Imagerie et grossesse E. Elefant, M.-P. Cournot, F. Assari, C. Vauzelle* Les radiations ionisantes L’exposition aux radiations ionisantes en cours de grossesse génère toujours une forte inquiétude au sein du corps médical et du grand public. Les conséquences en termes de risque malformatif mais aussi fonctionnel et éventuellement carcinogène à distance sont régulièrement soulevées. Qu’en est-il ? Les malformations Rappelons qu’il n’a été observé aucune augmentation significative des malformations chez les enfants exposés in utero aux bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Les études épidémiologiques ont toutefois montré une petite augmentation de la mortalité, à la fois in utero et périnatale. Cela n’est peut-être pas dû à l’irradiation mais aux mauvaises conditions sanitaires consécutives aux bombardements. En ce qui concerne l’accident de Tchernobyl, les données chez les femmes enceintes sont très pauvres. Cependant, dans les pays où existe un enregistrement des anomalies à la naissance (Suède, Hongrie, certaines régions de France…), aucune augmentation de l’incidence des malformations et des fausses couches n’a été constatée. Une augmentation de certaines anomalies congénitales (microcéphalie, cataracte et retard de croissance) a été observée chez des enfants de femmes ayant reçu une radiothérapie en cours de grossesse, en particulier pour des cancers du pelvis. Aucune anomalie n’a été constatée pour des doses reçues par l’embryon inférieures à 30 cGy. Par prudence, et en prenant une marge de sécurité notable, il est admis qu’une dose inférieure à 10 cGy entraîne un risque tératogène négligeable qui ne justifie en rien d’interrompre la grossesse (il s’agit d’une dose-gonades, c’est-à-dire de l’irradiation reçue par l’embryon ou le fœtus et non des doses délivrées à la peau de la patiente, qui sont toujours supérieures). À ce jour, aucun examen de radiodiagnostic réalisé dans des conditions “standards”, même centré sur le petit bassin, ne délivre à l’embryon une dose aussi élevée. À titre d’exemple, une UIV ou une exploration “standard” du rachis lombaire exposent chacune à 1,7 mGy. Pour approcher du seuil de 10 cGy en dose-gonades lors d’examens de radiodiagnostic, il faut cumuler de nombreux examens centrés sur le petit bassin, comportant chacun de multiples clichés et/ou un temps de scopie particulièrement long. En pratique, dans ce cas de figure très rare, le recours à un service compétent pour le calcul de la dose-gonades peut être utile, le plus souvent pour rassurer. * CRAT : Centre de renseignements sur les agents tératogènes : hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Dr Arnold-Netter, 75571 Paris Cedex 12. Tél./fax : 01 43 41 26 22. Internet : http://www.lecrat.org. Le système nerveux central Lors d’irradiations massives in utero, un risque d’atteinte fonctionnelle du système nerveux central est décrit. La période à risque maximal se situe entre les huitième et quinzième semaines postconceptionnelles : c’est la période de multiplication des neuroblastes. Parmi les enfants irradiés in utero avec des doses-gonades supérieures ou égales à 50 cGy (doses obtenues lors de certaines radiothérapies), 20 % présentent une diminution du périmètre crânien et le pourcentage de retards mentaux est encore supérieur. Un effet dose pour le retard mental est vraisemblable lors d’irradiations massives du deuxième trimestre, mais le risque ne concerne jamais les examens de radiodiagnostic. L e s i n f o r m a t i o n s d u C R AT L e s i n f o r m a t i o n s d u C R AT Les cancers Le problème général de la carcinogenèse des radiations ionisantes se pose également pour les irradiations reçues in utero. La question a été soulevée par une étude de 1958 qui retrouvait une multiplication des leucémies par un facteur 1,4 chez les enfants nés de femmes ayant eu une radiopelvimétrie pendant leur grossesse, risque proportionnel au nombre de clichés effectués. Ces résultats sont comparables à ceux d’autres études épidémiologiques réalisées chez des enfants atteints de cancer, où seules les leucémies (et pas les tumeurs solides) étaient augmentées. Paradoxalement, il y eut très peu de tumeurs solides et aucune leucémie retrouvées parmi les enfants irradiés in utero à Hiroshima et Nagasaki, avec des doses considérablement plus importantes que celles de la radiopelvimétrie. L’augmentation des cancers serait de 0,7 % par Gy pour des doses reçues par le fœtus d’au moins 30 cGy en moyenne. En ce qui concerne les examens de radiodiagnostic courant, cette augmentation est tout à fait négligeable. En conclusion Pour des irradiations faibles (doses-gonades inférieures à 10 cGy), les risques de malformations congénitales, d’anomalies fonctionnelles et de cancers induits sont insignifiants. C’est le cas de tous les examens de radiodiagnostic même lorsque l’utérus est dans le faisceau. Néanmoins, comme pour tous les patients, les irradiations médicales devraient toujours être aussi faibles que possibles chez les femmes enceintes. Cependant, compte tenu du caractère négligeable des risques pour les examens de radiodiagnostic courants (y compris les scanners), la grossesse (quel que soit son terme) n’est pas un motif pour s’opposer à la réalisation d’un examen radiologique utile. La Lettre du Gynécologue - n° 324 - septembre 2007 La Lettre du Gynécologue - n° 320 - mars 2007 L e s i n f o r m a t i o n s d u C R AT L e s i n f o r m a t i o n s d u C R AT Les produits de contraste iodés L’IRM Si la thyroïde se met en place très tôt chez l’embryon, elle ne commence à fixer l’iode que vers 10-12 semaines d’aménorrhée. Avant cette date, il n’y a donc pas de risque d’atteinte thyroïdienne du fœtus en cas d’administration d’un produit iodé à la mère. Après 14 semaines d’aménorrhée, la surcharge iodée ponctuelle consécutive à l’utilisation du produit de contraste iodé peut, en théorie, entraîner une dysthyroïdie fœtale transitoire. Celle-ci, si elle existe, ne semble pas avoir de retentissement ultérieur, et ne justifie donc pas de surseoir à l’utilisation d’un produit de contraste iodé si celui-ci se révèle nécessaire à l’exploration radiologique maternelle quel que soit le terme de la grossesse. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire ne fait pas appel à des radiations ionisantes, mais place le corps humain dans un champ magnétique. Les données chez la femme enceinte sont peu nombreuses au premier trimestre de la grossesse, mais rassurantes sur le plan malformatif. Au cours des deuxième et troisième trimestres, le recours à l’IRM pour des motifs maternels ou fœtaux est fréquent. Compte tenu de l’absence de rayonnement ionisant, l’IRM peut être une alternative de choix aux autres examens (scanners) en cours de grossesse. Les examens diagnostiQUES de médecine nucléaire La plupart des procédures de médecine nucléaire à visée diagnostique utilisent des radionucléides à demi-vie courte (comme le technétium 99m) qui ne délivrent pas de fortes doses au fœtus et ne justifient donc aucune inquiétude. Les produits de contraste pour IRM La plupart des études expérimentales avec le gadolinium n’ont pas retrouvé d’effet tératogène chez l’animal et son passage transplacentaire semble faible. Les données disponibles chez la femme enceinte sont peu nombreuses au premier trimestre, mais sans élément inquiétant à ce jour. Les produits de contraste à base de gadolinium peuvent donc a priori être utilisés en cours de grossesse s’ils sont nécessaires au diagnostic maternel. n 6WdccZo"kdjhZiWc[^X^Zo YZhXgY^ihYZ;dgbVi^dcBY^XVaZ 8dci^cjZ :Y^bVg`HVcikdjhegdedhZYZhG:KJ:HYZ;DGB6I>DC IJcXdb^iYZgYVXi^dchX^Zci^ÒfjZZijcXdb^iYZaZXijgZfj^egdedhZciYZhVgi^XaZhh^\cheVgaZhVjiZjgh\VgVcih YZaÉ^cYZmVi^dc!ZiVXXdbeV\chYZaZjghXddgYdccZh I9Zhg[gZcXZhW^Wa^d\gVe]^fjZhhnhibVi^fjZbZciVeeZaZhYVchaZiZmiZ IAVcdi^dcYZÆXdcÓ^iYÉ^cigiÆXaV^gZbZci^cY^fjZVÒcYZ\VgVci^gaÉdW_ZXi^k^i!aVfjVa^iZiaÉ^cYeZcYVcXZhX^Zci^ÒfjZYZh Vgi^XaZhejWa^h IJcZejWa^X^ik^hjZaaZZi$djgYVXi^dccZaaZYjbY^XVbZciZiYjbVig^ZabY^XVaeVg[V^iZbZci^YZci^ÒZ! hVch^ciZggdbegZaVXdci^cj^iYÉjcVgi^XaZ IAZhVgi^XaZhYÉdgYgZhX^Zci^ÒfjZZiY^YVXi^fjZXdchi^ijZciaÉZhhZci^ZaYjXdciZcjgYVXi^dccZa <V\cZo)XgY^iheVgVcZckdjhVWdccVciYhbV^ciZcVci|jcZYZcdhejWa^XVi^dch kd^gcdigZWjaaZi^cYÉVWdccZbZcieV\Z'. 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