future devant « tout ce qui lui arrive de neuf », comme on attend l’effet
(ici, la connaissance) lorsque la cause se produit (ici, ce qui est neuf). Cette
espérance et cette attente sont définies par Hobbes : elles consistent en
une passion, l’« admiration ».
Pourquoi s’agit-il d’une passion ? Sachant que l’étymologie latine du terme
« passion » est patior, « supporter », « souffrir », la passion caractérise
une forme de passivité du sujet. L’admiration est provoquée en l’homme
par le surgissement de l’étrange, autrement dit de l’inconnu, de l’inédit ;
l’homme ne le recherche pas activement. En effet, la recherche de l’étrange
supposerait que l’on en possède déjà une représentation : il ne serait
donc plus étrange. Ainsi l’admiration est bien un principe irrationnel dont
l’homme n’est pas l’origine volontaire. On pourrait néanmoins croire que
ce qui est neuf, « étrange », non familier provoque plutôt de la crainte,
voire de l’effroi. Mais comme les « nouvelles expériences » conduisent à
de « nouvelles sciences », on est pris d’admiration car on en retire un
savoir bénéfique, qui, comme tel, est un rempart à la crainte irrationnelle.
À un moindre degré, en tant que désir simplement, l’admiration devient
curiosité. Ainsi, dans une perspective radicalement antiplatonicienne,
Hobbes refuse toute origine métaphysique au désir de connaître. Nous
désirons connaître les lois qui régissent ce monde, nous désirons savoir
l’origine des choses simplement parce que nous avons constaté par l’ex-
périence que nous sommes capables de savoir.
2. L’admiration et la curiosité sont à la source
de toute réflexion et de toute connaissance
A. L’homme et l’animal sont tous deux confrontés à la nouveauté
Il s’agit alors de savoir en quoi le désir de connaître est le propre de
l’homme, alors même qu’il est confronté à la nouveauté au même titre
que les animaux. L’une des spécificités du jugement que l’homme porte
sur les choses, c’est qu’il leur « impose des noms ». Hobbes pose ici que
seul l’homme est capable de langage : son rapport aux choses passe par
la médiation des noms, et ces noms, en tant qu’ils sont « imposés aux
choses », relèvent d’une convention ou d’une décision. L’aptitude au
langage permet de ramener l’inconnu au connu (puisqu’un mot permet
de ramener les cas particuliers sous un genre, et de classer, par exemple,
l’individu x qui se présente devant moi dans le genre « homme »).
Cependant, cette aptitude ne suffit pas à rendre compte de l’actualisation
du désir de connaître. En effet, être capable de connaître n’implique pas
nécessairement que l’on désire connaître. C’est pourquoi la distinction
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