Sébastien Chevrier – L’inhabitable est notre site – DPEA ENSAPLV – 2008 4
« L’inhabitable est notre site ». Ce passage du chant IV d’Étroits sont nos vaisseaux de
Saint-John Perse est ce qui fonde ici toute notre démarche, à tel point que nous faisons nôtre
cette affirmation, nous l’appropriant jusqu’à en faire le titre du travail présenté ici. Le
renversement, le tremblement compris dans cette sentence proche d’un aphorisme a agi
comme un véritable bouleversement, une remise en question de tout ce qui pouvait nous
apparaître alors comme allant de soi, notamment au niveau des connaissances acquises tout au
long d’une formation d’architecte.
Habiter n’est pas une expérience banale et ordinaire ; la littérature et les recherches à ce
sujet nous font prendre pleinement conscience de toutes les difficultés liées à ce concept.
Habiter a à voir avec notre existence et par là même, avec notre Être. L’« habiter » engage en
tout état de cause notre rapport à l’espace, il met en jeu notre rapport au monde et à Autrui. Il
a à faire avec notre positionnement dans ce monde qui encadre et accueille nos expériences.
Mais comment comprendre, dès lors, l’affirmation selon laquelle nous habitons l’inhabitable ?
Qu’est-ce qui est inhabitable ? De quel « site » nous parle le poète ? Est-ce le monde en
général ? l’espace ? la configuration matérielle de notre cadre expérientiel ? un endroit
particulier et singulier ? Comment même réussir à penser que l’on puisse habiter l’inhabitable
alors que nous avons le sentiment intuitif d’habiter, d’occuper l’espace, de nous l’approprier
et de le configurer pour qu’il réponde à nos besoins ? Lorsque nous échouons à rendre un
espace habitable, nous n’y habitons pas ou alors si tel est le cas, nous nous sentons relégués,
mis à l’écart d’une certaine « normalité ». Qu’aurait découvert l’auteur de ce vers lui
permettant de remettre en cause ces évidences toutes faites qui sont souvent les nôtres ?
Qu’est-ce qui lui permet d’affirmer que notre « site » est « l’inhabitable » ? Est-ce une vision
négative et pessimiste, une sorte de nihilisme vis-à-vis de la possibilité même d’habiter ?
Nous révèle-t-il l’échec de toute tentative d’habitation ? ou est-ce une affirmation dénuée de
tout drame, un simple constat de notre condition ?
C’est ce questionnement, appelant plus d’interrogations que de réponses, qui va devenir
la trame du travail présenté ici. D’autant plus en tant qu’architecte, la remise en question de