Episode 0
Juchée sur la proue du navire Asilyn fixait avec inquiétude les flots noirs qui se
déchaînaient contre la coque. Une vague immense s'élevait après l'autre, trempant la
gardienne ainsi que le reste de l'équipage de l'Etoile d'Atniz. Briskan se tenait au bastingage
à quelques mètres d'elle, exhortant les marins à tenir leurs postes au milieu de la tempête,
pendant que Syrah progressait dans les cordages, aidant les hommes à affaler les voiles
avant que les vents violents n'arrachent le mât principal. Nector et Igario se tenaient aux
côtés de leur maître, proche de la poupe. Ils transmettaient au capitaine l'emplacement des
écueils que leur signalait Asilyn.
Malgré plusieurs semaines de voyage, au cœur de la saison des tempêtes, l'équipage
n'avait jamais navigué sur des eaux aussi tumultueuses. L'orage s'intensifiait à chaque
instant, zébrant l'obscurité de traits de foudre et de grondements assourdissants.
L'embarcation progressait d'une crête vertigineuse à une fosse sans fond, ponctuée par les
cris d'un marin malchanceux disparaissant dans les flots voraces. La peur au ventre les
hommes maintenaient leur cap au travers de ce cauchemar vivant, refusant de penser à
leurs amis perdus, refusant de céder à cette terreur qui leur tendait les bras et leur
promettait un repos éternel pour peu qu'ils aient un simple moment d'inattention.
Une nouvelle crête, Asilyn plongea son regard dans les abysses, trop tard... Des
myriades de pointes acérées perlaient le creux de la prochaine vague. La gardienne se
retourna et dans la clarté de la foudre, observa une dernière fois ses compagnons
d'infortune se débattre contre des forces qui les dépassaient. L’Etoile d'Atniz bascula au
sommet de la vague, son éperon fixant irrémédiablement les rochers en contrebas.
Asilyn courait à présent vers la poupe, dans une tentative désespérée d'échapper à la
fatalité. Arrivée à mi-chemin du pont supérieur, un craquement titanesque couvrit le son
même du tonnerre, ébranlant la structure interne du navire, symptôme de sa déliquescence
fatale. Autour de la gardienne, les corps projetés des marins, aux hurlements perdus dans ce
capharnaüm, emplissaient l'espace. Le sol se déroba bientôt sous ses pieds alors que l'onde
de choc la rattrapait à son tour, propulsant son corps élancé dans les airs comme une
vulgaire poupée de chiffon.
Le temps passa alors au ralenti devant ses yeux ;
Asilyn put voir le mât, sur lequel se tenait encore Syrah, disparaître dans les flots, une
main terrifiée tendue vers elle, son esprit s'emplissant du cri de détresse de cette femme qui
avait été bien plus qu'une sœur pour elle ;