Discours de M. Abdou Diouf à Paris, le 05 juin 2013

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Paris, 5 juin 2013
Prix Félix Houphouët-Boigny pour la
recherche de la paix
Discours de
S.E. Monsieur Abdou DIOUF, Parrain du prix
Seul le texte prononcé fait foi
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« L’homme est le remède de l’homme ».
Ce proverbe wolof nous invite, tout à la fois, à la lucidité et à l’espérance, car si
« les guerres prennent naissance dans l’esprit des hommes », c’est aussi dans
l’esprit des hommes que naissent les promesses de paix.
Et le prix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix, du nom du grand sage de
l’Afrique qui a incarné au plus haut point cet idéal, est là pour nous le rappeler,
année après année. Aussi, suis-je très heureux, en qualité de Parrain du prix, de
pouvoir rendre hommage, une nouvelle fois, dans cette enceinte de l’Unesco,
Madame la Directrice générale, au lauréat honoré par les membres du jury et son
président, Mario Soares, avec l’appui du Secrétaire exécutif Alioune Traoré.
Je suis, par ailleurs, particulièrement fier, Monsieur le Président de la République
française, de pouvoir me joindre, aujourd’hui, à tous les chefs d’Etat et de
gouvernement, au Protecteur du prix et à toutes les hautes personnalités qui ont
tenu à venir vous témoigner leur reconnaissance et leur amitié.
« Le courage, disait Jean Jaurès, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel.»
Comprendre le réel, c’est comprendre que nous sommes tous des Maliens lorsque le
Mali est attaqué.
C’est comprendre que désormais les effets des crises, des conflits, du sousdéveloppement chronique ne peuvent plus être circonscrits aux seuls pays ou aux
seules régions qu’ils frappent, et que nous sommes tous concernés par les défis à
relever et les réponses à apporter.
C’est comprendre qu’en dépit de la crise économique, du chômage, des déficits
budgétaires auxquels ils sont confrontés, les pays développés et en paix, doivent
plus que jamais exercer leur devoir de solidarité.
C’est comprendre que l’alerte précoce et la prévention des crises et des conflits
doivent être sans cesse recherchées, mais qu’elles ne sauraient, en cas de carence
ou d’insuccès, dispenser d’une réaction rapide parce qu’il n’est pas de seuil de
tolérance envisageable lorsque la dignité, la survie, la vie de milliers de victimes
innocentes est en jeu.
C’est comprendre que rapidité peut rimer avec légalité, pour peu qu’on en ait la
volonté politique, et que réaction doit rimer avec consolidation afin que
s’enracinent, dans le temps, la réconciliation et les conditions d’épanouissement
de la sécurité, des institutions de l’Etat de droit, du développement.
Le courage, c’est effectivement comprendre ces réalités pour en tirer toutes les
conséquences, mais c’est aussi aller à l’idéal, et refuser, aujourd’hui, avec
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obstination, la régression universelle en matière de diversité culturelle, de
démocratie et de droits de l’homme dont nous menacent des fondamentalistes qui
ont pour vraie doctrine la haine de l’autre dans sa différence, des mystificateurs
qui font de l’islam une lecture dévoyée et infâmante pour tous les musulmans, des
terroristes entrés en croisade pour le pouvoir et la puissance que leur assurent les
trafics les plus vils.
C’est refuser que des théocraties, fondées sur des pratiques barbares et d’un autre
temps, se parent du nom usurpé de démocratie.
C’est refuser que les libertés et les droits fondamentaux, et particulièrement les
droits fondamentaux des femmes, ne soient bafoués, pire, ostensiblement niés.
C’est refuser le relativisme culturel au moment où la communauté humaine doit se
rejoindre dans l’universel.
C’est de cette compréhension du réel, c’est de cette volonté d’aller à l’idéal, en
un mot c’est de ce courage dont vous avez fait preuve, Monsieur le Président de la
République française, en répondant, sans conditions et sans calcul, à l’appel des
autorités et du peuple malien, en engageant la France dans une intervention tout
aussi solidaire que militaire, et en continuant, comme vous le faites, aujourd’hui,
en étroite collaboration avec les forces africaines et la communauté
internationale, à œuvrer pour que ce pays, cette région retrouvent le chemin de la
stabilité, de la sécurité et de la paix.
C’est ce courage que vient aujourd’hui consacrer le Prix Houphouët Boigny. Et au
moment de vous féliciter très sincèrement et très chaleureusement, permettez-moi
de former le vœu que ce courage dont vous avez fait preuve soit source
d’inspiration et d’encouragement pour toutes celles et tous ceux qui, comme vousmême, ont fait, leur, cette injonction d’Aimé Césaire :
« Il n’est pas question de livrer le monde aux assassins d’aube », cette aube
nouvelle à laquelle nous aspirons tous.
Je vous remercie.
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