Éthique et argent
« PROFESSIONAL HEALTH SERVICE NETWORK
(PHSN-TV) nous offre un auditoire cap-
tif, c’est la solution idéale pour notre
stratégie promotionnelle », proclame
Brian Roberts, président d’OBUS
FORME et annonceur publicitaire sur le
réseau PHSN-TV. «Les consommateurs
peuvent essayer notre produit dans la
salle d’attente de leur médecin ou de
leur chiropraticien en même temps qu’ils
regardent notre publicité sur PHSN. Si le
produit les intéresse, ils peuvent s’in-
former davantage en consultant les
dépliants également disponibles dans
l’aire d’attente », ajoute-t-il. Pour un
annonceur, que demander de mieux?
Mais pour vous, médecins, ce type de
service est-il avantageux?
« Le problème avec ce genre de pro-
grammation en circuit fermé qui diffuse
de la publicité, c’est justement que le dif-
fuseur profite d’une clientèle captive.
Une clientèle qui n’a pas demandé à se
faire imposer de la publicité et qui, en
plus, est malade, donc plus vulnérable.
D’un point de vue éthique, c’est dis-
cutable », pense Marie-Claude Prémont,
vice-doyenne aux études supérieures à
la Faculté de droit de l’Université McGill
et spécialiste en éthique de la santé.
Selon elle, l’implantation de ce type de
service dans la salle d’attente d’une cli-
nique médicale est aussi une façon
d’éviter le vrai problème : celui du temps
d’attente trop long.
Selon le code de déontologie des
médecins, « le médecin doit s'abstenir
d'accepter, à titre de médecin ou en uti-
lisant son titre de médecin, toute com-
mission, ristourne ou avantage matériel
mettant en péril son indépendance pro-
fessionnelle ». Le projet des télévisions
dans les cliniques médicales est entière-
ment conforme au code de déontologie,
puisque le médecin n’est pas rémunéré
et ne reçoit pas de ristournes pour l’ins-
tallation ou la « location » d’espace dans
sa clinique. Bien que les télévisions
soient offertes gratuitement, la clinique
médicale n’en est pas propriétaire.
Indépendance en danger?
« Si je n’ai pas de contrôle sur ce qui est
diffusé sur le poste de télévision qui est
installé dans ma clinique, j’ai quand
même une responsabilité. Tandis que si
j’installe moi-même un téléviseur
branché sur le câble, les gens savent
que la responsabilité du contenu est
prise par Radio-Canada ou TVA. Et les
patients ont quand même de quoi se
divertir! » nous indique Dr Jean Maziade,
directeur de l’unité de médecine fami-
liale Haute-Ville de Québec. Il se ques-
tionne : « Comment puis-je accepter que
n’importe quelle compagnie vienne faire
de la publicité dans mon milieu de tra-
vail? Qu’est-ce que mon patient va
MARS 2005 SANTÉ INC.
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Qui paye pour de la publicité?
Principalement de grandes entreprises
de consommation, notamment Ford,
McDonald's et Unilever. Les publicités
sont ainsi destinées aux patients, pas
aux médecins. Les publicités pharma-
ceutiques sont donc absentes, à l'excep-
tion des produits disponibles sans ordon-
nance comme Aspirin ou Tylenol, par
exemple. Inutile de rappeler qu'il est
interdit au Canada de promouvoir des
produits pharmaceutiques d'ordonnance
directement aux patients.
Le contenu est créé par les grandes
chaînes de télévision. Au Canada
anglais, le groupe est appuyé par
Canwest, Alliance Atlantis et autres,
offrant d'ailleurs aux téléspectateurs des
capsules provenant du Discovery
Channel, du National Geographic
Channel et de Global. La version québé-
coise du contenu sera conçue par une
chaîne télévisuelle locale. De plus, en
partenariat avec Rogers Media, les clin-
iques médicales qui utilisent les écrans
de PHSN-TV au Canada anglais
reçoivent gratuitement des magazines
grand public, tels que Maclean's. Un tel
partenariat sera-t-il repris au Québec,
avec Rogers Media? Très probable.
« Nous espérons mettre à la disposition
des médecins du Québec notre réseau
de télévisions - avec un contenu fran-
cophone - dans les prochains mois »,
nous indique Ed Voltan. Qu'en pensent
les médecins du Québec? Qu'en pense
le Collège des médecins? Est-ce con-
traire à votre code de déontologie? Qu'en
pensent les patients? Sarah-Catherine
Lacroix vous donne les réponses ci-
dessous dans
Éthique et argent
dans la
salle d'attente. ⌧
Éthique et argent
Où se trouve la limite entre la satisfaction des patients et l’éthique?
Par Sarah-Catherine Lacroix