convention  donnant  forme  aux  impulsions  informes  de  la  nature,  canalisées  par  l’intuition  et 
l’éducation.  
L’éthique et l’esthétique de soi : un idéal de perfection accomplie dans l’amour 
 
b) Arnolphe : une imagination malade 
 
Une idée fixe, la hantise du cocuage et chimère  du mariage, hantises de l’image. Deux images : 
répulsion pour cocuage et fascination narcissique pour le mariage qui lui apporterait le bonheur de 
se mirer dans les yeux d’une femme qu’il ne « prend que pour lui ». Piège de l’illusion  exprimée 
par l’extravagance revendiquée, décalage entre  image et  réalité de soi  d’où incompréhension  du 
phénomène qu’il vit. Marotte d’une femme stupide = frigide. Cette perversion peut bien prendre 
tour  à  tour  les  couleurs  d’une  obsession  malsaine,  d’un  plan  absurde,  d’un  projet  d’éducation 
mutilant, d’une prudence et d’une surveillance extravagantes, d’une fureur passionnelle et cruelle 
enfin : en tout cela, à chacune de ces étapes, on voit bien que l’artifice le dispute à la difformité ; 
et  tous  deux  sont  également  les  ennemis  jurés  de  la  nature,  de  la  nature  entendue  dans  un  cas 
comme pure naïveté, dans l’autre comme parfaite et harmonieuse mesure.  
 
Or  non  seulement l’intervention  d’Horace fait  échouer la combinaison qu’il  avait tramée  de  ces 
fantasmes  à  la  fois  liés  et  incompatibles,  mais  la  courbe  de  l’intrigue  amène  leur  exacerbation 
réciproque, le désir de mariage se métamorphosant en passion amoureuse, la hantise du cocuage 
devenant réalité avant même la bénédiction de leur union.  
 
C’est ainsi que le conflit à l’intérieur de son idée fixe entre les deux images qui la composent finit 
par  placer  le  personnage,  au  dernier  acte,  en  situation  de  suspension  et  d’angoisse —  on  dirait 
aujourd’hui en « inhibition de l’action » : le tyran dessaisi, le héros parodique, le tuteur foudroyé, 
caricature de héros tragique. 
 
2 — Raison et déraison comiques : portrait de Chrysalde en poète comique. 
 
a) Un personnage sémaphore 
 
Ses  apparitions :  exposition  et  acmé,  dénouement.  Sagesse  des  nations  (prudence)  et  paradoxe 
(consolation). Virtuosité sophistique, sens de la relativité, éloge paradoxal du cocuage. 
 
Sa fonction : relativiser. Débusque contradictions d’Arnolphe. Au lieu de se limiter à professer des 
vérités  rationnelles,  le  raisonneur  s’attache  plutôt  à  les  délivrer  de  l’opacité  pour  opposer  leur 
transparence lumineuse à l’ombre dans laquelle, face à lui, se complet l’extravagant aux conduites 
ridicules : le raisonneur a donc partie étroitement liée avec le ridicule. Tandis que le rire délivre un 
jugement  d’intuition  sur  les  comportements  déviants  et  absurdes,  le  raisonneur  en  débusque,  en 
déploie, en éclaire les contradictions qui suscitent l’hilarité : lucide, il transperce les obscurités de 
l’âme  égarée ;  il  les  expose,  au  sens  photographique  du  terme ;  il  instruit,  au  sens  juridique  du 
terme.  Le  raisonneur  élabore  la  vérité  plus  qu’il  ne  l’expose,  et  la  confronte  plus  qu’il  ne 
l’impose. 
 
b) Une métaphore de la comédie  
 
Situation  du  poète  comique :  école  de  lucidité,  sagesse  de  la  vérité,  distinctions,  prend  plutôt 
modèle  sur  l’ironie  socratique  que  sur  les  longues  « chaînes  de  raisons »  cartésiennes :  son 
universalité embrasse le dérisoire  autant  que l’essentiel, s’arrête  et  s’applique aux problèmes du 
cocuage  aussi  bien  qu’aux  interrogations  métaphysiques  sur  l’existence  de  Dieu.  En  quoi  elle 
constitue  en  quelque  sorte  une  projection  analogique  à  la  scène  de  l’activité  fureteuse  du  poète 
dramatique observant la société de son temps, sans préjugé, sans axe ni domaine privilégiés, sans