Le reflux gastro-œsophagien est la cause la plus fréquente
d’œsophagite. On estime que 20% de la population adulte est
affecté au moins une fois par semaine par ce type de trouble
du système digestif. Dans la moitié des cas, ce reflux induit
des lésions de l’œsophage visible à l’endoscopie. Si les
complications du reflux gastro-œsophagien sont plus
importantes avec l’âge, on ne sait pas si la sévérité de ses
symptômes augmente ou diminue chez le sujet âgé. Des
travaux antérieurs avaient montré que la fréquence et
l’importance des brûlures d’estomac ou la sensibilité
œsophagienne à l’acidité, par exemple, avaient plutôt
tendance à diminuer au cours du vieillissement. Il n’est pas
exclu ainsi que les patients âgés présentent une réduction des
symptômes du reflux gastro-œsophagien alors même qu’ils
développent des œsophagites érosives sévères. C’est cette
hypothèse qu’a voulu tester une équipe américaine.
Les données analysées provenaient de 5 études
prospectives randomisées, en double aveugle, menées dans le
cadre d’un programme multicentrique aux Etats-Unis.
L’objectif principal était de tester l’efficacité d’un traitement
de l’œsophagite érosive. La sévérité des symptômes à type de
brûlures épigastriques était évaluée au début de l’étude et
classée en 4 catégories : absences, légères et facilement
tolérées, modérées avec une gêne dans la vie quotidienne et
durant le sommeil, sévères avec impossibilité de mener une
vie normale. En parallèle, les patients étaient interrogés sur la
présence et l’importance de brûlures rétro-sternales ainsi que
d’une dysphagie. Ce questionnaire précédait une endoscopie
de l’œsophage et de l’estomac qui a permis d’identifier le
type d’œsophagite et sa gravité en utilisant la classification en
4 grades de A à D de Los Angeles.
L’ensemble de l’étude a porté sur 11 945 patients,
hommes et femmes, âgés de 18 à 75 ans qui avaient des
symptômes gastro-œsophagiens. Les patients qui étaient par
ailleurs atteints de pathologies gastro-intestinales ont été
exclus du recrutement. Etaient également inéligibles ceux à
qui étaient prescrits un inhibiteur de la pompe à proton ou un
antagoniste des récepteurs H2 à l’histamine dans les 2 à 4
semaines précédant le début de l’étude. Pour mener à bien
l’analyse statistique des résultats, les participants ont été
répartis en 7 classes d’âge : moins de 21 ans, 21-30, 31-40,
41-50, 51-60, 61-70 et plus de 70 ans. Dans cette population,
la fréquence des hernies hiatales passait de 52% entre 21 et
31 ans à 77% après 70 ans. Cette augmentation était
progressive avec l’âge. Le nombre de sujets positifs à
Helicobacter pylori était proche de 5% entre 20 et 40 ans
pour passer à 8% au-delà de 60.
La prévalence d’œsophagites sévères détectées à
l’endoscopie était très nettement liée à l’âge des participants.
Si elle ne représentait que 12% des patients de moins de 21
ans, elle était de 37% après 70 ans. A l’inverse, les
symptômes de brûlures d’estomac étaient plus importants
entre 31 et 41 ans, touchant 47% de cette tranche d’âge,
contre 30% après 70 ans. Parmi les sujets présentant un
niveau de brûlures d’estomac classé comme sévère, la
prévalence d’œsophagite était plus élevée (42%) chez les
sujets âgés que chez les 21-30 ans (23%). Parmi les patients
chez lesquels une œsophagite sévère avait été détectée, des
brûlures d’estomac intenses étaient notées chez plus de la
moitié des moins de 50 ans.
Cette vaste étude prospective multicentrique montre que
la prévalence d’œsophagites érosives augmente avec l’âge
alors même que les symptômes de brûlures diminuent.
Toutefois, lorsqu’un patient se plaint de brûlures d’estomac,
il a plus de chance de présenter une œsophagite érosive
sévère s’il a plus de 60 ans que s’il a moins de 40 ans. Parmi
les facteurs de risque physiologiques, on notera que si les
sécrétions acides gastriques semblent inchangées avec l’âge,
la production de bicarbonates salivaires à la suite d’un reflux
œsophagien acide serait réduite chez le sujet âgé. Sur une
période de 24 heures, le temps durant lequel la paroi
oesophagienne aurait ainsi un pH inférieur à 4,0 serait plus
important après 60 ans qu’avant 40. La plus grande
prévalence d’œsophagites avec l’âge pourrait être liée à des
épisodes plus fréquents de reflux gastro-œsophagien et dont
les conséquences seraient aussi plus graves sans pourtant que
leur perception augmente. Ces résultats montrent bien
l’importance qu’il faut accorder aux symptômes, même
discrets, de reflux gastro-œsophagien chez le sujet âgé afin
d’en éviter autant que possible les complications.
La prévalence des œsophagites érosives augmente avec
l’âge bien que les symptômes de reflux gastro-œsophagien
aient tendance à diminuer
©2004 Successful Aging SA
Johnson DA, Fennerty MB. Heartburn severity underestimates erosive esophagitis severity in elderly patients with
gastroesophageal reflux disease. Gastroenterology. 2004; 126:660-664.
Af 229-2004
L. Teillet
Hôpital Sainte-Périne, Paris.
21-30 31-40 41-50 51-60 61-70 >70
Prévalence d’oesophagite
sévère en %
20 23 25 26 30 37
Prévalence de brûlures
d’estomac sévères en %
43 46 42 37 34 30
Age des participants (ans)