141
l’absence de référence), telles sont les principales motivations du réalisme
putnamien.
Pour Putnam, si la référence évolue avec nos croyances, elle confronte
les scientifi ques à une même réalité quelle que soit l’époque ; ce n’est pas
tant la référence qui évolue, que la perception qu’ils s’en font¹¹. Les théo-
ries et la perception de la référence évoluent avec le progrès scientifi que,
permettant à la référence de se préciser. Les théories anciennes de la science
qui utilisaient certains concepts se référaient bien aux mêmes entités que la
science contemporaine, même si ce que ces théories en disaient était faux¹².
Les nombreux termes scientifi ques apparus au cours de ces cinq dernières
décennies, qui ne renvoient à aucune référence dans la science du début du
siècle, permettent aux scientifi ques de mieux préciser ces concepts. Putnam
nous explique que le terme « particule » utilisé par Bohr en renvoie à
notre concept actuel d’« électron »¹³.
En permettant à plusieurs termes diff érents de désigner la même réfé-
rence, le réalisme putnamien reconnaît le caractère transthéorique de cette
dernière¹⁴. Même si l’auteur parle du caractère transthéorique des termes
censés représenter la référence, il semble que ce caractère concerne davan-
tage la référence¹⁵. En eff et, si plusieurs termes distincts peuvent désigner
une référence unique, la seule chose qui soit réellement transthéorique
(c’est-à-dire présente dans toutes les visions théoriques), c’est l’unicité de la
référence. Ce caractère transthéorique de la référence, Putnam l’a qualifi é
de « transculturel » (a, p. ) et l’évoque dans sa confrontation entre
la physique de Bohr et la physique contemporaine ou encore dans ses écrits
consacrés à l’histoire de l’électricité¹⁶.
Putnam, , p. : « Pour un internaliste, il n’y a là rien de problématique : pourquoi ne
pourrait-il pas y avoir parfois des schémas conceptuels également cohérents, mais concep-
tuellement incompatibles, qui s’accorderaient tout aussi bien avec nos croyances dérivées de
l’expérience ? Si la vérité n’est pas une correspondance (unique), alors un certain pluralisme
devient possible. ».
Ibid., p. et .
Putnam, , p. . Le savant danois aurait, au cours de ses recherches, profi té d’un introducing
event lui permettant de mettre au jour l’existence d’une réalité particulière encore constitutive
de notre savoir contemporain.
Ibid. « Realists have held that there are successive scientifi c theories about the same things:
about heat, about electricity, about electrons and so forth; and this involves treating such terms
as “electricity” as transtheroretical terms… as terms that have the same reference in diff erent
theories. »
C’est également la position défendue par Letson, , p. .
Ibid., p. . « Benjamin Franklin knew that “electricity” was manifested in the form of sparks
and lightning bolts; someone else might know about currents and electromagnets; someone
else might know about atoms consisting of positively and negatively charged particles. ey
RORTY : CRITIQUE DAVIDSONIENNE DU RÉALISME PUTNAMIEN