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LE MALI ET LA DEUXIÈME EXPANSION MANDEN
ghost, de Niani sont l’objet de fouilles depuis deux décennies ; la moisson est
abondante et elle conrme bien des données des traditions orales
7
.
Le Takrūr
Les provinces les plus importantes, telles que le Manden et le Takrūr,
s’étaient détachées et libérées de la domination du Ghana dès le milieu du
XIe siècle
8
. Wardjabi, roi du Takrūr, converti à l’islam, avait pris une part
active à la guerre sainte déclenchée par les Almoravides ; son ls, Labi ou
Laba, continua cette politique d’alliance avec les Almoravides et combattit
avec eux les Godala
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en 1056.
Maître du euve Sénégal et contrôlant les mines d’or du Galam, le Takrūr
prit momentanément la relève de Kumbi comme centre commercial. Selon
Al-Idrīsī, le Takrūr était, au XIIe siècle, un puissant royaume dont l’autorité
était incontestable sur le euve Sénégal ; il annexa la cité de Barisa ; les mines
de sel d’Awlil étaient sous le contrôle de ses rois.
Au XIIe siècle, après le Ghana, le Takrūr fut le royaume le plus connu
des Arabes ; ses commerçants semblent avoir pris le pas sur ceux du Ghana,
gênés par la guerre civile qui désolait les provinces soninke du Wagadu, du
Baxunu, du Kaniaga et du Nema. Le Sénégal, navigable jusqu’à Goundiou-
rou (région de Kayes), était une voie de pénétration commode qu’utilisèrent
les commerçants takrūriens ou tukulóór pour aller échanger le sel d’Awlil
jusqu’au-delà de Barisa contre de l’or
10
.
Il apparaît de plus en plus que l’apogée du Takrūr se situe entre la n
du XIe et le milieu du XIIe siècle. Avant l’émergence du Soso et du Mali, c’est
le Takrūr qui a joué un rôle économique de premier plan. Aussi ne doit-on
pas s’étonner de voir les Arabes donner le nom de Takrūr à tout le Soudan
occidental.
Les villes de Sangana, Takrūr et Silla étaient fréquentées par les com-
merçants arabo-berbères ; la chute de Kumbi n’interrompit pas le trac de
l’or ; bien au contraire, le Takrūr remplit momentanément le vide laissé par
Kumbi
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. La ville de Takrūr décrite par Al-Bakrī était une grande métropole
comprenant un quartier d’Arabo-Berbères comme à Kumbi.
Cependant, le Takrūr se contenta de rayonner dans le bassin du euve
Sénégal et ne prit pas part à la lutte pour l’hégémonie qui opposait les
Soninke et les Maninka aux Sosoe.
7. J. Devisse et S. Robert, 1970.
8. Voir Al-Idrīsī, 1866 ; également Ibn Sa˓īd, dans J. Cuoq, 1975.
9. Les Godala ou Gdala faisaient partie de ḳabīla berbères sanhaja, qui habitaient le Sahara.
10. Al-Idrīsī, 1866 ; voir également Ibn Sacīd, dans J. Cuoq, 1975, p. 201 -205.
11. Al-Bakrī, Al-Idrīsī et Ibn Sa˓īd citent les villes du Takrūr, mais aucun travail d’envergure n’a
été fait pour localiser les sites de ces villes ensevelies par le désert ou détruites par les guerres.
La traduction du livre d’Al-Bakrī est fort ancienne ; en la reprenant, il est possible aujourd’hui de
faire une bonne lecture des noms de lieux et de personnes. Les villes de Sangana, de Takrūr, de
Barisa n’ont pas encore été localisées le long du euve Sénégal.