Sonthéâtredestylenarratifestprincipalementmarqué
parleverfremdungseffekt,soitla«distanciation».Le
verfremdungseffekt,cen’estpasunenouveauté.Eneffet,
ce mot représente une conception importante du
formalismerussedespremièresannéesduXXesiècle.
QuantàBrecht,ilafaitunenouvelleexplicationsurcette
conception:le verfremdungseffekt, c’estde rendre
étrangerlesconnus.Plusprécisément,Brechtespère
amenerauspectateurdeqouifrapperlesyeuxetlecœur,
enprésentantdefaçoninhabituellesurlascèneleschoses
dumonderéelfamilièresàcelui-ci,ainsilespectateurne
peut pas les comprendre comme naturel de la vie
quotidienne,cequipermetd’aborddepiquerlacuriosité
et l’étonnamment chez le spectateur, et d’effacer
l’identificationentreluietleschosespasséessurlascène,
ensuited’améliorersonautonomieetindépendance,et
puisd’allerchercherdefaçoncalmeetobjectiveles
raisons,etenfindeconnaîtreetjugernotremonde.Le
verfremdungseffektmetenvaleurlabeautévenued’une
«distanciation»ettented’enleverlaquatrièmemurdu
théâtretraditionnel,afindecréeruneforceextensiveavec
laquellelespectateurpeutgagnerungoûtesthétiqueà
découvriretréfléchir.Leverfremdungseffektpeutse
réaliserparplusieursprocédéstelsquelapiècedethéâtre,
l’interprétationdesjoueurs,ledécordelascène,etc..
Mère Courage et ses enfantsestunchef-d’œuvrede
sesdramesdemodenarratif.Nousallonsanalyserpar
cettepiècedethéâtrel’efficacitéduverfremdungseffekt
danslaformationdusenstragique.Mère Courage et ses
enfants,écriten1939,apourcontextelaGuerredeTrente
Ans.Ils’agitd’unecantinièreAnnaFierling,diteMère
Couragequientre1624et1636,tiresacarrioleavec
l’armée pour traverser la Suède, la Pologne et
l’Allemagne.Lacantinière,accompagnéedetroisenfants,
faitducommercedanslaguerrepourgagnerlavie,mais
toujoursavecunespoirderéaliserunebonneaffaire.Elle
s’estinstalléedanslaguerre,maislaguerreluiprendtous
sestroisenfants,elleperdtoutesafamille:sonpremier
fils Eilif est mort pour le courage, son deuxième
SchweizerkaspourlaloyautéetsafilleCatherinepourla
charité.Cependantaulieudetireruneleçondelapertede
sesenfants,ellenerenoncepasetreprendlarouteavec
l’armée.
1. CHRONIQUE DES PETITS GENS
Mère Courage et ses enfants porte le sous-titre:
ChroniquedelaguerredeTrenteAns.Différentàla
tragédied’histoiretraditionnelle,cethéâtreestunfruit
d’unenouvellelecturedel’histoire.Aulieuderaconter
desévénementssurvenuschezlesnoblesoulaclasse
gouvernante,ils’agitplutôtd’unechroniquedespetits
genscommelaMèreCourageetsesenfants,c’est-à-dire
lalecturedetoutelaguerresefaitduregarddecespetits
gens,doncpasséeduregarddesgouvernantsauceluides
gouvernés.Lescréateursdestroublesnesontplusles
rôlesprincipauxduthéâtre,maislespetitsgens,soitles
gensordinaires,victimesdel’histoiresemettentsurle
devantdelascène,decefait,seréalisentunregardetun
pointdevuetoutnouveaudelapartdecesgensordinaires
surlesévénementsetlaguerre.Parexemple,ledécèsdu
généralThillyestappeléparlachroniqueofficielle“un
momenthistorique”,tandisquelaMèreCourageafaitun
commentairetoutàfaitopposé:“pourmoi,unmoment
historique,c’estqu’ilblessaitledessusdesyeuxàma
fille.”LaguerredeTrenteAnsesthistoriquementappelée
“laguerredereligion”,maisauxyeuxdudramaturge,
c’esteneffetuneguerreinjusticequelesgouvernantsde
chaquepaysdéclenchedansleurspropresintérêtssousde
beauxprétextes,encoreplusprofondément,ils’agitd’un
conflit inconciliable entre les gouvernants et les
gouvernésetd’uneguerreentrelaclassegouvernanteetla
classe populaire. L’horreur de la guerre est aussi
parfaitementprésentéedanscethéâtre.Danslapremier
scèneduthéâtre,lesergentnepeutrecruterpersonne,et
dansladeuxièmescène,leblocageestloind’êtreterminé,
ilmanquelesressourcesmatériellesdanslacité,alors
MèreCourageavenduaucuisinierdugénéraluncoqbien
maigre,cequidénonceindirectementlaférocitédela
guerre:cettegrandeguerredereligionsetraînesur16
ansetelleaenterréplusdelamoitiédelapopulation
allemande.Lapesteterribleatuélessurvivantsdela
guerre.Surlesterrainsplongésdanslesangrègnela
famine.Danslescitésincendiées,lestroupeauxdeloups
setrouventpartout.Alorsqueles“grandshommes”
mettent le feu de guerre ici et là pour gagner des
bénéfices,imposerl’hégémonieetgouvernercemonde,
les“petitsgens”,ilsneveulentquedequoimangerà
leurfaimetdeqouisetenirchaud.Alafin,cesderniers
n’enprofitentrien.Quecesoitunevictoireouunéchec
danslaguerre,ungrandprixontétépayé,etilsonttout
perdu,leurvieaussi.
Danslethéâtre,quicesoitlepersonnageprincipal
MèreCouragetlesautrescommelestratègedel’armée,
lescuisiniersetlesprostituéesaccompagnantes,tous
prennentla guerrecomme un gagne-pain,donc ils
soutiennentl’éclatementdelaguerre.L’auteurtransforme
laguerreen“meilleursmomentspourfaireunebonne
affaire”auregarddecespetitsgens.Aucontraire,ces
momentstourmentésnelesontpas,notammentpoureux.
Ungrandnombredegensordinairesontétébrûlésparle
feudeguerre,maisquiestpire,aprèsavoiréteintlapitié
etlamoralitéchezeux,laguerrelesforcentàsetuer
mutuellement,et ils,impitoyables, se réduisenten
meurtriersdanslaguerre,cependantilsnesontpas
naturellementméchants,toutcelaestleplustragique.Le
stratègedel’arméeabienexpliquélesraisonsdumal:
lescoupables,cesontceuxquidéclenchentlaguerreetils
déformelesfaits.Quantauxpetitsgens,ilssedénaturent
danslaguerre.Elleréveilleleuraspectleplussombreet
leplusignobledanslecœur,doncelleleurimposenon
Analysesurl’efficacitéduVerfremdungseffektdanslaFormationdusensTragique
duThéâtre Brechtien:PrendreCommeExempleMère Courage et ses Enfants
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