capacité de mutation chez AB.
Par comparaison aux souches « initiales », la résistance des souches « répétitives » n’est significativement plus éle-
vée que pour la ticarcilline, avec ou sans acide clavulanique et pour l’imipénème. Enfin, des phénotypes de résis-
tance peuvent émerger en cours de traitement. Ceci a pu être démontré pour l’imipénème et pour la ticarcilline.
Mots clés : Acinetobacter ; Antibiotiques ; Infections nosocomiales ; Résistance bactérienne.
J. Magh. A. Réa. - VOL IX - P. 3
Summary
Objectives :
1 – to come out the present state of resistance of Acinetobacter baumannii to 6 beta-lactam antibiotics, 2 aminogly-
cosides and one fluoroquinolone.
2 – to observe the evolution of this resistance on the last five years.
3 – to value the frequency of resistant stumps emergence at some patients.
PATIENTS AND METHODS: Strains: positive taking to Acinetobacter baumanii between Januray 1995 and
December 1999. The first strain isolated at a patient is called “initial” and all following are called “repetitive”.
Sensitivity to antibiotics: Are considered resistant stumps, whose MIC is superior to the lower critical concentration.
RESULTS AND DISCUSSION: The study of strains susceptibilities showed a raised percentages of resistance
toward the more part of molecules, whith important yearly fluctuations especially concerning beta-lactams, giving
account of the mutation capacity at AB. Finally, phenotypes of resistance can emerge under treatment. It could have
been demonstrated for imipenem and ticarcillin.
Key- words : Acinetobacter baumannii ; Bacterial resistance ; Antibiotics ; Nosocomial infections.
J. Magh. A. Réa. - VOL IX - P. 3
INTRODUCTION
Acinetobacter baumannii ( AB ) est un agent causal de
nombreuses infections, particulièrement chez les indivi-
dus débilités dans les services de soins intensifs (1), occu-
pant depuis quelques années une place importante parmis
les germes responsables d’infections nosocomiales (2,3).
Aujourd’hui, AB est considéré comme l’un des bacilles à
Gram négatif les plus résistants, posant de sérieux pro-
blèmes thérapeutiques. Ses caractéristiques métaboliques
et sa capacité à développer et cumuler des caractères de
résistance aux antibiotiques lui permettent de persister
dans un environnement hostile et favorisent sa diffusion
épidémique, le rendant difficile à éradiquer dans le foyer
infectieux (4,5,6). Cette étude a pour premier objectif de
ressortir l’état actuel de la résistance de AB à 6 bêta-lac-
tamines dont l’imipénème, 2 aminosides et une fluoro-
quinolone. Le deuxième objectif est d’observer l’évolu-
tion de cette résistance sur les 5 dernières années, et enfin
d’évaluer la fréquence d’émergence de souches résis-
tantes chez certains malades.
MATERIEL ET METHODES
Souches :
Les prélèvements positifs à AB effectués chez les patients
hospitalisés dans l’une des deux unités de réanimation
polyvalente de l’hôpital Sahloul, entre janvier 1995 et
décembre 1999, sont ressortis à partir de la base de don-
nées du laboratoire de microbiologie. Les Acinetobacter
sont identifiés par les techniques classiques ( galerie
APINE ). AB se distingue par ses caractéristiques biochi-
miques et sa croissance à 44°C. La première souche iso-
lée chez un patient est appelée « initiale » et toutes les
suivantes sont appelées « répétitives ». Quant la même
souche est isolée à partir de divers prélèvements à 24
heures d’intervalle, elle n’est prise en compte qu’une
seule fois. La fréquence bactérienne des Acinetobacter est
définie par le rapport : prélèvements à AB / nombre total
de bactéries isolées pendant la même période.
Sensibilité aux antibiotiques et détermination des
concentrations minimales inhibitrices (CMI):
Les antibiogrammes sont effectués par la méthode de
disques (Diagnostics Pasteur). La technique de diffusion
sur gélose est mise en oeuvre en tenant compte des
recommandations du comité de l’antibiogramme de la
société française de microbiologie (7). Les antibiotiques
testés sont : ticarcilline (TIC), ticarcilline+acide clavula-
nique (CLV), pipéracilline (PIP), céfotaxime (CTX), cef-
tazidime (CAZ), imipénème (IMP) , amikacine (AMK) ,
Correspondance: Dr BOUAYED Tarek
Service d’anesthésie-réanimation
Hôpital Sahloul 4054 SOUSSE
Tél : 73 271 479
J. Magh. A. Réa. - VOL IX - P. 4
ACINETOBACTER BAUMANII EN MILIEU DE REANIMATION: UN BILAN DE 5 ANNEES.
T. Bouayed
gentamicine (GEN) et péfloxacine (PFL).
Les CMI des antibiotiques étudiés sont déterminés à par-
tir des diamètres des zones d’inhibition, à l’aide du logi-
ciel « TOUCAN EXPERT , version 4.0 » (SANOFI-PAS-
TEUR, France). Sont considérées résistantes, les souches
dont la CMI est supérieure à la concentration critique
inférieure (souches de sensibilité intermédiaire et
souches résistantes).
RESULTATS
Répartition des souches :
AB a été isolé dans 508 prélèvements pathologiques. Sur
ces isolats, on a pu individualisé 455 souches cliniques,
dont 285 sont issues de prélèvements initiaux ( souches «
initiales » ) et 170 de prélèvements effectués ultérieure-
ment ( souches « répétitives » ) (tableau n°I).
Pour l’ensemble de la période, la fréquence bactérienne
des Acinetobacter est de 18%. C’est le germe le plus
répandu devant P. aeruginosa (17%) et S. aureus (10%).
Cette fréquence a doublé voir triplé les trois dernières
années par rapport à ce qu’elle a été au début de l’étude.
Origine des souches :
Un peu moins de la moitié des souches ( 44% ), qu’elles
soient initiales ou répétitives, a été isolée soit au niveau
des hémocultures soit à partir des cathéters veineux cen-
traux. Les autres sites d’isolement sont surtout urinaire
( 22% ) et pulmonaire ( 20% ), alors que le reste des loca-
lisations y compris la peau ne représentent que 14% de
l’ensemble des prélèvements.
Etude de la sensibilité des souches :
Souches « initiales » :
Malgré quelques variations annuelles, la résistance à la
pipéracilline reste très élevée ( de 82.8 à 100% ). La
moyenne des CMI des souches sensibles est de 4.6mg/l
(tableau n°II).
Les pourcentages de résistance à la ticarcilline et aux
céphalosporines de troisième génération testés, sont aussi
élevés, et surtout ils subissent, durant la période d’étude,
d’importantes fluctuations en sens inverse ( fig 1).
L’adjonction d’acide clavulanique n’améliore pas la sen-
sibilité des Acinetobacter à la ticarcilline et n’abaisse pas
la CMI des souches sensibles. L’imipénème, la bêta-lac-
tamine la plus active sur AB, voit son efficacité se rédui-
re sur les quatre premières années d’études ( 45.2% de
souches résistantes en 1998 pour seulement 2.7% en
1995 ). Enfin, en 1999, la résistance à l’imipénème ne
concerne qu’un quart des souches. Pour les deux amino-
sides testés, les pourcentages de résistance de AB à ces
molécules sont élevés (de 71 à 87% pour l’amikacine et
de 86 à 96% pour la gentamicine) et il n’y a pas eu de
fluctuations significatives au cours des années d’étude.
L’amikacine, initialement plus efficace, se trouve,
en1999, à égalité avec la gentamicine. La résistance à la
pefloxacine, stable autour de 75% les trois premières
années d’étude, grimpe à plus de 90% à partir de 1998.
Souches « répétitives » :
Par comparaison aux souches « initiales », la résistance
des souches « répétitives » n’est significativement plus
élevée que pour la ticarcilline, avec ou sans acide clavu-
lanique et pour l’imipénème. Pour les autres molécules,
l’efficacité antibactérienne est inchangée, que la souche
ait été isolée initialement ou à partir de prélèvements
ultérieurs (tableau n°III).
DISCUSSION
Nos résultats permettent, d’abord, de confirmer le rôle de
AB comme bactérie pathogène opportuniste. Ils mettent
en évidence l’incidence croissante des infections nosoco-
miales à AB. En effet, celui ci représente, au service de
réanimation de l’hôpital Sahloul, 18% de l’ensemble des
bactéries isolées. Une étude faite entre 1984 et 1988,
dans un hôpital parisien ( tout service confondu ), a mon-
tré un taux nettement plus bas de 1.85% (8). Par ailleurs,
la fréquence d’isolement de AB a doublé, voir triplé, les
trois dernières années prenant la place à P. aeruginosa.
Quant à l’origine des prélèvements, nos résultats concor-
dent avec ceux de la littérature (5,8,9), puisque la plupart
des souches ont été isolé à partir des prélèvements san-
guins, pulmonaires ou urinaires. En effet, le tiers des pré-
lèvements positifs à AB sont des hémocultures. De
même, AB est responsable du tiers d’infections sur cathéter.
L’étude de la sensibilité aux antibiotiques des souches
isolées, fait apparaître des pourcentages de résistance éle-
vés vis-à-vis de la plupart des molécules.
La résistance aux bêta-lactamines, à l’excéption des car-
bapénèmes, est essentiellement due à un phénomène de
Tableau n°I : répartition des Acinetobacter isolés de
1995 à 1999
Prélèvement F.B* (%) N.souches S.initiales S. répétitives
1995 60 11.2 53 38 15
1996 37 8 36 29 7
1997 149 21.7 129 82 47
1998 149 24.1 135 73 62
1999 113 23.5 102 63 39
Total 508 18 455 285 170
* : fréquence bactérienne
Tableau n°II : évolution de la résistance aux antibio-
tiques des souches «initiales» de AB(pourcentage de
souches résistantes).
CMI
modales 1995 1996 1997 1998 1999
(mg/l)
TIC 11.4 94.8 62.1*** 69.6 83.6* 55.6***
CLV 11.4 94.8 58.7*** 68.3 80.9* 55.6***
PIP 4.6 100 82.8* 95.2* 93.2 96.9
IMP 1.9 2.7 3.5 30.5*** 45.2 23.9**
CTX 2.5 97.4 100 89.1* 75.4* 87.4
CAZ 3 97.4 96.6 81.8* 72.6 90.5**
AMK 1.7 71.1 82.8 80.5 75.4 87.4
GEN 2.1 89.5 86.3 96.4 94.6 87.4
PFL 0.8 73.7 72.5 76.9 90.4* 96.9
* :p<0.05 / ** :p<0.01 / *** :p<0.005 par rapport à l’année précédente
Tableau n°III : Résistance des souches « initiales »
et « répétitives » aux antibiotiques.
Souches « initiales » Souches « répétitives »
N=285 (%) N=170 (%)
TIC 207 (72.6) 146 (85.8)*
CLV 203 (71.2) 143 (84.1)*
PIP 269 (94.3) 166 (97.6)
IMP 75 (26.3) 91 (53.5)*
CTX 249 (87.3) 141 (82.9)
CAZ 242 (84.9) 143 (84.1)
AMK 227 (79.6) 143 (84.1)
GEN 262 (91.9) 162 (95.2)
PFL 239 (83.8) 150 (88.2)
* : p<0.005
J. Magh. A. Réa. - VOL IX - P. 5
1- Bouvet. PMJ : Acinetobacter. In : Freney. J. ; Renaud F.; Hansen.
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société française de microbiologie . Bull Soc FrMicrobiol 1995, 10(1)
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9- Muller-Serieys. C ; Lesquoy. JB ; Perez E ; Fechelle. A; Boujeois. B ;
Joly-Guillou. ML ; Bergogne-Berezin. E : Infections nosocomiales à
Acinetobacter . Epidémiologie et difficultés thérapeutiques. Presse
Méd 1989, 18(3) :107-10
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16- Roussel-Delvallez. M ; Wallet. F ; Delpierre. F ; Courcol. RJ : In
vitro bactericidal effect of beta-lactam + aminoglygoside combina-
tion against multiresistant Pseudomonas aeruginosa and
Acinetobacter baumanii. J Chemother, 1996 8(5) :365-8
résistance enzymatique par l’intermédiaire d’une bêta-
lactamase (6). En pratique, il est possible de distinguer
quatre phénotypes de résistance aux bêta-lactamines
selon que la souche ait ou pas une activité pénicillinase
ou une activité céphalosporinase (8,9). Les mécanismes
de résistance à l’imipénème sont de trois types : imper-
méabilité membranaire, modification de PLP et produc-
tion de carbapénèmase (6,10,11). les aminosides sont
résistants à AB essentiellement par l’acquisition d’en-
zymes modificatrices. Pour les fluoroquinolones, il s’agit
en premier lieu d’une mutation chromosomique (6).
Les pourcentages élevés de souches de AB résistantes à la
pipéracilline s’explique par la sensibilité du produit à
l’action des pénicillinases. La résistance à la ticarcilline
et aux céphalosporines de troisième génération (C3G) a
subi d’importantes fluctuations durant les cinq années
d’étude. Ceci peut bien s’expliquer par la grande capaci-
té de mutation chez AB modifiant son phénotype de résis-
tance. En effet, le taux élevé de souches à activité cépha-
losporinase observé en 1996 s’inverse en 1998 au profit
des souches à activité pénicillinase, avant de remonter en
1999. l’étude de Joly-Guillon, entre 1984 et 1988, trouve
une résistance stable à la ticarcilline alors que la résistance
aux C3G progresse fortement la rattachant à la consom-
mation hospitalière de céfotaxime (8). Ruiz et coll, trou-
vent en 1996 des taux de résistance de 89.4% pour la
ticarcilline et 86.8% pour la ceftazidime, alors qu’en
1991, les pourcentages de souches résistantes étaient pour
ces deux molécules, respectivement de 70% et 57.4% (12).
La non amélioration de la sensibilité de AB à la ticarcilli-
ne quand on lui associe l’acide clavulanique, fait évoquer
l’hypothèse qu’il pourrait exister une bêta-lactamase
insuffisamment inhibée par le clavulanate. Ceci peut inciter
à l’utilisation d’autres inhibiteurs de bêta-lactamase
comme le sulbactam, plus souvent actif (13), voir même
une association de deux molécules inhibitrices (14).
L’imipénème reste, à ce jour, l’antibiotique de référence
dans le traitement des infections à AB (6,8,9). Même si le
ACINETOBACTER BAUMANII EN MILIEU DE REANIMATION: UN BILAN DE 5 ANNEES.
T. Bouayed
taux de souches résistantes est élevé par rapport à ce qu’il
a été au début de l’étude, on reste encore loin des 80% de
souches résistantes rapportés par Ruiz (12). Les amino-
sides sont des molécules intéressantes vis-à-vis de AB, car
très bactéricides. Les taux de résistance à l’amikacine et à
la gentamicine, dans cette étude, sont élevés mais relati-
vement stables, alors que d’autres auteurs rapportent des
taux de résistance croissants à ces deux antibiotiques (8,12).
Les fluoroquinolones sont restés pendant longtemps un
des traitements de première intention chaque fois où un
bacille à Gram négatif est suspecté être à l’origine de l’in-
fection. En 1999, avec le phénomène évolutif de résistan-
ce, 96.9% des souches de AB sont résistantes à la
pefloxacine. Celle-ci ne peut plus donc être l’antibiotique
de choix des infections sévères chez les malades de réani-
mation.L’étude de la sensibilité des souches « répétitives
», montre que certains phénotypes de résistance peuvent
émerger en cours de traitement. C’est en particulier le cas
de la résistance à l’imipénème, qui augmente probable-
ment en raison d’un processus d’imperméabilité et la
résistance à la ticarcilline, probablement par modification
enzymatique. L’ensemble de nos résultats, ainsi celles
d’autres auteurs, confirment le fait que AB est un germe
de plus en plus multirésistant, ce qui réduit considérable-
ment les choix thérapeutiques. Il faut parfois compter sur
les associations multiples dites « non classiques » pour
obtenir un effet bactéricide (15,16).
CONCLUSION
L’augmentation du nombre d’infection à AB en soins
intensifs, associée à une résistance envers la majorité des
agents antimicrobiens, et à une persistance des souches
due à une diffusion dans l’environnement, rend ce pro-
blème très préoccupant. Une attention particulière doit
être portée sur la prévention de ces infections, passant par
un meilleur usage des antibiotiques, et l’instauration des
mesures d’hygiène stricte, de manière à maintenir l’endé-
mie à un niveau tolérable.
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