500 F N°147 • Août 2015 Partenaire d’un développement agricole durable Dossier Spécial Sols Nouvelle Classification des carcasses / p.16 Foire de Bourail : Programme des Espaces «Végétal et formation» et «Elevage» / p.48 Recherche • innovation • Transfert © IAC Améliorer la fertilité des sols La gestion intégrée de la fertilité des sols est nécessaire pour améliorer durablement la productivité agricole. Tour d’horizon… Auteurs : Cédric LE GUILLOU, chercheur en Sciences du sol, IAC Zacharie LEMERRE-DESPREZ, ingénieur en agronomie tropicale, IAC Camille GRIGIS, stagiaire Sup Agro Montpellier d’ingénieur agronome L es sols de Nouvelle-Calédonie sont très singuliers de par leur nature, leur diversité et leur variabilité spatiale, y compris à l’échelle de l’exploitation. On dénombre 20 types de sol en Nouvelle-Calédonie (Atlas de la Nouvelle-Calédonie). Le climat (gradient de pluviométrie EstOuest) et la diversité géologique de la Grande Terre et des Iles Loyauté constituent le fondement de cette grande originalité des sols. Cela se traduit par des caractéristiques pédologiques et géochimiques très particulières (sol hypermagnésien, sol à argiles gonflantes, sols calcaires, etc.) qui conduisent souvent à des carences (vraies ou induites) en éléments nutritifs. Par ailleurs, les sols de Nouvelle-Calédonie ont générale- 32 © IAC LA CALÉDONIE AGRICOLE ment des niveaux de matière organique satisfaisants pour les productions végétales, mais cette matière organique est bloquée et peu active. Les sols sont donc globalement pauvres en éléments nutritifs disponibles pour la plante. Une gestion intégrée de la fertilité des sols est nécessaire pour améliorer durablement la productivité agricole et elle constitue également un aspect fondamental de l’aménagement de l’espace rural. Stimuler l’activité biologique du sol Le sol n’est pas qu’un support de culture, c’est aussi un milieu vivant. Il abrite une énorme diversité d’organismes, depuis la bactérie jusqu’au ver de terre, mais cette biomasse du sol est encore largement méconnue. On estime le nombre de microorganismes à quelques milliards d’individus par gramme de sol, et la faune du sol représente plusieurs tonnes de biomasse à l’hectare. Le rôle des organismes est essentiel au bon fonctionnement du sol. Ils sont au centre du recyclage des éléments nutritifs (cycles du carbone, de l’azote et du phosphore) mais aussi de la structuration du sol, et donc de la fertilité globale des sols. Les vers de terre en sont un bon exemple. Ce sont des «ingénieurs du sol». Ils participent à la décomposition de la matière organique et à son incorporation dans l’ensemble du profil de sol. Par leur activité de fouissage ils créent de la porosité qui participe à l’aération et la circulation de l’eau dans le sol. Comprendre comment favoriser l’activité biologique du sol est indispensable dans un contexte de réduction des intrants minéraux. En Nouvelle-Calédonie, dans une situation de matière organique «pétrifiée», il s’agit notamment de «réveiller» l’activité biologique afin de stimuler le recyclage des nutriments à partir de la matière organique. Le sol, enrichi en humus et biologiquement actif, est alors en mesure de fournir les éléments nutritifs nécessaires à la production végétale (et animale). Leviers d’amélioration de la fertilité Le type de travail du sol (décompactage, non travail, travail superficiel, strip till), l’association de couverts végétaux (légumineuses, brise-vents), les apports de matières organiques (effluents d’élevage, composts) et le choix des cultures (diversification au sein de la rotation) sont les principaux leviers sur lesquels peuvent agir les agriculteurs pour améliorer la fertilité de leurs sols. Mieux connaître ces leviers d’action pour en optimiser leur effet permet de mieux gérer les intrants tout en respectant l’environnement. Des travaux de recherche réalisés à la Station de Recherche Agronomique de Pocquereux ont permis de démontrer qu’une gestion raisonnée du verger (broyage et enfouissement du précédent cultural puis engrais vert, amendements, culture sur billon avec mulch naturel et couvert de légumineuse) permet, après quatre années, d’augmenter de 57% la fourniture du sol en azote minéral. Cet azote minéral fourni par le sol est d’autant moins d’intrant minéral azoté à apporter. Des outils de gestion de la fertilité L’analyse de terre est le préalable à la gestion de la fertilité du sol. Trois types de paramètres sont analysés : physique, chimique et aujourd’hui également, biologique. Selon les cas, l’analyse de terre peut être complétée par une analyse pédologique et un diagnostic du végétal (analyse foliaire). L’objectif de l’analyse de terre est d’établir et d’interpréter la situation de la fertilité du sol afin d’éla- N°147 Août 2015 © IAC borer un plan de fertilisation adapté à la parcelle de l’exploitation et à la rotation culturale prévue. L’analyse physico-chimique (texture, teneur en matière organique, pH, capacité d’échange cationique, etc.) est aujourd’hui complétée par des analyses biologiques (biomasse microbienne, activité minéralisatrice du carbone et de l’azote, etc.) qui permettent d’améliorer le diagnostic et aussi d’identifier rapidement des changements de la fertilité du sol. En effet, les paramètres biologiques peuvent être utilisés comme indicateur de la fertilité des sols car ils réagissent vite aux changements de pratiques culturales. Identifier les indicateurs de la fertilité du sol constitue un enjeu d’actualité. De récents travaux de comparaison d’itinéraires techniques à la fois en grande culture (comparaison labour et Semis direct sous Couverture Végétale menés par le CREA / ADECAL depuis cinq ans) et en culture fruitière ont été menés. Il a été observé que le nombre de vers de terre augmentait (multiplié de 1.6 à 5.5) dans les nouveaux itinéraires (gestion raisonnée en culture fruitière et SCV en grande culture). Ce retour des vers de terre pourrait constituer pour les agriculteurs un bioindicateur simple de suivi de la fertilité du sol lors d’un changement d’itinéraire technique. Les travaux sont en cours pour identifier et valider ces indicateurs et également afin de poursuivre l’étude des leviers d’amélioration de la fertilité du sol à travers la stimulation de l’activité biologique bénéfique (mycorhization, activité de minéralisation, biomasse microbienne, faune du sol, etc.). Référence : Bonvallot J., Gay J.-Ch., Habert E. (coord.), 2012, Atlas de la Nouvelle-Calédonie, Marseille-Nouméa, IRDcongrès de la Nouvelle-Calédonie, 272 pages. N°147 Août 2015 © IAC © IAC L’IAC renforce une voie de recherche : les Sciences du sol En novembre dernier, l’IAC a recruté un nouveau chercheur, Cédric Le Guillou, spécialiste en Sciences du sol. Ce recrutement renforce la voie d’une activité de recherche, les Sciences du sol. Rencontre avec celui qui entend bien prendre le terreau par les cornes… Propos recueillis par Estelles Bonnet-Vidal 2015 est l’année internationale du sol. Justement en quoi le sol est-il important ? CLG : Le sol accomplit, de manière souvent inaperçue, de nombreuses fonctions. Le sol et l’agriculture sont intimement liés. A l’échelle planétaire, 90% de ce que les populations humaines mangent provient du sol. Le sol est essentiel à la production végétale. Il est aussi un allié important dans l'adaptation au réchauffement climatique et son atténuation, puisque le sol contient plus de carbone que la végétation et l'atmosphère réunis et il est par ailleurs encore capable d'en séquestrer (puits de carbone). Il abrite également une riche biodiversité encore largement méconnue : insectes, vers, champignons, bactéries qui décomposent la matière organique. Le sol est une interface cruciale dans le cycle de l’eau. Il absorbe une partie de l’eau de pluie, qu’il filtre, et participe à la prévention des inondations. Quelles seront vos activités de recherche à l’IAC ? CLG : Je vais essentiellement travailler sur la fertilité du sol. Produire davantage nécessite d'avoir des sols riches en éléments nutritifs. Or, la disponibilité en éléments nutritifs est un facteur limitant des sols de Nouvelle-Calédonie. Pendant longtemps, l’apport de fertilisants minéraux a permis aux agriculteurs de contourner cette difficulté. Mais on arrive en bout de course, et d'un point de vue aussi bien environnemental qu'économique, il faut réduire leur usage. Mes recherches vont s’intéresser aux leviers agronomiques pour intensifier les processus biologiques qui enrichissent naturellement le sol en éléments nutritifs. Quelles sont vos premières observations sur le sol néo-calédonien ? CLG : Il existe une grande variabilité de sols et une grande diversité de savoirs faire dans l’usage du sol et la gestion de sa fertilité. Une première étape consistera donc à faire un état des lieux et d’évaluer le potentiel des sols. Ensuite, il s’agira de mettre au point des expérimentations pour améliorer la fertilité en mobilisant la vie du sol. Il y a de quoi faire et les recherches s’annoncent passionnantes ! Bio express : Né dans les Côtes d’Armor en 1983, Cédric Le Guillou est titulaire d’un doctorat en Sciences du sol et a effectué sa thèse à Agrocampus Ouest (UMR Sol Agro et hydrosystème Spatialisation) à Rennes. Spécialiste de la dynamique de la matière organique du sol, il a collaboré avec Agriculture and Agri-Food Canada et effectué des postdoctorats au sein de l'INRA (UMR Agroécologie) et du CNRS (UMR Biogéosciences) de Dijon. LA CALÉDONIE AGRICOLE 33