PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE Histoire AMÉRIQUE LATINE Structures sociales et institutions politiques par Jacques Lambert DEMAIN L'AMÉRIQUE LATINE par Gilles Gozard L'AMÉRIQUE ANDINE par Pedro Cunill dans la collection "Que sais-je ?" HISTOIRE DU MEXIQUE Le tigre de papier * On peut encore se demander aujourd'hui si le 10 juillet 1940 a vraiment vu mourir quelque chose, et quoi ? par François Weymuller 10 JUILLET 1940, LA FIN DE LA Ille REPUBLIQUE par Emmanuel Berl. Gallimard, 366 p., 25 F. LE PÉROU par Olivier Dollfus LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE par Jean Touchard HISTOIRE DE L'AMÉRIQUE LATINE par Pierre Chaunu GÉOGRAPHIE DE L'AMÉRIQUE DU SUD par Michel Rochefort L'ÉCONOMIE DE L'AMÉRIQUE LATINE par Jacqueline Beaujeu-Garnier COLLECTION TERRE HUMAINE DIRIGEE PAR JEAN MALAURIE Ettore Biocca YANOAMA Une « nouvelle Marne » Extraordinaires révélations d'une jeune blanche " raptée" à onze ans par des guerriers indiens inconnus avec lesquels elle vécut vingt deux ans dans la terrible forêt Brésilienne. Théodora Krceber ISHI Testament du dernier indien sauvage de l'Amérique du Nord " "Ishi" est sans doute le plus bouleversant qu'il m'ait été donné de lire... seul le journal d'Anne Frank peut-être..." -— Yves Berger (LE M ONDE) Page 40 Lundi 14 Qctobre 1968 - Le 10 juillet 1940, les Chambres déclarent que la République n'est plus ; et ce sont celles du Front populaire ! Ce devrait être un coup de théâtre scandaleux. Or, c'est à peine si on remarque l'arrêt de mort. Le 11 juillet au matin, il n'y a déjà plus un républicain sous les arbres de Vichy ; et la République elle-même s'est évanouie. Aussi, la « journée » du 10 juillet 1940 n'en est guère une. Comment oser dire qu'elle a « fait » la France ? Non seulement on ne discerne rien de conquérant dans cet effondrement de la classe Politique, mais même ce qui se défait était déjà, depuis bien des semaines, gommé. Ce sont des ombres chinoises qui s'agitent le 10 juillet sur la scène du grand casino de Vichy ; spectacle si fantômatique que l'auteur du récit n'est plus très sûr de son propos : fallait-il vraiment écrire un livre sur le 10 juillet 1940? PLON Le récit sinueux d'Emmanuel Berl rend physiquement sensible, et presque insoutenable, la difficulté de l'époque à se saisir, elle-même. Faut-il regretter -- on l'a fait — qu'il lui manque la fièvre de l'indignation, que -l'antagonisme des deux France y soit presque insensible, et que généralement les bons et les mauvais s'y partagent si malaisément ? Si tel était le récit, pourtant, il faudrait accepter d'en voir disparaître l'épaisseur, et comme la 'dimension d'avenir. Car ce livre frappe d'abord par la place qu'il fait aux sentiments de l'avenir, si souvent absents des livres d'histoire, où l'avenir des personnages n'est que le passé de l'historien. Dans le livre d'Emmanuel Berl, nul, en juillet 1940, n'agit comme si la suite des événements lui était déjà claire ; les choix et les paris individuels n'y sont jamais qualifiés — non plus que surestimés — par ce que contint effectivement l'avenir. On voit donc ici des hommes qui attendent sans savoir quoi ; que • l'écroulement militaire frappe d'une vraie stupeur ; qui espèrent follement le miracle, la « nouvelle Marne » ; qui n'ont pas encore tout à fait établi la liste des traîtres ; qui se trompent presque unanimement (« la guerre sera courte >>) ; que le nom dé Weygand, puis de Pétain, revigore pour un temps ; qui, dans un ciel de plus en plus opaque, cherchent à lire les présages de leur avenir. Et chaque, milieu a ses signes. Pour le mien, laïque et républicain, le signe de l'écroulement général, je m'en souviens, ce fut le « Te Deum » du 19 mai, où, après le conseil des ministres, le gouvernement s'en fut en corps à Notre-Dame pour prier Dieu d'accorder la victoire à la France ; par là la République avouait, et bien avant le 10 juillet, qu'elle s'abandonnait Un dragon de théâtre Dans la confusion des idées — à laquelle répond au même moment, sur les routes, « le fleuve monstrueux de véhicules en délire qui charrient sur leurs toits des objets aussi hétéroclites que la Seine dans la grande inondation de 1910» —, nul ne parvient même à discerner les grandes options qui restent au pays hébété. Juin 1940 voit pourtant un grand débat : celui qui oppose Reynaud à Weygand, les partisans de la capitulation à ceux de l'armistice. La capitulation ne change pas les données de la politique française. L'armistice les bouleverse. Il brise les liens diplomatiques avec la Grande-Bretagne ; il transforme la situation intérieure, chargeant les politiques, innocentant les militaires On voit bien, sitôt fait le choix de l'armistice, ce qu'il entraîne : quatre généraux ou amiraux aux côtés du maréchal dans le cabinet Pétain ; et, quelques jours plus tard, c'est Mersel-Kébir. Pourtant, les conséquences de ces deux options, et jusqu'à leur profonde différence même, qui alors les aperçoit nettement ? Ni les Français, anxieux seulement de savoir si on arrête ou non les combats. Ni l'auteur, ni de Gaulle même dont les discours de Londres utilisent l'un pour l'autre, et comme au hasard, les mots d'armistice et de capitulation. Il ne faut donc pas compter sur Emmanuel Berl pour simplifier ce qui n'a pu l'être que des années plus tard. Trente ans après les appels légendaires de• Londres, chacun est convaincu que les Français qui les entendirent n'y pouvaient faire que deux réponses, dont l'une excluait l'autre : pour de Gaulle et contre Vichy, pour Vichy et contre de Gaulle. Or, le 24 juin, Emmanuel Berl entend l'appel que de Gaulle lance à « tous les militaires français des aimées de terre, de mer et de l'air... » Sur sa table de travail, au même moment, il y a le prochain message du maréchal Pétain à la rédaction duquel il est attelé. Se remettre à ce travail, juste après avoir écouté, satisfait, la voix qui venait de Londres ? L'auteur, alors, n'y vit pas contradiction. Et beaucoup de ses amis se réjouissaient avec lui « qu'un nouveau Garibaldi à la tête d'une légion française, coopère à la défense éventuelle du territoire anglais, de l'Empire britannique... » Ce livre, on le voit, n'a rien d'un plaidoyer ni pour ni contre les premiers pas de Vichy. C'est le témoignage d'un esprit libre, insensible à toute distinction entre l'histoire sacrée et l'histoire profane ; qui peut avouer -